Bas les masques – Gévelot

Voici venu le moment, cher lecteur, de vous dévoiler le nom de la société masquée n°8 de notre portefeuille. Certains parmi vous l’avaient deviné : il s’agit de Gévelot. Nous vous proposons ci-dessous l’analyse que nous avions mis à disposition de nos abonnés au moment de notre achat.

Attention, elle date du mois de novembre [2009] et doit donc être adaptée en fonction des évènements survenu depuis lors et notamment un deuxième semestre qui a surpris agréablement.

Bonne lecture !

Gevelot a été fondée en 1820. A l’origine, l’entreprise produisait des amorces, des cartouches de chasse et des munitions de guerre. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, cette activité a laissé place à une diversification dans le domaine de la mécanique de précision.

Aujourd’hui, le Groupe Gevelot compte environ 1600 personnes et 8 sites de production au service de trois secteurs d’activité :

–         extrusion à froid et usinage

–         pompes et technologie des fluides

–         mécaniquement et équipement des moteurs

La société est extrêmement cyclique notamment en raison du fait qu’une bonne part de son chiffre d’affaires est liée au marché automobile.

Nous avons acheté des actions de Gevelot le 9 décembre 2009, profitant d’un important ordre de vente « ATP » à un cours, frais de courtage inclus, de 19,25 euros.

I.                  La valeur d’actif net net (VANN)

Au 30 juin, la société possédait un actif courant de 93,13 euros par action. Nous avons déduit les dettes de 85,15 euros ainsi que les intérêts des minoritaires (0,03 euros) et établi la VANN de Gevelot à 7,94 euros par action. A notre coût d’achat de 19,25 euros, nous n’avons donc aucune marge de sécurité sur cette valeur.

II.               La valeur d’actif net estate (VANE)

 Nous remarquons que la société détient un important parc immobilier, acquis pour une somme globale de 41,51 euros par action. Nous amputons ce montant de notre traditionnelle marge de sécurité de 20 %, l’ajoutons à la VANN et obtenons une « valeur d’actif net estate » de 41,15 euros par action. A notre coût d’achat de 19,25 euros, nous avons donc obtenu une marge de sécurité de 53,2 % sur cette valeur.

III.           La valeur en cas de mise en liquidation volontaire (VMLV)

Nous allons tout d’abord revenir sur les actifs courants.

Le poste plus important est celui des stocks.  Ils représentent 35,87 euros par action.  Au 30/06, ils représentent 79 jours d’activité, ce qui nous semblent cohérent avec des activités nécessitant un long cycle de production. Nous constatons aussi que la vitesse de rotation du stock n’est guère affectée par la crise : 79 jours d’activités couvertes au 30/06 contre 73 en moyenne en 2007. Malheureusement, nous ne trouvons pas dans ces comptes semestriels, la répartition des stocks en fonction de l’avancement des provisions ni la part des réductions de valeur qui ont été opérés par la direction.

Pour ce faire, nous devons nous référer au rapport de gestion du 31/12/08. Nous pouvons y lire que les matières premières représentent 39,2 % du total des stocks, les en cours de production 19,5 % et les produits finis 41,3 %. Nous apprenons également que la direction avait acté des réductions de valeur pour 7,1 %.

Nous allons supposer que cette répartition est restée identique au 30/06 et décidons de reprendre les matières premières pour 90 % de leur valeur brutes, les en-cours pour 50 % et les produits finis pour 75 % de leur valeur. Nous allons donc appliquer une marge de sécurité sur les stocks de 8,61 euros par action.

Les créances commerciales représentent 35,11 euros par action. Le délai moyen de paiement des clients est de l’ordre de 80 jours (dans les habitudes du secteur) et nous ne constatons pas, ici non plus, de dégradation significative : fin 2007, le délai moyen était de 79 jours.  Malheureusement, le rapport semestriel ne nous donne pas plus que pour les stocks beaucoup d’information sur ce poste qui constitue pourtant une part importante de la valeur patrimoniale de la société. Tout ce que nous pouvons constater, c’est que fin 2008, la direction avait procédé à des provisions pour créances douteuses pour 3,9 % du total des créances et que durant cet exercice, la société avait encouru des pertes réelles d’une valeur de 0,04 % de l’encours au 31/12. Nous avons donc l’impression que ce poste est bien suivi et géré et décidons donc de n’appliquer que 15 % de marge de sécurité sur ce poste. Nous déduisons donc 5,27 euros à la VANE.

Un poste « autres débiteurs » est essentiellement composé de créances sur l’état ou des collectivités. Nous pensons qu’il n’appelle aucune correction pas plus d’ailleurs que les autres postes de l’actif courant composé essentiellement de trésorerie et de placements de trésorerie.

Nous passons à présent aux différentes rubriques de l’actif immobilisé.

