Archives de catégorie : Ecomérages

Ancien édito : le monde selon Mad Max, ce n’est pas encore pour tout de suite

vacances boursièresEn cette période de douceur estivale, l’équipe des daubasses prend un peu de repos bien mérité.

Certes, entre barbecues et farniente, nous poursuivons notre traque incessante des plus belles daubasses.

Pour la partie rédactionnelle du blog, tout comme les années précédentes, nous avons plongé en apnée dans nos archives afin de vous proposer, cher(e) lecteur(trice), quelques anciens éditos de notre lettre mensuelle tels que nos abonnés ont pu les découvrir à l’époque.

C’est l’édito de la lettre de novembre  2012 que vous allez retrouver ci-dessous, là où il est question de l’intérêt – ou non – de s’intéresser à la macro-économie dans le cadre de notre philosophie d’investissement.

Excellente lecture !

 

Flash-Back …

Souvenez-vous, cher(e) abonné(e), nous sommes en 2005. Quelle était l’expression « à la mode » à cette époque ? Quelle était la phrase magique « tendance » dans les salons et les cocktails dinatoires ? Oui, c’est vrai, ça paraît loin tout ça et pourtant, ça ne fait que 7 années : du très long terme en spéculation mais tout au plus du moyen terme en investissement.

Le mot que tout le monde avait à la bouche à l’époque, c’était « peak oil ».

peak oil

Que disait-on ?

Que le pétrole était une matière première en voie d’épuisement. Que bientôt il deviendrait impayable. Qu’il fallait absolument se tourner soit vers les producteurs de pétrole, soit vers les énergies alternatives.

Le cours de Solarworld (producteur allemand de panneaux solaires) multipliait par 3,5 au cours de cette année-là, celui de Petrochina s’appréciait de 53 % et celui de Canadian Ressources (sables bitumeux) doublait.

Jim Rogers était adulé et les fonds à thématique énergétique poussaient comme des champignons.

C’est tout juste si les plus pessimistes n’annonçaient pas que faute de pétrole, nous allions tous mourir dans d’horribles souffrances…

Pire : certains parmi les membres de l’équipe des daubasses étaient également atteints par cette fièvre du « peak everythink », se forgeant même quelques convictions sur les cours du gaz naturel en le comparant avec ceux du pétrole ou même, en installant quelques panneaux solaires sur le toit de leur maison familiale afin de « survivre le jour où tout s’écroulera », le jour où, tout comme dans « Mad Max », nous serions tous réduits à l’état de bandes errantes prêtes à s’entredéchirer pour quelques litres d’essence.

Novembre 2012 …

Voici les titres de quelques articles que nous avons lus ces dernières semaines :

« Le peak oil, c’est fini »

« Ce peak oil qui n’en finit pas de ne pas arriver »

« L’avenir radieux d’une super puissance pétrolière » (en parlant des Etats-Unis)

Ça et là, nous apprenons que grâce aux nouvelles techniques de forage, entre autre la “fracturation hydraulique”, les énergies fossiles restent, plus que jamais, accessibles et disponibles. Les USA, entre autres, disposeraient de réserves de pétrole supérieures à l’Arabie Saoudite, l’Iran et l’Irak réunis.

Dès 2020, certains experts voient le pays de l’Oncle Sam produire plus de pétrole que l’Arabie Saoudite aujourd’hui.

Les premiers effets de ces techniques se sont d’ailleurs déjà fait sentir précisément sur le gaz naturel : les prix de cette énergie sont en effet au plancher depuis des années (du moins en Amérique du Nord), précisément à une époque où elle aurait déjà dû servir d’alternative au pétrole rare.

Bref, il semblerait bien que la hausse des prix du pétrole … ait reporté le « peak energy » à une date ultérieure, les coûts de développement des nouvelles technologies étant précisément rentabilisés par cette hausse des prix. Sans vouloir prendre position sur le bien-fondé écologique et économique des nouvelles techniques d’extraction, c’est en tout cas un évènement qui remet certaines certitudes en question.

