La maîtrise des coûts … de son portefeuille de fonds

Comme vous le savez, cher lecteur, bien qu’investis essentiellement en actions, nous nous intéressons aussi aux fonds de placement comme vous avez pu vous en rendre compte dans cet article et aussi dans celui-ci. Il y a deux raisons à cet intérêt : parce que nous pouvons y puiser des idées d’investissement et surtout de philosophie d’investissement… mais aussi parce que c’est sur le forum Sicav de Boursorama que nous nous sommes rencontrés. Paradoxalement, on peut donc dire que c’est un peu par les fonds que  l’aventure « daubasses » a commencé.

Notre ami Michael (lui aussi rencontré sur le forum Sicav) fait un peu la démarche inverse de la nôtre : il est principalement investi en fonds mais s’intéresse aussi de près aux daubasses. Un des critères les plus importants qu’il utilise pour sélectionner les fonds dans lesquels il investit, ce sont justement les frais de gestion. En effet, maîtriser ses coûts, c’est une des missions essentielles pour les managers d’entreprise. Et pour des fonds de placement pour lesquels la rentabilité future est encore plus aléatoire, le poids des charges est un des éléments prépondérants de la performance future du fonds.

Aimablement, Michael nous a proposé un petit article qui résume son travail d’analyse des management fees sur les principaux fonds « value » disponibles en France. Nous avons le plaisir de vous le présenter…

Méthodologie :

Je parcours les prospectus de plusieurs fonds orienté value chaque année à la recherche du TER (Total Expense Ratio) et du détail d’éventuel frais de surperformance.

Je considère les frais de mouvements comme des frais de gestion cachés et récurrents. Ils sont donc comptabilisés comme des frais de gestion de base.

Fonds TER 2008

%

TER 2009

%

TER 2010

%

Com de surperf ? Montant de Commission de surperformance en 2010
 

Fonds France/Europe

Sextant PEA 2.40 2.40 4.56 (2.40+2.16) oui 2.16%
MMC  (Moneta) 1.80 4.93 (1.80+3.13) 1.99 (1.80+0.19) oui 0.19%
MME (Moneta) 1.80 1.80 1.80 oui Non facturée sans explications comme en 2009
Entrepreneurs (Flinvest) 1.79 Non dispo 1.80 (1.80+0) oui 0% n’a pas surperformé son indice
Tricolore Rendement 2.15 2.37 2.20 non
Valfrance 2.17 2.09 2.16 non
Centifolia 2.63 2.63 non dispo non
Tocqueville dividende 2.81 2.64 non dispo non
Agressor 2.84 2.84 2.91 non
Bestinfond N/A 1.93 2.25 non
 

Fonds Mixte

Carmignac Patrimoine 1.82 2.35 (1.74+0.6) 1.77 (1.77+0) oui 0% n’a pas surperformé son indice
Echiquier Patrimoine 1.20 1.20 1.20 non
Eurose 1.40 1.40 Non dispo non
 

Fonds Monde

Sextant GL

 

2.07 2.06 5.20 (2.06+3.14) oui 3.14%
Sextant Inc N/A 2.08 5.67 (2.05+3.62) oui 3.62%
Carmignac Investissement 2.09 5.71 (2.01+3.70) 2.57 (1.88+0.69) oui 0.69%
Valeur Intrinsèque 2.25 2.24 2.25 oui Non facturée sans explications comme en 2009
Skagen global N/A 2.75 (1+1.75) 1.29 (1+0.29) oui 0.29%
 

Fonds Emergents

Sextant ADM

 

2.43 2.42 5.06 (2.42+2.64) oui 2.64%
Carmignac Emergents 2.51 2.70 3.79 (2.13+1.66) oui 1.66%
Magellan 2.15 2.04 2.01 non
East Capital Balkan 2.50 2.50 2.50 non
 

Fonds Matières premières

Sextant PO 2.79 2.41 6.99 (2.40+4.52) oui 4.52%
Carmignac Commodities 4.09 6.96 6.96 oui Non précisé dans le prospectus
Tectonic Fund 2.54 Non dispo 20.81 (2.80+18.01) oui 18.01%

 

Analyse :

Je faisais remarquer l’année dernière que « l’application de commission de surperformance sur des fonds cycliques est particulièrement défavorable pour l’investisseur. ».

Les fonds investissant sur des sociétés dans le domaine des matières premières sont par essence cyclique vu que ces sociétés dépendent fortement du prix de vente des matières premières. Il est compréhensible que ces fonds alternent les très bonnes et les très mauvaises années.

L’application de frais de surperformance rogne la performance les bonnes années et n’est pas restitué les mauvaises années. C’est un phénomène pervers qui devrait aboutir inévitablement à l’appauvrissement du porteur de parts sur le long terme.

Pour l’année 2010, l’exemple est frappant sur les 3 fonds suivis : 6.99% (Sextant PO), 6.96% (Carmignac Commodities) et la palme d’or 18.01% de frais de surperformance pour The Tectonic Fund !

