Archives de catégorie : Les chroniques de l’investisseur chronique

Les chroniques de l’investisseur chronique : Une approche de l’investissement en actions

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

 

J’ai listé dans cet article quelques règles que j’utilise pour mes investissements en actions. Je ne prétends pas que cette méthode soit la meilleure et n’engage que moi.

Une vision personnelle

Il faut se faire sa propre opinion sur l’entreprise cible. Ne pas suivre (aveuglément) l’opinion des autres.

Investir dans des entreprises qui gèrent leur argent de la même manière que soi. Découle de ce principe un endettement qui doit être inférieur aux capitaux propres, dans mon cas.

 

Une approche de la valorisation d’une action

Comment calculer la valeur d’une entreprise ? Chercher les invariants. Quels sont les chiffres d’une entreprise globalement stables, d’une année à l’autre ? Le bilan d’une entreprise est généralement assez stable d’une année à l’autre, sauf opérations spéciales sur le capital ou endettement par exemple. Le compte de résultats est trop volatil et correspond à une dérivée. C’est donc sur la base du bilan que je cherche la valeur de l’entreprise. Chercher des entreprises au bilan globalement stable (ou en progression), sur les 5 dernières années. Ne pas acheter des entreprises qui font systématiquement un déficit sur les 5 dernières années par exemple. Préférer des actions qui viennent de passer dans le rouge, il y a plus de chance que la tempête ne soit que passagère.

La valeur d’une entreprise doit être calculée de manière conservatrice. Quelle est la valeur qui reviendrait aux actionnaires, en cas de faillite ? Ne pas rêver, en cas de faillite, rien ne reviendra aux actionnaires, mais c’est simplement pour fixer les idées, théoriquement. Les daubasses expliquent plusieurs méthodes rationnelles pour y parvenir.

 

Déficits

Ne pas être effrayé par les déficits ponctuels. Vérifier tout de même le ratio déficit sur CA et déficit sur capitaux propres. S’inquiéter des déficits récurrents sur des périodes longues.

 

Niveau de chiffre d’affaire

Chercher des entreprises qui ont un CA globalement égal au bilan et qui ne varie pas trop (ou qui augmente) sur les 5 dernières années.

 

Capitalisation boursière

Une entreprise dont la capitalisation boursière vaut entre 5 et 10 % du total du bilan peut révéler une aberration du marché.

 

Rendement

Considérer le rendement (et non uniquement la plus-value), surtout si vous pouvez l’obtenir pour rien. Imaginons une entreprise qui payait régulièrement un dividende à un certain niveau. Lorsqu’une crise arrive, elle arrête le paiement de ce dividende. Une fois la crise terminée, elle paiera à nouveau un dividende grosso modo dans l’ordre de grandeur du dividende historique, ce qui serait alors un catalyseur de la hausse. Si, lors de la crise, j’identifie par exemple un rendement potentiel futur de, par exemple, 10 %, c’est un élément positif à prendre en compte, toute chose égale par ailleurs dans l’analyse valeur qui reste mon premier critère de choix.

 

Croissance

S’il est possible d’obtenir pour rien de la croissance potentielle, en plus de la valeur, c’est un élément positif, toute chose égale par ailleurs, au niveau de l’analyse valeur.

 

Manipulation des chiffres au bilan

Ne pas croire aveuglément les chiffres présentés au bilan: une entreprise a d’autant plus intérêt à manipuler les chiffres de son bilan qu’ils sont mauvais. Imaginons que l’entreprise ait un endettement x 10 par rapport à ses capitaux propres. Il est tentant de maquiller les chiffres en essayant de faire apparaître, mettons, un x 5. Mais quel serait l’intérêt pour une entreprise ayant un endettement de x 2 de maquiller ses dettes ?

 

Pink sheets

Ne pas acheter d’actions qui ont un prix inférieur à 1 euro (marché FR) ou 1 dollar (marché US), seuil psychologique. Les actions cotant en-dessous de ce prix correspondent généralement à des cas particuliers (par exemple marché OTC) et je préfère donc pour ma part m’abstenir d’acheter ces situations spéciales. Si une action achetée à un prix supérieur à 1 descend en-dessous de 1, ce n’est pas un motif suffisant pour vendre, cependant.

