Les chroniques de l’investisseur chronique : résidence principale ou investissement ?

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

 

L’achat d’une résidence principale ne me semble pas nécessairement la meilleure option, d’un point de vue strictement financier, car il donne l’impression à l’acheteur de faire un investissement qui lui permettra d’épargner les mensualités de son crédit. Mais, il se coupe la possibilité d’effectuer des investissements sur des supports à rendement plus élevé en immobilisant le capital.

L’objet de cet article n’est pas principalement de discuter de l’arbitrage entre l’achat d’une résidence principale et la location mais plutôt d’évaluer un scénario classique d’achat de résidence principale et différents scénario d’investissement.

Cette étude ne tiendra que très partiellement compte de la question de la fiscalité (ne maîtrisant pas la fiscalité des résidents français et celle-ci étant par nature propre à chaque situation). Elle ne tiendra pas non plus compte de l’évolution des prix des biens immobiliers (à la hausse comme à la baisse) ni de l’inflation (qui n’a pas en réalité un impact significatif sauf pour le scénario 3, car c’est le seul scénario dans lequel l’investisseur n’est pas propriétaire d’un bien immobilier).

Certaines hypothèses pourraient sembler erronées ou irréalistes :

  • Un rendement sur placement actions de 16 % (il s’agit cependant de ma performance personnelle en bourse depuis 2007, sans prétendre d’ailleurs pouvoir la reproduire dans le futur).
  • Un rendement sur placement actions de 8 % (je pense pouvoir atteindre ce niveau de performance dans le futur).
  • Un rendement brut de 12 % pour un investissement locatif (il s’agit du rendement de mon bien immobilier).

Scénario 1 : Achat d’une résidence principale

Prix de la maison: 250 000 euros.

Frais de notaire: 20 000 euros (financé par apport personnel).

Emprunt à 100 % du prix (hors frais de notaire).

Mensualités (emprunt sur 10 ans à 2,45 % TEG, assurance à 0,25 %): 2 403 euros / mois (assurance comprise).

Travaux: 1 000 euros / an.

Taxe foncière: 1 000 euros / an.
Capitalisation au bout des 10 ans: 230 000 euros (250 000 euros pour la maison – 20 000 euros de taxe foncière et de travaux).


Scénario 2: Location d’un bien équivalent, investissement du capital en actions et investissement locatif immobilier (mêmes conditions de crédit)

Coût de la location d’un bien équivalent à la maison de 250 000 euros: 1 000 euros / mois (je prends ici comme hypothèse un ratio « équilibré » de 250 entre prix et loyer, sachant que pour ma résidence principale dont je suis locataire ce ratio est situé autour de 400 et pour mon investissement locatif, il est situé autour de 100).

Prix de l’investissement locatif: 250 000 euros (attention, il ne s’agit pas du même bien que la résidence principale achetée dans le premier scenario, mais d’un bien optimisé pour le rendement locatif, au même prix, comme un immeuble de rapport d’appartements de petites surfaces ou la rénovation d’appartements achetés à bas prix).

Frais de notaire: 20 000 euros (financé par apport personnel).

Financement par crédit amortissable de 250 000 euros.

Taux d’intérêt: 2,45 % TEG + assurance à 0,25 %.

Mensualités (emprunt sur 10 ans à 2,45 % TEG, assurance à 0,25 %): 2 403 euros / mois (assurance comprise).

Rendement brut: 12 %

Rendement net: 6 % en tenant compte de l’impôt sur le revenu, des cotisations sociales, de la taxe foncière, des travaux, des assurances, etc…

Loyers: 1 250 euros / mois.

Montant à investir par mois en actions : 250 euros (=2 403 – 1 000 + 1 250 -2 403).

  • Taux de 8% / an: 43 000 euros à l’échéance.
  • Taux de 16 % / an: 64 000 euros à l’échéance.

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 8 %): 293 000 euros (250 000 euros +43 000 euros).

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 16 %): 314 000 euros (250 000 euros + 64 000 euros).


