Bas les masques : analyse de Plastivaloire

Cette semaine, c’est une société française que nous avons détenu pendant un peu plus de deux ans que nous proposons de démasquer. Il s’agit de l’équipementier automobile Plastivaloire.

La société avait été achetée le 27 février 2012 au prix, frais de courtage et taxe belge sur les opérations de bourse inclus, de 19,39 euros et revendu le 5 juin 2014 à un prix de 22,27 euros. La plus-value de +14,9% est donc relativement symbolique, du moins par rapport à nos standards habituels.

plastivaloire analyse financière

D’ailleurs, le prix auquel nous avons vendu n’est clairement pas un bon prix mais notre process nous a contraint à céder nos titres : en effet, peu après notre achat, la solvabilité de la société est passée sous les fameux 40 % que nous exigeons de nos entreprises.

Dans un premier temps, étant donné que cette solvabilité n’est passée que de justesse sous notre seuil, nous avons voulu « donner une chance » à la société et l’avons malgré tout conservée en portefeuille.

Néanmoins, cette industrielle supportait un endettement élevé depuis plus d’un an et notre patience avait atteint ses limites.

C’est la raison pour laquelle nous avons finalement vendu nos actions … un peu à regret, il est vrai, mais le process est le process et vouloir conserver une entreprise à faible rentabilité qui présente un endettement élevé récurrent ne nous a pas paru prudent, même si celle-ci reflète encore un bon potentiel.

Évidemment nos abonnés ont été prévenus en temps quasi réel de ces opérations et ont pu accéder à l’analyse que nous vous présentons ci-dessous dans la lettre mensuelle publiée juste après notre achat. Comme c’est de tradition à présent, nous vous exposons également les différentes « news » de suivi qui ont émaillé l’histoire de l’action durant toute sa détention au sein de notre portefeuille. Nos abonnés ont également pu prendre connaissance de ces différentes « news » au travers de nos lettres.

Bonne lecture !

 

Groupe Plastivaloire

(Paris, Ticker: PVL.PA / ISIN : FR0000051377)

*** Eligible au PEA ***

I. Introduction

Plastiques du Val-de-Loire (Plastivaloire) est une société française, créé en 1963. Elle détient des sites de production en Pologne, Roumanie, Hongrie, Espagne et Tunisie. Elle est spécialisée dans la conception, la production et la commercialisation de pièces plastiques par procédé d’injection à destination des produits de grande consommation. Ses principaux débouchés sont: la sous-traitance de pièces automobiles (pour près de 70 % des ventes avec comme clients, entre autres, Renault, Peugeot et Valéo), les coffrets de téléviseurs pour le compte de grands fabricants comme Sony, Orange ou Philips ainsi que la fabrication de pièces plastiques comme des interrupteurs électriques, des télécommandes ou des terminaux de paiement.

produits semi finis

En raison de sa forte exposition au secteur automobile, la société est très cyclique. Elle a notamment connu un exercice 2009 déficitaire. Grâce à son bilan relativement sain, la société a pu procéder à des acquisitions, notamment avec un esprit « contrarian » : Plastivaloire a notamment acquis en pleine tourmente 2009 un concurrent qui représentait 25 % de son chiffre d’affaires.

Nous notons aussi l’acquisition de Bourbon début 2011, acquisition qui va lui permettre de pratiquement doubler son chiffre d’affaires. Cet achat, réalisé avec un esprit retors que ne désavouerait pas l’Equipe des Daubasses, s’est fait sous la valeur estimée des actifs tangibles acquis. Ce qui a entraîné, au cours du semestre écoulé, un profit exceptionnel et « one shot » de 14 euros par action.

Ces acquisitions ont néanmoins entraîné une certaine dégradation de la qualité de son bilan dont la solvabilité « maison » s’élève à présent à 46 %.

Nous remarquons aussi que les usines françaises sont largement déficitaires et que la rentabilité du groupe est essentiellement portée par les implantations internationales.

II. La Valeur d’Actif Net Net (VANN)

Sur base des comptes semestriels arrêtés au 30/09/2011, nous pouvons acheter un actif courant représentant 85,85 euros par action, duquel nous nous devons de déduire les dettes et les intérêts des minoritaires qui représentent 95,25 euros par action. La VANN de Plastivaloire est donc négative.

