Bas les masques : Encana

Cette semaine, nous vous proposons une analyse que nous avions mise à la disposition de nos abonnés dans notre lettre mensuelle de début mai, abonnés qui ont été avertis en temps quasi réel de cette opération. Il s’agit d’une émission d’options  sur Encana, un producteur de gaz, opération qui est d’ailleurs toujours en cours et qui, sauf cataclysme de dernière minute dans le genre « fin du monde le 21/12 », devrait nous permettre de générer un rendement additionnel intéressant de près de 8 % en moins de 9 mois sur des liquidités non investies.

En préalable pour ceux qui ne connaîtraient pas l’aspect technique des émissions d’options, nous vous renvoyons à cet article.

Voici donc cette fameuse analyse qui a été rédigée fin avril.  Compte tenu de cet élément, il est possible que certaines données ne soient plus à jour. Bonne lecture.

 

Comme vous le savez, nous avons une conviction particulière sur le gaz naturel. L’année dernière, nous avions d’ailleurs présenté cette conviction sur notre blog

A l’époque, celui d’entre nous qui s’intéressait le plus à cette énergie n’avait pas trouvé de support « value » pour y investir et s’était contenté d’acquérir, pour son propre portefeuille, quelques parts du tracker « FCG » qui détient une série d’acteurs du secteur. Un an plus tard, ce tracker a perdu 28 %. 

Par contre, cette volonté constante d’exiger une marge de sécurité suffisante sur nos investissements nous a permis, dans le cadre du club, d’éviter de faire une bêtise puisqu’en l’absence d’opportunités répondant à nos critères de valorisation, nous n’avons rien acheté du tout.  

Comme quoi, la discipline reste l’une des meilleures protections d’un patrimoine.

Depuis cet article, le cours du « Henry Hub », (le gaz commercialisé en Amérique du Nord) a été quasiment divisé par 2.

Néanmoins, notre conviction sur ce support n’a pas changé et les arguments avancés à l’époque nous semblent toujours valables. Seul bémol : le phénomène des gaz de schiste a complètement bouleversé la donne et, reconnaissons-le, dans de bien plus grandes proportions que ce que nous pensions.

Ceci dit, au cours actuel, le gaz naturel devient très très bon marché.  Il a rejoint ses plus bas de 10 ans mais surtout, il cote avec une décote sur le pétrole jamais atteinte : le rapport entre le cours du baril de pétrole et celui des « 1000 pieds cube » de gaz tourne aujourd’hui autour de 50 alors qu’historiquement, il est de 10.

A ce prix, un grand nombre de puits ne sont plus rentables et certains doivent fermer.

D’ailleurs, ces dernières semaines, plusieurs « majors » du secteur ont annoncé vouloir réduire leur production.

Ajoutons comme argument supplémentaire que le prix du gaz n’est pas, comme d’autres matières premières, mondial mais bien différent en fonction des régions. En effet, le gaz est très coûteux à transporter et un déséquilibre entre l’offre et la demande peut exister sur une partie du globe sans qu’il ne concerne la planète entière. Et cela se remarque bien dans le cas présent : le « Henry Hub » nord-américain cote bel et bien à 2 USD mais en Europe, les cours du gaz tournent autour de 6 USD et en Asie bien au-delà de 10 !

L’explication à ce phénomène nous semble relativement simple : jusqu’il y a peu, les USA étaient importateurs nets de gaz naturel et disposent donc d’installations pour importer du gaz mais pas pour en exporter. Il faut un certain temps pour construire des unités permettant de liquéfier le gaz pour son transport. Lorsque ces installations seront en place, l’Amérique du Nord pourra exporter ses surplus de production vers des marchés plus rentables et les prix devraient se rééquilibrer.

Avec Encana, nous pensons pouvoir, enfin, commencer à envisager une approche « value » sur cette matière première que nous apprécions dans l’équipe des daubasses.

Certes, la société n’est pas vraiment une daubasse et nous la considérons plutôt comme une diversification « value » de notre portefeuille.

Encana est un producteur d’énergie canadien actif en Amérique du Nord. Son activité est axée sur l’exploration et l’exploitation d’un portefeuille diversifié de zones de ressources de gaz naturel, de pétrole et de LGN. Elle détient et exploite également des stations d’approvisionnement en gaz pour véhicules routiers. La plus grosse partie de ses ventes porte sur le gaz naturel.

 

I.                   La Valeur d’Actif Net Net «(VANN)

Nous relevons un actif courant de 6,69 CAD par action, qui après déduction des dettes, nous amène à une VANN négative de 17,21 CAD.

 

II.                 La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)

Nous n’avons aucun détail sur les immeubles détenus par Encana : ils sont noyés dans les immobilisations corporelles sans être différenciés. Nous ne pouvons donc pas évaluer ce poste.

 
III.              La Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VLMV)

Nous n’allons pas ici aborder cette valeur de manière traditionnelle. Ce que nous allons tenter de déterminer, c’est la valeur des réserves de gaz et de pétrole de Encana nettes de dette.

En lisant le rapport annuel, nous apprenons que Encana détient, au 31/12/2011, des réserves prouvées de gaz naturel pour un équivalent de 13 441 milliards de pieds cubes et des réserves de pétrole pour un équivalent de 133 millions de barils.

Les coûts de production 2011 pour 1 000 pieds cube de gaz se sont élevés à 1,91 USD et pour un baril de pétrole à 8,32 USD. Par prudence, nous majorons ces coûts de production de 10 % et tenons compte d’un coût d’extraction de 2,10 USD pour le gaz et de 9,15 USD  pour le pétrole.