Nous allons d’abord revenir sur les immeubles que nous avions abordés dans la VANE.  L’intérêt du rapport de gestion de Gevelot, c’est qu’il nous permet de distinguer les immeubles de bureau des immeubles industriels. Nous pensons qu’il s’agit là d’un intérêt indéniable dans l’établissement de la « juste valeur ». Nous allons donc « ventiler » la marge de sécurité en fonction de ces deux critères : nous appliquerons une marge de sécurité de 10 % sur les immeubles de bureau et de 30 % sur les immeubles industriels.  De cette manière, ce que nous estimons être la « juste valeur » de l’immobilier de Gevelot s’établit à 31,04 euros alors que la marge de sécurité « générale » de 20 % sur l’ensemble de l’immobilier nous donnait une valeur de 33,21 euros. Nous déduisons donc la somme de 2,17 euros à la VANE.

La société détient aussi d’autres importants actifs tangibles, essentiellement des installations et des machines. Ces installations ont été acquises pour la somme de 199,25 euros et sont amorties pour 69 % de ce coût d’achat. Comme souvent, nous sommes très prudents avec ce genre de poste et le reprenons pour 20 % de sa valeur APRES amortissements soit 12,19 euros.

Gevelot détient également des participations non consolidées dans des sociétés associées (en réalité, une canadienne et une chinoise).  Nous reprenons ces participations pour la quote-part de Gevelot dans leur fonds propres diminuées d’une marge de sécurité de 30 %.  Nous les valorisons donc à 5,01 euros.

Comme vous en avez l’habitude à présent, nous signalons que nous considérons, dans une optique de mise en liquidation volontaire, que les goodwill et incorporelles valent 0.

Il n’y a aucune « stock option » en circulation ni d’autres risques de dilution.

Nous n’avons trouver aucune trace de risque hors bilan ou de litiges non provisionnés si ce n’est un « aval, caution et garantie » pour un somme de pour une somme de 0,96.

Nous pouvons donc établir la valeur de Gevelot en cas de mise en liquidation volontaire à :

VANE : 41,15

Marge de sécurité sur stocks : – 8,61

Marge de sécurité sur créances : -5,27

Marge de sécurité supplémentaire sur immobilier : -2,17

Installations, machines et outillages : 12,19

Participations non consolidées : 5,01

Hors bilan : -0,96

Soit une VMLV de 41,34 euros sur laquelle nous avons, en fonction de notre prix d’achat, une marge de sécurité de 53,4 %.

IV.            La valeur de la capacité bénéficiaire (VCB)

L’étude des comptes de Gevelot nous a tout d’abord donné l’impression qu’il s’agissait d’une entreprise « bien gérée », génératrice de gros cashflow qui, même au cours de ce très mauvais premier semestre, a pu maintenir son Ebitda à l’équilibre.

Nous avons une conviction raisonnable, qu’en cas de reprise économique, la direction sera à nouveau capable de générer les profits d’antan. Nous allons poser les hypothèses suivantes pour calculer la VCB de Gevelot :

–         Résultat net moyen des prochaines années égale au résultat net des années 2005-2006-2007-2008 et 2009 amputé d’une marge de sécurité de 30 %

–         Résultat 2009 déficitaire pour 9,60 euros

–         Taux d’actualisation de 9,5 % (taux sans risque de 4 % augmenté de 2,5 % pour le risque de hausse de taux, de 1 % pour le risque « corporate », de 1 %  pour la cyclicité de l’entreprise, de 1 % pour l’absence de franchise évidente)

Sur base de ces hypothèses, nous établissons la VCB de Gevelot à 21,07 euros.

V.               Conclusions

A notre coût d’achat, nous avons obtenu une marge de sécurité de :

53,2 % sur la VANE

53,4 % sur la VMLV

8,6 % sur la VCB

Selon nous, nous avons, avec Gevelot, l’exemple même d’une crise de maniaco dépressivité de Mr Market : il suffit actuellement qu’une entreprise soit liée au secteur de l’automobile, même partiellement, pour que le troupeau des investisseurs se détourne de ses actions. Et pourtant, cette société semble être un des exemples les plus flagrants même de l’entreprise « hyper cyclique » qu’on peut cueillir en période de déprime profonde.

27 réflexions au sujet de « Bas les masques – Gévelot »

      1. Si vous êtes sorti là où je serais sorti moi-même (vers 200), ça faisait un 10X sur dix ans, soit un IRR > 26 % (dividendes non comptés) contre un petit 3X pour Berkshire et donc un IRR < 12 %(dividendes inclus puisqu'il n'en sert pas)… Buffett enfoncé !

  1. Bonjour,

    Un truc qui serait très intéressant pédagogiquement, serait de prendre un bilan de l’une des sociétés que vous analysez et de surligner et annoter les élements importants et les lignes/colonnes des tableaux d’où vous sortez vos chiffres…

    En effet, j’ai souvent du mal à les trouver dans un bilan.

    Pourriez-vous mettre une analyse détaillée avec l’extrait du bilan correspondant à chaque fois ?

    Merci

    1. tout a fait d’accord d’accord avc nanardo parce que des fois on s’y retrouve pas.
      Ca serait on ne peut plus pédago un exemple avc bilan et les élements sur lesquels il faut jetter un coup d’oeil.