Scénario 3: Location d’un bien équivalent, investissement du capital en actions

Dans cette option, les frais de notaire de 20 000 euros et le différentiel entre mensualités du crédit et loyers (soit 1 403 euros) sont investis en actions.

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 8 %): 287 000 euros.

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 16 %): 447 000 euros.

Attention, dans ce scenario, il n’a pas été tenu compte de l’inflation, qui l’impacte défavorablement.


Scénario 4: Location d’un bien équivalent, investissement du capital en actions et investissement locatif immobilier (crédit in fine à 110 %)

Cette option (qui n’est pas nécessairement réaliste en pratique) montre l’intérêt du crédit in fine et de l’emprunt à 110 % couplé à un investissement en actions réussi, s’il est possible d’obtenir ces conditions.

Coût de la location d’un bien équivalent à la maison de 250 000 euros: 1 000 euros / mois.

Placement des 20 000 euros (correspondant aux frais de notaire) et du différentiel entre mensualités du crédit et coût de la location (= 1 403 euros/mois = 2 403 euros/mois – 1 000 euros/mois) en actions:

  • Taux de 8% / an: 287 000 euros à l’échéance.
  • Taux de 16 % / an: 447 000 euros à l’échéance.

Prix de l’investissement locatif: 250 000 euros + 20 000 euros de frais de notaire.

Financement par crédit in fine de 270 000 euros

Taux d’intérêt: 2,95 % TEG + assurance à 0,25 % (le taux d’intérêt d’un crédit in fine proposé par un banquier pour m’acheter un bien immobilier était de 0,5 % supérieur à celui d’un crédit classique).

Rendement brut: 12 %

Rendement net: 6 % en tenant compte de l’impôt sur le revenu, des cotisations sociales, de la taxe foncière, des travaux, des assurances, etc…

Epargne annuelle: 250 000 * (6 %-2,95%-0,25%)= 7 000 euros

  • Placement de cette épargne à 8 % / an: 101 000 euros
  • Placement de cette épargne à 16 % / an: 149 000 euros

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 8 %): 368 000 euros (287 000 euros + 101 000 euros -20 000 euros)

Capitalisation au bout des 10 ans (taux de placement à 16 %): 576 000 euros (447 000 euros + 149 000 euros – 20 000 euros)

 

Conclusions

L’achat d’une résidence principale ne semble pas nécessairement une bonne option, d’un point de vue strictement financier (ce qui me semble conclusion contre-intuitive intéressante) :

  • L’investissement dans une résidence principale est tentant car le propriétaire a l’impression de ne pas payer de loyers et de ne plus avoir à en payer, une fois le bien acquis. En réalité, il ne tient pas compte du coût de l’immobilisation du capital et du fait que ses loyers seront inférieurs aux mensualités du crédit. Le rendement de la mise en location d’une résidence principale est généralement inférieur au rendement que pourrait avoir un investissement locatif d’un prix équivalent. De plus, cette différence est encore plus accentuée quand il est possible de louer sa résidence principale avec un prix / loyer élevé et de louer un bien immobilier locatif équivalent avec un prix / loyer faible.
  • Les écarts s’accroissent encore après la période de 10 ans, même si le propriétaire ne doit plus payer de loyer, en raison du capital accumulé qui peut continuer à croître exponentiellement !
  • Une erreur supplémentaire serait de mettre un apport plus important, ou de rembourser par anticipation.
  • Un crédit in fine et un emprunt à 110 % couplés à un investissement en actions réussi permettent d’optimiser la croissance du capital.
  • L’achat de sa résidence principale est d’autant moins intéressant que les possibilités de placement par ailleurs ont une rentabilité élevée.

Pour ma part, je suis heureux locataire de ma résidence principale. Si j’achète un jour une résidence principale, ce ne sera vraisemblablement pas pour des raisons financières mais plutôt pour des questions de confort, de liberté dans l’aménagement de mon intérieur ou des raisons affectives.

N’hésitez pas à intervenir en commentaire de manière constructive, notamment pour proposer votre schéma idéal d’allocation d’actifs d’un point de vue strictement financier, ou simplement pour exprimer votre accord ou désaccord de manière argumentée. Je vous exposerai dans mon prochain article mon allocation d’actifs qui s’écarte du deuxième scénario exposé (notamment pour respecter un principe qui m’est cher : l’endettement doit être inférieur aux capitaux propres).