 

Effet de mode.

Est-ce que l’entreprise est victime d’un effet de mode négatif ? HAST:US et BAMM:US sont typiquement dans ce domaine, au 16/11/2013. Une entreprise du même secteur a fait faillite, rendez-vous compte ! En réalité, cette faillite était liée à la mauvaise gestion financière de l’entreprise et non à l’avènement du livre numérique. Qui profitera de cette faillite si ce ne sont les autres entreprises du secteur ? J’anticipe que le live numérique ne va pas se substituer le livre papier dans les 20 années à venir, par exemple. Certes, il le supplantera probablement à très long terme, mais je ne vois pas une transition rapide du papier vers numérique (qui est à ce stade plutôt un complément). Et HAST:US et BAMM:US peuvent également s’adapter à la nouvelle donne en trouvant d’autres produits à vendre ou d’autres business model.

 

Choix sectoriel

J’évite les secteurs moralement discutables comme les industries d’armement, Tepco au plus bas ou autre… J’évite généralement les secteurs à la mode ou qui font rêver : l’aéronautique, l’espace, les valeurs technologiques, les valeurs biotechnologiques, la pharmacie, le solaire, etc… Je préfère une entreprise bien obscure mais au business rodé, sans surprise (le problème des technologiques et pharmaceutiques est notamment que leur business model dépend d’innovations non prévisibles). Par exemple, je serais naturellement tenté d’acheter une entreprise dans le domaine du recyclage d’huile de vidange : elle a l’air sale, elle rebute et elle ne doit pas sentir bon mais elle cache sans doute un business solide bien rodé, bien huilé et sans surprises. J’évite les banques que je ne sais pas évaluer. Je pense que la valeur des banques découle fortement de leur image. Autrement dit, si Mr Market est dépressif sur une banque, il peut réellement la tuer, alors que dans d’autres domaines (industrie), il n’y a pas de rapport direct entre le cours d’une action et l’activité réelle sous-jacente (hors introduction en bourse ou augmentation de capital).

 

Analyse graphique

Le titre de cette rubrique est volontairement provocateur. Je ne me sens pas l’âme d’un analyste graphique.

Observer la courbe historique de prix des actions candidates – échelle de temps de 15 ans – (tenir compte des augmentations de capital, dans le raisonnement) :

  • Est-ce que l’entreprise se trouve au prix historique le plus bas ?
  • Est-ce que l’action a atteint plusieurs fois les niveaux de prix de notre objectif de vente ?
  • Est-ce que le ratio maximum sur minimum est important ?
  • Est-ce que la courbe a connu plusieurs cycles repassant par des extremums ou descend-elle de manière continue ? Une « belle » courbe est typiquement celle d’HAST:US au 16/11/2013 (un potentiel de x 4 semble possible).

 

Stop limite

A l’achat, ne pas acheter en plaçant un stop limite, mais acheter les lignes à la vente du carnet d’ordre quitte à pousser le titre violemment à la hausse (surtout sur les aberrations de marché). Le prix à payer pour l’opportunité manquée peut être important, dans le cas inverse. Ne pas optimiser ses entrées, vu le potentiel attendu.

Vendre sur base de stop au prix du potentiel estimé (ou alors placer un stop suiveur par exemple à 15 % sous le prix maximum de l’action pour suivre la tendance, si l’on pense au feeling qu’elle peut se prolonger).

 

Suivre les actions vendues

Surveiller les entreprises dont on a vendu les titres. Leur cours pourrait redescendre en-dessous du cours d’achat donc redevenir des opportunités.

 

Money management

Adopter des règles de money management : <Référence à l’article 06 sur les règles de money management>

 

Type d’ordre

Ne prendre que des positions longues (pas de vente à découvert). Se positionner à l’achat permet d’avoir un risque de perte limité (le montant investi, en cas de faillite), mais un potentiel de hausse illimité, sans coût lié au facteur temps. Ne pas acheter des actions avec un levier.

