Le processus comparé au résultat

Nous vous présentons le premier volet d’une série de 3 petites réflexions sur la psychologie de l’investisseur. A partir de fragments de textes choisis au hasard de nos lectures.

« Dans bien trop de cas, les investisseurs ne s’intéressent qu’aux résultats sans tenir compte du processus à engager. Cette fascination pour le résultat peut, d’une certaine manière, se comprendre. Après tout, ce sont bien les résultats, les pertes et les profits qui comptent finalement. Et, en règle générale, les résultats sont plus faciles à appréhender et certainement plus objectifs à évaluer que le processus qui a permis d’y aboutir. Mais trop souvent les investisseurs font l’erreur grave de penser que les bons résultats sont les conséquences d’une bonne manière de faire et que les mauvais résultats sont à mettre au débit d’un mauvais processus de prise de décision. Face à cela, il est surprenant de voir que les meilleurs exécutants dans n’importe quel domaine probabilistique, que ce soit l’investissement, les sports d’équipe ou le pari mutuel, attachent plus d’importance au processus, autrement dit au moyen qu’à la fin »

Michael Mauboussin et Kristent Bartholdson (Process and Outcome in investiss.ing. The Consilient Observer, Volume 2 N°19)

 

Michael Mauboussin, Chief Investment Strategist pour Legg Mason Capital Management Inc et professeur de finances à la Columbia Business School

 

La première impression que nous avons eu après la lecture de ce texte, c’est qu’il était d’une banalité déconcertante, voire qu’il enfonçait des portes ouvertes malgré tout le respect que nous avons pour le professeur Michael Mauboussin et l’ensemble de ses écrits sur la psychologie de l’investisseur.

En fait, après plusieurs relectures, c’est la dernière phrase du texte qui nous a fait prendre conscience que nous nous trompions sur notre première impression pour la simple raison que nous avions en fait lu ce texte avec l’œil des exécutants qui attachent plus d’importance au processus, autrement dit au moyen qu’à la fin, ce qui nous semble évidemment logique et qui semblera aussi logique à la majorité de nos lecteurs et abonnés. Logique donc car comment voulez-vous, sans moyen ou sans processus, atteindre le but ou la fin.

Et pourtant, une large majorité d’investisseurs est littéralement « aimantée » par la fin, le résultat. Il suffit de parcourir quelques forums ou blogs boursiers pour comprendre la véritable fascination du résultat et la versatilité que cela produit sur le comportement de l’investisseur.

L’exemple du fond commun de placement ou du holding au « track record » largement au-dessus de sa catégorie et de son indice de référence à long terme suscite de réelles ruées vers « l’or » après une période de belle performance. Évidemment, c’est toujours après. Dès que ces performances ralentissent, voir sont nettement moins bonnes que dans la phase précédente, la majorité des investisseurs s’impatientent.. Et au fur et à mesure que la période de sous performance s’allonge, la majorité des investisseurs qui ne juraient que par ce fonds et ses résultats exceptionnels vont commencer à l’enterrer. L’argument souvent avancé, c’est que le fond a enregistré une performance négative alors que le marché s’est apprécié… sur la semaine ou le mois écoulé.

Hormis les investisseurs qui ont investi sur le fonds ou la holding en question, depuis plusieurs années, pour le processus « transcrit » dans la performance à long terme, vous verrez rarement un investisseur de la dernière heure se poser des questions sur le processus.

L’exemple des gourous est encore plus parlant, dans le sens où le gourou devient gourou par un véritable coup d’éclat sur le résultat. Sa performance tranche réellement dans le paysage. Une nouvelle vague d’investisseurs « aimantés », commence à le copier ou à investir par rapport à ce qu’il dit.

Et pourtant, quand on prend un peu de recul, en jetant un œil sur le passé, on observe que chaque cycle de marché a son gourou, souvent ses gourous. Mais jamais deux cycles différents de marchés n’ont les mêmes gourous.

En fait l’erreur du gourou, c’est qu’il pense que son processus d’investissement va fonctionner dans tous les cycles de marché… ce qui n’est pas le cas évidemment, sinon les gourous, seraient… gouroutisés à long terme.

Comme le gourou a raison lorsque son coup d’éclat est réalisé, on comprend dès lors les dégâts que cela peut-engendrer pour les suiveurs… lorsque le gourou n’a plus raison. Mais vous savez déjà, cher(e) lecteur(trice) ce que nous pensons des gourous.