13 réflexions au sujet de « Les chroniques de l’investisseur chronique : résidence principale ou investissement ? »

  1. Merci Laurent pour ta réflexion qui présente bien une idée d’allocation d’actifs intéressantes même si, je pense, elle est valable dans ton cas avec des revenus importants.

    En effet, je pense que plus un immeuble d’habitation est de « standing », moins le rendement locatif est intéressant. Ainsi, un ménage qui générerait 2 000 euros de revenus par mois par exemple avec une faible capacité d’endettement ou de capacité locative aurait, je pense, plus d’intérêt à acheter sa résidence principale car la différence entre le loyer payé et les mensualités du prêt serait plus faible que dans ton exemple.

    Perso, je suis d’accord sur le fonds : sur un plan strictement financier, il est sans doute plus intéressant de rester locataire de sa résidence principale quoi que, il faut aussi tenir compte de la fiscalité (même si je sais que l’optique que tu as prises était précisément de ne pas en tenir compte). Par exemple, en Belgique, sur notre résidence principale, nous avons droit, par ménage, à une réduction d’impôt de +/- 3 000 euros par an les 10 premières années et de +/- 1 800 euros par la suite jusqu’au remboursement complet du prêt (et ces montants sont indexés sur l’inflation). Avec un prêt à 25 ans, ça fait quand même 55 000 euros de ristourne sur le prix d’acquisition. A noter que cette déduction n’est valable que pour un immeuble propre et unique … autrement dit sans détenir d’immobilier locatif.

  2. Bonjour Laurent, merci pour cette réflexion, qui, même si elle est théorique, n’en demeure pas moins un éclairage intéressant sur l’allocation de capital pour un particulier.
    Pour ma part, mon capital me permet de rembourser deux fois l’emprunt contracté pour payer ma maison. Mais, j’ai choisi d’emprunter à 4%, alors que je place à 20%. Emprunter pour sa résidence principale permet d’obtenir un prêt à taux avantageux… Et surtout, dans ce cas, les banquiers ne sont pas regardants, alors qu’ils refuseraient de prêter pour acheter des actions !
    En revanche, je trouve que tu es très fort pour payer un loyer à 1.000 EUR et percevoir un loyer net à 1.250 EUR pour le même capital ! Cela me paraît de la magie…

    1. Salut Boris,

      Il nous semble que si, pour un montant équivalent à sa résidence principale, Laurent peut acquérir deux ou trois logements de moindre standing, le loyer sera proportionnellement plus élevé. C’est pourquoi j’écrivais ci-dessus : « je pense que plus un immeuble d’habitation est de « standing », moins le rendement locatif est intéressant. Ainsi, un ménage qui générerait 2 000 euros de revenus par mois par exemple avec une faible capacité d’endettement ou de capacité locative aurait, je pense, plus d’intérêt à acheter sa résidence principale car la différence entre le loyer payé et les mensualités du prêt serait plus faible que dans ton exemple. » Effectivement, trois appartements de 100 000 euros devraient, en principe, générer des loyers cumulés pour un montant plus élevés qu’une maison de 300 000 euros mise en location.

    2. Bonjour Boris,

      Je n’ai rien d’un magicien et ne prétends pas être plus fort qu’un autre (votre niveau de rentabilité de 20 % sur placement en actions est par exemple supérieur au mien).

