Bas les masques : Amtech Systems

Petit-à-petit, le cours des actions que nous avions acquises lors de notre fièvre « techno-acheteuse » de fin 2012 – début 2013 arrive à maturité.

Cette semaine, c’est la société Amtech que nous avions vendu : une entreprise technologique bien sûr mais aussi une entreprise fortement exposée au secteur photovoltaïque, un secteur que Mr Market a décrété comme « à fuir ». Comme vous le verrez dans les différentes news qui ont émaillé la vie d’Amtech durant la période au cours de laquelle nous avions détenu les actions, on ne peut même pas dire que la société a connu un redressement impressionnant.  Simplement, une fois de plus, nous avons acheté une entreprise pour laquelle le marché prévoyait le pire.  Et comme le pire n’est, comme souvent, pas arrivé, le cours a pu suivre une pente ascendante assez sympathique.

Le 2 janvier 2013, nous avons acheté 810 actions à un coût de revient de 3,29 usd, frais de courtage inclus … et cette semaine, nous avons vendu ces mêmes actions à 6,64 usd, soit un doublement de notre capital investi en un peu moins de 7 mois.

Nous vous proposons ci-après le détail de nos motivations d’achat au moment où nous avions procédé à celui-ci, motivations qui avaient été détaillée dans notre lettre mensuelle de janvier.  Bien évidemment, nos abonnés ont été tenus au courant en temps réel de nos opérations.

 

Amtech Systems Inc.

(Nasdaq, Ticker: ASYS / ISIN : US0323325045)

I. Introductionsemi conducteur et actions

Amtech Systems est une société américaine, une sorte « d’équipementier » du secteur solaire : créée en 1981, elle fournit à l’industrie photovoltaïque du matériel permettant la fabrication de plaquettes de silicium, de semi-conducteurs, de cellules solaires et de systèmes « micro-électromécaniques ».

En 2011, 85 % de ses revenus étaient liés à ce segment. Les 15 % restants étant liés à l’industrie des semi-conducteurs. Mais avec la crise du secteur, ce ratio a été complètement bouleversé en 2012 : l’effondrement du chiffre d’affaires et du carnet de commandes a rééquilibré les activités et les ventes à l’industrie photovoltaïque ne représentent plus à présent qu’un peu plus de la moitié des recettes.

La société détient 63 brevets enregistrés dans une dizaine de pays répartis en Europe, en Asie et aux Etats-Unis.

Le chiffre d’affaires est assez diversifié sur le plan géographique : 13 % aux Etats-Unis, 66 % en Asie (essentiellement en Chine mais aussi à Taïwan) et 21 % en Europe (dont une bonne part en Allemagne). Le plus gros client représente 11 % des ventes.

Si l’entreprise est américaine, elle détient des filiales aux Pays-Bas, en France, à Hong-Kong et à Shanghai.

Nous travaillions avec les comptes annuels arrêtés au 30/09/2012.

II. La Valeur d’Actif Net Net (VANN)

Nous relevons un actif courant de 10,84 usd par action, du-quel nous retirons les dettes et les intérêts des minoritaires pour 4,88 usd, ainsi qu’un redressement automatique du poste de stocks en raison d’un ralentissement dans sa rota-tion pour 0,247 usd par action. Nous établissons donc la VANN à 5,96 usd par action.

 

III. La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)

Nous constatons qu’Amtech est propriétaire d’une partie des locaux qu’elle occupe et, heureuse surprise, il s’agit des immeubles de bureaux situés aux USA et aux Pays-Bas, soit, en principe, les immeubles qui perdent le moins de leur valeur par rapport à leur coût d’acquisition. Les usines de production sont, quant à elles, prises en location.

amtech investir valeur

Les immeubles acquis l’ont été pour un prix de 1,10 usd par action. Après déduction de notre traditionnelle marge de sécurité de 20 % et ajout de la VANN, nous obtenons une Valeur d’Actif Net Estate de 6,60 usd par action.

IV. La Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV)

investir dans le photovoltaïqueFidèles à nos bonnes et à présent vieilles habitudes, nous commençons par l’actif courant. Son poste principal est, nouvelle heureuse surprise, constitué du cash détenu en banque : 5,42 usd par action, soit bien plus que le cours actuel.

Le 2e poste en importance est constitué des stocks. Nous sommes plus circonspects avec ceux-ci. Leur rotation moyenne est de 157 jours, ce qui est supérieur à la moyenne de 120 jours des 3 derniers exercices et a d’ailleurs entraîné un premier redressement automatique de 10 % de leur valeur aux livres lors du calcul de la VANN. Si les activités d’Amtech entraînent une obsolescence rapide de ses produits, nous constatons cependant que 73 % de l’inventaire est constitué de matières premières et non de produits finis, ce qui relativise partiellement cette constatation. Par contre, il semble bien qu’aucune réduction de valeur n’ait été actée par la direction. En mixant toutes nos observations, nous décidons, de manière subjective, d’amputer la valeur aux livres de ce poste de 25 % supplémentaires et déduisons donc 0,68 usd.

