Eviter l’ancrage, regarder la valeur …

L’ancrage est un biais psychologique qui induit des individus à donner une valeur à quelque chose en fonction de données passées. 

Ce phénomène a été mis en évidence par Tversky et Kaheman dans les années 70. Pour illustrer ce biais, nos deux universitaires se sont livrés à plusieurs expériences et notamment celle-ci qui consistait à demander à deux groupes de personnes d’estimer la proportion de pays africains membre de l’ONU. On a demandé au 1er groupe si cette proportion était supérieure ou inférieure à 10% et ensuite de donner son estimation. De même, on a demandé au 2e groupe si la proportion était supérieure ou inférieure à 65% et ensuite de donner son estimation. Résultat des course : le 1er groupe a proposé une proportion moyenne de 25% et le 2e  groupe une proportion moyenne de 45% !

 

En investissement, cet effet d’ancrage est illustré par le fait que des investisseurs prennent leurs décisions d’investissement en fonction des cours historiques de l’action et non de sa vraie valeur.  De même, la décision de vendre une action pourrait être prise en fonction du prix d’achat (par exemple : « j’ai déjà gagné 50 % sur l’action, je vends » ou « faut que je récupère mon PRU avant de vendre ») au lieu de la valeur réelle de la société sous jacente.

Vous avez bien compris, cher(e) lecteur(trice ), que ce n’est pas vraiment notre philosophie : nous vendons non pas en fonction des évaluations boursières historiques et de  bornes « subconscientes » mais bien de la valeur comptable de la société que nous analysons et de son évolution.

Ceci nous amène à rebondir sur une remarque que certains de nos lecteurs nous ont fait ces derniers temps que ce soit dans les commentaires sur ce blog ou par e-mail. On pourrait la résumer comme ceci : « depuis plus d’un an, vous sous-performez le marché ».

Que pouvons-nous répondre d’autre à nos lecteurs que, confus et honteux, « oui, la valeur de marché de notre portefeuille a évolué moins vite que la valeur de marché de notre portefeuille fictif « benchmark » composé du tracker msci world en euros, dividendes inclus ». En résumé, sur un an glissant, ce portefeuille « benchmark » a augmenté de 7 % alors que la valeur de marché de notre portefeuille réel n’a augmenté que de 2,1 %. 

Outre qu’une période d’un an  nous semble un peu courte pour tirer des conclusions définitives, il y a surtout le fait que pour nous, investisseurs dans la valeur, ce n’est pas l’évaluation de Mr Market qui nous intéresse mais bien la nôtre …

Non, cher(e) lecteur(trice), nous n’avons pas la tête qui enfle … rassurez-vous. En réalité, nous estimons que c’est en fonction de l’évolution de la valeur réelle des sociétés composant notre portefeuille que nous pouvons nous faire une idée de la justesse de nos choix et non de la valeur que peut leur donner la communauté des investisseurs.

 Ainsi, comme nous vous l’avons déjà signalé à plusieurs reprises, c’est la valeur d’actif net tangible  qui, pour nous, représente le mieux et ce, de manière générale, la vraie valeur d’une société. C’est ainsi que, chaque semaine, nous suivons la « vraie » performance de notre portefeuille.

Concrètement, nous calculons la VANT de chaque ligne de notre portefeuille, nous déduisons la valeur de marché des éventuelles options émises, ajoutons les liquidités disponibles et divisons le tout par le nombre de parts détenues par les membres du club. 

De cette manière, nous pouvons dire que le 9 juillet 2010, la valeur de marché d’une part de notre club était de 519,18 euros et sa valeur « comptable » était de 1 333,68 euros.

Un an plus tard, la valeur de marché de cette même part a donc gagné 2,1 % pour s’établir à 529,92 euros … mais sa valeur comptable s’établit, quant à elle, à 1 465,37 euros soit 9,9 % plus haut !

Une augmentation de la valeur économique réelle de 10 % par an pour la prochaine décennie ? Nous signerions avec plaisir pour un tel scénario car couplé au potentiel de rattrapage lié à la décote amènerait la valeur de chaque part à 3 800,8 euros, un rendement annuel qui serait donc proche des 22 %. 

Évidemment, tout cela est très théorique et reste, pour l’heure, du domaine du « fantasme ». En réalité, ce que nous voulions démontrer, c’est que si on veut évaluer ses propres décisions, surtout sur des périodes aussi courtes que l’année, il faut éviter de rester « ancré » sur les évaluations que donne Mr Market, évaluations par trop soumises à ses sautes d’humeurs mais, au contraire, se fier à des critères objectifs et non psychologiques de valorisation.

 

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7 réflexions au sujet de « Eviter l’ancrage, regarder la valeur … »

  1. Ce qui pourrait etre interessant, ce serait que vous presentiez le total des frais bancaires « subis » par votre portefeuille. En donnant le chiffre depuis le 1er janvier, ce qui permettrait de le comparer a la performance et a l’encours.

    1. Bonjour Laurent,

      Un mot, un geste …

      du 01/01/2011 à 10/07/2011 : 738,08 euros de frais de courtage soit 3,71 euros par part.
      du 10/07/2010 au 31/12/2010 : 218,33 euros par frais de courtage soit 1,36 euros par part.

      autrement dit, sur un an glissant, nous avons supporté 5,07 euros par part soit 1 % de sa valeur de marché d’il y a un an ou 0,4 % de sa valeur comptable.

    1. Bonjour Superinvestisseur,

      Bien sûr qu’une sous performance à long terme ne serait pas flatteuse pour nous. Mais le problème restera de créer de la performance économique sur le long terme car les marchés, sur la durée, finissent toujours par rejoindre la réalité économique.

      « A court terme, le marché est une machine à voter. A long terme, c’est une balance » disait le maître Graham.

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