      Je confirme cependant que les ratio que j’ai indiqués entre prix du bien et loyer mensuel correspondent à la réalité et ne sont pas fantaisistes, même s’ils peuvent sembler surprenants (ce que je comprends également):
      * 400 pour ma résidence principale
      * 100 pour mon investissement locatif

      Plusieurs paramètres expliquent cette situation:
      * La localisation des biens est différente: le niveau de rentabilité d’un même type de bien à la location à Paris et à Mulhouse n’est pas le même, par exemple.
      * Le type de bien est différent: un appartement F2 (ou un immeuble constitué d’appartements F2) n’aura généralement pas le même niveau de rentabilité qu’une maison 4 façades.
      * Le niveau de qualité du bien: un bien « haut de gamme » n’aura généralement pas le même niveau de rentabilité qu’un bien correct sans plus.
      * L’acheteur d’une résidence principale est généralement moins regardant sur la rentabilité du bien mis à la location (puisqu’il n’achète pas ce bien pour le mettre en location).
      * J’ai eu de la chance (en l’ayant également un peu provoquée par mes recherches) à la fois pour ma résidence principale et pour mon investissement locatif: il ne s’agit pas de rendements « moyens » mais de rendements bénéficiant de divergences prix / valeur très favorables pour moi.

      Concernant les taux, il est possible d’obtenir un taux intéressant pour l’acquisition d’un bien immobilier locatif.

      Pour le levier, personnellement (chacun a son profil de risque et le mien n’est pas nécessairement meilleur qu’un autre), je ne me verrais pas emprunter plus de 25 % de mon patrimoine net pour acheter des actions (même avec une rentabilité de 16 % net, ces dernières années), en raison de la volatilité du support. Pour de l’immobilier, un levier de l’ordre de grandeur de 100 % de mon patrimoine net me semblerait en revanche raisonnable. Du point de vue du banquier, la question du collatéral a également son importance et il est plus tangible pour de l’immobilier que pour des actions. Je comprends donc la réticence du banquier à prêter pour acheter des actions sans d’ailleurs y adhérer totalement. Je pense qu’il existe des situations dans lesquelles il ne serait pas très risqué pour le banquier de prêter dans les conditions d’un emprunt immobilier (par exemple, si le montant emprunté correspond à 25 % du patrimoine net et que l’investisseur pouvant justifier d’une expérience réussie dans le domaine nantit 2 fois le montant emprunté sur un compte de la banque).

      Même si l’exemple est théorique, l’idée de ne pas acheter sa résidence principale lorsque l’on en a la possibilité, position en décalage avec la pratique courante, m’a semblé suffisamment intéressante pour l’exposer ici. Je pense que c’est l’un des éléments qui m’a permis d’accumuler à un rythme soutenu.

      Je préfère ne pas acquérir de résidence principale (d’un point de vue strictement financier), dans les conditions suivantes:
      1/ Le ratio prix / loyer serait élevé pour la résidence principale
      2/ Il est possible d’acquérir un bien ayant un ratio prix / loyer bas, dans le cadre d’un investissement locatif
      3/ Le niveau de rentabilité qu’il est possible d’obtenir en effectuant un placement sur un autre support (par exemple, en action) est élevé
      4/ La fiscalité n’induit pas de distorsion significative dans ce calcul.

      Maintenant, si le contexte était différent (par exemple, si j’avais la possibilité de louer une résidence principale dont je ferais l’acquisition à 12 % brut par exemple), mes choix le seraient probablement également.

      Cordialement,

      Laurent

  3. Laurent,

    sur le fond, je crois qu’on dit à peu près la même chose…

    En revanche, je crois que votre formulation sur l’effet de levier est malhabile, ou je l’ai mal comprise. Emprunter pour des actions ou pour de l’immobilier revient au même : il y a un effet de levier sur l’ensemble du capital. Ce qui est important, ce n’est pas tant ce qu’on achète, mais ce que l’on possède au départ.
    Je m’explique par un exemple. Vous possédez 100.000 EUR en cash, que vous pouvez dépenser comme suit, selon vos termes :
    – 100.000 EUR en immobilier pour emprunter 25% en actions
    – 100.000 EUR en actions et 100% en immobilier
    Le premier cas donne un levier de 0,25 pour les actions, alors que le deuxième donne 1. Je suis un peu dans le deuxième cas (avec un endettement plus faible, quand-même), où j’ai emprunté pour payer ma maison et placé tout mon cash en actions. Cela revient au même que si j’avais payé ma maison cash et emprunté pour placer en actions. La différence est que j’ai obtenu un taux avantageux.

