Investir dans la valeur, un exercice facile : il « suffit » d’acheter sous la vraie valeur

Nous revenons sur une réflexion que notre ami Stéphane faisait à l’occasion de cet article.

Il nous disait : « Ce qui me gène le plus dans votre « philosophie » d’investissement, c’est qu’elle repose sur le fait qu’un cours de bourse se rapprocherait d’une vérité mathématique. Hors, je suis intimement convaincu que la bourse n’a aucun rapport avec une quelconque réalité (ni en macro, ni en micro). »

Bien évidemment, nous ne pouvions souscrire à cette opinion même si nous la respectons.  Nous répondions alors : « nous sommes convaincus qu’un cours de bourse sur le long terme aura tendance à rejoindre la « vraie » valeur de l’entreprise. Au cours de la période, il y aura soit des exagérations à la hausse ou des exagérations à la baisse (dont les investisseurs « value » tenteront de profiter) mais à un moment ou à un autre, le cours de l’action passera par la valeur économique de l’entreprise. »

Ce graphique de Morningstar tend à démontrer que notre raisonnement n’est sans doute pas tout-à-fait faux (cliquez sur « Max »).  Morningstar établit la « fair value » de la bourse américaine selon la méthode de « l’actualisation des flux de trésorerie futurs » de chaque société.  La période sous revue est effectivement un peu courte mais force est de constater que la bourse américaine, selon cette méthode, n’est jamais très longtemps ni fortement surévaluée ni fortement sous évaluée et que, régulièrement, les cours tendent à passer par cette juste valeur.

Nous pensons que ce graphique global peut très bien s’appliquer à chaque action prise individuellement.  Selon nous, la vraie « valeur » d’une entreprise suit une courbe peu volatile sur le long terme alors que sa valeur boursière fluctue énormément sur le moyen terme (précisons que par « moyen terme », nous entendons des périodes de 3 ou 4 ans et que le long terme se situe au-delà des dix années).  Il n’empêche que ce graphique de Morningstar tend à confirmer notre postulat selon lequel la volatilité des cours est une excellente alliée pour l’investisseur dans la valeur qui peut profiter de ces fluctuations de moyens termes pour surperformer la bourse sur le long terme.

Et finalement, plutôt que de « mouiller son doigt » pour tenter de déterminer la direction du vent, se baser sur la valeur nous semble rester, plus que jamais, la meilleure manière d’investir.

Chris Browne (2) : Un calcul relativement simple mais qui exigeait un travail laborieux

Nous poursuivons ici, après un petit portrait de famille attachant, notre « exploration » du livre de Chris Browne.

Page 120 :

« A mes débuts dans le monde de l’investissement…….Je devais étudier  le répertoire des entreprises de « Standard & Poor’s » (Standard & Poor’s  directory of Corporation) page par page et analyser leur actif net courant par action, l’une des mesures dans la valeur que privilégiait Ben Graham. Il commençait par s’intéresser aux actifs courants dans le bilan de la société : toutes les liquidités, les stocks et les créances recouvrables des clients, soit les actifs dont il estimait qu’ils pouvaient être vendus relativement rapidement. Puis il déduisait de ces actifs courants tout ce que devait la société. Il divisait le solde restant par le nombre d’actions en circulation pour déterminer l’actif net courant par action. Si le titre s’échangeait à deux tiers ou moins de l’actif net courant, il l’achetait. »

Commentaire : Nous vous avons déjà expliqué à maintes reprises, le travail de recherche lié aux daubasses, mais le voir écrit noir sur blanc, une nouvelle fois  de la plume de Chris Brown, nous amène à formuler quelques réflexions supplémentaires.

 

Investir en daubasses : un avantage concurrentiel certain

Il semblerait que depuis plus de 60 ans, les investisseurs dans la valeur, non seulement appliquent toujours le même calcul mais doivent toujours et encore affronter une somme de travail assez laborieux … et nous nous en réjouissons car, finalement, ce dur labeur constitue un peu notre « barrière contre la concurrence » à nous, les « value investors ».

C’est vrai que les bases de données avec l’avènement d’internet, ont remplacé avantageusement le support papier car il vous propose une sélection de sociétés selon des critères et ratios choisis par l’investisseur.  C’est un pas énorme en avant et qui diminue en partie la somme de travail à fournir. Chris Brown l’évoque également quelques pages plus loin.