III. La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)

valorisation de l'immobilier d'entreprise

La société est propriétaire d’immeubles acquis au coût de 53,49 euros par action. Nous leur appliquons notre traditionnelle marge de sécurité de 20 % et ajoutons le montant obtenu à la VANN (négative) et obtenons une VANE de 33,39 euros par action.

IV. La Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV)

Nous revenons sur l’actif courant et son poste principal qui est constitué par les créances commerciales. Elles représentent 36,67 euros par actions et sont payées, en moyenne, à 97 jours. Ce délai est légèrement moins bon par rapport à la moyenne des trois derniers exercices (90 jours) et semble relativement élevé. La direction a acté des provisions pour créances douteuses équivalentes à 1,3 % de l’en cours, ce qui témoigne d’une certaine prudence mais pas d’un excès de prudence… Excès de prudence dont nous allons pour notre part faire preuve en prenant une marge de sécurité de 20 % sur ce poste, soit 7,33 euros.

Les stocks, eux aussi, ont une tendance à « tourner » moins rapidement : 94 jours au 30/09 contre une moyenne de 85 jours les 3 derniers exercices. Nous remarquons que la direction a acté des réductions de valeur pour 6,7 % de la valeur brute du stock et que celui-ci est constitué, pour 56 %, de matières premières à priori moins soumises aux risques d’obsolescence. Nous « checkons » toutes ces constatations et décidons d’appliquer une marge de sécurité de 25 % sur ce poste et amputons donc sa valeur aux livres de 4,58 euros.

Un poste important « d’autres créances » apparaît au bilan. Après recherche dans les annexes, nous remarquons que la plus grosse partie consiste en créances commerciales qui ont été « affacturées ». Ce poste est en très forte augmentation par rapport à l’exercice précédent. Pour notre part, nous n’aimons pas trop cette approche, souvent onéreuse pour une entreprise, qui consiste à céder une partie des créances qu’elle détient. Le cumul de ce poste avec celui des créances commerciales tend à nous inquiéter quant au poids du « crédit client » accordé par Plastivaloire. Nous décidons de prendre une marge de sécurité de 20 % également sur ce poste et l’amputons donc de 2,71 euros par action.

valorisation d'actions industriellesLa trésorerie représente 6,08 euros par action et n’appelle aucun commentaire particulier.

Au niveau de l’actif fixe, outre les immeubles abordés dans le calcul de la VANE, nous relevons essentiellement les installations industrielles qui ont été acquises à un coût de 87,30 euros par action. Nous les reprenons pour 10 % de leurs coûts d’acquisition, soit 8,73 euros par action.

Nous n’avons rien relevé en matière de dilution ou de hors bilan.

En fonction de ce qui précède, nous établissons la Valeur de Plastivaloire en cas de Mise en Liquidation Volontaire à 27,50 euros.

V. La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)

Une daubasse qui fait des bénéfices, c’est assez rare pour être souligné. Au cours des 5 derniers exercices comptables, le résultat opérationnel de la société s’est élevé, en moyenne, à 3,99 euros par action (après déduction d’un forfait de 35 % pour tenir compte de l’impôt sur le résultat). Nous actualisons ce montant au taux de 12 % et obtenons 33,25 euros. A cette somme, nous ajoutons les immobilisations financières et la trésorerie de l’actif, et déduisons les intérêts des minoritaires et les dettes financières. Nous obtenons une VCB négative de… 0,15 euros.

VI. Conclusions

A notre cours d’achat de 19,27 euros, nous avons pu acquérir Plastivaloire avec une marge de sécurité de :

42 % sur sa VANE

30 % sur sa VMLV

Avec Plastivaloire, nous avons l’impression d’acquérir une « cyclique de croissance » avec une direction qui nous semble avoir une politique rationnelle et retorse de croissance externe. Nous garderons cependant un oeil sur la solvabilité de la société en espérant que le management ne nous entraîne pas vers une indigestion d’acquisition : il a, comme projet, d’encore acquérir un concurrent allemand alors que l’intégration de Bourbon pourrait prendre des années. Direction ambitieuse et retorse mais peut-être pas conservatrice et prudente.

plastivaloire actions cotées en bourse

Néanmoins, le fait que le PDG détienne, avec sa famille, plus de 50 % du capital de la société nous laisse supposer (espérer ?) qu’il n’entraînera pas sa société dans des aventures financièrement trop aléatoires.