    Quant à l’histoire du banquier, si vous en trouvez un qui accepte que vous investissiez son argent en bourse, indiquez-le moi tout-de-suite, ça m’intérese (je suis sérieux).

    Pour ce qui est de la « magie », je suis impressionné par votre capacité à dénicher de si bonnes affaires. Je ne soupçonnais même pas que cela existait ! De la même manière, il faut être à l’affût pour trouver une maison en location avec un faible loyer. J’ignore où vous habitez, mais chez moi, ce n’est pas facile… Mais je reconnais que l’arbitrage que vous expliquez est intéressant et enrichissant si on accepte de vivre dans la maison d’un autre.

    Boris

    P.S. : je vous rassure : mes performances sont brutes (avant impôts) et seulement depuis 2008~2009. Si j’avais commencé mes statistiques en 2007, elles seraient certainement bien inférieures.

    1. Bonjour Boris,

      Je pense également que nous sommes globalement d’accord sur le fond.

      Pour le niveau de levier, je voulais simplement indiquer que le niveau de levier qui me semble raisonnable (par rapport à mon profil risque) pour acheter des actions est bien inférieur au niveau de levier que je serais prêt à accepter pour de l’immobilier (c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je possède de l’immobilier physique):
      * avec 100.000 EUR de liquidités, il me semble raisonnable de conserver les liquidités et de faire un emprunt de 100.000 EUR pour l’acquisition d’un bien immobilier
      * avec 100.000 EUR de liquidités, il ne me semblerait pas raisonnable d’emprunter plus de 25.000 EUR pour acheter des actions (dans le cas improbable où le banquier suivrait).

      J’avais expliqué dans cette chronique https://blog.daubasses.com/2013/12/29/les-chroniques-de-linvestisseur-chronique-un-investissement-immobilier/ comment j’avais procédé pour acquérir un bien à 12 % de rentabilité brute (soit un facteur 100 entre prix du bien et loyer mensuel).

      Pour la location (facteur 400), lors de notre recherche active (plusieurs dizaines et peut-être même centaines d’annonces épluchées), l’agent immobilier chargé de trouver un locataire pour l’appartement qui nous avait semblé le plus intéressant était le même que celui de notre appartement précédent, avec lequel nous avions eu de bons contacts. Il nous a fait passer en prioriété pour la visite et nous avons directement donné notre accord pour prendre l’appartement. Apparemment, notre propriétaire ne veut pas être dérangé pour un rien, ne veut pas d’histoire et n’a pas besoin de l’argent issu de la location, ce qui explique le prix en-dessous du marché. Enfin, les rendements à la location sont ici plutôt faibles en raison de loyers « raisonnables » pour des prix stratosphériques.

      Que ce soit à l’achat ou à la location, je me suis positionné lorsque j’ai identifié des divergences prix/valeur intéressantes.

      De mon côté, cela ne me dérange pas de vivre chez quelqu’un d’autre (j’ai un côté plutôt nomade que sédentaire) et ne ressens pas cela comme un poids au quotidien. Je trouve à la location plusieurs avantages (il y a également des avantages à la propriété, bien sûr, notamment sur la personnalisation du bien, le niveau de confort ou le sentiment d’être chez soi):
      * En cas de problèmes majeurs de voisinage (ou avec le bien loué) ou de mutation professionnelle, je peux changer de bien avec des frais limités.
      * Les éventuels travaux lourds et leur gestion sont à la charge du propriétaire. La location permet d’épargner du temps.
      * Les besoins, en terme de surface, varient fortement au cours de la vie. La location permet potentiellement de coller au plus proche des besoins.
      * Les propriétaires, en France, ne sont-ils pas locataires de l’état ?

      Une performance brute de 20 % par an me semble exceptionnelle (même si vous avez commencé votre statistique à une période favorable à l’investisseur en actions). Bravo.

      Cordialement,

      Laurent

  4. Bonjour Boris,

    Prenons comme référence la performance annualisée de Buffet / Berkshire Hathaway: http://www.berkshirehathaway.com/letters/2013ltr.pdf

    Je cite: « Over the last 49 years (that is, since present management took over), book value has grown from $19 to $134,973, a rate of 19.7% compounded annually. »

    Si vous parvenez à maintenir votre niveau de rendement de 20 % annualisé dans la durée, je maintiens que je considérerais pour ma part votre performance comme exceptionnelle.