La conclusion de tout ceci …

Nous pensons que les conclusions que l’on tirait il y a 7 ans quant aux supports idéaux en matière d’investissement ne sont, au moins partiellement, plus d’application aujourd’hui : Solarworld a perdu 98 % par rapport à son plus haut, Petrochina 47 % et Canadian Ressources 43 %. Quant au cours du pétrole proprement dit, s’il a pris 40 % en 7 années, cela semble peu pour une période « planche à billet » qui aurait dû être bien plus porteuse pour un actif aussi tangible et indispensable à nos modes de vie.

La conclusion ? Pour nous elle est simple et limpide et conforte notre approche : les projections macro-économiques ne sont que peu utiles à l’investisseur « value » et le temps qu’il consacre à l’économie générale, à défaut d’être considérée comme un aimable loisir, serait bien plus efficacement utilisé à approfondir l’analyse de ses sociétés.

C’est en tout cas ce que, pour notre part, nous continuerons à faire, convaincus plus que jamais par les vertus de l’approche « bottom up ». Nous vous le prouvons dès cette lettre mensuelle en vous présentant les deux sociétés que nous avons achetées récemment … et qui ne sont en rien liées à aucun « peak » que ce soit.

 

 

Ecommerage : les nageurs nus

ceux qui se baignent nus (Warren Buffett)Une fois n’est pas coutume, nous souhaitons partager avec vous cher(e) lecteur(trice), une péripétie qui s’est déroulée durant le mois de janvier. Ou comment un micro événement majeur (« cygne noir » diront certains) permet de découvrir ceux qui se baignent… à poil ! Nous paraphrasons la célèbre maxime de Warren Buffett  (« c’est lorsque la mer se retire, que nous découvrons les baigneurs qui se baignent nus ! ») suite à l’annonce le 15 janvier dernier de la Banque Nationale Suisse (BNS) de ne plus limiter la hausse du franc suisse (CHF) à 1,20 CHF pour 1 EUR.

Résultat, la monnaie « forte » a agit à son image… en se valorisant de près de 20% quasi instantanément, prenant les cambistes de court.

Et le mot est faible… car parmi les intervenants sur le marché des changes, il existe un bon nombre de brokers qui jouent les animateurs. Avec plus ou moins de bonheur. Prenons-en un, au hasard (non, en fait, pas du tout au hasard !), le dénommé FXCM. Le célèbre courtier en devise est un des spécialistes connus de la place, notamment car il intervient massivement auprès d’une clientèle de particuliers.

Suite donc à ce mouvement important sur une devise largement traitée sur les marchés, le courtier a dû interrompre dès le 16 janvier ses activités car il cumulait de trop fortes pertes.

 Mais comment est-ce possible ?

Hé bien, nous vous proposons la lecture de son bilan publié lors du dernier trimestre :

rapport financier fxcmSource : présentation aux investisseurs Janvier 2015[1]

Faisons une opération simple. Nous allons calculer le levier de la société sur ses actifs tangibles.

Fonds propres : 641,6 M USD

Intangibles : 392,3  M USD

Fonds propres retraités des intangibles = 641,6 – 392,3 = 249,3 M USD

Total du bilan = 2 384,4 M USD

==> Effet de levier = 2 384,4 / 249,3 = 9,56x. Ce qui signifie que pour 1 USD de fonds propres, FXCM a 9,56 USD d’actifs. Cela ne pose aucun problème quand tout va bien. Le levier bonifie en effet alors le rendement.

On peut aussi l’exprimer autrement : les fonds propres tangibles représentent 249,3 / 2 384,4 = 10,5% du bilan.

Il suffit alors que 10,5% des clients de FXCM ne soient plus en mesure de faire face à leurs obligations pour que le broker soit en difficulté. C’est une probabilité faible direz-vous, et à juste titre.

