Question des lecteurs : Avez-vous vu cette analyse de Tecumseh ? Tout est négatif. Vous en pensez quoi ?

Dans notre planning de publication, nous devions publier cette article sur notre blog le 11 novembre 2015.

Pourquoi  le 11 novembre ? Tout simplement parce qu’il ne semblait pas avoir urgence … mais voilà,  depuis 2 jours, la société qui faisait l’objet de cet article, Tecumseh Product Company,  fait l’objet d’une OPA de la part de Mueller industries et de Atlas Holding.

Nous avions acheté un premier lot de cette société le 9 octobre 2014 à 3.45$ frais inclus et avons plus ou moins doublé la position le 19 décembre 2014 pour obtenir un prix moyen de 3.89$ par action. La dernière valeur d’actif net tangible estimée à l’aide du dernier bilan était de 6.79$.

Mueller industries et Atlas Holding ont donc proposé de racheter les actions Tecumseh au prix de 5$ par action, ce nous permet d’encaisser une plus-value de plus ou moins 45% en euros (28% sur l’investissement et la différence en gain de change) sur à peine 10 mois.

Il n’y a rien d’exceptionnel à ce rendement même si nous le jugeons excellent et n’allons pas bouder notre plaisir… ni celui de certains de nos abonnés qui, ayant acheté moins cher que nous, ont même produit un bagger avec cet investissement ( cours multiplié au minimum par 2).

Tous ceci pour remettre l’article qui suis dans son contexte même si ce n’est pas le sujet de cet échange : en réalité, nous proposons a notre « interlocuteur – abonné » une réflexion entre d’une part, l’analyse d’un employé de la société Tecumseh qui, en principe, connait  les produits et les problèmes de la société qui l’occupe pour conclure son analyse par un tonitruant « vendez en vitesse ! » et d’autre part, l’approche des daubasses qui se concentre sur les actifs et « achète en vitesse » dans le cadre d’un portefeuille diversifié.

Dans un premier temps, l’analyse de l’employé de Tecumseh, paraîtra infiniment plus intelligente et fine que notre analyse détaillée des actifs… Et pourtant, à la fin, il y a un perdant et un gagnant. Et si nous sortons gagnant ici, c’est seulement parce que Mueller industries et Atlas Holding ont jugé qu’ils pouvaient faire quelque chose avec ces actifs et en offrir 5$.

Donc, en avril dernier, nous recevions un mail d’un de nos fidèles abonnés qui disait ceci :

« Chères Daubasses,

Voici le lien d’une analyse que je viens de découvrir sur Seeking Alpha qui semble condenser toutes les mauvaises nouvelles portant sur Tecumseh que vous avez achetée en octobre 2014 et renforcée fin 2014. Qu’en pensez-vous ? »

Avant de vous relater la réponse que nous avons faite à notre ami et pour une meilleure compréhension, voici les gros titres de cette analyse :

– L’incapacité de Tecumseh à élaborer un plan de restructuration en temps opportun pose des questions importantes et surtout structurelles

– La société a perdu un temps précieux tout en ignorant l’innovation de la concurrence et ne possède pas les compétences nécessaires pour faire face à cette concurrence

– La stratégie de restructuration : une perte de temps et d’effort

– La gamme de produit : faible aujourd’hui, faible demain (il s’en suit une description détaillée des produits, le tout comparé aux produits de deux sociétés concurrentes)

– Le problème de fond (pas assez de R&D et une dizaine d’arguments supplémentaires)

– Conclusion : laissez quelqu’un d’autre prendre le risque

 

Voici la réponse que nous avions faite à l’époque :

Cher abonné,

Nous venons de lire cet article, qui n’a pas grand sens de notre point de vue, même si sur une première impression, il semble juste et imparable.

Dans la pratique, il explique ce que nous savons depuis notre analyse, à savoir que Tecumseh est une Daubasse, et, à ce titre, a sans doute une direction de Daubasse (bien que ce soit difficile à évaluer sur une période aussi courte sans plusieurs éléments déroulés dans le temps : ce n’est pas sur un problème qui surgit dans l’entreprise et que l’investisseur voudrait voir résoudre rapidement que l’on peut poser un jugement définitif. C’est plus compliqué que cela et nous savons aussi qu’une direction n’est pas éternelle).

La société a un problème de produits face à la concurrence (oui, comme presque toutes les daubasses sur lesquelles nous avons investi).

C’est en fait le cas typique d’une société qui cote sous ses fonds propres à un certain moment et ce genre d’article-analyse, nous en avons vu pléthore depuis 2008, y compris sur nos plus beaux baggers. Nous ne les avons plus tous en mémoire, mais si vous pouvez retrouver ce qui se disait sur Seeking Alpha par exemple à propos Trans World Entertainment, vendeur de cassettes VHS, en 2008-2009 voire 2010, vous pourrez vous en convaincre seul. Et pourtant, cette société est toujours présente dans notre portefeuille à un cours près de 6 fois supérieur à notre coût d’achat.

Quand nous disons que cette analyse ne fait pas grand sens pour nous, cela ne veut pas dire que les arguments avancés sont faux. Ce qui ne fait pas sens, c’est seulement la projection future générée par ces arguments. Si vous relisez les intitulés des différents points de l’analyse, tous ces intitulés suggèrent que le futur de la société sera forcément négatif et les développements qui suivent étayent cette perception négative.

Il est donc clair qu’aucun investisseur qui se focalise sur le futur avec les arguments négatifs du présent n’investira pas sur ce genre de société. Une majorité d’investisseurs recherchera donc des arguments positifs du présent, qu’il projettera dans le futur. Du style Free cash-flow passés, croissance et produits prometteurs.