    Personnellement, je ne pense pas pouvoir maintenir mon niveau de performance actuel dans la durée.

    Mon grand questionnement actuel est de savoir comment se préparer, survivre voire bénéficier aux prochaines crises.

    D’un côté, mon approche micro « stock-picking valeur » pour la sélection d’actions individuelles correspond bien à mon karma: même si le prix des actions baisse, en cas de crise, cela ne veut pas dire que l’investissement était nécessairement mauvais.

    Mais je m’interroge sur l’opportunité éventuelle d’ajouter un volet d’analyse macro à ma pratique de l’investissement valeur micro, ce qui est pour moi un peu une hérésie car je n’ai pas de compétence prédictive particulière sur le niveau macro et l’idée de prendre position sur l’évolution des prix m’est en réalité assez étrangère et ne m’enthousiasme guère. Une idée consisterait à devenir entièrement liquide à partir d’un « seuil haut » (quand les opportunités d’investissement valeur micro se raréfient / niveau du VIX / niveau du PER moyen des marchés / marchés euphoriques / niveau des taux d’intérêts / etc…) et d’investir massivement ces liquidités à partir d’un « seuil bas ». La question est de savoir si cette pratique donnerait une meilleure performance qu’une exposition perpétuelle à 100 % aux actions. La réponse ne me semble pas très claire:
    * Qu’est-ce qui garantit que l’investisseur sort au « bon moment » ? Comment définir les seuils ?
    * N’y a-t-il pas un risque qu’il reste liquide si on frôle le « seuil bas » sans l’atteindre et donc perd une opportunité ?
    * Bien sûr, s’il réussit à constituer un trésor de guerre en haut de cycle et l’utilise en bas de cycle, l’investisseur va fortement accentuer sa perfomance. Mais « timer le marché » est-il vraiment possible en pratique ?
    * Sur quel support placer les liquidités « en attendant » le déclenchement du seuil bas ?
    Etc…

    Je pense que nous sommes maintenant également en phase quant au caractère exceptionnel de votre performance (surtout si elle se maintient dans la durée, à confirmer durant la prochaine crise).

    Cordialement,

    Laurent

  5. Bonjour Laurent, navré de polluer votre file sur un sujet aussi inintéressant que mes performances. Mais même si l’image est flatteuse, les comparer avec celles de Buffet ne me semble pas réaliste. Vu votre capacité d’analyse, il ne vous a pas échappé que vous comparez deux performances sur des périodes radicalement différentes. Je serais l’homme le plus heureux (et peut-être le plus riche) si je parvenais à maintenir la cadence. Mais encore une fois, je rappelle que mes comptes débutent en 2009, quand les marchés étaient au plus bas. Et de surcroît, ma période ne compte que cinq années, les plus belles depuis bien longtemps. Cela ne me semble pas comparable aux performances de Buffet sur 49 ans !

    Je qualiefierais en revanche sans ambiguïté d’exceptionnelles les performances des Daubasses (x7 en 6 ans), celles de Sergio (qui sont encore être supérieures) ou encore celles de personnes que vous aurez le plaisir de découvrir bientôt sur mon blog (publicité involontaire, censurable).

    Et vous, avez-vous calculé votre performance à partir de 2009 ?

  6. Bonjour Boris,

    Je ne considère pas pour ma part que vous polluez la file. Au contraire, vous participez au débat de manière active et argumentée, ce qui apporte un éclairage enrichissant.

    Voici les conditions dans lesquelles j’ai calculé ma performance nette:
    * Pas d’effet de levier
    * Positions longues
    * Dividendes pris en compte dans le calcul de la performance
    * Impôts pris en compte – je ne réside pas en France et j’ai une fiscalité avantageuse sur les actions

    Depuis 2007, ma performance nette annuelle sur mes actions est de 16,5 % (un peu moins de x 3).
    Depuis 2009, elle est de 24% (à fin 2013) et de 22 % (en considérant l’année 2014 terminée et ma performance 2014 à ce jour).