 

Savoir rester liquide

Si aucune opportunité n’est trouvée sur le marché, ne pas acheter. Cette décision peut être difficile à prendre. Acheter uniquement des entreprises respectant globalement les critères qualitatifs, quitte à attendre.

 

Liquidité

Ne pas investir dans des actions trop peu liquides, c’est-à-dire où le volume d’échange représente par exemple 1/10ème du montant que l’on souhaite investir. Essayer de ne pas multiplier ses lignes. J’ai un peu plus d’une dizaine de lignes, par soucis de diversification (si une action fait faillite, cet évènement ne m’affectera pas particulièrement).

 

Espérance mathématique

Croire en ses investissements, même si leur prix baisse, lorsque l’analyse indique une espérance mathématique positive. Sauf découverte théorique qui change fondamentalement la donne. Ne pas céder à la panique.

 

Eléments positifs divers

Voir d’un bon œil les rachats d’actions, une entreprise familiale, la présence de la Financière de l’Echiquier, de Bestinver, d’Amiral Gestion ou de Tocqueville au capital.

 

Objectif de vente

Lorsqu’une entreprise s’approche de l’objectif de vente, il n’est pas nécessaire d’atteindre strictement cet objectif s’il existe de meilleures opportunités sur le marché. En effet, le potentiel d’une action proche de son objectif est mécaniquement très inférieur au potentiel d’une nouvelle action achetée, vu l’écart entre le prix et la valeur. Faire tourner le portefeuille pour essayer de maximiser le potentiel.

 

Tensions entre prix et valeur

Prendre conscience de l’effet des exponentielles sur les marchés: voir par exemple un + 10 % sur une courbe, lorsqu’elle est proche des plus bas et le même + 10 % lorsqu’elle est proche des plus hauts (graphiquement et vraisemblablement psychologiquement pour certains acteurs du marché, il s’agit d’un bond énorme alors qu’il s’agit du même pourcentage de variation). Le prix d’une action est attaché à sa vraie valeur par un élastique : plus il est tendu et plus le potentiel et la force de retour vont être violents, dans les deux sens. A la baisse, l’élastique peut se rompre : c’est la faillite !

 

Contexte global des marchés

Considérer également des indicateurs globaux de marché: niveau du VIX, niveau de l’indice de référence par rapport à son dernier plus haut, niveau de l’indice de référence par rapport à son plus haut historique, etc… Utiliser ces indicateurs principalement pour détecter les moments où l’on trouvera le plus d’opportunités d’actions ayant une divergence entre prix et valeur importante et il vaudra mieux rester liquide.

 

Investir à long terme

Ne pas avoir besoin de l’argent investi dans les 20 prochaines années.

 

Portefeuille

Vérifier son portefeuille 15 minutes tous les jours, par exemple, après la clôture des marchés (suivre en particulier les actions qui s’approchent de leur potentiel, regarder les éléments exceptionnels éventuels : augmentation de capital, OPA, une suspension de cours, etc…). Vérifier une fois par an les éléments nouveaux (nouveaux rapports financiers) mais pas nécessairement immédiatement quand le rapport sort puisque nous nous basons sur des données a priori assez stables (invariants), d’une année sur l’autre, pour évaluer l’entreprise. Ce qui prend du temps, c’est plutôt d’identifier de nouvelles pépites et étudier les rapports annuels des entreprises sélectionnées / filtrage. Ce qui prend également du temps, c’est se construire un modèle théorique comme celui-ci. Faites vos devoirs avant d’acheter.

 

Conclusion

Comme j’estime ne pas être capable de prévoir le prix futur des actions, sur base des prix ou volumes passés, j’essaie d’identifier des divergences entre prix et valeur et me positionne à l’achat lorsque la divergence est importante pour avoir une marge de sécurité et une espérance mathématique positive pour mon investissement.

In fine, le non respect d’un critère n’est pas rédhibitoire, il faut à mon sens considérer un dossier dans sa globalité

Les chroniques de l’investisseur chronique : quelques règles de money management

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

 

 

J’ai listé dans cet article quelques règles de money management que j’utilise et que je soumets à votre analyse critique.

