A vous la parole : Weight Watchers

Dans cette rubrique, nous vous laissons la parole, à vous, ami(e) lecteur(trice). Cette rubrique est la vôtre : n’hésitez pas à nous proposer des textes de votre choix traitant de l’investissement au sens large.

Aujourd’hui, c’est notre ami Tanguy qui prend la plume.

Chers lecteurs,

Tout d’abord je voudrais remercier l’équipe des Daubasses de me faire confiance pour publier cet article. Je suis investisseur et auteur du blog Investir et devenir libre. Et comme vous lecteur de ce blog (et abonné aux bons conseils de la newsletter).Je ne suis pas un spécialiste des mégots de cigares, pour cela je fais confiance au blog des Daubasses, j’ai un univers d’investissement plus large (immobilier aux USA, matières premières mais aussi les actions bien sûr). Je recherche surtout des situations spéciales où des actifs sont sous-valorisés par le marché. Mes mentors en la matière sont Jim Rogers, Warren Buffett et Peter Lynch (autant prendre ce qu’il y a de meilleur n’est-ce pas ?).

acheter des actions weight watchersAujourd’hui, je voudrais partager une analyse d’une société en retournement que Mr le Marché a décidé de solder : il s’agit de Weight Watchers. Quelle est la situation et peut-il s’agir d’un investissement ?


Thèse d’investissement :

  • L’obésité est devenu le problème de santé numéro 1 aux USA et il existe une opportunité de croissance non exploitée en vendant le programme Weight Watchers auprès des entreprises
  • Un plan de transformation est en cours, mené par un management renouvelé
  • Un plan de réduction des coûts a été mis en place qui a déjà permis de faire plus de 50 millions de dollars d’économies
  • La priorité financière est de rembourser la dette (le dividende a été suspendu)

=> L’objectif est donc de jouer la capacité du management à redresser la société,


Présentation de Weight Watchers

Les points forts de la société

  • Weight Watchers est le premier programme de perte de poids mondial, cliniquement prouvé.
  • La marque est forte (la société existe depuis 50 ans) et appréciée.
  • La  mission de l’entreprise est claire.
  • Les profits sont stables dans le temps, avec un niveau de marge opérationnelle >25% (ils ont peu baissé lors de la crise de 2008/09).

Les points faibles de la société

  • Depuis 2013, les ventes sont en baisse, face à la concurrence d’alternatives comme des applications mobiles gratuites.
  • Les  coûts ont dérapé dans le passé, en particuliers les frais généraux.
  • Le précédent management a fortement endetté la société avec une programme de rachat d’actions de 1,5 milliards de dollars.


L’action est-elle à un prix intéressant ?

L’action a perdu près de 40% en 2013. Les craintes sur le ralentissement des ventes ont littéralement envoyé l’action au tapis car la dette de la société est importante. De plus la société a annoncé la suspension de son dividende le 30 octobre 2013.

  • Prix de l’action: 32$
  • Capitalisation boursière : 1,82 milliards de dollars
  • P/E: 7,9
  • Marge opérationnelle : 28% (sur les 9 premiers mois de 2013)
  • Dette : 2,3 milliards de dollars (300 millions payables en 2016 et 2 milliards en 2020)
  • Free cash-flow: 301 millions de dollars (sur les 9 premiers mois de 2013)

Malgré le poids de sa dette et l’érosion des ventes en 2013, on voit que la société continue à afficher une excellente marge opérationnelle et un cash-flow important. Historiquement, l’action se traitait avec un PE supérieur à 15 et elle est maintenant à quasiment la moitié de cela. C’est ce qu’illustre le graphique ci-dessous: en vert l’évolution du prix de l’action et en bleu la ligne de profits multipliés par 15 (comme le PE)

investir sur base de l'actualisation des free cash flow futurs

 

La société risque-t-elle de faire faillite ?

il existe 2 échéances de dettes.