Maintenant, allons voir ce qu’il se passe au niveau des leviers que les clients peuvent utiliser sur le FOREX (pour Foreign Exchange), soit le marché des changes. Un « effet de levier maximum autorisé par FXCM* d’environ 50/1 »[2]. Pour information, il peut monter à près de 1 000 chez certains courtiers.

Bien entendu, tous les clients ne vont pas utiliser cet effet de levier maximum autorisé de 50. Nous prenons l’hypothèse que les clients traders pratiquent en moyenne avec un effet de levier de 10.

Et nous couplons maintenant cet effet de levier avec le levier du courtier lui-même : 10,5% x 10% = 1,05%.

Dès lors, nous constatons qu’avec l’hypothèse que nous retenons, si seulement 1,05% des clients perdent la totalité de leurs avoirs, et bien, FXCM peut être en difficulté. Et il semble bien que parmi les clients de FXCM, de nombreux aient pris des positions sur le CHF et qu’ils n’ont pas pu honorer leurs engagements après le 15 janvier. C’est pourquoi le courtier a du cesser ses activités, car le régulateur estimait que FXCM n’étant plus en mesure de présenter une solvabilité suffisante. On parlait de pertes cumulées de plus de 220 M USD suite à cette seule variation journalière sur le franc suisse.

Un chevalier blanc… futé !

L’annonce fatale de la BNS a eu lieu le jeudi 15 janvier, et durant le weekend suivant, un chevalier est venu sauver la société financière. Il s’agit de Leucadia.

Le holding financier s’est engagé à prêter 300 M USD à un taux de 10% par an, pendant 2 ans. Au-delà de ce taux d’intérêt que nous pourrions qualifier d’usurier, voici un récapitulatif des conditions imposées par Leucadia :

rapport financier leucadiaSource : communiqué de presse FXCM du 19 janvier 2015[3]

Pour résumer, voici quelques uns des éléments les plus remarquables :

– des intérêts majorés chaque trimestre de +1,5%, sans pouvoir dépasser les 17% en base annuelle ;

– en cas de distributions (vente d’actifs ou dividendes) : Leucadia captera 100% de la somme, à hauteur du montant qu’elle a prêté ;

– 50% du montant pour les 350 M USD suivant ;

– 90% du montant à hauteur de 2 fois le montant dû au 16 avril 2015 (avec une limitation comprise à la fourchette 500 M USD – 680 M USD) ;

– pour tous les autres montants, Leucadia touchera 60% de la cession.

Ce genre de deal tout à fait atypique et qui est largement au bénéfice du prêteur n’est pas sans rappeler ce que Warren Buffet a mis en place lors des événements post 2008, en pleine tourmente financière. Quand le cash était roi et que les plus belles signatures ne trouvaient plus de prêteur. Son holding, Berkshire Hattaway, intervenait alors en tant que prêteur de dernier ressort. Ce fut le cas par exemple quand l’oracle d’Omaha a prêté 300 M USD en 2009 à Harley-Davidson à un taux annuel de 15%.

 

Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette mésaventure illustrative des enseignements pour nos propres investissements ?

Conclusion # 1

Utiliser un très – trop – gros levier peut vous assurer en retour un très – trop – gros coup de massue. Le corolaire de l’effet de levier, étant « l’effet massue », quand les choses tournent mal.

Pour FXCM, la leçon semble avoir été apprise (ou imposée par Leucadia ?), puisque le 21 janvier 2015 une nouvelle politique sur les marges (une autre dénomination du levier) a été annoncée pour les investisseurs sur l’or et sur le FOREX. Il a été fortement limité.

Pour ce qui est de nos investissements, nous n’avons jamais utilisé de levier. Les décotes substantielles que nous obtenons lors de nos achats étant pour nous déjà de puissants « leviers » qui démultiplient les rendements. Nous investissons sans emprunter d’argent et dans des sociétés faiblement leveragées (qui utilise peu l’effet de levier), notre ratio de solvabilité maison nous limitant dans la manœuvre.