 

Le paradoxe de l’actionnaire débutant

Il existe un paradoxe pour le débutant, en bourse (s’il investit tout son capital en bourse, en une fois). Alors qu’il est le moins expérimenté et donc le plus fragile, la performance qu’il va réaliser à ses débuts va avoir le plus fort impact. S’il perd la moitié de son capital investi (- 50 %), il lui faudra multiplier ce capital par deux (donc réaliser une performance de + 100 %) pour revenir à une performance nulle. Si, à l’inverse, il commence par doubler son capital (+ 100 %), et qu’il perd la moitié du montant de son capital initial (- 25 %), il aura malgré cela réalisé une performance de 150 %. Ces effets sont des propriétés des exponentielles. Il est donc essentiel d’avoir une excellente performance au départ, lorsque l’investisseur est le moins expérimenté.

 

Education financière

Avoir des idées globalement justes des principes de l’investissement sur les marchés et sur l’investissement lorsque l’on souhaite investir son patrimoine en actions (ou ne commencer par investir qu’une fraction faible de son capital pour acquérir les connaissances indispensables avant d’investir plus largement).

 

Situation initiale équirépartie

Ma situation de départ était un portefeuille avec une équirépartition de mon capital sur 20 lignes, permettant une diversification et limitant l’impact d’une faillite, qui aurait alors représenté 5 % de mon capital.

 

Positions longues et positions courtes

Il existe une asymétrie favorable aux positions longues sur les positions courtes. En effet, postulons que pour une action, il est équiprobable de multiplier ou de diviser son capital par deux, les propriétés des exponentielles donneront une espérance de gain de 125 % (et non de 100 %). Une autre manière d’exprimer ce phénomène, aux limites, est d’observer que la perte maximale est le capital investi mais le gain potentiel est illimité. Il est plus probable qu’une action double de prix que l’entreprise correspondante ne fasse faillite.

 

Surpondération des lignes évoluant positivement

Avec le temps, la pondération des lignes va évoluer et les actions dont le prix a le mieux progressé vont être surpondérées. Leur potentiel ira cependant en diminuant, jusqu’à la vente. Le réinvestissement des liquidités issues de la vente permet alors d’acheter une ou plusieurs autres actions à fort potentiel combinant surpondération et potentiel.

 

La chute des prix

Il faut être préparé psychologiquement à la faillite pure et simple de certaines de ses actions et à des variations importantes de son capital et ne pas s’en émouvoir. Le prix de mon portefeuille est déjà descendu de 40 % par rapport à des extremums relatifs sans que cela ne me perturbe. Et je suis aujourd’hui, malgré cela, à un plus haut historique avec une performance décente.

 

Ne cédez par à la panique

L’investisseur n’est pas obligé de vendre quand le marché est dépressif et présente des aberrations manifestes. Ce n’est pas parce qu’un passant me propose d’acheter ma voiture à 100 euros alors que j’estime qu’elle en vaut 5 000, que je suis obligé de la lui vendre à ce prix, ni même une raison d’être déprimé ou inquiet: si le marché est fou, ne sombrez pas à votre tour dans la folie. Après tout, il s’agit d’une voiture dont la valeur est supérieure au prix qui m’est proposé. Profitez plutôt de ces moments-là pour acheter si vous avez des liquidités ou vendre des lignes qui sont proches de la réalisation de leur potentiel pour en acheter d’autres plus prometteuses.

 

Stop limite

Je n’utilise pas d’ordre stop limite et laisse évoluer mes actions librement à la hausse comme à la baisse. J’ai simplement un stop mental à la hausse correspondant à un objectif de prix de vente.

 

Conclusion

Un investissement en actions se prépare avant de prendre position. Il sera par nature soumis à des variations de prix importantes. Il faut y être préparé et ne pas s’en émouvoir, diversifier pour limiter le risque et investir lorsque l’espérance mathématique est positive.

Dans un prochain article, j’expliquerai mon approche de l’investissement en actions.

Les Chroniques de l’investisseur chronique : l’effet de levier ?

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

 

Ce message ne prétend pas avoir valeur universelle mais reflète simplement mon opinion à ce jour sur la question et a vocation à susciter un débat argumenté.