Les créances commerciales sont payées en moyenne à 33 jours, ce qui nous semble correct. La direction a acté, à titre de créances douteuses, 7 % de la valeur brute de ces créances. Néanmoins, un point nous inquiète : Yingli, un client chinois d’Amtech qui ne « pèse » que 7 % des ventes représente par contre 14 % des créances. Nous ne savons pas ce qui lui vaut un tel traitement de faveur mais nous préférons nous montrer à la hauteur de notre réputation légendaire de prudence et considérons que ce client ne paiera rien. Nous amputons donc le poste de créances commerciales de 25 % de sa valeur aux livres (soit 14 % de Yingli et 11 % pour les autres débiteurs), soit 0,20 usd.

Une partie des prestations d’Amtech n’ont pas été facturées et sont comptabilisées aussi dans les créances. Pour faire bonne mesure, nous prenons la même marge de sécurité que pour les ventes facturées et amputons ce poste de 0,28 usd.

cellules solaires et investissement valueNous décidons aussi de ne pas retenir le poste d’impôts différés présents à l’actif courant et amputons la VLMV de 0,36 usd complémentaires.

Au niveau de l’actif fixe, outre les immeubles abordés dans la VANE, nous reprenons les installations et aménagements de production pour 5 % de leur valeur d’acquisition, soit 0,06 usd.

Nous ne retenons pas de source de dilution : les prix d’exercice des stock-options étant trop éloignés du cours actuel.

Par contre, nous comptabilisons les engagements de loyers futurs à payer comme dette hors bilan et ce, pour 50 % de leur montant. Nous déduisons donc 0,17 usd.

Il y a également des engagements d’achat que la société devrait honorer coûte que coûte.

Ces engagements représentent 1,27 usd par action. Néanmoins, en échange de l’exécution de ces obligations, Amtech recevrait bel et bien des actifs. Etant donné qu’une perte de valeur peut éventuellement se produire sur ces achats, nous provisionnons 20 % de l’engagement, soit 0,32 usd par action.

En fonction de ce qui précède, nous établissons la Valeur d’Amtech en cas de Mise en Liquidation Volontaire à 4,65 usd.

V. La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)

En raison de la cyclicité des activités, les résultats de ces dernières années furent assez erratiques. Néanmoins, au cours des 5 dernières années, la société a pu générer un profit opérationnel moyen de 0,50 usd par action. Nous amputons ce résultat de 35 % à titre d’impôt forfaitaire sur le résultat, actualisons à 12 %, soustrayons les dettes financières, ajoutons les liquidités de l’actif et … ouf … obtenons une VCB de 8,12 usd.

VI. Conclusions

amtech semi conducteurA notre coût de revient de 3,29 usd, nous pouvons acquérir des actions Amtech avec une marge de sécurité de :

45 % sur la VANN

50 % sur la VANE

29 % sur la VLMV

60 % sur la VCB

Il est assez rare de pouvoir acquérir des sociétés qui présentent des marges de sécurité importantes sur chacune de nos 4 « valeurs-fétiche ». Mais, il y a, à notre avis, plusieurs cerises intéressantes sur le « gâteau Amtech ».

Tout d’abord, élément inhérent à ses activités, nous notons l’importance de ses frais de R&D. 5 années de R&D représentent 2,45 usd par action, soit près des trois quarts du cours actuel. Même si ces dépenses sont sans doute obligatoires pour permettre à l’entreprise de rester compétitive et innovante, nous pensons qu’elles permettent aussi d’engranger, au fil des années, du savoir-faire qui représente, au bout du compte, de la valeur cachée pour les actionnaires.

Le 2e point qui nous semble intéressant, c’est le poids devenu modéré des activités solaires. Nous pouvons supposer qu’en cas de reprise du secteur, Amtech pourra à nouveau voir la part du chiffre d’affaires de ce segment reprendre son poids initial, ce qui représentera un fort levier à la hausse en termes de rentabilité.

Enfin, un élément que nous prenons systématiquement en compte lorsque nous investissons dans une société qui fait partie d’un secteur massacré : sa capacité à rester parmi les « survivants » lorsque le secteur redémarrera. Et Amtech nous semble bien armé pour cela grâce à sa structure bilantaire très correcte, son gros matelas de cash mais aussi le fait qu’une partie de ses activités ne sont pas liées au solaire … ce qui lui assure des revenus réguliers lui permettant de « faire le gros dos » en attendant que la tempête passe.

 

NEWS DE SUIVI PARUES DANS NOS DIFFERENTES LETTRES MENSUELLES

 

Février 2013 : Notre fournisseur de composant pour l’industrie photovoltaïque a été récompensé du prix « Cleantech » de l’entreprise la plus prometteuse dans le do-maine des énergies propres aux Pays-Bas.

