Bas les masques – Bluegreen

Après un gros doublement de son cours, il est temps pour nous, cher lecteur, de vous dévoiler le nom de la société « masquée » n°7 de la dernière situation de notre portefeuille : il s’agit de Blue Green Corp.  Nous vous transcrivons ci-dessous également l’analyse que nous avions adressé à nos abonnés au moment de notre achat.

 Bluegreen Corp est un promoteur immobilier, actif dans deux grands segments : les centres de vacances et les communautés résidentielles.

Le premier segment  achète, développe, vend et gère des biens immobiliers sur des lieux de villégiature.  Les propriétaires peuvent acquérir des périodes de vacances sur ces biens, ce qui leur donne droit à des « points » échangeables contre d’autres périodes de vacances sur d’autres endroits détenus par le groupe.

Le deuxième segment commercialise des lotissements résidentiels « de luxe » avec notamment terrains de golf ou infrastructure de ce type.

La société a été constituée en 1966 et a son siège social en Floride.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que les activités de l’entreprise sont hautement cycliques et fortement influencées par  la conjoncture économique.

Le 30 novembre 2009, nous avons acheté des actions Bluegreen Corp à un cours de 2,28 USD.

 

I.                  La valeur d’actif net net (VANN)

 

Au 30 septembre 2009, la société présentait un actif courant de 30,01 usd par action, duquel nous avons soustrait les dettes de 24,39 usd.  En raison d’un ralentissement dans la rotation des stocks et des créances, nous avons également été contraints de redresser la valeur de ces deux postes en appliquant des réductions de valeurs respectives de 1,577 et 2,759 usd. Nous avons donc établi la VANN de Bluegreen à 1,282 usd. Nous n’avons donc aucune marge de sécurité par rapport à notre coût d’achat sur cette valeur.

II.               La valeur d’actif net estate (VANE)

Dans le bilan au 31/12/08, nous trouvons, à leur valeur d’acquisition, des terrains, des constructions, des terrains de golf et des aménagements de terrains de golf pour une valeur d’acquisition de 3,24 usd.  Nous prenons notre traditionnelle marge de sécurité de 20 % sur cette valeur et l’ajoutons à la VANN.  Nous pouvons donc fixer la VANE de Bluegreen à 3,87 usd, ce qui nous procure, à notre prix d’achat, une marge de sécurité de 41 %.

III.           La valeur de mise en liquidation volontaire (VMLV)

Nous allons reprendre un à un les postes de l’actif au 30 septembre et vérifier la pertinence de la valorisation indiquée par la direction.

Le cash représente 2,62 usd par action et n’appelle aucun commentaire.

Les contrats des clients en cours représentent un montant symbolique de 0,13 usd.  Nous appliquons une marge de sécurité forfaitaire de 25 % et les reprenons pour 0,10 usd.

Les créances commerciales représentent un montant très conséquent de 10,40 usd.  Ceci s’explique par le fait que l’entreprise pré finance pour le compte de ses clients les acquisitions de « périodes de vacances ».

Le premier point que nous relevons est le fait que la direction a acté des réductions de valeur pour 13,2 % de la valeur brute de l’encours.  La direction est-elle suffisamment prudente ou non lorsqu’elle inscrit pareille provision ? Nous avons voulu juger sur base du passé : au cours des 5 dernières années, nous constatons que la direction a, au cours de chaque exercice, acté des provisions pour créances douteuses supérieures aux pertes réelles encourues (sauf en 2005 où un léger dépassement a eu lieu). Globalement, du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2009, la direction a constitué pour 145,9 M USD de provisions pour créances douteuses alors qu’elle n’a eu à subir que 112,3 M USD de pertes réelles. Nous pensons donc que la direction est rationnelle et réaliste dans la constitution de ses provisions. Néanmoins, lors du calcul de la VANN, nous avons constaté un allongement du délai moyen de paiement et avions acté, en méthode automatique, une réduction de valeur complémentaire à la direction et représentant 26 % de la valeur aux comptes. Cette réduction semi automatique, ajoutée aux provisions déjà effectuées par la direction, nous semble trop élevée et nous décidons donc d’agir de manière plus réfléchies et de réduire la valeur brute des créances de 25 % au total et donc de les reprendre pour 9,47 usd.

Nous reprenons les dépenses payées d’avance pour leur montant aux comptes soit 0,36 usd.

Nous constatons la présence d’autres actifs pour 1,13 usd. Faute d’information pour pouvoir les identifier, nous appliquons une marge de sécurité de 50 % et les reprenons pour 0,27 usd.

Les stocks se composent  de 15,8 % de terrains en « zone de vacances », les biens immobiliers de vacances terminés représentent 53,8 %, les constructions en cours 0,3 % et les lotissements résidentiels 30,1 %. En raison du ralentissement de la rotation de ces stocks, nous avions acté, lors du calcul de la VANN, une réduction de valeur automatique sur l’ensemble des stocks de 9,4 %.  Nous estimons cette réduction insuffisante et actons, complémentairement des réductions de 25 % sur le segment « vacances » (sauf les terrains)  et 10 % sur le segment résidentiel.  Du montant inscrit au livre de 16,56 usd, nous amputons donc 1,58 usd de décote automatique, 2,23 usd sur le segment « vacances » et 0,50 usd sur le segment résidentiel et reprenons donc ce poste pour 12,25 usd.