 

Introduction

Pendant de nombreuses années, j’ai considéré l’endettement et l’effet de levier comme le mal absolu et ne pouvais pas concevoir qu’une personne rationnelle pouvait acheter un bien à crédit. Pour moi, il fallait acheter avec ses liquidités ou ne pas acheter, y compris pour l’immobilier. Vous connaissez mon côté binaire et tranché. J’ai appris avec le temps à être plus mesuré, bien que je revienne de loin sur le sujet.

 

L’endettement – Un mal ?

Comme chacun sait, s’endetter pour acheter un bien a un coût. Lequel d’entre nous encouragerait un ami à contracter un crédit revolving ayant un TEG de 20 % pour acheter un téléviseur dernier cri ? Comment accepter le risque de surendettement associé ? Si je perds demain mon emploi, n’aurais-je pas le couteau sous la gorge ? L’endettement n’est-il pas caractéristique d’une personne vivant au-dessus de ses moyens ?

C’est principalement contre ces effets négatifs que mon opposition de principe s’élevait.

 

L’endettement – Un bien ?

J’ai reconsidéré ma position à la lumière des 2 éléments suivants:

  • Certains investissements permettent d’obtenir une rentabilité supérieure au taux du crédit.
  • Pour ne pas risquer le scénario du surendettement, il faut se placer dans une situation dans laquelle notre patrimoine net (si possible liquide) est supérieur à la dette.

En respectant ces deux règles, l’endettement apparaît sous un jour positif.

 

 

Le levier – Qu’est-ce que c’est ?

L’effet de levier lié à l’endettement est simplement un amplificateur: il accentue les situations positives comme les situations négatives. Plus l’endettement est fort, par rapport au patrimoine net, plus l’amplification est forte: c’est le niveau de levier. L’amplification a également un coût.

accéder à l'indépendance financière avec le levier de l'endettement

 

Niveau de levier direct

En fonction du type d’investissement réalisé, les conditions de crédit ne seront pas les mêmes.

Un emprunt pour acheter des actions (crédit lombard) se fera généralement dans des conditions assez défavorables comme indiqué dans la précédente chronique.

Si l’investisseur ne veut pas être forcé de vendre au mauvais moment et tenir compte de l’effet de levier indirect sur les actions, il ne faut pas, à mon avis, emprunter plus d’un quart de son patrimoine net pour acheter des actions.

Pour un emprunt immobilier, les conditions de crédit sont habituellement bien meilleures:

  • Le bien immobilier acheté suffit à garantir le crédit.
  • Si le marché immobilier baisse, votre banquier ne va pas exiger un appel de marges pour reconstituer la garantie.
  • Il est possible d’obtenir un taux fixe correct.
  • Les durées d’emprunt peuvent être longues.

Pour un emprunt immobilier, il semble raisonnable de ne pas emprunter plus de 100 % de son patrimoine net par ailleurs (sauf pour se constituer un patrimoine en partant de 0, comme expliqué ci-après).

 

Niveau de levier indirect sur les accéder à l'indépendance financière avec l'effet de levieractions

Le passif des entreprises est principalement constitué de dettes et de capitaux propres. En achetant une action, l’investisseur est exposé au levier de l’entreprise. Il s’agit donc d’un levier indirect. J’applique généralement aux entreprises les mêmes règles que je m’impose à moi-même, lors de ma sélection: l’endettement doit si possible être inférieur aux capitaux propres et les actifs circulant doivent permettre de rembourser immédiatement la dette, si nécessaire.

Je préfère éviter les produits à fort levier en bourse (warrants, turbos, options, etc…), sauf à se placer dans une situation dans laquelle le fort levier est atténué par un actif liquide sans levier (ce qui permet de faire descendre le levier global).

 

L’effet de levier – Attention aux effets secondaires !

Vous avez trouvé un investissement immobilier avec un rendement brut de 10 % et des crédits à 20 ans autour de 3 %. Partant d’un patrimoine net de 100 000 euros, vous empruntez 1 million d’euros, la marge bénéficiaire au-delà de l’autofinancement permettant de convaincre votre banquier du bien fondé de l’opération. Jusque là tout va très bien: gérant correctement vos biens, vous parvenez à maintenir ce niveau de revenu et bénéficiez à plein du différentiel entre revenus et taux du crédit.

