Vive le rachat d’actions !

Pour la seconde fois de l’histoire de son entreprise, Warren Buffett a annoncé un programme de rachat d’actions fin septembre sur les titres de son célèbre conglomérat Berkshire Hathaway. Il a annoncé un programme d’ampleur afin “de renforcer la valeur intrinsèque des actions qui bénéficiera aux actionnaires gardant leur part”.

La société Bouygues en a fait de même, en proposant d’annuler pas moins de 11,4% de son capital à la suite d’un programme rachat de titres proposé à 30 euros ! Que se passe-t’il donc sur le marché ? Êtes-vous « pour » ou « contre » ces rachats d’actions ?

De nombreuses critiques

Les détracteurs du rachat d’action estiment que ce sont des opérations futiles, que ce sont des aveux de ne pas vouloir faire de la croissance externe, sous-entendu que le marché n’est pas porteur. Et donc que le management ne prend aucun risque.

Nous nous portons totalement en faux face à cet argument. Il existe des cas, quand le cours d’un titre est tellement sous-évalué et qu’il présente une telle décote par rapport à sa valeur intrinsèque, que c’est parfois l’investissement le plus sensé et le plus créateur de valeur qui soit.

Dans son ouvrage « Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse », Peter Lynch insiste sur le fait d’éviter à tout prix les « dispersifications ». Ces entreprises qui souhaitent faire de la croissance externe, ou comment gâcher son argent dans des acquisitions stupides.

Second argument contre le rachat de titre sur le marché : pour de nombreux observateurs, le rachat d’action n’est pas un investissement et n’a donc pas de sens économique.

Certes, racheter des actions, ce n’est pas faire de la croissance ni augmenter ses parts de marché. Mais c’est créer de la valeur avec un actif que la société connait le mieux : ses propres actifs, son marché et son potentiel. C’est le bon sens même, ce qu’il y a de plus simple et de plus pertinent à nos yeux. Ces opérations de rachat sont donc loin d’être des dépenses de cash « inutiles ». Bien des fois, en périodes troubles, quand de fortes décotes des cours par rapport à la valeur des entreprises apparaissent sur le marché, c’est une solution malheureusement trop ignorée par les managements.

Les conditions

Attention tout de même. Tous les rachats d’actions ne nous satisfont pas. Par exemple ceux initiés par DELL qui rachète pour alimenter ses plans de stock-options. On ne peut donc pas vraiment parler dans ce cas de bénéfice pour l’actionnaire… Puisque chaque titre racheté va revenir dans la main d’un salarié. Le jeu est alors à somme nulle. A nos yeux, le rachat d’action a de sens uniquement quand la société annule les actions qu’elle a rachetées. C’est-à-dire qu’elle diminue le capital. Le gâteau a la même taille, mais les parts de chaque actionnaire restant sont plus grosses !

Rien à voir donc avec l’attribution gratuite d’actions, qui en fait, pour un même gâteau, augmente le nombre de parts… mais qui distribue un peu plus de parts aux anciens actionnaires. Une « escroquerie intellectuelle » dont nous vous parlions il y a quelques mois

Racheter pour annuler n’est pas la seule condition. L’autre critère indispensable, même s’il parait évident, mérite d’être rappelé. Le rachat doit être effectué à un prix d’aubaine. Quand prix (le cours de bourse) et valeur sont complétement déconnectés.

Avec ces deux conditions remplies, vous avez les ingrédients pour procéder à un bon rachat d’action.

Comment nous profitons des rachats d’action

De nombreuses entreprises détenues dans le portefeuille des Daubasses sont des adeptes du rachat d’action. Ce qui nous ravit car nous sommes convaincus que les titres sont acquis à des prix d’amis, dans le but d’être annulés. C’est le cas des titres de (en date de publication de l’article) :

– la société allemande n°3 (ajout du 09/12/2011)
– la société anglaise masquée n° 10
– la société canadienne masquée n° 17
– la société française Gévelot qui a annulé en début d’année 4,73% de son capital
nos fonds fermés qui profitent également à fond de la décorrélation du prix fixé par l’offre et la demande sur le marché et la valeur d’actif net du fond. Notre fonds fermé ukrainien est en première ligne pour racheter des actions sous-évaluées sur le marché, tout comme nos autres fonds : notre fond fermé «Turquie », société masquée n°19, et notre fonds fermé « Inde », société masquée n°20.

Nos abonnés sont informés régulièrement de ces rachats grâce au suivi que nous effectuons tous les mois sur toutes les sociétés analysées dans les précédentes lettres mensuelles ainsi que sur les sociétés du portefeuille.