        1. Bonsoir les daubasses Mea Culpa; j’étais passé totalement à côté de l’analyse de Vet.
          C’est super et c’est exactement ce qui manqué; une analyse explicite et complète.
          Rien à dire c’est parfait; Merçi à vous les daubasses.
          Bon week end!!!!!!!!

  2. Bonjour,

    Encore une boite ou La Financière de l’Echiquier est actionnaire (comme Vet’Affaires).

    Logique que des méthodes proches aboutissent au même résultat ?

    Any comments ?

    Cordialement

    1. Bonjour Franky,

      Heu non aucun commentaire particulier. Le fait que Didier Lemenestrel ait jeté son dévolu sur Gevelot n’a en rien influencé notre choix d’y investir également … et nous supposons que notre investissement ne l’a pas influencé non plus 🙂

      Ceci dit, nous partageons votre avis : il est assez logique que sans se consulter, les investisseurs « value » actifs sur une même zone géographique se retrouve avec des actions communes : rappelons les Vet ou les Passat que nous détenons ou avons détenu en commun avec Amiral Gestion. Gevelot et Vet’affaires font ou ont fait partie également du portefeuille de Loïc Abadie. Et pourtant, nous pensons qu’aucun de nous n’a copié sur ses petits camarades …

  3. Bonjour,

    Merci pour cette analyse comme a l’habitude detaillee et claire.

    Quand meme, vous ne mentionnez meme pas le dividende de Gevelot!
    A votre cours d’achat, c’est plus de 9% qui vous ont ete servis.
    Meme si la diminution de chaque fois 20 centimes sur les 2 dernieres distributions laisse peu d’espoir pour les annees a venir…

    L’exemple de Gevelot montre cependant la difficulté pour un investisseur amateur de bien discerner la difference entre comptes consolidés et comptes sociaux.
    Concernant les benefices:
    en 2008: 4,3 M en conso et 2,3 M en social
    en 2009: -1,7 M en conso et 2,5 M en social…

    Le dividende est d’ailleurs lui prélevé sur les benefices de la holding, avec un taux de distribution de 70% qui semble soutenable.

    Les capitaux propres sont cependant moitié moindres au niveau de la holding comparé aux comptes consolidés.

    Voila, j’aimerais avoir vos impressions car en resumé:
    – instinctivement, je me dis l’image d’un groupe est reflétée principalement au niveau de ses comptes consolidés
    – mais des elements des comptes sociaux sont parfois relativement distincts et ne peuvent etre ignorés…

    Merci pour vos commentaires.
    Bien cordialement,

    LT

    1. Bonjour LT,

      Nous ne tenons généralement pas compte des comptes sociaux : c’est le patrimoine global sur lequel la société mère exerce son contrôle qui nous intéresse et non le seul patrimoine propre de la maison mère. Concernant les dividendes, si l’ensemble du groupe peut permettre son paiement, peu nous importe que la rentabilité de la maison mère seule soit en baisse : il lui suffira d’ordonner à ses fililales de lui verser plus de dividendes pour soigner ses propres actionnaires.

  4. Bonjour les daubasses,

    Une question pourquoi n’intégrer vous pas la variation du BFR dans votre calcul de la VCB?

    la VCB est t-elle si différente de l’analyse DCF???

    1. Bonjour JT,

      Le DCF actualise les flux de trésorerie futurs en intégrant, souvent, une estimation de croissance alors que notre VCB ne table que sur le présent.

      Nous n’intégrons pas la variation du BFR parce que nous pensons qu’à la fin de la vie de la société, ce BFR pourra être réalisé et l’argent pourra donc revenir aux actionnaires. De plus, cette variable pénaliserait une entreprise qui ferait de la croissance par rapport à une autre. Un exemple ? Imaginons deux sociétés A et B, toutes deux génèrent un chiffre d’affaires de 120 et une VCB de 10 %. Elles doivent financer, pour leur cycle d’exploitation, des stocks qui représentent 6 mois de vente. Elle peuvent aussi bénéficier d’un crédit de leur fournisseurs équivalent à 2 mois de vente.

      Cette année, leur VCB est donc 12 et leur BFR de 40.

      L’année suivante, l’entreprise A augmente son chiffre d’affaires de 10 % et la B le diminue de 10 %. Toutes les autres variables restent égales. Quelle est la société qui a créé le plus de richesse actionnaire ? En toute logique, tout le monde dirait la A. Mais si on intègre la variation du BFR …

      A voit son BFR augmenter de 4 et sa VCB de 1,2 : le freee cash flow de la société diminue donc de 1,2 – 4 soit 2,8
      B voit son BFR diminuer de 4 et sa VCB de 1,2 : le free cash flow de la société augmente donc de 2,8.

      Nous voyons ici qu’en intégrant la variation du BFR dans le calcul de la capacité bénéficiaire, on obtient un résultat selon nous biaisé : la société qui fait de la croissance voit sa VCB diminuer et la société en déclin voit sa VCB augmenter. Pas très logique selon nous …

  5. Vous en avez toujours? Il y a quand meme une enorme pile de beau cash + bel immobilier. Tout ca avec des rachats de titres reguliers + petit divi.

    A+

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