  • 300 millions payables en 2016. Avec un free cash-flow de près de 400 millions de dollars par an et 180 millions de dollars de cash au 28 septembre 2013, cette échéance ne devrait pas poser de problème.
  • Ce qui est plus risqué, c’est la grosse échéance de 2 milliards payables en 2020. Si on table sur un cash-flow de 400 millions de dollars par an, il faudra allouer la totalité du cash générée pendant 5 exercices. Cela ne parait pas vraiment réaliste, il faudra donc surement rééchelonner  la dette mais si la profitabilité de Weight Watchers reste solide (ce que je  crois), cela ne devrait pas poser de problème. Néanmoins, la notation de  la dette a été abaissée par les agences de notations. Depuis mars 20123, Standard & Poors note BB-, c’est à dire dans la catégorie « Spéculative ».

Est ce que des « insiders » achètent ?

Il est toujours intéressant de regarder ce que font les « pros ». Et il est rassurant de savoir que plus intelligent que soi monte dans le bateau. En 2013, l’investisseur Joel Greenblat, du fonds Gotham Capital, s’est régulièrement renforcé. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il est connu aux Etats-Unis pour son best-seller Le petit livre pour battre le marché. Il cherche à investir dans des sociétés de qualités, en proie à une désaffection du marché, et qui sont en redressement.

Par contre je n’ai pas vu d’achats de la part du management.

En conclusion, je pense qu’il s’agit d’un pari risqué à cause de la dette mais que la société a des atouts solides. 

Le business est toujours rentable, avec un bon « moat ». Le marché est toujours porteur et le management semble à même de redynamiser l’entreprise. A posteriori, le programme de rachat d’actions 1.5 milliards de dollars (à un prix de $82 par action) apparaît comme une magistrale erreur ! Il faudra être patient car le management n’annonce pas d’amélioration significative avant 2015, mais si le plan de transformation délivre ses résultats, l’action devrait bien performer.
Si par contre le plan de redressement ne fonctionne pas, alors la possibilité de revalorisation serait inexistante.

NB : je ne possède pas d’actions Weight Watchers à ce jour mais cela peut changer.

 

L’auteur

Je suis Tanguy Caradec, j’ai 35 ans et dans la vie je suis un passionné de l’investissement, curieux du fonctionnement de notre monde moderne. A l’âge de 16 ans, j’ouvre mon premier PEA. Après le krack de 2000, je perds une grande partie de mes économies. Je décide d’apprendre à investir et à force de lire, je finis par comprendre plusieurs lecons essentielles pour réussir. J’ai diversifié mes investissements avec l’immobilier, l’or, les matières premières et je peux envisager à présent de devenir libre financièrement sans travailler jusqu’à 65 ans. Mon objectif est de continuer à développer mon patrimoine ainsi que de partager mon expérience pour vous aider à vous aussi investir et devenir libre.

 

14 réflexions au sujet de « A vous la parole : Weight Watchers »

  1. Début d’analyse intéressant, car WW est une société bien connue et en situation « spéciale »
    Le marché est porteur, c’est sûr.
    Mais je ne comprends pas bien ce qui te fait dire que WW a un « bon moat ».Je ne vois pas de vraie barrière à l’entrée sur un tel marché. Donc, si la profitabilité de WW décolle, cela pourrait attirer des concurrents proposant des programmes à base de principes suivant Montignac, Dukan, Kousmine etc etc. Et, de facto, limiter le redressement?
    Là je ne parle que de la France, et je présuppose (peut être à tort) que c’est à peu près la même chose ailleurs. Bien entendu si sur son marché principal (AdN) WW réussit à « éliminer » la concurrence, alors la chose est différente…
    Tanguy, si tu peux développer un peu ce point, je t’en remercie par avance.
    et je vais aller jeter un oeil sur ton site !

    1. Sans avoir vraiment creusé ce dossier, j’ai quand même l’impression que Weight Watcher dispose de plusieurs coups d’avance sur ses concurrents en cas de retour à la rentabilité en terme de « réseau ». Peut-être pas des douves infranchissables mais des casemates qui pourraient ralentir la progression de « l’ennemi ».