Ceci dit, le prix auquel la société est proposée nous semble attrayant : même si la société a pratiquement toujours été cotée sous ses capitaux propres, cette décote a été, en moyenne au cours de ces cinq dernières années, de 56 %. En appliquant cette décote historique aux fonds propres actuels, on obtiendrait un objectif de cours « normal » de 24 euros… en attendant bien sûr un retour à la juste valeur que nous estimons tourner autour de la VANT, soit 52,3 euros.

 

***NEWS DE SUIVI***

 

2012 Avril

Ce « plasticien » annonce un chiffre d’affaires en hausse de 83 % pour le 1er trimestre de l’exercice (clôturé le 31/12/11). La hausse est impressionnante mais à relativiser : abstraction faite de l’acquisition de Bourbon, il aurait été en retrait de 10 % par rapport à l’année précédente.

2012 Juin

L’entreprise a généré un chiffre d’affaires en hausse de 65 %. A périmètre constant (sans intégrer les ventes de Bourbon), celuici aurait été stable, ce qui nous semble déjà miraculeux dans le contexte économique actuel.

2012 Juillet

Les résultats du premier semestre (arrêté le 31/03) ont étés publiés. Comme annoncé, hors acquisition de Bourbon, les ventes sont restées stables par rapport à l’année précédente. Le résultat d’exploitation et le bénéfice net restent également relativement stables par rapport à l’année précédente si on fait abstraction du « badwill » exceptionnel généré par l’acquisition de Bourbon l’année précédente. 1,07 euros de bénéfice net pour ce seul premier semestre. La VANT reste significativement plus élevée que le cours actuel avec 52,1 euros par action.

Néanmoins, la solvabilité s’est encore dégradée à 35 %, c’est-à-dire sous nos critères. La direction explique cette dégradation par le paiement du dividende et par une augmentation du besoin en fonds de roulement, augmentation qu’elle nous annonce ponctuelle. Les perspectives pour le 2e semestre sont plus sombres. La direction estime néanmoins que le résultat global devrait être proche de celui affiché pour le premier semestre (ce que nous traduisons par « nous ne générerons pas de profit au cours de la 2e partie de l’exercice comptable »).

2012 Septembre

Chiffre d’affaires en baisse au 3e trimestre 2012 (clôturé le 30/06) : la dernière acquisition, le groupe Bourbon, subit de plein fouet le ralentissement dans le secteur automobile. Ah ces directions constamment atteintes de fièvre acheteuse et qui privilégient les acquisitions à de la saine croissance interne …

2012 Novembre

Une diminution du volume de production semble anticipée par la direction en raison, évidemment, de l’exposition de la société au secteur automobile. Fallait-il absolument acheter Bourbon ? Encore une opération de croissance externe qui, à moyen terme, n’a absolument créé aucune valeur à moyen terme pour les actionnaires malgré le prix d’achat apparemment attrayant. Quant à la plus-value à long terme de cette acquisition, … attendons le long terme …

2013 Janvier

Les résultats annuels, clôturé au 30/09, sont finalement assez corrects compte tenu de la conjoncture dans le secteur automobile. A périmètre comparable, le chiffre d’affaires ne baisse que de 5 % et le résultat reste légèrement bénéficiaire. Grâce à son esprit d’innovation, la direction estime qu’à l’avenir, la société devrait devenir moins dépendante du secteur automobile avec des contrats signés pour des clients du secteur photovoltaïque, électroménager ou de piles à combustible. Malheureusement, cette même direction nous explique qu’elle continue à chercher des opportunités de croissance externe, non pas pour augmenter la valeur actionnaire mais pour simplement obtenir un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros… Ah qu’il est difficile de se débarrasser de ses assuétudes : nous soupçonnons la direction d’être atteinte de légère tendance mégalomane… dommage…

2013 Mars

Cet industriel du plastique continue de souffrir du mauvais climat dans le secteur automobile. Pour le 1er trimestre 2013 (clôturé le 31/12), le chiffre d’affaires est en baisse de 13 %. La direction compte sur ses activités dans les nouveaux marchés comme celui du photovoltaïque ou des piles à combustible comme relais de croissance dans les mois qui viennent. Sur le segment automobile, il semble que la Slovaquie et le Royaume-Uni permettent à l’entreprise d’atténuer le choc de son marché domestique.

2013 Mai

Nous constatons quelques achats en bourse par le PDG de la société, pour 40 000 euros durant le mois de mars.

2013 Juin

Fidèle à ses (mauvaises) habitudes, Plastivaloire annonce une baisse de ses ventes de 10,5 % à périmètre comparable. Évidemment, la crise dans le secteur automobile impacte négativement ses résultats… mais pourquoi donc avoir acquis Bourbon juste avant cette fameuse crise automobile ??