Pour rappel ce fonds a fait -80% de performance en 2008 au plus grand bonheur de ses porteurs de parts… Même si ce que fait le SPGP est règlementairement tout à fait légal, on peut s’indigner d’un manque de respect financier et intellectuel.

En ce qui concerne les fonds France/Europe, la catégorie reste encore assez chère. Seuls Entrepreneurs et Moneta Micro Entreprise ont un TER 2010 inférieur à 2%. A noter que MME a encore une fois délivré une belle performance. Y a-t-il un traitement de faveur pour ce fonds fermé ? La question peut se poser, car comme l’année dernière MMC a subit des frais de surperformance alors que MME en a été exempté et cela sans explication.

A noter que DNCA et Tocqueville Finance n’ont toujours pas mis à disposition leur prospectus 2010. On pourrait attendre de sociétés sérieuses qu’elles tiennent ce type de documents à jour et les mettent à disposition sur internet.

Pour les fonds mixtes, les frais restent raisonnables.

Les TER des fonds émergents ont fortement augmenté pour les fonds avec frais de surperformance. Attention au même type d’effet pervers que pour les fonds matières premières, car les fonds émergents sont également sujets à de fortes volatilités. Un fonds émergents de qualité sans commissions de surperformance devrait rester la solution sur le long terme.

En ce qui concerne les fonds Monde, les disparités entre les frais sont énormes.

Il y a les fonds Sextant et Carmignac qui ont des TER particulièrement élevés.

Même si les TER 2010 des fonds Sextant sont très élevés, on doit préciser qu’aucun frais de surperformance n’avait été encaissé en 2009, signe d’une certaine honnêteté intellectuelle.

Mais couplés à des frais de base déjà relativement élevés (entre 2% et 2.40%), c’est clairement un point à suivre sur ces fonds.

Puis, il y a les fonds Valeur Intrinsèque et Skagen global avec des frais raisonnables.

Valeur Intrinsèque maintient son TER à 2.50%, alors qu’il aurait pu prélever des frais de surperformance. Je salue cette initiative, même si une communication sur le sujet serait l’idéal pour avoir une meilleur visibilité.

Skagen global est l’exemple même d’une pratique saine des frais de surperformance. Les frais de bases sont bas (1%), ce qui fait que l’application de frais de surperformance permet réellement d’aligner l’intérêt de la boutique et du porteur de parts.

Portefeuille au 27 Mai 2011 : 2 ans 184 jours

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  • Portefeuille : VL 539,16 € (Frais de courtage et de change inclus)
  • Rendement Total : 433,65%
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  • Potentiel Estimé VANT / Cours 148,26%
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  • Rendement Annualisé : 95,03%
  • Rendement 2011 : -1,82%
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  • Rendement 2010 : 38,07%
  • Rendement 2009 : 308,74%
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  • Taux de Rotation Annualisé : 45,67%
  • Effet Devise Total : -4,88%

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  • Tracker ETF Lyxor MSCI World : VL 97,30 € (Frais de courtage inclus et dividende réinvesti)
  • Rendement Total : 45,11%
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  • Rendement Annualisé : 16,01%
  • Rendement 2011 : -3,30%
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  • Rendement 2010 : 18,76%
  • Rendement 2009 : 30,34%

 

* Nous rappelons que ce portefeuille est un investissement réel

 

Performance mensuelle du portefeuille depuis sa création

Portefeuille au 20 Mai 2011 : 2 ans et 177 jours

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  • Portefeuille : VL 548,27 € (Frais de courtage et de change inclus)
  • Rendement Total : 442,67%
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  • Potentiel Estimé VANT / Cours 163,58%
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  • Rendement Annualisé : 97,51%
  • Rendement 2011 : -0,16%
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  • Rendement 2010 : 38,07%
  • Rendement 2009 : 308,74%
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  • Taux de Rotation Annualisé : 45,56%
  • Effet Devise Total : -2,77%

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  • Tracker ETF Lyxor MSCI World : VL 97,66 € (Frais de courtage inclus et dividende réinvesti)
  • Rendement Total : 45,66%
  • .
  • Rendement Annualisé : 16,34%
  • Rendement 2011 : -2,94%
  • .
  • Rendement 2010 : 18,76%
  • Rendement 2009 : 30,34%

 

* Nous rappelons que ce portefeuille est un investissement réel

 

Performance mensuelle du portefeuille depuis sa création

Question des lecteurs : pourquoi n’y a-t-il pas de titres de matières premières dans votre portefeuille ?

Tout d’abord une  petite rectification, ami lecteur, si vous le permettez : la daubasses masquée numéro 15 est bien,  pour une grosse partie de ses activités, active dans le segment « sexy »  des  « terres rares ».  Mais ça ne représente que 2 % de notre portefeuille.

En réalité, nous n’avons absolument pas décidé de frapper d’ostracisme tel ou tel secteur et celui des matières premières pas plus que d’autres.  D’ailleurs, si l’aventure daubasse avait débuté en 1998, il est possible que ce genre de sociétés, dont un certain nombre cotait à l’époque sous la valeur de leur actif net, ait représenté une bonne partie de notre portefeuille.