  2. J’ai aussi pas mal regardé WTW, et en fin de compte, nous avons une boite avec de très bonnes marges un bon FCF mais en déclin et avec une énorme dette. Il y a deux principaux segments du business: les réunions et le site web.
    Le point central de la question est effectivement de savoir si WTW pourra enrayer le déclin des réunions tout en continuant la croissance du site web.
    J’hésite vraiment à en acheter, ou au moins à vendre des puts, mais je vais attendre les résultats du 10 fevrier.

  3. Tanguy,

    bonjour. Pourriez vous nous en dire un peu plus sur la structure de la dette, qui est comme vous l’avez très bien souligné le principal risque de cette investissement. Est-ce que cette dette est a taux fixe, via de l’obligataire ou a taux flottant via emprunt bancaire, voir un mixte des deux.
    Cela me semble important car une dette fortement liée a des taux flottant pourrait remettre en question, le scénario positif que vous développez, sur remontée des taux, par exemple.

    Attention aussi avec les « Insiders » de ne pas tirer des conclusions hâtives, sur leurs achats. Car Joel Greenblatt est l’auteur d’un process mécanique, comme nous le pratiquons chez les Daubasses, mais avec des critères très différent. Un process mécanique est donc basé sur des avantages statistiques d’ensemble. Le fait donc que Joel Greenblatt a acheté la société, veux donc dire qu’elle correspond a ces critères et pas grand chose d’autre. Tout comme le fait qu’il ai renforcé, signifie que la position représentée par son premier achat, ne lui a pas semblé suffisant, par rapport au paramètres de gestion qu’il a défini et de nouveau rien d’autre.

    C’est donc assez différent que lorsque le management achète des actions de la société qu’ils dirigent. Le management connait vraiment la société de l’intérieur et met véritablement la main a la poche, pour investir…..Aucun management, ne va donc déboursé ses propres « deniers », s’il ne pense pas gagner a terme. Cela dit, il est aussi important de relativiser cette idée, car le management peut également se tromper, sur la perspective de sa société.

    Bien a vous. Pierre

    1. Pierre,
      je pense qu’il faut relativiser par rapport à l’investissement de Greenblatt. Il est effectivement connu pour sa formule magique mais c’est loin d’être sa spécialité n°1 en tant qu’investisseur.
      En effet, Greenblatt a développé une certaine expertise dans les situations spéciales (cours qu’il enseigne à Columbia d’ailleurs) tels que les spinoffs, les véhicules particuliers(warrants, CVR, etc…), restructuration, etc…(Je peux vous suggérer « You can be a stock market genius » sur le sujet, un must).
      Ceci dit, le fait qu’il soit au capital met la puce à l’oreille.

      Merci Tanguy pour l’analyse. S’ils arrivent à bien gérer leurs dettes cela peut effectivement senti bon !

  4. Salut,

    « Ce qui est plus risqué, c’est la grosse échéance de 2 milliards payables en 2020. »
    Qu’est ce qui se passe en 2020 ?
    1 – l’entreprise devra rembourser cette dette (impossible)
    2- Elle va refinancer la dette à des taux plus élevée

    Savez vous si le management peut annuler une partie de cette dette ou remboursant avant l’échéance ?

    ++

  5. De mémoire la dette est à taux fixe, à 3,3%, c’était indiqué dans le dernier rapport trimestriel.
    Néanmoins, je pense que la société reste exposé à la remontée des taux d’intérêts car il probable qu’il lui faille renégocier le prêt à échéance 2020. Néanmoins, le plan actuel vise à maximiser le remboursement de la dette donc le reste à financer devrait être tout à fait gérable sauf effondrement des cash flows. Point positif, la société ne consomme qu’une faible part de ses cash flows pour investir, elle peut se permettre de remboursement massivement la dette sans plomber opérationnellement l’entreprise.
    Concernant les achats de J. Greenblatt, je suis tout à fait d’accord, il investi de manière mécanique. Cependant, il regarde quand même avant d’acheter. Il disait ainsi récemment ne pas avoir acheté Herbalife, qui était pourtant dans les critères de sa « magic formula ». Selon lui, les chiffres n’étaient pas « surs ».
    Sur le moat, je raisonne simplement mais je constate qu’en 30 ans, aucun concurrent n’est venu attaquer Weight Watchers sur le même type d’offre. La société a bien sur des concurrents mais avec des approches un peu différentes. Et ce bien que la rentabilité de la société est toujours été bonne. Cela signifie pour moi qu’il y a un moat quelque part. Le risque opérationnel me parait principalement une désaffection des clients, que la méthode « passe de mode ». Mais les échos glanés autour de moi me confirme que la méthode marche (dans un marché ou beaucoup de régimes sont bidons).
    Merci beaucoup pour vos commentaires et vos questions