2013 Juillet

Après les ventes, ce sont les résultats du 1er semestre (clôturé le 31/03) qui sont disponibles. Sans surprise, ce semestre est déficitaire, la baisse des dépenses opérationnelles n’ayant pas permis de compenser la baisse du chiffre d’affaires. La direction ne reste cependant pas les bras croisé en poursuivant la restructuration de la filiale à problème (Bourbon). Elle espère aussi que le résultat opérationnel final de l’exercice sera positif. Malgré un léger tassement, la VANT s’établit à 48,77 euros par action, ce qui laisse une belle marge de sécurité sur le cours actuel.

2013 Septembre

Le chiffre d’affaires publié pour le 3e trimestre 20122013 laisse entrevoir, enfin, une légère amélioration avec une hausse des ventes de 2,5 % à périmètre comparable. Même si, sur l’ensemble des 9 premiers mois, le chiffre d’affaires reste en baisse (de 6,6 % à périmètre constant), la direction espère pouvoir présenter un résultat opérationnel positif pour l’ensemble de l’exercice. Attention : la direction parle bien de « résultat opérationnel », ce qui signifie qu’il est plus que probable que le résultat comptable soit déficitaire.

2014 Janvier

Enfin !!! C’est la première réaction que nous avons eu en découvrant les résultats de notre fabricant de pièces en plastique. Le rapport financier complet n’est pas encore disponible pour l’exercice comptable 2013, terminé le 30/10, mais nous voyons un début d’amélioration par rapport au premier semestre qui était relativement désastreux. Les ventes ont augmenté de 4 % au 2e semestre (mais reste en baisse sur l’ensemble de l’exercice, toujours pénalisée par le département « Bourbon », une opération de croissance externe … qui n’a, jusqu’à présent et comme souvent fait croître que la taille de l’entreprise, pas le patrimoine des actionnaires). Le résultat comptable est à l’équilibre sans plus. Pour l’avenir, la direction est prudemment optimiste notamment grâce au fait que le segment « automobile » semble se redresser : deux nouveaux clients viennent de passer leurs premières commandes, BMW d’une part et un constructeur asiatique dont le nom n’a pas été cité.

2014 Mars

De très bons chiffres de vente pour le 1er trimestre porté, pour une fois, par la très bonne tenue du département « équipements automobiles » avec une hausse des ventes de 10 % pour la période octobre-décembre 2013. La société a, en outre, annoncé avoir vendu à divers institutionnels des actions qu’elle détient en propre. Voilà une source de (petite) dilution pour les actionnaires en place mais au moins, cette dilution ne s’est pas faite au moment où le cours était des plus déprimés.

2014 Juin

Comme vous le savez, une des « lois d’airain » de notre process d’investissement repose sur la solvabilité des entreprises que nous détenons. Nous exigeons que celle-ci soit d’au moins 40 % sur base de notre formule « maison ».

Si, lorsque nous achetons une société, nous veillons au strict respect de ce minima, il arrive que cette solvabilité se dégrade après notre achat pour tomber sous le seuil exigé.

C’est ce qui est arrivé avec Plastivaloire. Dans un premier temps, étant donné que cette solvabilité n’est passée que de justesse sous notre seuil, nous avons voulu « donner une chance » à cette entreprise et l’avons malgré tout conservée en portefeuille.

Néanmoins, cela fait maintenant plus d’un an que cette industrielle supporte un endettement élevé et notre patience a atteint ses limites.

C’est la raison pour laquelle, comme nous vous en avion nous venons de vendre nos actions à un cours de 22,27 euros … un peu à regret il est vrai mais le process est le process et vouloir conserver une entreprise à faible rentabilité qui présente un endettement élevé récurrent ne nous a pas paru prudent, même si celle-ci reflète encore un bon potentiel.