Dans les deux cas, nous avons donc une approche futurologique de l’investissement sur base du passé et du présent, ce qui explique selon nous que 95% des investisseurs génèrent des performances désastreuses. Puisque qu’il est impossible de prévoir le futur d’une entité complexe comme l’est une société commerciale.

Notre approche de l’investissement se limite au présent et à 3 points principaux.

  • Qu’est-ce que nous achetons au présent et combien nous payons pour les actifs les plus tangibles que possède la société.  

 

  • Quelle est la solidité de la société par rapport à son seul endettement

 

  • Quelle est l’asymétrie de cet investissement dans le cadre de notre portefeuille

 

Ce qui nous intéresse donc au moment de l’achat de Tecumseh, c’est le prix que nous payons pour ses actifs. Et si nous avons déboursé 3.90$ pour, par exemple, un parc immobilier de 5.77$ au coût d’acquisition, ou encore 2.31$ de cash. Et si l’actif courant couvre la totalité de la dette, nous considérons donc en gros que nous avons reçu gratuitement, tout l’immobilier de la société !

Il est important de comprendre que ce qui intéresse l’acheteur de Daubasses, ce sont en priorité les actifs et que si l’ont peut acheter les actifs à prix décotés, c’est que les nouvelles ne sont pas bonnes … que ces mauvaises nouvelles soient détaillées à n’en plus finir ou résumées à 20 lignes seulement ou condensées dans les chiffres du bilan revient à peu de choses près au même.

Ceci dit, acheter des actifs à très bon prix ne garantit en rien la réussite de l’investissement, même si vous possédez une marge de sécurité importante. Et nous n’avons donc pas la moindre idée si investir dans Tecumseh sera une réussite ou un échec… Par contre, nous pouvons affirmer sans ambages que l’asymétrie est intéressante.

Quand nous observons la perte que Tecumseh pourrait nous occasionner par une faillite (hypothèse possible) soit 1.62% de la valeur actuelle de notre portefeuille et que nous comparions à son potentiel de gain possible (168%, la VANT du dernier bilan), nous pensons que le ratio risque /  potentiel, est intéressant.

Et nous sommes donc prêts à assumer le risque de tous les problèmes évoqués par cet article. D’autant plus que nous n’achetons que des sociétés qui ont une Valeur de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV que nous calculons pour chacune des sociétés que nous achetons) positive. Un élément supplémentaire de couverture, au cas où, tout se passerait mal.

Une fois ces actifs achetés, ce qui importe à l’investisseur de Daubasses, c’est de surveiller deux points. Tout d’abord chaque publication du bilan pour voir si la situation patrimoniale ne se détériore pas trop, voire pas trop vite pour sauvegarder un potentiel de gain suffisant et si par exemple la solvabilité reste dans les critères définis (en gros, si l’endettement de la société reste dans des limites acceptable).

Le second point à surveiller, c’est l’actualité de la société pour comprendre ce qui se traduit ou pas en chiffres, dans le bilan, des déclarations ou des décisions de la direction. Ce que vous retrouvez, cher abonné, tous les mois dans notre lettre mensuelle.

Tout autre travail est pour nous une perte de temps complète.

En fait, nous avons essayé de vous expliquer rapidement que tout ce que vous pourrez lire de négatif sur une société estampillée Daubasse n’a pas de sens tant que les chiffres du bilan restent dans les critères du process et assure un gain potentiel important. Nous reviendrons d’ailleurs dans l’une de nos lettres mensuelles sur l’avantage que peut vous procurer l’actualité  des sociétés détenues dans notre portefeuille et que nous épluchons chaque mois avec la plus grande attention.

Nous vous souhaitons un excellent week-end.

Pour la petite histoire, si, comme nous l’avons signalé ci-dessus, nous devrions sortir avec une plus-value satisfaisante d’environ 45 % (si aucune surenchère n’était proposée), il y avait moyen de faire mieux puisqu’il s’agit aussi d’un prix 83 % supérieur à celui auquel cotait la société le jour de la sortie de l’article si négatif de Seeking Alpha, il y a à peine 5 mois…

4 réflexions au sujet de « Question des lecteurs : Avez-vous vu cette analyse de Tecumseh ? Tout est négatif. Vous en pensez quoi ? »

  1. bonjour,

    et bien vous venez de réussir un tour de force ; expliquer toute la stratégie en une seule page…
    c’est celle que je présenterai dorénavant quand je parle de tout ceci à des non initiés! un excellent point de départ, sobre et efficace.

  2. En effet, l’article résume bien les grandes lignes de la stratégie daubasses. A relire en période de doute !

    Concernant la remarque de votre abonné surTecumesh, il en ressort essentiellement un problème général de comportement humain appliqué à l’investissement.
    Investir en Daubasse est contre intuitif. Il n’y a rien de naturel pour l’homme d’acheter une entreprise sérieusement en difficulté. Les investisseurs n’aiment pas acheter les embrouilles même à prix ridicule. Et si en plus, l’investisseur se laisse influencer par le ‘bruit » extérieur alors il ne pourra pas gagner de l’argent. Il faut être rationnel et non émotionnel.
    Tout ceci est déjà expliquer en long, en large et en travers par l’équipe des Daubasses, mais le lire ne suffit pas toujours. Il faut vivre les choses pour apprendre. La vie est parfois le seul professeur qui vaille.

    Enfin, certaines personnalités ne sont pas prédisposées à l’investissement. L’impulsif, nerveux, sanguin, impatient, joueur part avec un handicap certain. Dans ce cas, il est sage de passer son chemin ou de faire un gros travail pour changer. A condition de commencer jeune !

    Au plaisir de vous lire.

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