 

Conclusion # 2

« Rien ne sert de courir, il suffit de partir à point !», disait Jean de la Fontaine. Et bien belle initiative de Leucadia, qui en proposant rapidement une offre de prêt à des conditions de contreparties extrêmement favorables, d’être en situation de mobiliser une telle somme rapidement.

L’enseignement principal est qu’il est toujours utile pour un investisseur averti d’être en mesure de saisir des opportunités rares, ce qui signifie une grande réactivité et des liquidités disponibles à tout moment. Sinon, l’investisseur prend le risque de manquer une affaire en or. Il est difficile de calculer le coût d’opportunité, mais cependant, il est aisé d’être investi à 100% et de sous-performer le marché. Le pire étant de devoir laisser passer l’opportunité… ou bien d’arbitrer une de ses positions. Ce qui n’est jamais confortable.

Bref, pour prévenir ce genre de situation, nous préférons nous retrouver parfois avec un petit trop de cash pour ne pas être pris au dépourvu, plutôt que de n’avoir plus aucune marge de manœuvre d’interventions sur les marchés, en cas de forte déprime de Mr Le Marché.

[1]http://files.shareholder.com/downloads/AMDA-13JM9E/3848693194x0x803122/A8363025-5587-47E4-9111-2F9823574450/FXCMJanuaryPresentaiton.pdf

[2] http://www.fxcm.com/fr/effet-levier-marge-rollover-forex.jsp

[3] http://ir.fxcm.com/releasedetail.cfm?ReleaseID=891881

Lettre ouverte à Bernard Mooney du journal Canadien les Affaires

Cette lettre ouverte se veut une réponse à l’article de Bernard Mooney relatant une opinion de Charlie Munger et intitué : « Benjamin Graham n’était pas un bon investisseur »

 

Cher Bernard Mooney,

Votre article rapportant les doutes de Charlie Munger au sujet des capacités d’investisseur de Benjamin Graham nous a, non seulement, laissés pantois mais aussi carrément mort de rire !

Nous ne parvenons pas à comprendre comment vous pouvez prétendre apprendre de Munger, qui, de mémoire, n’a jamais écrit qu’un « Almanach » et tirer des enseignements pour vos lecteurs concernant la peur qui aurait guidé Benjamin Graham dans sa vie d’investisseur, tout en argumentant avec les propos de Charlie Munger que Benjamin Graham n’était pas un bon investisseur.

charlie munger

Nous sommes quatre investisseurs (3 Belges et 1 Français) qui appliquons depuis 2008 une méthode d’investissement inspirée directement de Benjamin Graham et appliquée également par Walter Schloss, pendant toute sa carrière. Nous avons baptisé notre groupe : « Les Daubasses, selon Benjamin Graham », autant par autodérision qu’en hommage à ce très cher Ben.

N’allez pas croire que nous sommes les « pom-pom boy » de Benjamin Graham, nous sommes plutôt des investisseurs, qui après avoir eu leur période « buffettienne », ont compris que la théorie de Benjamin Graham était une véritable mine d’or pour tout investisseur individuel qui est conscient de ne pas faire partie des génies de l’investissement et qui dispose d’un capital limité.

En fait, aujourd’hui après nos propres expériences et surtout après la lecture de L’effet boule de neige, nous pensons savoir faire la différence entre le mythe de  l’investisseur Buffett, la réalité de l’investisseur Buffett et ce que les investisseurs individuels peuvent appliquer de la réalité de l’investisseur Buffett.

Depuis que nous vous lisons et cela fait au moins 10 ans, vous ne semblez toujours pas être parvenu à expliquer ces différences à vos lecteurs et vous êtes toujours dans le mythe Buffett : « acheter des actions avec un moat et les garder à vie comme Buffett ».

