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Chris Browne (4) : Comment choisir un gestionnaire de fond ?

Dans cette quatrième et dernière partie, nous nous éloignons très légèrement de l’investissement dans la valeur, pour quelques lignes sur les fonds où Chris Browne nous propose quelques réflexions sur ses pairs dans le but manifeste de donner à l’investisseur intéressé par ce support quelques atouts supplémentaires pour lui permettre de réaliser le meilleur choix possible.   Nous pensons aussi que ce choix du gestionnaire présenté par le boss de Tweedy Browne peut aussi servir de « miroir » pour l’investisseur individuel quant à l’attitude qu’il doit lui-même adopter.

 

Page 202 – Choix d’un gérant de fond : privilégier un style d’investissement ou préférer un fond indiciel

« Au travers des années, j’ai siégé au comité d’investissement de divers établissements et dotations d’universités. J’ai eu l’opportunité d’interroger des gestionnaires en concurrence pour la portion des actifs de l’établissement. Bien que j’ai souvent été en concurrence pour obtenir les mandats, siéger de l’autre côté de la table, de celui qui fait passer les entretiens, a été une expérience sinon instructive, du moins plus agréable que d’être le candidat interrogé.

La recherche d’un gérant de fond commence généralement par un choix de style d’investissement. Un investisseur particulier ou un important fonds de dotation peut rechercher un gestionnaire favorisant l’approche par la valeur ou la croissance, quelqu’un qui investit dans les grandes capitalisations ou les petites sociétés  et appliquer encore d’autres critères.  De nombreux pools de capitaux de grands investisseurs institutionnels favorisent les gestionnaires couvrant tout la gamme de styles d’investissement, certains étant plus appropriés que d’autres en fonction des circonstances. A travers un investissement groupé couvrant tous les styles de gestion, ils espèrent se mettre à l’abri d’une sous performance de leurs pairs ou des grands indices de marché à court terme. Cette approche me pose problème dans la mesure où elle renforce le raisonnement de court terme. Si vous savez qu’un style génère les meilleurs résultats à long terme, peut-être ne devriez-vous pas vous soucier des comparaisons de court terme. Vous risquez par ailleurs de construire un portefeuille très similaire à un fond indiciel mais avec des coûts beaucoup  plus élevés. Il est alors préférable d’opter pour un fond indiciel. »

Commentaire : Nous trouvons tout à fait étonnant qu’un gérant de fonds aussi renommé vous conseille finalement des trackers, à certaines conditions bien évidemment, mais des trackers quand même ! Chris Browne fait preuve, à notre avis, de beaucoup de réalisme et d’une grande honnêteté intellectuelle. Ce qui nous fait penser que dans le doute, il ne faut pas hésiter à investir sur des trackers.

 

Page 203 – Des gestionnaires de fond crédibles ?

« L’entretien avec les gestionnaires de fonds commence généralement par une présentation du style et des capacités de gestion des gérants qui sont tous, à l’évidence, excellents. La réunion se poursuit par des questions-réponses. Les questions sont généralement les mêmes tout comme les réponses. Les gestionnaires de fond ne sont pas dupes. Ils savent ce que le client veux entendre.

La première question est « Faites-vous votre propre recherche ? » Absolument. Personne n’admet jamais lire les rapports des maisons de courtage. Des centaines voire des milliers d’analystes de titres de grandes sociétés de courtage produisent des rapports que personne ne lit bien que certains papiers méritent un grand intérêt.  

Seconde question : « Rendez-vous visite aux sociétés dans lesquelles vous investissez ? ». Là encore la réponse est absolument positive, et les gestionnaires de fonds prétendent généralement ne s’entretenir qu’avec le directeur général et le directeur financier. Cette affirmation constitue une source de préoccupation. En effet, compte tenu du nombre de gestionnaires de fonds sollicitant de longs entretiens personnels avec les directeurs généraux ou financier des entreprises, je me demande qui gère ces sociétés. L’un des gestionnaires que j’ai interrogé prétendait faire 250 visites par ans, soit une par jour ouvré. Compte tenu des temps de voyage et de sommeil nécessaires, quand ce gestionnaire avait-il le temps de lire les rapport annuels ? J’ai même entendu 400 visites annuels. Mais le record est détenu par un gérant dont les collaborateurs effectuaient 4000 visites par an. Une année ne suffit même pas à lire 4000 rapports de recherche.