Nous trouvons ensuite une rubrique « Retained interests in notes receivable sold ». En réalité, Bluegreen vend, sous forme de titrisation, une partie des créances de ses clients.  Cette rubrique représente le solde à recevoir des acquéreurs de ces titres en fonction de plusieurs critères dont le taux de défaut des débiteurs et le niveau des intérêts. La société précise aussi que sa perte maximale possible sur ce « hors bilan » correspond au montant restant à encaisser. Dans notre optique d’extrême prudence, nous allons considérer que la société court un risque maximal et reprendre cet important poste de l’actif pour 0.

Outre les immeubles dont nous avons parlé ci-dessus, la société possède encore d’autres actifs tangibles sous forme de véhicules ou matériel de bureau. En valeur d’acquisition, ces biens représentent 2,49 usd par action. Nous les reprenons symboliquement pour 5 % de leur valeur d’acquisition soit 0,12 usd.

Hors bilan, la société nous annonce une moins-value latente sur la vente de terrains de golf à réaliser après le 30 septembre pour 0,31 usd, un litige fiscal avec l’Etat du Tenessee portant sur 0,02 usd . Les leasings opérationnels en cours représentent des montants à payer dans le futur de 2,09 usd par action.

En ce qui concerne les dilutions potentielles, nous décidons de ne pas tenir compte des stocks options : les  prix d’exercice de la grande majorité de ces stocks options sont largement supérieurs à la valeur de mise en liquidation volontaire et le quantité d’options à prix d’exercice inférieur est tellement minime que l’impact sur la valeur des actionnaires ordinaires serait insignifiant.

Nous établissons la valeur de mise en liquidation de Bluegreeen comme suit :

–         cash : 2,62 $

–         en cours client : 0,10 $

–         créances commerciales et financières : 9,47 $

–         dépenses payées d’avance : 0,36 $

–         autres actifs : 0,27 $

–         stocks : 12,25 $

–         autres actifs tangibles : 0,12 $

–         immeubles : 2,59 $

–         hors bilan : -2,42 $

–         dettes : -23,27 $

–         intérêts de minoritaires : -1,12 $

soit une VMLV de 0,67 $.  Nous n’avons donc pas de marge de sécurité sur cette valeur.

IV.            La valeur de la capacité bénéficaire (VCB)

Au cours des 5 dernières années, Bluegreen Corp a généré un résultat d’exploitation moyen de 1,81 usd par action. Mais surtout, nous remarquons que dans le contexte très difficile de 2008 et des 9 premiers mois de 2009, la société est parvenue à maintenir des bénéfices opérationnels, ce que nous trouvons assez extraordinaires.

Nous estimons que, lors d’un retour à une conjoncture favorable, la société sera bien armée pour générer, à nouveau, des bénéfices intéressants au profit de ses actionnaires. Nous pensons qu’un retour, à long terme, au bénéfice moyen des années 2004 – 2008 n’est en rien illusoire.

Dans cette optique, nous calculons la VCB de Bluegreen comme suit :

Bénéfice opérationnel moyen 2004-2008 : 1,81 usd

Impôt forfaitaire sur le résultat : 35 %

Taux d’actualisation : 12 %

Marge de sécurité complémentaire : 40 %

Soit 1,81 X (1 – 35 %) / 12 % X (1 – 40 %) = 5,88 usd.

A notre prix d’achat de 2,28 usd, nous avons donc obtenu une marge de sécurité de 61 % sur la VCB.

En conclusion

Vu l’activité assez complexe et très sensible à la conjoncture de cette entreprise, nous pensons avoir été extrêmement prudent dans nos évaluations. L’importance des titrisations par exemple (et son fonctionnement « nébuleux », du moins pour nous) nous a obligé a prendre des marges de sécurité très importantes (comme par exemple le fait de reprendre pour 0 les soldes à payer par les acquéreurs des créances titrisées).

Nous pensons néanmoins que cette société constitue un joli « pari » sur la reprise américaine. Si Warren Buffett y croit en achetant des chemins de fer, pourquoi n’y croirions nous pas en achetant de l’immobilier de loisir ?

En attendant cette reprise, nous constatons que la direction, grâce à un pilotage intelligent, parvient à maintenir un compte de résultat en équilibre. Ainsi, le marché de la titrisation qui permettait de « doper » l’activité « Resort » étant fortement ralenti depuis la crise, la direction a décidé de réduire le volume d’activité dans ce département.

Face au risque que représente le désendettement massif des ménages américains, nous avons un solide collatéral immobilier en garantie et surtout, un effet de levier à la hausse assez important en cas de confirmation de la relance économique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *