Warren Buffett, l’effet boule de neige (2ème partie) : la machine à cash

Cet article est le 2ème d’une série de 5 qui reprend notre lecture de l’ouvrage d’Alice Schroder, Warren Buffett. La biographie officielle, l’effet boule de neige. Vous pouvez relire le premier article ici.

Dans cet article, nous expliquions que selon nous, les réussites du plus grand investisseur de tous les temps tournaient, et tournent toujours autour de trois vecteurs. Nous allons vous présenter ces trois vecteurs dans des articles différents dont voici le premier.

 

La machine à Cash

Le premier vecteur d’une importance capitale, ce sont les liquidités, le cash dont Buffett dispose en permanence. C’est un élément récurrent et qui fait partie intégrale de l’effet boule de neige. Voyons à travers les années comment évolue la machine à cash de Warren Buffett…

Nous n’allons pas démarrer l’histoire de cette machine à cash dans l’enfance ou l’adolescence du jeune Warren, bien que ses mises en location de machines à sous chez des coiffeurs ou les leasings pour une heure d’une voiture sortant de l’ordinaire en étaient déjà les embryons.

Le début de son aventure d’investisseur professionnel est un peu poussif. En 1956, Buffett crée Buffett Associate Ltd (sur le modèle de la société de Ben Graham) avec 7 actionnaires :  son beau père Bill Thompson, sa sœur et son beau-frère,  sa tante Alice, Chuck Peterson avec lequel il a partagé sa chambre à Wharton, Al Jolson, Dan Monen, un ami d’enfance avec qui il a cueilli des pissenlits dans le jardin de son grand-père et lui même … Nous remarquons que Buffett n’investit que 100$ dans cette première société d’investissement alors qu’il disposait déjà de 174 000$.  A cette même époque, il gère aussi un portefeuille pour la mère et la tante d’un de ses amis de Columbia.

Il décide alors de remettre dans l’affaire toutes ses commissions de gestions. Ce n’est certes pas grand chose nous direz-vous, mais c’est le début.

A ce moment, la société de Ben Graham est petit à petit liquidée. Ben Graham le recommande alors à quelques-uns de ses clients mais sans enthousiasme particulier.

Ensuite son père étant membre du congrès et sa famille très connue à Omaha, il commence à avoir quelques clients plus fortunés.

A chaque fois, Warren crée un partnership pour ses clients et les commissions de gestions commencent à grossir.

La manière d’investir de Buffett sur des « mégots de cigares » ou « daubasses » crée finalement la première accélération de l’effet boule de neige :  comme vous le savez, cher lecteur, on achète un mégots de cigares sous la valeur de ses actifs et on le revend dès que le marché a valorisé ses actifs avec plus de bon sens. Le prix de vente peut donc être multiplié par 2 ou 3, voire même plus en quelques mois.

La croissance du nombre de  clients va ensuite devenir de plus en plus forte, de plus en plus de monde lui confie de l’argent et donc … du cash.

Warren Buffett ne se contente plus d’attendre que le marché valorise ses « mégots de cigares » ou « daubasses », il veut presser le citron de la valeur plus rapidement encore pour dégager du cash en entrant dans les conseils d’administration et en obligeant à rendre une partie de la valeur des stocks ou autres, aux actionnaires dont il fait évidemment partie ainsi que ses associés des différents partnerships.

 

La plus importante découverte de Buffett pour générer de la trésorerie, c’est la machine à cash que sont les assureurs.  Il en fera sa principale machine et aussi une machine intemporelle et ce, tout au long de sa vie d’investisseur, depuis sa première petite société d’assurance à Geico en passant par la société qu’Ajit Jain a créé spécialement pour se couvrir contre les attentats  de l’après  11 Septembre 2001.

 

« Mais comment un assureur peut-il être une machine à cash ? »

Nous pourrions, cher lecteur, résumer cela de cette manière : entre le paiement des primes d’assurance par les clients et le paiement des dommages par la compagnie d’assurance, il y a des sommes d’argent gigantesques qui sont provisionnées.  Ce sont les « provisons techniques » ou le « float » … Cet argent peut donc être investi pour créer des plus-values. C’est pour cela que ces assureurs sont des machines à cash perpétuelles.  Si la gestion de ces liquidités est menée par des investisseurs de bon sens, des plus-values de plus en plus importantes sont crées.  C’est par exemple pour cette raison que Buffett vouera une admiration sans borne à Lou Simpson qui était chargé de l’investissement du float de  Geico.

Une fois les en-cours de Berkshire Hataway devenus importants, Buffett tentera de diversifier sa production de cash en les investissant sur une panoplie de supports, des junk bond à la vade sur le dollar en passant par des émissions d’options, ou des portefeuilles de dettes de toute nature … et des dividendes.

Voilà donc de manière synthétique la machine à cash que Buffett s’est évertué à mettre en place sur plus d’un demi-siècle.

Pourquoi disposer de cash en permanence ? Tout simplement parce qu’à tout moment, Warren est en position d’acheter toutes les occasions à prix cassé qui se se présentent sur le marché et sur tous les supports possibles. Et pour des capitaux de toutes tailles, allant de quelques centaines de milliers de $ à plusieurs milliards de $.

Ce premier vecteur de l’effet boule de neige, aucun investisseur individuel ne peut prétendre le réaliser.

 

 » Oui mais à notre niveau, nous avons les dividendes et une partie de notre salaire que nous pouvons investir chaque mois « .

C’est certain, cher lecteur, mais posez-vous la bonne question de savoir de combien augmente par an votre machine à cash car si c’est de quelques pourcents, vous ne disposez en aucun cas d’une machine à cash mais seulement de quelques menues monnaies.  Certes, c’est mieux que rien mais insuffisant selon nous pour profiter pleinement et en toutes circonstances des prix cassés.

L’ idée de la machine à cash de Buffett, c’est que l’effet boule de neige sur le cash est tout aussi important que l’effet boule de neige créé par ses investissements « classiques » sur des sociétés. C’est évidemment lié mais aussi parallèle car généré de manière très souvent différente hormis les dividendes.

 

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19 réflexions au sujet de « Warren Buffett, l’effet boule de neige (2ème partie) : la machine à cash »

  1. Avoir une machine à cash, est ce que cela suppose aussi de n’investir que sur les meilleurs des meilleurs affaires?

    Example:

    J’ouvre un compte 10K euros, je n’investis que 1K dans l’attente d’autres très bonnes affaires au lieu de tout investir d’un coup dans des entreprises qui pourraient me rapporter beaucoup. Je sais pas si je me suis fait comprendre…

    En gros sur une watching list j’ai 10 entreprises répondant à mes critères, au lieu d’investir tout dans les 10, j’investis X% dans les Y entreprises présentant la meilleur marge de sécurité. En faisant cela je me laisse la possibilité d’investir dans d’autres très bonnes affaires.

    Non?

    1. Bonjour Walhalla,

      Bien sûr que vous gardez du cash pour les bonnes affaires mais vous n’avez, de cette manière, aucun effet boule de neige sur le cash. Vous gardez vos 9 000 euros et dans 1 an, si vous n’avez pas investi, ce sont toujours 9 000 euros plus éventuellement quelques menus intérêts.

      Buffett, avec ses machines à cash, investit les 10 000 euros directement et un an après, non seulement il a toujours ses 10 000 euros investis (voir plus s’il a bien investi) mais dispose en plus de 2 ou 3 000 euros de cash. C’est cela l’effet boule de neige du cash de Warren.

  2. Donc, un investisseurs lambda ne peut pas faire d’effet boule de neiges. Il faut forcément ce faire rémunérer pour ses choix d’investissement.

    Ai je bien compris?

  3. Article très intéressant comme souvent, cependant je me pose une question concernant ‘la machine à cash’ dont vous faites allusion.

    Dans votre réponse à Walhalla, sur les 10 000 euros investis, d’où provient le supplément une année plus tard de 2000 ou 3000 euros de cash supplémentaire ? Apport de cash (nouveaux versements), dividendes, ou simplement une gestion pragmatique avec un bon retour sur investissement (comblement de décote, retour d’actif à juste valeur, etc…). ?

    PS : Une autre ‘petite’ question me taraude l’esprit depuis longtemps, et je profite de l’occasion d’un article sur la création du Buffett Associates Limited.

    Je savais que Warren Buffett avait ouvert son partnership avec seulement 100$ à l’époque ? Cependant connaissez-vous la raison d’un investissement si faible de sa part au moment de la création du fond ? (moins de 0.1% de l’actif…).

    Sachant qu’à l’ouverture du partenariat, l’investissement de départ de la famille, des amis et de Warren était alors de 105 000$. Avec pourtant en contrepartie, un patrimoine minimum de 150 000$ à l’époque, inclus les quelques 25 000$ de salaire émanent de la Graham-Newman Corporation. (1954-1956).

    Alors,… Pingrerie manifeste, volonté de rester ‘ultra’ minoritaire, raison fiscale, ou simplement par manque de ‘confiance’ dans sa stratégie de départ ? (Et que sait-je encore… ?).

    Merci de vos réponses…
    Et merci pour la qualité de vos articles…

    1. Bonjour Caperbac,

      Comme expliqué dans l’article, Buffett utilisait plusieurs machines à cash différentes : au début, les apports réguliers et de plus en plus importants de ses clients et les plus values dégagées relativement rapidement sur l’achat et la revente de ses mégots de cigares. Sur ce dernier point, nous avons plus ou moins connu la même chose au cours des deux premières années d’existence de notre portefeuille : nous avons eu la chance de voir plusieurs de nos lignes atteindre rapidement leur vraie valeur et nous avons pu les céder pour réinvestir sur des supports plus décotés. Enfin, assez rapidement, Buffett a pris le contrôle de l’entièreté de certaines sociétés dont des petites compagnies d’assurance faisant ainsi main basse sur leur trésorerie qu’il pouvait à nouveau réinvestir.

      Au moment de la création de son premier partnership, Buffett ne travaillait plus pour Graham et ne percevait donc plus de salaire. Il lui fallait donc ses propres capitaux pour vivre étant donné qu’il réinvestissait ses commissions de gestion dans ses partnership.

  4. Merci l’équipe des daubasses.
    Donc, cela confirme mon interprétation de départ, il y a bien une multitude de machine à cash envisageable !
    Le titre de votre article m’avait quelque peu posé problème au départ : ‘LA machine à cash’.
    J’ai naïvement pensé (et surement lu trop pressément votre article), que votre explication s’apparentait dans l’apport de cash extérieur à la gestion de portefeuille, pour expliquer la création de valeur.

    Je reste néanmoins convaincu, qu’un investisseur particulier peut tout à fait résoudre le problème de l’effet boule de neige sur son cash : (a un stade bien évidement toutefois marginal).
    1°) Réinvestissement des dividendes dans le marché, 2°) réinvestissement d’une partie du salaire, 3°) réinvestissement des plus values dégagées.
    Reste trois problèmes majeurs, tels que : 4°) réinvestissement des commissions de gestion, 5°) la prise de participation conséquente, et pourquoi pas la prise de contrôle. (Ce que Warren à réaliser et ce dans un laps de temps très cours dans sa carrière d’investisseur), et 6°) l’afflux de liquidité provenant de l’extérieur,… qui bien évidemment immanquablement réunies, s’avère être la clef de voute de l’irrésistible ascension de l’investissement à la Buffett.
    Je rappel toutefois que Warren, n’a pas commencé l’investissement avec des millions de dollars, il a donc bien été obligé de passer par les trois premiers critères, avant de pouvoir s’attaquer aux trois derniers !
    En 1958, le partnership à doublé de taille, après trois ans de travail fastidieux dans les mégots de cigare, largement insuffisant pourtant, pour envisager une prise de contrôle massive. La monté en puissance de Warren ne va commencer réellement qu’à partir de 1961, soit trois années plus tard.
    A partir de cette date, tous les critères sont réunis pour constater une irrésistible ascension de l’investisseur de génie…, et de ses machines à cash !

    C’est une excellente démarche de mettre en exergue l’importance d’un roulement ‘continu’ de liquidité dans la création de valeur, c’est en effet une partie trop souvent occulté dans la démarche même de Warren Buffett. Celle la même qui permet dans une application pérenne, de surperformer les marchés de références.

    Au sujet du partnership, votre réponse est quelque peu laconique, avouez tout de même que ce cher Warren était déjà, à seulement 26 ans, à la tête d’un patrimoine déjà fort conséquent pour l’époque.
    Et que son niveau de vie, ne devait vraisemblablement pas être différent de ce qu’il est aujourd’hui…
    A titre de comparaison, il achète sa maison l’année suivante à Omaha (1957), pour un coût d’environ 31 500$ (sans aucun emprunt d’ailleurs !), versus un actif financier supérieur à 150 000 $.
    Il avait donc déjà une assise de cash pléthorique, lui permettant de devenir son propre patron avec une liberté financière incroyable pour un ‘gamin’ de 26ans. Il lui était donc tout à fait envisageable, et ce sans aucuns problèmes, d’investir au moins 10%, 20% ou même 30% de l’actif de départ dans le Buffett Associates et ainsi de pérenniser plus rapidement l’affaire.
    Lui qui a toujours prôné la liberté financière, et de n’être redevable de personne dans l’investissement, a pourtant commencé avec un gros handicap,… en étant dépendant des autres ! Cela reste pour ma part un mystère d’un des piliers de l’investissement à la Buffett.
    En investisseur prudent, il pensait probablement à protéger ses arrières, bien lui en a pris il est aujourd’hui multimilliardaire…

    Merci pour la générosité et la transparence de vos renseignements.