Par contre aucune base de données n’est encore capable aujourd’hui de vous proposer quelques calculs plus précis avec un haut degré de fiabilité.  Ce qui vous oblige finalement à ouvrir les rapports annuels pour dresser une liste correcte.

A ce jour et avec toute nos expériences et discussions réunies, nous n’avons jamais entendu dire que les maisons réputées pour leurs analyses employant des équipes à la fois diplômées et  chevronnées et fournissant la majorité des Zinzins ( pour les Z’ investisseurs Z’institutionels ) comme Meryl Lynch ou Bloomberg, proposaient des rapport détaillés sur des sociétés que nous cataloguerions « daubasses ».

Et de notre point de vue, ce n’est pas qu’ils n’en seraient pas capables mais plutôt parce que cela ne correspond pas à la demande de leurs clients. En d’autres mots, la grande majorité des investisseurs professionnels ne sont pas intéressés par des sociétés très bons marchés qui ont des problèmes d’avenir. C’est simple la « daubasse » n’intéresse pas beaucoup de monde quand elle est proposée par Mister Market à un prix de daubasse …

Nous pouvons par contre vous certifier, en tant que témoins directs, que tous les analystes et les investisseurs sont extrêmement nombreux à reconsidérer leur jugement dès qu’une « daubasse » voit son court multiplier par 4 ou 5…

En moins de quelques mois le statut d’une telle société peut passer de « daubasse-infâme-à-ignorer-pendant-au-moins-la-prochaine-décennie » au statut de small cap de l’année + 600% avec un avenir radieux et un vent puissant dans le dos.

Ce qui est le plus étonnant, c’est qu’à ce stade d’avenir radieux jugé à l’unanimité de l’unanimité par monsieur Marché, il n’y a parfois pas le moindre profit comme les années précédentes, il y a parfois juste des pertes trimestrielles moins importantes ou un événement qui fait penser au marché que cette fois ça y est : c’est la timbale. Et que le raté de 600% au départ, ne sera que pacotille en rapport au futur radieux.

L’avantage de l’investisseur intéressé par la « daubasse » cher lecteur, à ce stade de la réflexion, ne vous échappe certainement plus.  C’est bien évidemment que la grande majorité des investisseurs, tant professionnels qu’amateurs, n’ont pas le moindre intérêt pour une société sans avenir, même à très bon prix.  L’industrie de l’investissement a avant tout besoin de belles histoires et de grands fantasmes et aucun cas de sociétés ayant rejoint la zone crépusculaire des problèmes en tout genres.

En plus et pour terminer, nous ne pensons pas que cela fait très sérieux dans le monde de l’investissement qui reste quand même d’une rare superficialité, d’expliquer que 85% de son portefeuille est constitué de sociétés qui n’ont pas affiché le moindre profit depuis deux ou trois ans et qui fabriquent des produits qui ne se vendent presque plus, que la direction a été remplacée récemment ou a englouti les liquidités de la société accumulées depuis 3 ans dans des produits structurés dont la valeur reste approximative !

Même à notre niveau « goutte d’eau », nous avons déjà surpris, au détour d’un forum, quelques échanges  sur le sérieux de notre démarche.

 

Conclusion

Nous pensons en conclusion que ce crash que nous avons tous vécu en 2008, restera, dans notre vie d’investisseur la leçon exemplaire. Car sans ce crash, nous n’aurions jamais pris conscience de manière aussi aigue, car douloureuse que le prix payé, pour une affaire est d’une importance capitale, que l’avenir radieux d’une société peut s’avérer catastrophique, si cet avenir n’est pas construit sur une base solide et que les sociétés même entrées dans des zones crépusculaires, peuvent garder une valeur sous certaines conditions. Car le lire est une chose, le vivre en est une autre.

Nous verrons dans un prochain épisode quels sont les critères qu’exige Chris Browne d’une société pour qu’elle devienne une cible d’investissement potentielle.