Mais voilà, nous n’avons pas débuté l’aventure « daubasses » en 1998 mais 10 ans plus tard en 2008 et à cette époque, ce qui cotait significativement sous l’actif tangible, ce n’était pas les commodities mais bien les « technos », conséquence du dégonflement de la bulle 2000 et de l’effet « second tour » de la crise financière.  Et tout naturellement, c’est dans ce segment que nous avons réalisé la plus grande partie de nos investissements mais aussi de nos plus-values.

Et donc, si nous ne sommes que rarement investis sur les secteurs « à la mode », ce n’est pas parce que nous ne voulons pas être « branchés » et faisons du « snobisme » avec notre « ringardise » mais tout simplement parce que ce qui est « in » est souvent, pour nous,  « out » en terme de prix à payer.

Les bulles spéculatives existent  car, très naturellement,  les investisseurs sont à l’affût de tous ce qui pourrait générer d’énormes cash- flows futurs. 

Souvenez-vous, entre autres, des différentes « exhubérances irrationnelles » successivement sur les actions des chemins de fer, du téléphone,  de  l’automobile, de la radio, de la télévision, de l’électronique durant les golden sixties, de l’informatique dans les golden eighties ou de l’internet, la dernière grosse bulle avérée.  

Souvent, ces bulles se sont terminées dans les larmes et le sang (bon, là, c’est vrai, nous exagérons, disons plutôt par des pertes en capital conséquentes et définitives).

Pourquoi ?  Nous pensons que c’est surtout parce que l’optimiste des investisseurs était excessif mais aussi parce que les investissements se faisaient sur des sociétés par encore « mûres ».  Ces sociétés ne présentaient pas encore de fondamentaux économiques suffisants pour déterminer l’ampleur des profits futurs puisque, souvent, le chiffre d’affaires est faiblard et les bénéfices inexistants.  Sans base financière fiable, comment voulez-vous déterminer ce que sera le futur ?

Pour les matières premières, c’est différent : la plupart des sociétés extractrices génèrent bel et bien des cash-flows et présentent, en général, des fonds propres conséquents.  Mais il existe aussi une grosse incertitude quant à leur rentabilité future : c’est le prix auquel elles pourront vendre leurs productions.  Les cours des matières premières sont très erratiques, les spéculateurs en turbos à fort levier viennent récemment de l’apprendre à leur dépens (après, soyons de bon compte, l’avoir appris pour leur plus grand bénéfice). 

Imaginons par exemple un producteur de cuivre imaginaire dont les coûts de production s’élèvent à 3 000 euros la tonne.  Cette compagnie est créée en 1970.

En 1970, la société peut vendre sur le marché son cuivre à 10 000 euros la tonne.  Résultat des courses : elle génère 7 000 euros de bénéfice.

3 ans plus tard, les cours du cuivre se traînent à 5 000 euros la tonne, la société ne génère donc plus que 2 000 euros de bénéfices, soit une division par plus de 3 !

Un an plus tard, en 1974, le cours du cuivre explose à 11 000 euros et notre producteur multiplie donc ses profits de l’année par 4 à 8 000 euros.

L’année suivante, en 1975, les cours du cuivre s’effondrent à 3 000 euros la tonne : notre producteur parvient donc tout juste à équilibrer ses comptes sans plus générer de profit.

Cette situation va s’éterniser pendant une quinzaine d’années, jusqu’en 1990.  Durant ce laps de temps, les cours du cuivre fluctueront entre 3 000 et 5 000 euros et notre producteur présentera en moyenne durant cette période des profits raisonnables de 1 000 euros par tonne.

A partir de 1990, descente aux enfers pour notre « cuivrier » : il ne parvient, bon an, mal an, à vendre ses produits qu’à des cours compris entre  2 000 et 3 000 euros.  Les années de déficit alternent avec les années d’équilibre financier et l’entreprise « vivote » ainsi jusqu’en 2005.

A partir de ce moment, explosion du cours du cuivre qui passe à 7 000 euros la tonne et les bénéfices de notre producteur itou.  Une année de perte en 2009 suite à l’effondrement dû à la crise financière et les cours repartent au nord pour tourner, aujourd’hui, à nouveau autour de 7 000 euros la tonne. 

Tout ceci pour expliquer, cher lecteur, qu’il nous est très difficile d’acheter une société pour ses profits futurs  et plus encore lorsqu’il s’agit d’un producteur de matières premières qui n’a aucune possibilité d’imposer ses prix de vente et à peine plus de possibilité d’abaisser ses coût de production (si ce n’est la solution de fermer, provisoirement ou définitivement, les gisements non rentables).

Voilà pourquoi, pour un achat dans ce secteur, nous attendrons, comme pour toute autre société, que les cours des entreprises « commodities » se retrouvent sous la valeur du patrimoine net de ces sociétés … quitte à louper cette vague.  Ce qui en soit ne serait pas dramatique : mieux vaut rater l’ascenseur et attendre le suivant que de se prendre sa porte en plein visage.

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