  5. Slt, dans le domaine des small caps…. ADL Partner est pour moi un bel exemple de machine a cash. Beaucoup d argent qui entre automatiquement dans les caisses ( systeme d abonnement ) aucune obligation d en sortir beaucoup de lautre cote. A l arrive ils ne savent plus quoi faire de leur tresorerie. Si on ajoute a cela que la boite ne se paye pas cher ( cause virage strategique ) et vous avez un cas d ecole de « la daubasses a cash »… lol

    1. Bonjour Ubis,

      ADL est une machine à cash mais qui fonctionne surtout grâce au même principe que les compagnies d’assurance : son besoin en fond de roulement est négatif, ce qui lui permet effectivement de dégager de la trésorerie excédentaire. Cependant, nous n’utiliserions pas le terme « prix daubasse » pour cette société : techniquement, les liquidités n’appartiennent pas aux actionnaires mais aux fournisseurs qui accordent des délais de paiement à la société. Et, au cours actuel, la société se paie de 2,5 fois la part de l’actif qui revient aux actionnaires. ADL est peut-être effectivement un excellent investissement mais, selon nous, ne mérite pas vraiment l’AOC « daubasse ». Evidemment, si comme pour Buffett, il était possible de l’acheter dans son entièreté et donc de décider de l’affectation de ces liquidités …

  6. Oui vous avez parfaitement raison l appellation  » daubasse  » n etait pas vraiment approprie. Je me suis exprime un peu rapidement ( j ecrivais depuis un cyber car je suis en vacances). Toutefois je voulais souligner le fait que malgre une recente hausse la valeur ne vaut que 5 fois ces benefices estime pour 2010 ( 9millions ). Comme pour illustrer l evolution de la philosophie de Buffett, je voulais souligner que pour ses machines a cash la valeur est a chercher aussi dans les resultats et non seulement dans les actifs. Petite question subsidiaire… Que pensez vous de leur methode de calcule quant ils situent leur Actif net reevalue a une vingtaine d euros (voir leur site) ?

    Merci pour tous vos echanges, instructifs et plein de sagesse 😉

    1. « Que pensez vous de leur methode de calcule quant ils situent leur Actif net reevalue a une vingtaine d euros (voir leur site) ? »

      La valeur du portefeuille d’abonnés est plutôt ce que nous appelons « cerises sur le gâteau » : pas un actif que nous prenons en compte pour notre décision d’achat mais dont on peut partiellement tenir compte pour notre décision de vente. Quasiment toutes les entreprises cotées disposent d’un portefeuille de clients : certes certains sont plus « captifs » que d’autres et présentent donc une valeur supérieure mais se baser sur les seules informations de la direction pour prendre sa décision nous semble un peu hasardeux même si la valeur donnée est d’une année de chiffre d’affaires (ce qui est relativement classique). Le problème est que si les ventes s’effondrent, cette valeur s’effondre aussi alors que la valeur des bâtiments ou d’autres actifs tangibles restent, généralement et sauf exception, relativement stables.

  7. Bonjour a tous !

    Quand Buffet investit l’argent des « autres », il se paye en prenant un pourcentage sur la plus-values créée ?

  8. Sauf que dans une compagnie d’assurance le management est extrêmement important et que c’est aussi un des points les plus difficiles à évaluer et sur lequel on peut se tromper facilement.
    Je me demande comment Buffett a pu racheter une compagnie d’assurance avec un management pareil. Est-ce qu’il a eu de la chance ? Est-ce qu’il connaissait le management ? Est-ce qu’il connaissait d’excellent managers ? Ou est-ce qu’il a réussi à déterminer la qualité du management seulement en regardant les comptes de l’entreprise ?
    Je ne pense pas qu’on puisse racheter une compagnie d’assurance sans connaître le management ou sans pouvoir le fournir.

    1. Bonjour Christophe,

      Geico a toujours été une des sociétés préférées de Buffett et il la suit depuis ses tout premiers pas comme investisseurs, il y a plus de 60 ans. Très jeune, il avait déjà rencontré son directeur financier pour un entretien à bâtons rompus. Il nous semble que s’il y a une société que Buffett connait particulièrement bien, c’est probablement celle-là.

    1. oui, des sociétés de réassurance notamment.

      Si vous lisez bien les articles que nous avons écrit sur l’effet boule de neige, vous verrez que nous expliquons notamment qu’il nous semble très difficile pour un particulier, voire impossible, de faire du Buffett … notamment justement parce que l’oracle d’Omaha a « ses entrées », un extraordinaire carnet d’adresse et une intelligence des « choses financières » exceptionnelle. Et donc pour répondre à votre question initiale, non, nous ne pensons pas qu’il est possible de déterminer la qualité du management sur base uniquement des rapports financiers (ce que Phil Fischer explique très bien d’ailleurs).

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