Mais soudain, en raison d’un accident de la vie, de l’explosion d’une centrale nucléaire située à proximité ou à cause de la perte de l’attractivité économique de la région, rien ne va plus. Vous vous retrouvez surendetté alors que vous êtes un bon gérant, incapable de faire face à la situation. Ces risques sont peu probables, j’en conviens, mais leur sévérité est majeure, ce qui montre qu’un niveau de levier trop élevé vous expose à un risque de surendettement.

Il ne me semble pas nécessairement irrationnel de s’exposer à ce type de risques pour une période de temps très limitée (5 ou 10 ans ?) afin de se constituer rapidement un patrimoine en partant de 0. Par contre, il semble nécessaire de réduire la voilure (i.e. le niveau de levier) dès que possible, pour ne pas risquer de se brûler les ailes.

 

L’endettement et l’inflation

L’un des risques majeurs et sournois pour les personnes disposant d’un patrimoine est l’inflation. Placer son patrimoine dans l’immobilier ou en actions (lorsque les entreprises sont capables de répercuter auprès de leurs clients les hausses des coûts de leurs fournisseurs) est une bonne protection contre l’inflation. Un placement monétaire sera à l’inverse généralement dévoré par l’inflation.

L’endettement est un outil permettant non seulement de se protéger contre l’inflation mais même d’en bénéficier. En empruntant de la monnaie à taux fixe, qui subit l’inflation, et en achetant un bien l’en protégeant (immobilier / actions), l’investisseur en bénéficie.

Pour les personnes ayant atteint l’indépendance financière, cet outil peut être particulièrement puissant. Avec un crédit in fine à taux fixe à un taux raisonnable sur une période longue pour un montant globalement équivalent à son patrimoine net, acquérir des immeubles de rapport à forte rentabilité brute (supérieur à 10 %) permettra non seulement de protéger l’ensemble de son patrimoine contre l’inflation, afin d’éviter qu’il ne se réduise comme peau de chagrin, mais également de bénéficier de cet effet.

 

Conclusion

De mon côté, vivant mal le risque de surendettement, je n’abuse pas du levier et reste dans une configuration sereine dans laquelle l’endettement est inférieur au patrimoine net liquide, en investissant le montant du crédit dans l’immobilier, même si je préfère l’investissement en actions. En revanche, je ne crains pas le risque d’arriver à un patrimoine nul en cas d’évolution peu probable très défavorable de mon patrimoine (car mon niveau de vie ne changerait pas dans ce cas) et parce que l’espérance mathématique de mes investissements est positive.

Un levier autour d’un quart de mon patrimoine net pour acheter des actions pourrait également constituer un prolongement logique de ma stratégie (le risque de ne pas pouvoir faire face à une évolution défavorable du prix des actions est alors très atténué).

Pour prolonger la discussion, n’hésitez pas à indiquer en commentaire le niveau de levier qui vous semble raisonnable, en précisant les classes d’actifs correspondantes et vos raisons ((ndlr : nous avions abordé la manière dont Warren Buffett utilise du levier dans cet article)

 

Les chroniques de l’investisseur chronique : le crédit lombard

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

L’investisseur en actions se heurte à des limites lorsqu’il souhaite obtenir un effet de levier direct, même modéré, sur son patrimoine. Les conditions de crédit pour acheter des actions sont en effet bien moins intéressantes que celles qu’il est possible d’obtenir pour un crédit immobilier.

 

Le crédit lombard

Le crédit lombard est une solution de crédit permettant d’acheter des actions. Les conditions qui m’ont généralement été proposées pour ce type de crédit sont les suivantes :

  • Taux variable.
  • Durée limitée : généralement 3 ans « renouvelables » (au bon vouloir du banquier !), dans les offres qui m’ont été faites et nantissement (i.e. blocage des fonds sur la durée du crédit) sur compte titres de 150 % à 200 % du montant emprunté (y inclus le montant prêté par la banque).
  • Appels de marge au cas où le capital nanti descendrait en-dessous du montant emprunté, pour reconstituer la garantie du banquier.
  • Taux autour de 1,5 % supérieur à celui d’un emprunt pour acquérir de l’immobilier physique.