Savez-vous par exemple que la performance de Warren Buffett, ne serait pas tout-à-fait la même s’il n’avait pas effectué des arbitrages ? Et qui lui a enseigné l’art de l’arbitrage ? Benjamin Graham …

« Dans leur étude des performances du portefeuille de Berkshire Hathaway de 1980 à 2003, les professeurs Gerald Martin et John Puthenpurackal ont découvert que les 261 investissements du portefeuille affichaient un rendement annualisé de 39.30%. Plus étonnant encore, sur ces 261 investissements, 59 furent identifiés comme des opérations d’arbitrage. Et ces 59 arbitrages ont généré un rendement annualisé moyen de 81.28%…!!!! La performance de Warren Buffett dans l’arbitrage n’a pas seulement battu le rendement de son portefeuille traditionnel, elle a aussi pulvérisé la performance annualisée moyenne de n’importe quel autre investissement américain… L’étude de Martin et Puthenpurackal a également mis en évidence l’influence énorme qu’ont exercé les opérations d’arbitrage de Warren Buffett sur la performance globale du portefeuille actions de Berkshire. Si nous supprimons les 59 opérations d’arbitrage effectuées durant la période étudiée, nous voyons le rendement annualisé moyen du portefeuille tomber de 39.38% à 26.96%. Ce sont les opérations d’arbitrage qui ont fait de Warren Buffett un grand investisseur et un phénomène mondial. »

Pages 10 et 11 de L’art de l’arbritage boursier selon Warren Buffett de Mary Buffett et David Clarck

Savez-vous aussi que depuis 1976, et donc le début de la véritable collaboration entre Warren Buffett et Charlie Munger, Berkshire Hataway a bénéficié d’un levier de 60 % en moyenne inhérent à ses activités d’assurance et au fait qu’elle obtenait du financement gratuit grâce à ses provisions techniques d’assurance. C’est en tout cas ce qu’ont démontré des chercheurs de l’Université de New-York et de AQR Capital Management dans un article paru dans The Economist.

De 1976 à 2012, l’action A de Berkshire Hataway a progressé de 22,5 % par an, effectivement un rythme de champion du monde. Mais ce levier de 60 % ne doit rien aux qualités d’investisseurs du duo Buffett-Munger, il ne le doit qu’à la taille critique atteinte par le conglomérat et à des qualités de dirigeant d’entreprise et d’allocataire de capitaux de l’Oracle d’Omaha. Si Monsieur Buffett n’avait pas profité du levier de 60 %, sa performance nette d’investisseur « pur » aurait été nettement plus modeste : 14,1 % par an, ce qui le fait quitter la catégorie des « extra-terrestres ». Pour obtenir un tel levier sur une période aussi longue et à un coût aussi faible, une fortune même de plusieurs millions de dollars n’est pas suffisante.

Vu son âge avancé, nous pouvons sans doute trouver des excuses à Charlie Munger mais vous, en tant que journaliste et investisseur, il nous semble que votre priorité devrait être la réalité : 30% de la performance de Buffett sur la période citée ne sont donc pas attribuable au buy and hold mais bien aux arbitrages et 37 % de la performance provient des bénéfices du levier des assurances, levier qui n’est, en aucun cas, accessible a l’investisseur individuel.

Nous avons également tenté de faire un travail critique, sur la biographie de Buffett « L’effet boule de neige«  afin d’essayer de comprendre ce que pouvait appliquer un investisseur individuel de la méthode d’investissement de Warren Buffett après 1976. Pourquoi après 1976 ? Tout simplement parce de la moitié des années 50 jusque dans les années 1970, soit sur près de 20 ans, Buffett a appliqué les enseignements de Benjamin Graham et de ses « les mégots de cigares ».

Sans ces enseignements, Warren Buffett ne serait jamais parvenu à constituer un capital important ni, d’ailleurs, à asseoir sa notoriété d’investisseur.

Nous vous invitons donc monsieur Mooney, si vous avez une heure à perdre, à découvrir notre travail critique, en 5 parties.

Pour en revenir à Charlie Munger qui déclare être meilleur investisseur que Benjamin Graham, nous souhaitons opposer cette petite histoire lorsque Warren Buffett le nomme à la direction de Wesco et lui laisse les mains libres. Il peut y exercer ses propres talents d’investisseur, seul comme un grand garçon, et pas à l’ombre de son associé.

Wesco est un véhicule intéressant pour analyser les compétences de Munger en investissement car c’est le seul véhicule coté sur lequel il va avoir la liberté opérationnelle. Intéressant également dans le sens où avec Wesco, il va être possible de lire les propres rapports annuels commentés par lui-même.

En effet, Munger a été sympathiquement parachuté par son partenaire à la tête d’un système qui fonctionnait en pilote automatique. Avec comme des activités phares très rentables et en croissance : bien entendu les activités de banque et d’assurance de Wesco-Financial Insurance Company, ainsi que celles de Kansas Bankers Surety Company (KBS). Sans oublier le business métallurgiques représenté par Precision Steel Warehouse, marginal.

Alors que sur la période, les deux entités financières historiques – Wesco et KBS – ne vont cesser de croitre en augmentant les bénéfices remontés en consolidés pour le Groupe Wesco, une toute autre histoire va émerger avec CORT Business Services Corporation (CORT), un spécialiste de la location en tout genre.

CORT a été acquis pour un montant de 386 M USD en 2000. Nous allons essayer de synthétiser chronologiquement, année par année les comptes rendus issus des rapports annuels de Wesco qu’il est encore possible de lire en ligne .

Année 2000

Voici ce que disait Munger suite à l’acquisition de CORT :

CORT has long been headed by Paul Arnold, age 54, who is a star executive as is convincingly demonstrated by his long record as CEO of CORT. We are absolutely delighted to have Paul and CORT within Wesco, are pleased with CORT’s performance under his leadership in 2000, and hope to see a considerable expansion of CORT’s business and earnings in future years.

Commencing late last year, and continuing to date, new business coming into CORT has declined sharply. We believe that CORT’s operations will remain printable in any likely recession-related decline in the rent-to-rent segment of the furniture business.”

Résultat opérationnel en 2000 : 29.0 M USD sur 10 mois

Année 2001

Munger commente l’activité de CORT sur son premier exercice complet au sein de Wesco : “We happily tolerate a poor part of the business cycle when we turn it to our advantage by expanding business through cash acquisition at sound prices. We continue to believe that CORT’s operations will remain profitable in any likely recession-related decline in the rent-to-rent segment of the furniture business.”

Résultat opérationnel en 2001 : 13.1 M USD (-61% versus 2000)

Année 2002

Nous apprenons dans le rapport annuel que CORT a investi 57 M USD pour étendre son business par acquisition de petites entreprises en 2000 et 2001. Lancement de l’activité de Relocation Central.

Munger est toujours optimiste : “We continue to expect a considerable expansion of CORT’s business and earnings at some future time.

Résultat opérationnel en 2002 : 2.4 M USD (division par 5 versus 2001)

Année 2003

CORT investit 4 M USD supplémentaires. Soit un total depuis l’acquisition de 61 M USD.

L’optimisme est toujours au beau fixe pour Munger : “We are absolutely delighted to have Paul and CORT within Wesco. We continue to expect a considerable expansion of CORT’s business and earnings at some future time.

Résultat opérationnel en 2003 : -6.3 M USD

Année 2004

CORT investit 13 M USD supplémentaires. Soit un total depuis l’acquisition en 2002 de 74 M USD. Ces dépenses de croissance se font avec l’aval bienveillant de Munger : “CORT remains the national leader in its market segment and we believe that these acquisitions will prove to be satisfactory expansions of a fundamentally sound business.

Et Charlie d’en rajouter : “We continue to expect a considerable expansion of CORT’s business and earnings at some future time.

Résultat opérationnel en 2004 : 5.0 M USD

Année 2005

Après 2004, nous n’aurons plus d’information sur les montants investis – engloutis ? – dans CORT.

Et encore : “We are absolutely delighted to have Paul and CORT within Wesco.”

Résultat opérationnel en 2005 : 20.7 M USD

Année 2006

Munger commente : “We are pleased with the progress CORT made in the past two years. We are cautiously optimistic that, in future years, we will be able to look back to the recent past and consider it merely a cyclical aberration in CORT’s growth.