Portefeuille au 10 Octobre 2014 : 5 ans 320 jours

Portefeuille : VL 7,4053 € (Frais de courtage et de change inclus)
Rendement Total : 632,96%

Potentiel Estimé VANT / Cours 97,22%

Rendement Annualisé : 40,33%
Rendement 2014 : 6,63%

Rendement 2013 : 20,74%
Rendement 2012 : 24,19%
Rendement 2011 : -15,65%
Rendement 2010 : 38,07%
Rendement 2009 : 308,74% Continuer la lecture de Portefeuille au 10 Octobre 2014 : 5 ans 320 jours

Les chroniques de l’investisseur chronique : Catane – Un jeu de société sur le commerce

rp_chronique-investisseur-300x188.jpgCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

 

Si le Monopoly, la Bonne Paye, le Trivial Pursuit et le Pictionary sont les noms qui vous viennent à l’esprit lorsque vous entendez les mots jeux de société, peut-être avez-vous une vision biaisée d’un domaine qui peut vous apparaître puéril, ringard ou inintéressant ?

Depuis les années 1990, un vent frais venu d’Allemagne souffle sur le domaine des jeux de société, qui a connu un véritable renouveau. Chaque année, plus de 500 jeux de société dits modernes sont édités et présentés pour la première fois à l’occasion du salon d’Essen, la Mecque du jeu de société.

Parmi cette multitude de jeux, Catane, de Klaus Teuber, édité en 1995, sort du lot et est devenu la tête de proue de la nouvelle vague. Ce jeu a reçu la plus haute distinction ludique la même année : le Spiel des Jahres (le meilleur jeu de l’année, en Allemagne). Ses ventes dépassent actuellement le million d’exemplaires.

Catane constitue une brillante illustration ludique des principes fondamentaux du commerce.

Je vous propose ci-dessous une analyse des principes du commerce exploités dans le jeu sous forme de règles explicites ou émergentes. Attention, spoiler : je conseille aux personnes qui n’auraient pas encore joué à Catane de commencer par découvrir le jeu avant de lire ce qui suit.

 

Le cycle production, commerce, construction

Le cœur du jeu consiste à produire des ressources au nombre de 5 (le blé, la pierre, l’argile, le bois et le mouton), les échanger librement avec les autres joueurs puis de construire des colonies ou des villes qui permettront d’augmenter la production et de remporter des points de victoire.

 

Les intérêts composés

Plus la partie progresse, plus les capacités de production, acquises avec les ressources produites, augmentent, créant une accélération. Il s’agit d’une boucle de feedback positive qui illustre la puissance des intérêts composés.

 

Le prix des ressources

Le prix des ressources est notamment influencé par les facteurs suivants.

Les ressources ne sont pas également distribuées :

  • 4 tuiles permettent de produire des moutons, du blé et du bois.
  • 3 tuiles permettent de produire de la pierre et de l’argile.

Un habile système permet d’introduire une variabilité, entre chaque partie, sur la probabilité de production. Chaque tuile est associée à un nombre de 2 à 12. Le résultat du lancer de deux dés à chaque tour permet de déterminer quelles cases produisent.

Les ressources n’ont pas intrinsèquement le même intérêt, en fonction ce qu’elles permettent de construire. Allez essayer d’échanger un mouton contre de la pierre ou de l’argile et observez l’expression du visage des autres joueurs. Vous risquez de vous heurter à un mur d’incompréhension.

Les ressources entre les mains des joueurs influent également sur le prix, la rareté faisant mécaniquement augmenter leur prix.

L’intérêt des ressources varie en cours de partie. Une stratégie initiale orientée vers la production de nouvelles colonies devra être réorientée en cours de partie vers une stratégie de construction de ville et réciproquement.

 

Le tout est supérieur à la somme des parties

Deux combinaisons sont particulièrement utiles :

  • L’argile se combine au bois pour construire des routes et de nouvelles colonies.
  • La pierre se combine au blé pour construire des villes, qui doublent la capacité de production. Cette combinaison permet également d’acheter des cartes de développement.

Obtenir l’une de ces deux combinaisons de ressources est intrinsèquement meilleur qu’avoir des combinaisons de type blé + bois, blé + argile, pierre + bois ou pierre + argile.

 

Le commerce intérieur

Le commerce intérieur consiste à échanger des ressources avec le joueur dont c’est le tour. Les combinaisons sont libres. Il est par exemple possible d’acheter 2 bois contre une pierre, un blé et un mouton.

 

Le commerce extérieur

Des ports généralistes permettent d’échanger 3 ressources du même type contre une ressource de son choix.

Des ports spécialisés permettent d’échanger 2 ressources du type du port contre une ressource de son choix. Qui n’a jamais eu l’idée subversive de construire un port à moutons, profitant des cours bas de ces bestiaux pour acheter des ressources rares et convoitées ? Les amateurs de daubasses apprécieront !