    Je ne considère pas ces performances comme représentatives, dans la durée: peut-être serait-il sage d’attendre d’avoir passé 2 crises majeures avant d’annoncer sa performance ? Et encore, cela dépend des conditions dans lesquelles l’investisseur a survécu à la crise: stratégie ou hasard ?

    J’ai eu la chance de limiter la casse, lors de la dernière crise et celle d’investir massivement au bon moment. Comme je l’évoquais plus haut, je suis tiraillé entre l’idée de rester entièrement liquide en attendant la prochaine crise (dont je ne préjuge en rien du moment où elle surviendra) et le coût d’opportunité que cette option induit (où placer ces liquidités en attendant ? et si la prochaine crise ne survenait pas avant 10 ans ?). Est-il possible/souhaitable de « timer » le marché ?

    En tous cas, je suis très curieux de voir comment les uns et les autres (vous, les Daubasses, Sergio et d’autres) vont se préparer et surtout se comporter durant la prochaine crise. Ce serait intéressant d’avoir le point de vue et la stratégie de chacun sur cette question, avant que la crise ne survienne, et ensuite d’observer en pratique la performance en période de crise.

    Cordialement,

    Laurent

  7. Bonjour Laurent,
    merci pour votre ouverture d’esprit.

    Finalement, c’est votre propre performance qui est exceptionnelle : avoir traversé 2007 sans trop de casse, afin de dégager une performance moyenne nette de 24% est, pour le coup, à la fois très fort et représentatif puisque vous avez essuyé deux crises (2007 et 2011). Je ne pense pas que ce soit mon cas, car j’ai perdu de l’argent en 2007 et en 2008, mais je ne saurais dire combien.

    Bref, votre interrogation sur la liquidité en prévision d’une éventuelle crise est légitime et fait encore une fois rebondir la discussion de manière très intéressante (c’est une habitude avec vous). Je saute à pieds joints et vous propose mon point de vue.

    A chaque fois que j’ai « senti » que le marché allait baisser, je me suis trompé, car il a progressé. Je n’ai vu venir aucune crise (certes, j’étais débutant, mais ce n’est pas une raison) et ai vécu 2007 et 2011 assez douloureusement. Vous comprendrez que je ne vais désormais plus m’aventurer à réfléchir sur l’évolution globale des marchés.
    Mon approche est différente, assez ressemblante à celles des Daubasses et de Sergio. C’est tout simple : tant que je trouve des affaires qui répondent à mes critères, j’investis sans craindre de me retrouver sans cash. Cela peut se voir de deux manières complémentaires :

    1- par principe, je suis quasiment toujours complètement investi car les marchés ayant tendance en moyenne à monter, je ne vois pas pourquoi je conserverais du cash (raisonnement empirique).

    2- je ne garde pas de « poche de liquidités » pour racheter plus bas si les marchés s’écroulent, car je considère que les titres que j’ai achetés sont déjà peu chers, bénéficiant d’une grosse marge de sécurité qui devrait amortir leur chute en cas de coup dur (c’est à peu près le même raisonnement que vous tenez pour l’immobilier, n’est-ce pas ?).

    Il y a cependant un hic dans cette approche : celui de la concentration. En effet, au fur et à mesure que les marchés montent, les affaires qui répondent à mes critères se font de plus en plus rares. Le danger qui pourrait alors me guetter serait de concentrer mon portefeuille sur un nombre trop faible de lignes. Alors, pour éviter ce problème, je vois trois solutions (que je mets en pratique actuellement) :

    1- Définir un montant maximal à investir dans chaque ligne. La conséquence est que si les opportunités sont rares (c’est le cas actuellement pour les valeurs que j’appelle « de qualité » et éligibles au PEA), le montant investi sera limité, et mécaniquement, les liquidités seront élevées. C’est ce qu’il se passe sur le PEA de mon épouse, que je gère pour elle, avec une stratégie très long terme avec des valeurs de qualité (je suis prêt à faire des concessions sur la marge de sécurité lors de mes achats pour ces valeurs qui présentent un moat fort).