Résultat opérationnel en 2006 : 26.9 M USD

Année 2007

CORT internationalise ses activités. Toujours aucune information sur le montant des investissements.

L’éloge habituelle sur le CEO star Paul Arnold disparaît du rapport annuel. Munger ajoute tout de même : “CORT is now a stronger company than it was when acquired by Wesco, helped by several “tuck-in” acquisitions, and poised towards long-term growth despite periodic bumps to be encountered along the way.”

Résultat opérationnel en 2007 : 20.3 M USD

Année 2008

CORT continue les acquisitions et les investissements notamment au Royaume-Uni avec l’acquisition de Roomservice Group, mais toujours sans détail sur les montants engagés. Le lecteur interprétera ce fait comme il voudra.

Munger adoucit son discours : “Near term, we expect more of the difficult business conditions of the recent past.”

Résultat opérationnel en 2008 : 15.7 M USD

Année 2009

Aux yeux de Munger, Paur Arnold perd son statut de « star » au profit du qualificatif de « capable » (« able » dans le texte) : “Paul Arnold, long CORT’s able CEO, and his management team, have devoted much effort in recent years.”

Résultat opérationnel en 2009 : -1.3 M USD

En 2009, Buffett décide d’arrêter la plaisanterie et veut récupérer Wesco à 100% (il lui manquait 20% du capital), pour récupérer les business de banque et d’assurance en sortant le dossier de la cote. Nous n’en saurons donc pas plus sur les résultats ultérieurs de COST.

Si nous résumons ces 9 exercices, nous avons des investissements de :

Acquisition : 386 M USD

Investissements de 2000 à 2004 : 61 M USD

Comme les montants d’investissements pour les années postérieures à 2004 ne sont plus communiquées aux actionnaires dans les lettres annuelles, nous allons estimer de façon très conservatrices qu’elles sont de seulement 5 M USD par an, de 2005 à 2009. Soit un montant d’investissements sur la période de : 5 x 5 = 25 M USD.

Les fonds propres consacrés à ce business sont donc de : 386 + 62 + 25 = 473 M USD

Au niveau des profits opérationnels, voici le résumé :

2000 : 29.0 M USD

2001 : 13.1 M USD

2002 : 2.4 M USD

2003 : -6.3 M USD

2004 : 5.0 M USD

2005 : 20.7 M USD

2006 : 26.9 M USD

2007 : 20.3 M USD

2008 : 15.7 M USD

2009 : -1.3 M USD

Soit un total de 125.5 MUSD sur la période ou une moyenne annuelle de : 125.5 / 9 = 13.94 M USD

Le retour sur investissement moyen annuel est donc de :

Résultat opérationnel moyen annuel / investissements = 13.94 / 473 = 2,95%

L’investisseur intelligent notera le fait que cette rentabilité s’entend avant impôts sur le résultat.

Pour conclure, laissons la parole à Munger (issu du rapport annuel 2009 de Wesco). Les investisseurs habitués à la modestie de Buffett apprécieront ce commentaire à sa juste valeur :

Business and human quality in place at Wesco continues to be not nearly as good, all factors considered, as that in place at Berkshire Hathaway. Wesco is not an equally-good-but-smaller version of Berkshire Hathaway, better because its small size makes growth easier.

Nous voyons clairement avec cet exemple que Benjamin Graham aurait encore beaucoup à apprendre du beau Charlie !