Mars 2013 : Notre producteur de fourniture pour l’industrie solaire et des semi-conducteur a publié les résultats du premier trimestre 2013 (clôturé le 31/12). Disons-le d’emblée : ils sont catastrophiques. Le chiffre d’affaires a été divisé par 3, le carnet de commandes a diminué de 20 % par rapport au trimestre précédent et la perte nette est cinq fois supérieure à celle du 1er trimestre 2012. La direction s’attend à une année 2013 difficile mais reste confiante à long terme sur l’évolution des affaires. Acceptons-en l’augure …

Juin 2013 : Pour son premier semestre, clôturé le 31/03, notre équipementier pour l’indus-trie solaire annonce une nouvelle perte de 0,66 usd par action malgré une ré-duction drastique des dépenses, réduction malheureusement insuffisante pour compenser l’effondrement du chiffre d’affaires. Le carnet de commandes se stabilise à 1,5 trimestre d’activité. Nous espérons toujours que les activités de semi-conducteurs, plus pérennes et moins soumises aux aides publiques, pourront permettre à la société de repartir sur des bases plus saines en attendant un éventuel retour en faveur du secteur photovoltaïque.

7 réflexions au sujet de « Bas les masques : Amtech Systems »

  1. Sans signe de votre part j’avais vendu cette belle daubasse à 7.54$! Une bien belle affaire merci encore! Vous oubliez toutefois de rappeler de moins de vue que le boom est dû en partie au « Second High-Efficiency N-Type Solar Customer » qu’a obtenu l’entreprise. Ne comprenant pas vraiment cette euphorie j’ai préféré vendre cette valeur qui de plus avait atteint sa VANT!

  2. Oui MM, c’était mieux de vendre sur le « pic » du cours mais ce pic était, au moment même, difficile à détecter. Nous avons préféré travailler avec notre process du stop suiveur : ça échoue souvent mais quand la réussite est là, elle est pleine et entière (cfr Netlist ou Barratt)

    Ceci dit, c’est l’intérêt de notre approche : nos abonnés disposent des informations nécessaires pour prendre leurs propres décisions d’achat et de vente, celles qui correspondent le mieux à leur propre philosophie d’investissement.

  3. Comment savez-vous que le secteur est massacré ? Vous avez analysé les plus grosses entreprises du secteur pour le savoir ou vous l’avez simplement constaté dans les journaux ?

    1. Bonjour Marie,

      C’est bien plus simple que cela : nous ne cherchons pas nécessairement à investir dans un secteur massacré mais, en cherchant après les opportunités d’achat, nous constatons qu’un même secteur revient régulièrement. Par exemple, nous avons acheté en moins de 6 mois, 3 sociétés du secteur photovoltaïque (et nous en avions d’autres en watch list). « Après coup », nous pouvons évidemment mettre cette constatation en parallèle avec le flux de nouvelles qui, à l’époque, étaient toutes négatives par rapport au secteur solaire.

      En résumé, nous n’avons pas cherché de daubasses parmi les sociétés du secteur photovoltaïque parce que celui-ci était massacré mais, au contraire, nous avons constaté que le secteur photovoltaïque était massacré parce qu’il y avait une grande proportion de daubasses parmi les sociétés cotées de ce segment.

      1. Oh tout simplement. Merci !

        J’ai encore une question dans ma tête et pas des moindres : j’ai du mal à déterminer le prix d’une entreprise (alors que c’est le plus important après la valeur d’une entreprise). Sur les sites boursiers et dans les bilans financiers c’est toujours la même chose : actions ordinaires * le prix unitaire. Ce serait simple si c’était le cas…

        Mais si je veux acheter une entreprise il faut bien que j’achète les actions préférentielles, les warrants en plus des actions ordinaires et peut être même d’autres choses que je ne connais pas. D’après mes recherches ce sont ces trois éléments qui composent le prix d’une entreprise (actions ordinaires, préférentielles et warrants) mais seulement une est prise en compte dans les bilans et dans les autres sources d’information.

        C’est pour moi un véritable parcours du combattant de déterminer le prix d’une entreprise. Dernier exemple en date: actuellement je cherche le prix de l’entreprise Alcoa Inc. 8.25 milliards de capitalisation d’actions ordinaires. Après de longues recherches je découvre qu’il y a une catégorie de préférentielles pour un total de 8.20 milliards de capitalisation (avec 94 millions de préférentielles d’après google finance mais seulement 660 000 d’après une petite note dans le bilan).
        Au final, je ne sais pas si le prix est plutôt de 8.25 milliards ou deux fois cette somme ou même encore plus: impossible de prendre une décision pour un investissement quand on est aussi peu sûr de son prix.

        J’utilise comme vous des marges de sécurité lorsque je détermine la valeur d’une entreprise. Mais il est hors de question d’utiliser une marge de sécurité dans le prix, je pense que vous n’avez pas de problème avec le prix d’une entreprise grâce à votre expérience et j’aimerai bien que vous m’aidiez à ce sujet car je suis perdue: comment déterminer le prix d’une entreprise? Quels sont les éléments à prendre en compte et comment les trouver?
        Merci beaucoup pour votre temps.

        1. La réponse à la question que vous posez est très vaste et dépend vraiment de chaque société. Comme souvent en analyse financière, quelques bonnes notions théoriques mises à part, un gros bon sens paysan suffit à adapter le mode de calcul au cas présenté par chaque société.

          Ceci dit, vous trouverez certainement une bonne partie de la réponse à la question que vous vous posez dans cet article.

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