Les inconditionnels de l’investisseur de la valeur que nous sommes sont forcément des adeptes de ces opérations. Et vous, cher(e) lecteur(trice), qu’en pensez-vous ?

12 réflexions au sujet de « Vive le rachat d’actions ! »

  1. Je suis bien d’accord avec vous. On pourrait même coupler cette information avec un rachat d’un ou de plusieurs (c’est encore mieux) dirigeants.
    Si la société rachète des actions et que les 3 principaux dirigeants achètent, çà peut valoir le coup qu’on s’y intéresse de plus près.

    D’autre part, il faut faire attention qu’il s’agisse bien de rachat sur fonds propres…et sii possible à fin d’annulation et non pas simplement des achats prévus dans le cadre d’un contrat de liquidité, ce qui n’a rien à voir au bout du compte!

  2. Merci pour cet article.
    Le fonds East Capital Explorer est justement en train de racheter des actions, depuis quelques temps et cela est prévu jusqu’en mars 2012. (ils ont racheté environ 2,45% pour l’instant).
    Je me permets, si vous le voulez bien, de publier ici la news d’ECEX :

    East Capital Explorer AB hereby reports that the Company, in accordance with the
    decision of the Board regarding the utilization of the authorization to
    repurchase own shares as announced on 12 October 2011, has repurchased an
    additional 43,707 shares during the period 28 November – 2 December 2011 at an
    average price of SEK 50.76 per share.

    Since the initial repurchases began on 15 September 2011, East Capital Explorer
    has repurchased a total of 853,878 shares at an average price of SEK 51.65 per
    share.

    Shares can be purchased up to and including 30 March 2012, observing blackout
    periods before reports and all other applicable rules. Execution of the
    resolution to repurchase shares is dependent upon market terms, applicable rules
    and regulations and the Company’s capital position at any point in time.

    Before 15 September 2011, the Company did not hold any own shares. The total
    number of outstanding shares in East Capital Explorer, including the ones held
    by the company, amount to 34,851,675.

    Si j’ai bien compris, cela illustre simplement la confiance qu’a la société ECEX dans le potentiel de ses actifs c’est à dire son fonds ECEX ?

    1. Bonjour Etienne et Sylvain,

      A priori, nous dirions que les rachats d’actions chez East Capital Explorer illustrent, avant toute chose, la confiance qu’a la société dans la valorisation qu’elle fait des actifs qu’elle détient (et, lien de cause à effet, le potentiel des participations est probablement un élément menant à cette valorisation).

  3. Axa a raté une belle opportunité de rachat d’actions quand son cours frolait les 6€… alors que celui ci avait été voté possible en CA jusqu’à 14€.

  4. modestement je crois que c’est une bonne chose dans l’absolu ,même si les actionnaires préféreraient probablement une augmentation du dividende………cela dit, faut voir ce que ça représente en % versus leur cash et vérifier si le R and D ne prend pas un coup dans l’aile ,j’ajoute que si le ratio avec la ligne de cash est important c’est une indication de refus de croître par acquisition..
    et là on peut interprêter de nombreuses façons………..bonne journée à toutes et tous:-)

  5. Il y a aussi le rachat de sa propre dette avec décote comme le font nos banques en ce moment.

    Je me rapelle Rhodia il y a qqs années (crise de 2008). Alors que l’action valait 2 euros (soit 200 millions d’euros de capitalisation), que sa dette « coté » cotait 50% (de mémoire 300 millions a débourser pour racheter 600 millions de dette), ces idiots ont préféré débourser 400 millions d’euros pour racheter un chinois qui augmentait leur taille de 10%.

    Est-ce que le chinois allait leur apporter plus que 300 millions immédiat en gain sur leur propre dette ?
    Est-ce que la futur filiale chinoise valait plus que le double de rhodia elle même ?

    Sur cette péripétie, 2 choses a apporter :
    – l’action valait certes 2 euros, mais elle n’en aurait pas acheter beaucoup a ce prix. C’est le paradoxe de la compta mark to market. Si elle lançait une OPA a 3euros (alors que le cours était a 2) elle n’aurait recueilli que 1% (?) du capital. Le cours de bourse ne veut pas dire tant de chose que ça. Pareil pour la dette décotée. A 50% du nominal, combien en aurait elle effectivement rachetée.
    – Le but des dirigeants est de faire prospérer l’entreprise, de rentrer dans l’histoire, de faire grandir l’entreprise, de s’enrichir personnellement, d’accumuler plus de pouvoir, d’arrondir les angles avec les politiques… Pas uniquement de faire gagner de l’argent aux actionnaires.

  6. « La société Bouygues en a fait de même, en proposant d’annuler pas moins de 11,4% de son capital à la suite d’un programme rachat de titres proposé à 30 euros ! »

    => mouais… le but de cette opération est de permettre à la famille Bouygues de voir passer sa participation de 18,6 % à 21,10 % des actions et de 27,5 % à 30 % des droits de vote (seuil maximum à ne pas dépasser sous peine de devoir lancer une OPA) pour un coût de 1,5 %.

    Source: lettre Vernimmen n° 102 – Novembre 2011.

    Jazzy

    1. Salut Pascal,

      Bien sûr que la part de la famille Bouygues dans le capital a augmenté … tout comme celle de tous les autres actionnaires qui ont conservé leur part. Nous n’avons pas d’avis particulier sur les rachats d’acitons opérés par Bouygues mais il nous semble que les deux seules questions à se poser sont les suivantes : « est-ce que les rachats d’actions créent de la valeur pour les actionnaires ? » et « ne mettent-ils pas en péril l’équilibre financier de la société à long terme ? ». Nous ne connaissons pas suffisament le cas de Bouygues pour répondre avec pertinence à ses deux questions.

      Remarque que tu aurais pu faire la même réflexion pour Berkshire Hataway : ici aussi, Warren renforce son emprise sur le holding sans débourser un dollar …

      1. Bonjour à l’équipe des daubasses,

        je me permets de poster le point 4 de la lettre dont question qui illustre les précautions à prendre lorsqu’on envisage « les effets positifs du rachat d’action (surtout sur le BPA). Pour le reste, je reste un lecteur attentif et respectueux de votre démarche (et de vos résultats !).

        Jazzy

        4. Pertinence de la variation du BPA
        Autant être direct et clair : elle est nulle.
        Nous rappelons à notre lecteur qu’on ne peut comparer un BPA avant et après une opération (acquisition, augmentation de capital, OPRA, …) pour lui appliquer le même PER afin de déterminer la valeur de l’action, que si et seulement si 3 conditions sont réunies :

        le risque de l’actif économique est inchangé après l’OPRA ;

        la croissance des résultats d’exploitation est inchangée ;

        et la structure financière est inchangée.
        Clairement, cette troisième condition n’est pas observée au cas présent. Certes la structure financière de Bouygues après l’OPRA n’est pas bouleversée, mais elle n’est plus la même. La dette nette passe de 30 % à 54 % de la capitalisation boursière (à 23 €) ou de 26 % à 47 % (à 27 €), ce qui n’est pas la même chose. Autrement dit, le risque de la structure financière s’étant accru, l’action Bouygues mérite après l’OPRA un PER plus faible.
        Ce n’est que si le PER était constant que l’on pourrait comparer BPA avant et après une opération et que la relution du BPA serait synonyme de création de valeur. Rappelons que celle-ci est automatique dès lors que le taux d’intérêt après impôt des fonds placés dans l’entreprise est inférieur à l’inverse du PER. Avec des taux de placement sans risque actuellement d’au plus de 2 %, il faudrait que le PER soit de 50 pour que l’impact sur le BPA soit dilutif (4). Le PER de Bouygues est un peu inférieur à 10.
        Pour être constructif, il nous paraîtrait souhaitable que les régulateurs boursiers, en France l’AMF, fassent savoir aux sociétés que ce sont là des pratiques intellectuellement biaisées, destinées à tromper l’investisseur peu avisé et qu’il serait bon d’y mettre fin.
        (3) Pour plus de détails, voir le chapitre 31 du Vernimmen 2012.
        (4) Pour plus de détails, voir le chapitre 42 du Vernimmen 2012.

        1. Pascal,

          En réalité, tu donnes ici l’exemple même de la manière dont raisonne la majorité des investisseurs en bourse : en fonction du per. Et tu sais ce que nous en pensons … Pour notre part, nous pensons que des rachats d’actions sont positifs s’ils sont effectués à un prix inférieur à l’actif tangible de la société et ce, afin, non pas d’augmenter le bénéfice par actionnaire mais bien l’actif net de dettes par actionnaire.

          L’exemple que tu donnes nous rappelle un peu l’exemple de la banque belge KBC qui rachetait ses propres titres à tour de bras à des cours de 80 ou 90 euros avant que fin 2008, elle ne doive opérer d’urgence à une augmentation de capital vers 10 euros pour assurer sa survie. Ici aussi un exemple de magnifique destruction de valeur pour les actionnaires …

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