Les 3 premières conditions sont pour moi rédhibitoires et la dernière, acceptable :

  • Vu les taux d’intérêt bas et le risque d’inflation, il me semble important de verrouiller le taux donc d’obtenir un taux fixe.
  • Etant un investisseur à long terme, une durée d’emprunt de 10 ans me semble être la durée minimale acceptable. Je n’ai par contre rien contre le nantissement d’un compte titres, n’ayant pas besoin de disposer des fonds pendant la durée du crédit.
  • Les appels de marge obligent l’investisseur à restituer la garantie au moment où il est le plus faible, en cas d’évolution défavorable des marchés, pour éviter que ne soient clôturées les positions au plus mauvais moment. Je ne suis pas prêt à assumer ce risque.

 

Un crédit lombard « amélioré »

Après avoir identifié les conditions qui étaient pour moi inacceptables, j’ai listé les conditions que j’étais prêt à accepter :

  • Montant du crédit de 20 % de mon patrimoine net.
  • Crédit in fine (remboursement du capital à la fin du crédit).
  • Taux fixe de 4,00 % TEG sur 10 ans (hors assurance).
  • Assurance une tête (obligatoire).
  • Collatéral : nantissement de 2 fois le montant emprunté (y inclus le montant emprunté) sur compte titres.
  • Gestion libre du capital nanti (en particulier, possibilité de placement sur support actions en direct).
  • Pas d’appels de marge (au cas où le capital nanti venait à descendre en-dessous du montant emprunté, la banque assume le risque ; en réalité, le montage n’est pas très risqué pour la banque vu que le montant de l’emprunt correspond à 20 % de mon patrimoine net).
  • Pas de possibilité de sortir sans frais le capital dépassant le montant initial nanti, le cas échéant.
  • Pas de possibilité de payer sans frais les intérêts annuels du crédit in fine avec le capital nanti.
  • Possibilité de remboursement anticipé avant 10 ans avec des frais correspondant à 1 semestre d’intérêts.
  • Les dividendes ne sont pas nantis.
  • Possibilité d’effectuer un remboursement partiel anticipé (et de diminuer le capital nanti en proportion).

 

De la théorie à la pratique

Comme je n’étais pas prêt à accepter les conditions d’un crédit lombard, même par défaut, j’ai pris mon bâton de pèlerin et rencontré une vingtaine de banquiers sur une période de deux ans. Je n’ai pas encore trouvé la perle rare, bien qu’une proposition proche m’ait été faite : toutes les conditions décrites étaient remplies mais le crédit était amortissable, plutôt qu’in fine. Vu mes engagements par ailleurs, je n’ai pas pu l’accepter, bien qu’elle me semblait par ailleurs très intéressante.

Cette initiative, à défaut d’aboutir pour le moment, m’a en tous cas déjà permis de trouver un banquier avec lequel je me sens en phase. Nul doute que je travaillerai un jour ou l’autre avec lui sur un dossier.

 

Conclusion

Je ne prétends pas que ces conditions de crédit puissent nécessairement être obtenues facilement (ne les ayant pas moi-même obtenues), mais cet article illustre bien quelques qualités nécessaires à l’investisseur : la connaissance du sujet, la ténacité et la discipline. Elles sont utiles dans les domaines de l’investissement que j’ai expérimentés jusque là :

  • La connaissance du sujet permet de déterminer les options qui sont à notre avantage.
  • La ténacité aide à évaluer un grand nombre d’options qui nous sont offertes jusqu’à en trouver certaines qui correspondent à nos critères, sans se décourager.
  • La discipline permet d’éviter de se laisser distraire de l’objectif.

Dans le prochain article, j’expliquerai mes idées sur l’effet de levier.

N’hésitez pas à votre tour à partager en commentaires les solutions que vous utilisez pour obtenir un levier direct pour l’achat d’actions.