Au cours actuel de 2 USD pour le gaz et de 100 USD pour le baril de pétrole, nous valorisons donc les réserves d’Encana à :

Gaz : (2 – 2,10) X 13 441 000 000 = – 13 441 000 000 soit 0

Pétrole : (100 – 9,15) X 133 000 000 = 12 083 050 000 000 USD ou 16,41 par action

Nous retirons 5 années d’investissement (33,95 CAD par action), les loyers futurs à payer (3,42 CAD par action), les coûts non comptabilisés de mise hors services des gisements (4,50 CAD), ajoutons la VANN (-17,21 CAD) et obtenons une VLMV NEGATIVE de 42,67 CAD.

Pas terrible allez-vous dire … et vous aurez raison !

Néanmoins, vous savez que nous avons une bonne conviction que les prix du gaz vont aller en augmentant à moyen terme.

D’une part, l’arrêt de certaines centrales nucléaires devrait progressivement permettre une augmentation de la demande de gaz.

D’autre part, comme nous l’avons vu, le cours actuel ne permet pas à la majorité des exploitants gaziers d’être rentable et les oblige à fermer des puits. D’après nos lectures, il semblerait que le coût marginal de production (c’est-à-dire le coût de production le plus élevé pour la dernière unité produite pour répondre à la demande) pour le gaz est de 6 USD par 1000 pieds cube. Nous pensons que son prix d’équilibre, sur le long terme, doit obligatoirement se fixer autour de ce coût de production puisque c’est à ce prix que les entreprises gazières peuvent rester rentables.

En dessous de ce prix, elles stoppent leur exploitation, contribuent à diminuer l’offre et donc à hausser les prix. Notez tout de même, cher(e) lecteur(trice) que ce cours que nous allons retenir pour valoriser Encana  place encore le « Henry Hub » à moins de la moitié de son sommet d’il y a 6 ans !

Nous allons donc prendre comme hypothèse que les réserves de gaz d’Encana seront valorisées à 4 USD et celles de pétrole au ratio historique moyen gaz/pétrole de 10, soit à 60 USD le baril. Vous conviendrez qu’avec pareils hypothèses, nous restons prudents.

Gaz : (6 – 2,10) X 13 441 000 000 = 52 419 900 000 USD ou 71,19  CAD par action

Pétrole : (60 – 9,15) X 133 000 000 = 6 763 050 000 USD ou 9,19 CAD par action

Nous retirons 5 années d’investissement (33,95 CAD par action), les loyers futurs à payer (3,42 CAD par action), les coûts non comptabilisés de mise hors services des gisements (4,50 CAD), ajoutons la VANN (-17,21 CAD) et obtenons une VLMV de 21,3 CAD.

 

IV.              La valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)

Au cours des 5 dernières années, Encana a généré un résultat d’exploitation moyen de 4,51 CAD par action.

Nous amputons de 35 % à titre d’impôt forfaitaire sur le résultat, actualisons à 12 %, déduisons les dettes financières et ajoutons la trésorerie de l’actif et obtenons une VCB de 27,52 CAD … à  prendre avec certaines pincettes puisque cette VCB a été partiellement obtenue d’une part à une époque où le gaz cotait nettement plus haut qu’aujourd’hui et d’autre part, ces dernières années, avec une partie de la production vendue à un prix supérieur à celui du marché grâce aux couvertures prises par la direction.

 

V.                La Valeur d’Actif Net Rentable (VANTre)

Au cours des 5 dernières années, Encana a généré un rendement sur capital investi moyen de 8,5 %. La société est donc éligible à la VANTre.  Nous pouvons donc la valoriser sur base de sa VANTre de 19,93 CAD.

 

Conclusions

En fonction des valorisations que nous venons de vous présenter, vous comprendrez, cher(e) lecteur(trice), qu’au cours actuel, nous trouvions l’action Encana encore un peu cher. C’est la raison pour laquelle nous avons opté, comme pour First Solar (près de 9% de rendement en moins de 5 mois), pour un investissement indirect via l’émission d’options put.

Nous avons choisi d’émettre des options put à échéance janvier 2013 au cours de 15 USD. Cela signifie que nous nous engageons, le 18 janvier 2013, à acheter à notre contrepartie ses actions Encana au prix de 15 USD et, ce même si le cours de la société se situe bien plus bas. Cette opération s’est déroulée le 23 avril 2012.

En contrepartie de cet engagement, nous avons encaissé après déduction des frais de courtage, la somme de 1,18 USD par action.

A l’échéance, deux scénarios possibles:

1.  soit nous sommes exercés et nous devons acheter les actions. Ces actions nous coûtent 15 USD moins la prime encaissée de 1,18 USD soit 13,82 USD.

A ce prix de revient, nous obtenons des marges de sécurité de :

35 % sur la VLMV calculée sur base d’un prix du gaz « normal » de 6 USD

50 % sur la VCB

31 % sur la VANTre

 

2.  soit le cours d’Encana est supérieur à 15 USD et nous ne sommes pas obligés d’acheter les actions. Nous conservons la prime et les liquidités bloquées nous ont procuré un rendement de 7,9 % en 9 mois.

 

Nous sommes bien conscients que notre investissement en Encana part d’un postulat fort : notre conviction que les prix du gaz vont, à moyen terme, se retrouver significativement au-dessus du cours actuel.

Pour « tenir » jusqu’à ce moment, nous estimons que la société détient des avantages intéressants :

–    le fait qu’une partie de la production des deux prochaines années est « hedgée » et sera vendue à des prix supérieurs aux prix actuels

–   le fait que Encana produit un peu de pétrole et peut l’écouler de manière rentable, ce qui lui assure certains flux de trésorerie positifs permettant de compenser, en partie, les flux négatifs issus des activités gazières

– le fait que les coûts de production de Encana semblent significativement plus faibles que la moyenne des autres producteurs, ce qui devrait lui permettre de « tenir » plus longtemps.

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