    2- Etre plus rigoureux dans les critères, quitte à les resserrer. L’objectif n’est plus nécessairement de rechercher la performance, avec éventuellement une petite dose d’incertitude, mais plutôt à s’interdire de perdre de l’argent. Cela peut passer par des choix de critères différents, et accepter d’avoir un potentiel de gain plus faible. Par exemple, je m’imagine que si le déluge de liquidités actuel cesse, il est prudent d’avoir soit des entreprises qui génèrent un cash flow sûr et suffisant pour couvrir rapidement les dettes, soit des entreprises dont le quick ratio est élevé (au moins 2).

    3- Elargir la zone géographique de recherche. Je ne trouve plus grand chose en Europe, et de moins en moins en Amérique. Mais je me « gave » depuis le début de l’année de titres asiatiques (japonais essentiellement) car les marges de sécurité y sont tout simplement délirantes.

    Voilà comment je me sens serein, malgré quelques alarmes çà et là sur la valorisation de certaines places boursières, et le risque de plus en plus important de correction des marchés.

    A vous lire,
    Cordialement,
    Boris

  8. Bonjour Boris,

    Merci d’avoir partagé votre approche de la gestion de la prochaine crise comportant plusieurs volets intéressants:
    * Effet d’amortissement de la baisse du fait de l’approche valeur.
    * Création mécanique de liquidités, lorsque les opportunités manquent; par défaut, exposition à 100 %.
    * Diversification géographique: corrélation plus faible entre les titres du portefeuille.

    La création mécanique de liquidités sur base des opportunités existant sur le marché me semble être sensible au nombre de lignes du portefeuille lorsque la stratégie est basée sur un nombre de lignes fixes (un mécanisme automatique de création de liquidités indépendant du nombre de lignes du portefeuille me semblerait plus neutre), ou, comme vous l’avez indiqué, une concentration plus forte avec un nombre de lignes variable.

    Je vois également une tentation forte (au moins en ce qui me concerne) à modifier mes critères de sélection afin de pouvoir investir les liquidités en étant plus complaisant vu le nombre réduit d’opportunités (plutôt que de les laisser « dormir »).

    Votre parallèle avec mon investissement immobilier me semble assez juste (effets positifs de la marge de sécurité) avec quelques nuances:
    * Mon approche « valeur » sur les actions se base généralement sur la divergence entre le prix de l’action et sa valeur estimée, en visant une plus-value potentielle.
    * Mon approche « valeur » de l’immobilier est à l’inverse plutôt orientée rentabilité et cash-flow: avec 12 % de rentabilité brute, même si les prix de l’immobilier baissent (ce qui paraît vraisemblable, de manière générale, en France, avec de grandes disparités selon la localisation, cependant), cela n’aura aucun impact sur mes revenus (sauf si la baisse des prix de l’immobilier induit une baisse du niveau des loyers, ce qui me semble peu vraisemblable pour mon bien). Il n’y a donc même pas d’amortissement, dans ce cas: les revenus vont rester constants, quel que soit le prix de l’immobilier à la revente. Par ailleurs, je ne pense pas avoir trop de difficultés à revendre un bien immobilier à un prix correspondant à une rentabilité brute de 12 % (mais je ne suis de toute façon pas vendeur). En cas de marché euphorique, rien ne m’empêcherait également de revendre à un prix supérieur à mon prix d’achat.
    * Sur les marchés actions, en revanche, malgré des marges de sécurité parfois importantes, en cas de forte chute du marché où est localisée mon action, son cours va également chuter. A priori, cette baisse se fera de manière amortie, par rapport à d’autres actions, mais j’aurais alors raté l’opportunité d’une plus-value potentielle supérieure en achetant sur des niveaux plus bas.

    Un certain idéal, de mon point de vue, pourrait consister à trouver plusieurs marchés décorrélés sur lesquels investir, afin de pouvoir passer progressivement de l’un marché à l’autre en fonction du nombre d’opportunités (ce que vous faites actuellement avec le Japon).

    Cordialement,

    Laurent

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