 

Le monopole

Lorsque la fréquence d’une certaine ressource est basse sur la plupart des tuiles, il est parfois possible d’en monopoliser la production. Son prix explose. Qui n’a jamais goûté aux joies capitalistes du monopole de production sur la brique ou sur la pierre, obligeant les autres joueurs à acheter à des prix indécents ?

 

Le boycott

Lorsqu’un joueur approche des 10 points de victoire, les autres joueurs forment une coalition pour le boycotter, c’est-à-dire arrêter tout échange avec lui pour parvenir à le rattraper. C’est une boucle de feedback négative, au désavantage du joueur de tête. La partie se finira dans un mouchoir de poche.

 

Le vol

Un voleur, que le joueur dont c’est le tour peut déplacer en payant une carte chevalier, permet de bloquer la production d’une tuile. Attiré comme un aimant par les tuiles à forte capacité de production, il en atténue l’intérêt. Le voleur permet également de prendre une ressource à un joueur ayant une construction sur la tuile hexagonale bloquée. Frissons garantis !

 

Les futures

L’un de mes amis a découvert une variante du jeu constituant à introduire des futures, par exemple échanger un bois à ce tour contre un blé au tour suivant.

La qualité de signature et la réputation d’un joueur deviennent alors déterminantes sur ce type de transactions. Attention aux promesses qui pourraient ne pas être honorées !

 

Le libre échange ou le protectionnisme

Le jeu constitue une magnifique illustration pratique de la supériorité du libre échange sur le protectionnisme. Le fin du fin pour le joueur dont c’est le tour est d’acheter une ressource dont un autre joueur et lui-même n’ont pas besoin à bas prix pour l’échanger à un troisième intéressé à un prix élevé !

 

Conclusions

Si vous ne connaissez les jeux de société qu’au travers des marques Hasbro, Parker ou Mattel, il vous faut rattraper le temps perdu. Pourquoi ne pas vous offrir Catane comme cadeau de Noël ? Dans ce cas, je vous suggère de faire l’acquisition du jeu de base de Catane, voir par exemple la première référence ci-dessous (attention, il existe des extensions, une version à deux joueurs, etc… ne vous trompez pas de produit !).

Les meilleurs jeux de société modernes constituent en eux-mêmes un excellent investissement valeur, en tant qu’activité. Pour un prix dérisoire, vous pourrez goûter aux joies de la découverte et de la réflexion, donc bénéficier d’une grande valeur. 100 parties d’une heure de Catane à 4 joueurs représentent un coût de 8 cents par heure de jeu et par personne, à comparer au prix d’une séance au cinéma ou à celui d’une entrée à la piscine.

Dans mon prochain article, je présenterai les jeux de ma ludothèque.

 

Références

Catane, le jeu de base, sur Philibert : http://www.philibertnet.com/fr/filosofia/10772-catane-688623905027.html

Catane , le site officiel du jeu : http://www.catan.com/

Brettspielwelt, le site de référence gratuit permettant de jouer aux jeux de société modernes, et notamment à Catane, en ligne: http://www.brettspielwelt.de/?nation=fr

Liste des jeux qui ont obtenu le Spiel des Jahres : http://fr.wikipedia.org/wiki/Spiel_des_Jahres

Boardgame geek, le site anglophone de référence sur les jeux de société modernes : http://boardgamegeek.com/

Tric Trac, le site francophone de référence sur les jeux de société modernes, pour joueurs velus : http://www.trictrac.net/ et http://trictrac.tv/

Philibert, l’une des meilleures boutiques françaises pour acheter des jeux de sociétés modernes : http://www.philibertnet.com/fr/

Essen, le plus grand salon mondial des jeux de sociétés modernes (le pèlerinage y est obligatoire, une fois au moins dans sa vie) : http://www.messen.de/de/7696/in/Essen/Spiel/info.html

Ludology, un excellent podcast en Anglais, sur l’étude des jeux de société : http://www.ludology.libsyn.com/

Portefeuille au 3 Octobre 2014 : 5 ans 313 jours

Portefeuille : VL 7,5705 € (Frais de courtage et de change inclus)
Rendement Total : 649,31%

Potentiel Estimé VANT / Cours 94,57%

Rendement Annualisé : 41,70%
Rendement 2014 : 9,01%

Rendement 2013 : 20,74%
Rendement 2012 : 24,19%
Rendement 2011 : -15,65%
Rendement 2010 : 38,07%
Rendement 2009 : 308,74%

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