  6. Merci Tanguy, pour ces précisions sur la dette.

    Etienne, je comprends ton point de vue sur la multiple expertise de Greenblatt, en plus de sa « formule magique », mais je me pose depuis plusieurs années la question de savoir ce qui fait avancer les « mini » investisseurs comme nous. Et la réponse que j’ai pour l’instant est finalement très simple : comprendre ce que l’on fait. S’il me semble plus ou moins aisé de comprendre le process de Greenblatt et de sa formule magique et de la répliquer à notre niveau, car basé sur un avantage statistique et quelques paramètres, je ne vois pas trop ce que l’on peut répliquer de l’expertise de Greenblatt sur les situations spéciales, véhicules particuliers et autres… Copier ou faire comme les investisseurs qui gèrent des centaines de millions voir des milliards, sans leurs expertises et sans replacer leurs investissements dans le contexte de leur gestion, me semble plus que dangereux pour l’investisseur individuel. Chacun faisant, bien entendu, comme il l’entend, ceci n’étant que mon point de vue.

    Je viens de jeter un oeuil sur Monkey Insider et Guru Focus, pour voir quelques détails du fond de Greenblatt, Gotham Asset Management. Selon les deux sites le fond serait composé de 900 voir 1 000 sociétés… Les dix premières lignes du fonds pèsent moins de 1% chacune et valent ensemble environ 8%. La société analysée par notre ami Tanguy, Weight Watchers, pèse 0.37% du fond.

    Ce qu’il faut retenir à mon sens et très basiquement de ces quelques informations extraites rapidement, c’est que si demain Weight Watchers valait 0$, la perte sèche pour Joel Greenblat serait de -0.37%, sans doute la volatilité du fond sur quelques heures, ou quelques jours… Son erreur d’appréciation serait vraiment un détail. A l’aulne de ce constat, je ne vois donc pas le moindre signifiant sur son investissement dans Weight Watchers. Tout en étant bien conscient que la perception de certains détails est différente pour chaque investisseur.

    1. Pierre, je suis d’accord avec toi sur le fond.

      En étudiant un peu, on peut toutefois investir dans des spinoffs par exemple qui reste encore dans un domaine relativement accessible. Et les options aussi ! 😉

  7. Pierre je te rejoins tout à fait, il serait dangereux de vouloir répliquer les achats d’un gérant de manière partielle, en achetant uniquement quelques valeurs. Je n’ai pas expérimenté les résultats de la « magic formula » mais son auteur (dont je recommande aussi la lecture) conseille bien de diversifier. Pas forcément sur 1000 valeurs d’ailleurs mais au moins un dizaine et 30 idéalement selon lui pour l’investisseur particulier.
    Est ce que je crois que Weight Watchers peut faire faillite ? Non pas du tout vu la profitabilité et la génération de cash flows.
    Avec une capitalisation de 1,6 Md$ pour un cash flow annuel moyen entre 300 et 4000m$, le marché ne semble donner que peu de crédit au plan de redressement en cours. Le P/E de 7 actuel est historiquement bas et ne devrait pas rester là si le management redresse la situation. Je peux me tromper mais les mauvaises nouvelles me semblent être dans les cours.

  8. Pour ceux d’entre vous qui avaient lu l’analyse, on dirait que la patience va bientôt payer. La valeur augmente depuis le début de l’année sur fonds de revue à la hausse des résultats. La hausse sur 1 mois est de +25%

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