En fait le message de Michael Mauboussin est des plus clairs : si votre processus d’investissement est doté d’une forte probabilité de réussite, avec comme base, la logique, le bon sens et une notion du risque bien contrôlé, vous avez toutes les chances de produire un résultats au-dessus de la moyenne à long terme. Ce qui signifie aussi que des périodes de sous-performance succèderons à des périodes de sur-performance.

Et vous ne générerez aucun résultat si vous ne vous dotez pas du moyen de le générer.

Pour conclure un petit tableau visuellement parlant, proposé par deux professeurs de la « Warthon School » spécialistes de la prise de décision, qui vont dans le même sens que Michael Mauboussin. Il s’agit de Edward Russo et Paul Schoemaker.

Ce petit tableau est extrait de leur livre « Winning Decisions: Getting It Right the First Time »

 

                                              Processus utilisé pour aboutir a la décision

 

Bon

Mauvais

Résultat : Bon

Succès Mérité

Coup de Chance

Résultat : Mauvais

Pas de Chance

Échec Mérité

 

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8 réflexions au sujet de « Le processus comparé au résultat »

  1. D’un autre coté, les net-nets ont la particularité d’avoir des résultats que je qualifierais de variable. En effet, bien que l’on puisse estimer avec plus ou moins de précision le discount à laquelle on achète la valeur, le temps de réalisation (c’est à dire la période de temps nécessaire au marché pour s’apercevoir de la sous-valorisation) reste très variable. Or, c’est précisément ce temps qui influe directement sur la performance : si le marché reprend ses esprits relativement vite la performance va augmenter très sensiblement. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à votre portefeuille sur 2009-2010. Par contre si la valeur reste « bloquée » plus longtemps, alors la la performance s’écroule. En fait, c’est un peu comme les arbitrages de type merger : si on n’arrive pas à évaluer le temps effectif que prendra le rachat il est difficile d’évaluer la performance annualisée de l’opération. Ceci est pour moi le gros point faible de la stratégie net-nets vs des achats de qualité avec avantage compétitifs durable (à la munger).
    Dans cette dernière stratégie même si le marché ne réalise pas la sous-évaluation les premières années, cette sous-performance sera rattrapé les années suivantes car l’entreprise aura continuée de croitre. On peut donc mieux prévoir une performance annualisée pour ce type de valeur (et cette performance loin d’être ridicule). Dans le cas des nets-nets, il est très probable que la société soit dans la même situation quelques années plus tard (voire pire, c’est une daubasse après tout) et que donc cette sous-performance ne soit pas rattrapée ensuite…
    C’est un peu ce que j’avais expliqué (je radotte un peu) mais c’est une « stratégie » dans laquelle le temps joue contre vous et non avec vous. Et des fois je me demande s’il ne serait pas plus judicieux de liquider des valeurs qui vont avoir du mal à être débloquée (chinoise en reverse-merger sur de l’otc/pink) pour en prendre d’autres qui seront plus facilement « déblocable » par le marché (ou garder la liquidité).

    D’ailleurs, au passage, avez-vous envisagé également de vous essayer à l’arbitrage merger/acquisition ?

    1. Bonjour Bargain,

      « cette sous-performance sera rattrapé les années suivantes car l’entreprise aura continuée de croitre »

      tout-à-fait d’accord … à condition que la société ait effectivement continué à croître mais ça, c’est aussi difficile que d’affirmer avec certitude qu’une de nos daubasses n’améliorera pas ses résultats : en effet, avec nos sociétés, une légère appréciation des résultats, voire une perte un peu moins élevée qu’attendue suffit à faire exploser le cours.

      Nous en avions d’ailleurs parlé, entre autre, ici : https://blog.daubasses.com/2009/06/29/pourquoi-ny-a-t-il-pas-de-titres-connus-dans-notre-portefeuille/ et aussi ici (dans la 2e partie de l’article) : https://blog.daubasses.com/2010/01/13/valeur-versus-croissance-un-faux-debat/

      Ceci dit, nous n’avons pas comme ambition de reproduire la performance de 2009 chaque année : une moyenne à très long terme de 5 ou 6 % au dessus du marché suffit largement à notre bonheur.

      1. « avez-vous envisagé également de vous essayer à l’arbitrage merger/acquisition ? »

        Certains d’entre nous le pratique de temps à autre pour leur portefeuille personnel mais les opérations de vente à découvert (nécessaires pour pratiquer un arbitrage) ne nous étant pas possible en tant que club d’investissement, nous ne les avons pas pratiquées pour le portefeuille du blog.