 

<< Chris Browne (1/4) : dites moi qui vous fréquentez, je vous dirai qui vous êtes

>> Chris Browne (3/4) : quand une affaire n’est pas une affaire

Portefeuille au 5 Mars 2010 : 1 an et 101 jours

Cliquez sur les tableaux pour les agrandir
  • Portefeuille : 72 215,09 € (Frais de courtage et de change inclus)
  • Rendement Total : 346,73%
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  • Rendement Annualisé : 222,96%
  • Rendement 2010 : 13,48%
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  • Rendement 2009 : 308,74%
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  • Taux de Rotation Annualisé : 104,20%
  • % Frais Annualisé : 2,65%
  • Effet Devise Total : 0,63%

 

  • Tracker ETF Lyxor MSCI World : 21 645,28 € (Frais de courtage inclus et dividende réinvesti)
  • Rendement Total : 32,32%
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  • Rendement Annualisé : 24,53%
  • Rendement 2010 : 5,14%
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  • Rendement 2009 : 29,82%
 * Nous rappelons que ce portefeuille est un investissement réel

 Performance mensuelle du portefeuille depuis sa création

Monsieur, pourquoi ne comprenez-vous jamais rien aux daubasses ?

Rassurez-vous cher lecteur, ce n’est pas vous que nous apostrophons ainsi (vous qui d’ailleurs pouvez très bien être une lectrice) mais bien le meilleur allié des investisseurs dans la valeur : Mr Market.

Ainsi, hier, nous apprenions qu’une de nos participations, Nu Horizon Electronics annonçait que son principal fournisseur, Xilinx, avait décidé de mettre fin au partenariat entre les deux entreprises.  Et le cours de Nu Horizon de chuter d’une trentaine de pourcents suite à cette annonce.

Nous avons tenté de comprendre quelles sont les conséquences de cette annonce.

Certe, 32 % du chiffre d’affaires de Nu Horizon Electronics est réalisé sur des produits « Xilinx ».  Et forcément, à court terme et probablement à moyen terme, l’entreprise va perdre cette part de chiffre d’affaires.

Et pourtant, nous répondons, interloqués : « et alors, qu’est-ce que ça peut bien faire ? »

Il faut d’abord savoir que Nu Horizon est un revendeur.  Autrement dit, la plus grosse part de ses frais est variable puisque constituée des marchandises achetées :  une marchandise que l’on ne vend plus ne doit plus être achetée.

Il faut également savoir que le stock de Xilinx détenu par Nu Horizon peut être retourné au fournisseur à ses frais.  Il se fait que ce stock pèse 2,21 usd par action.  Et donc, voilà qu’à terme, Nu Horizon va voir une partie de son stock transformée … en cash pour l’équivalent de 67 % de son cours actuel.

 

Quels sont alors les scenarii pour la suite ?

–         Celui qui semble privilégié par la direction est de réaffecter les moyens matériels, financiers et humains au développement des produits des autres fournisseurs, voir de développer de nouveaux partenariats.  Ce scénario ne semble pas inenvisageable d’ailleurs : il est possible que d’autres fournisseurs ait refusé de collaborer avec Nu Horizon en raison même d’un partenariat privilégié avec un concurrent.  Evidemment, nous entrons là dans le domaine des conjectures, domaine que nous tentons au maximum d’éviter dans nos décisions d’investissement.

–         Un autre scénario serait d’adapter la structure de frais à la nouvelle taille de l’entreprise et de distribuer aux actionnaires le cash excédentaire.

Ce qui nous semble en tout cas  excessif, c’est la réaction du marché (et des analystes) suite à cette annonce.  Imaginons que la société doive se restructurer et que cette restructuration coûte à l’entreprise l’équivalent de trois mois de l’ensemble de ses frais de fonctionnement (ce qui nous semble énorme) : la valeur d’actif net tangible serait encore de 5,63 usd … à comparer à un cours actuel de 3,31 usd.

 

Conclusion

Cette affaire nous semble assez révélatrice de la manière dont le marché interprète une nouvelle : en utilisant des raccourcis pour tirer des conclusions comme dans le cas présent : arrêt de la collaboration avec un fournisseur ==> les produits du fournisseur représentent une grosse part des ventes ==> la société va perdre une grosse part de ses ventes ==> je vends à tout prix.

Nous n’avons évidemment pas la certitude que le raisonnement que nous avons tenu soit le bon mais nous pensons que celui de Mr Market, ce grand allergique aux « daubasses », n’est quant à lui certainement pas « juste ».

<< Ce n’est pas nécessairement la création de valeur pour les actionnaires qui enrichit les actionnaires …

>> Le cas de Nu Horizon (2e partie)