Enfin, nous nous demandons si Charlie Munger a conscience de la période dans laquelle il a investi ? Nous n’avons pas assez de bouteille pour proposer des arguments solides, reconnaissons-le humblement … c’est pourquoi, nous allons laisser la parole a Bill Gross, autre monstre sacré de l’investissement, mais infiniment plus modeste :

« … Cependant, que les choses soient claires. Il n’existe pas, en ce monde, de Roi des obligations ou de Roi des actions, ni même de Souverain de l’investissement qui puisse prétendre à un trône. Tous autant que nous sommes, même les vieux briscards comme Buffett, Soros, Fuss et moi-même (eh oui…), nous avons exploité une période extrêmement avantageuse, l’époque la plus attractive qui puisse être offerte à un investisseur… »

« … Depuis le début des années 1970, quand le dollar a été désolidarisé de l’étalon-or et que le crédit a débuté son incroyable périple vers la liquidité et le rendement total, la formule gagnante a été relativement simple : un investisseur prenant un risque minimal, y appliquant habilement un certain levier et se protégeant intelligemment contre les accès de désendettement ou de retraits d’actifs pouvait prétendre, et accédait parfois, au trône de «l’excellence». Cela dit, c’était peut-être l’époque qui construisait l’homme et non l’inverse … »

« …Ce que je veux dire, c’est que l’époque de PIMCO, celle de Berkshire Hathaway, celle de Peter Lynch, ont toutes eu l’expansion du crédit pour toile de fond. Au cours de cette période, la prime est allée aux investisseurs ayant misé sur le portage, ayant vendu la volatilité, s’étant orientés vers les rendements et ayant accentué leur exposition aux risques de crédit, ou bien à ceux qui étaient protégés, de par leur structure ou leur réputation, des mouvements de désengagement ou de désendettement (Buffett) qui ont frappé leurs concurrents au pire moment … »

« … Après tout, il ne s’agissait peut-être que d’époques, avec un début et une fin. Qu’advient-il lorsqu’une époque change? Qu’adviendrait-il si l’expansion ininterrompue du crédit et l’alimentation qu’elle fournit aux prix des actifs et aux rendements venaient à être durement affectées? Qu’adviendrait-il si des taux d’intérêt quasi nuls sonnaient le glas d’une époque de rendement total qui a débuté dans les années 1970, a pris de la vitesse en 1981 et s’est heurtée à une impasse mathématique en 2012/2013 pour les obligations et, logiquement, pour les autres classes d’actifs apparentées? … »

Si vous avez 10 minutes à perdre pour relire l’intégralité de l’interview de Bill Gross, monsieur Mooney, c’est ici.

Enfin, cher monsieur Bernard Mooney, ce qui est finalement le plus dérangeant, c’est que vous semblez vous méprendre, sur les enseignements et la méthode de Benjamin Graham, que vous dite « hanté » par la peur du krach de 1929 !

Nous pensons au contraire qu’acheter des actifs tangibles nets de toute dette avec une marge de sécurité est du pur bon sens. Du pur bon sens vieux de 85 ans et qui sera, selon nous, tout aussi valable tant qu’il existera un investisseur sur cette terre. Tout simplement parce c’est une manière très simple de faire des bonnes affaires et de s’enrichir et principalement pour un particulier.

Bien à vous,

L’équipe des « Daubasses selon Benjamin Graham »

 

Haute tension sur le Vietnam et l’Ukraine

En un peu moins de trois mois, nous avons dû « larguer » hâtivement deux de nos meilleurs fonds cotés émergents. Ukraine Opportunity investi en Ukraine et Vietnam Holding Ltd investi au Vietnam.

Ces décisions ont été prises en dehors de notre process chiffré et donc principalement par l’expérience que nous avons des émergents, mais également grâce à l’information de plusieurs de nos abonnés vivant en Asie, en ce qui concerne le fond vietnamien. Nous sommes dans les deux cas sortis gagnant avec +19.48% pour le fonds ukrainien et +84.11% sur le fond vietnamien. Ce qui ne nous semble pas le plus important, même si des investissements qui se terminent en plus-value font toujours plaisir. Nous allons donc vous expliquer pourquoi nous avons vendu alors que, logiquement, nous achetons toujours au son du canon et vendons au son du violon, pourquoi en fait cette métaphore est vraie sauf quand elle cesse d’être une métaphore et que ce sont de véritables canons qui commencent à gronder… Continuer la lecture de Haute tension sur le Vietnam et l’Ukraine