        1. Concernant l’arbitrage merger/acquisition, je voulais parler de celle utilisé par le partnership de buffett (les fameux workout). Cette technique ne nécessite pas de vente à découvert : on achète l’entreprise cible de l’opa et on empoche la différence cours du marché au moment de l’annonce – cours du rachat par l’entreprise racheteuse. En ne prenant que les sociétés qui rachète en cash et où le rachat est quasi sur un nombre important de valeur il est possible de faire du quasi 20% annualisé sans risque. Enfin, cela c’était à l’époque du partnership de Buffett dans les années 50 (je ne connait pas d’étude plus récente). Ces workout lui ont permis de « sauver » la performance du portfeuille les années ou ça allait mal dans les autres types d’investissement (relative undervaluate, …).

          Ex: Si Parlux faisait l’objet d’une OPA à 6$ en 100% cash, nous pourrions prendre position à 5.30 et empocher .70/5.30=13% si le rachat est effectué dans 1 an, ou 26% si effectue dans 6 mois ou 6.5% dans 2 ans…
          Normalement, on doit me dire : « marché efficient », « impossible », etc, mais c’est pourtant ce que Buffett se tue à dire : il en existe pas mal de cas où cette situation se produit.

          Après pour revenir sur le sujet du résultat vs processus, il faut bien admettre que tout le monde y est passé. Je ne connais pas votre passé, mais je pense que vous vous êtes intéressé à l’investissement dans la valeur après avoir vu les performances époustouflantes des plus grand investisseurs dans la valeur (Buffett, Graham et compagnie). C’est donc bien la performance qui est à l’origine de votre intérêt pour la processus d’investissement « value » (en tout cas, c’est mon cas et je n’ai pas honte de l’avouer).

          1. « je pense que vous vous êtes intéressé à l’investissement dans la valeur après avoir vu les performances époustouflantes des plus grand investisseurs dans la valeur (Buffett, Graham et compagnie).  »

            En partie seulement … d’autres approches permettent aussi des résultats impressionnants : Edouard Carmignac n’est pas un investisseur « value », pas plus que que Richard Dennis des « Turtles » ou Stan Weinstein (juste pour citer trois approches fondamentalement différentes de la nôtre et qui présentent un succès certain). Nous ne sommes d’ailleurs pas « sectaires » et reconnaissons qu’il existe d’autres approches qui peuvent procurer des rendements intéressants.

            Non, la vraie raison pour laquelle nous avons opté pour l’investissement « value », c’est parce qu’il nous convient parfaitement : nous comprenons exactement ce que nous faisons et l’approche est en adéquation avec nos tempéramments. C’est d’ailleurs là que nous voulons en venir : il ne faut pas sélectionner une approche parce que d’autres ont obtenu de grands succès avec mais bien parce qu’on la comprend et qu’on se sent capable de l’appliquer. L’important est, ensuite, de s’y tenir et de l’appliquer en raisonnant correctement.

          2. Bonjour,

            En effet, très bon article qui amène à se poser des questions sur le choix d’un processus d’investissement. Dans mon cas je dois dire que ce sont effectivement les résultats impressionnants de buffet et ses compagnons qui m’ont attiré
            , ensuite la démarche intellectuelle m’a semblé interressante et pragmatique.

            Concernant l’approche d’arbitrage utilisée par buffet pour son partnership, n’est elle pas compliquée à mettre en oeuvre de nos jours du fait de la réactivité des cours suite à la publication des OPA?
            Comme les informations d’OPA sont accesibles rapidement via internet, il me semble qu’il faut pouvoir se positionner rapidement sur un titre cible avant que le marché ne s’aligne (plus ou moins) sur le prix de rachat, si l’on veut obtenir des résultats satisfaisants.
            C’est une question que je me pose en novice dans ce domaine.

          3. Bonjour Thomas,

            Il est encore possible de faire quelques arbitrages dans les cas d’opa : certains investisseurs qui ont vu le cours de l’action monter de 30 ou 40 % sont satisfaits et n’attendent pas nécessairement les 2 derniers pourcents pour acheter ou, plus simplement, il peut y avoir des conditions suspensives à l’opa qui la rendent incertaine et empêche ainsi le cours de rejoindre le prix offert.

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