La troisième question généralement posée par les investisseurs institutionnels est : « Avez-vous établi un plan de succession pour votre société ? » Le client veut savoir qui prendra les rennes si quelques chose arrive au gérant. Tout les gestionnaire fournissent une bonne réponse.

Commentaire : Nous pensons que Chris Browne explique parfaitement les lieux communs qui ne peuvent en aucun cas aider l’investisseur à prendre la meilleur décision possible. Et pourtant il faut bien avouer qu’ on peut encore lire assez souvent dans un entretien ou un interview ce genre de banalités qui ne devraient plus impressionner grand monde et qui font souvent croire à l’investisseur qu’il n’a pas tous les moyens de comprendre la société comme ces « pro » de l’investissement . Rappelons nous aussi les paroles de Ben Graham disant à ces deux engagés que ce serait tricher que de s’entretenir avec la direction. En d’autres mots Ben expliquait à Walter et Warren que 99% des informations utiles sont dans les rapports annuels d’une société et que pour un investissement dans la valeur basé principalement sur les actifs ces 99% sont largement suffisants !

 

Page 205 – Choix d’un gestionnaire, autres critères

.J’ai un autre ensemble de critères applicables aux fonds mutuels tout comme aux gestionnaires de fonds individuels.

Tout d’abord, le gestionnaire s’appuie-t-il sur une approche d’investissement qu’il peut expliquer a un profane de manière clair et compréhensible ? A-t-il appliqué son approche de manière constante dans le temps ? Si vous ne pouvez pas rencontrer le gestionnaire directement, lisez les lettres aux actionnaires et autres supports promotionnels publiés par le fonds durant les cinq dernières années. Le contenu vous paraît-il compatible avec l’approche du marché du gestionnaire ou ce dernier change-t-il son fusil d’épaule en cours de route ?

Deuxièmement, qu’indique l’historique des performances ? Auriez-vous été satisfait des résultats obtenus si vous aviez été investis dans ces fonds par le passé ? Je préfère analyser les performances sur au moins 10 ans car cet horizon couvre plusieurs cycles de marchés. Bien que cela ne soit pas toujours possible, l’historique ne doit pas s’analyser sur moins de 5 ans. Il est également utile de prêter attention au degré de volatilité des rendements. Certains investisseurs ont une faible tolérance à la volatilité et il ne faut pas que cette dernière vous conduise à sortir du marché au moment où les valorisation d’actions sont à leur plus bas. 

En troisième lieu, qui a généré cette performance ? Le gestionnaire à l’origine des résultats est-il toujours en charge du fond. Un nouveau gestionnaire signifie souvent un changement de style de gestion à moins que le nouveau gérant n’ai été longtemps formé par le gestionnaire sortant. J’ai interrogé un gestionnaire qui avait 25 années d’expérience dans l’investissement en favorisant l’approche par la croissance. Ses performances étaient relativement bonnes sans être exceptionnelles. Mon plus gros soucis était que le gestionnaire n’était âgé que de 36 ans. Donc à moins qu’il n’ait commencé à gérer le fond à 11 ans, la plupart de l’historique de performances n’avait pas de pertinence.

Quatrièmement, que font les gestionnaires de leur propre argent ? Sont-ils investis dans le fond dans lequel vous souhaitez investir ? Les gestionnaires devraient goûter de leur propre cuisine. Il devrait être prêt à accepter les même risques d’investissement qu’ils vous demandent de courir en investissant dans leur fond. Savoir que les gestionnaires ont leur propre argent en jeu revêt un aspect rassurant. Cette situation les empêcherait de prendre des risques inconsidérés pour compenser une dégradation de la performance.

Bien qu’il ne s’agisse pas toujours d’un indicateur fiable, je préfère les fonds dont les gérants sont aussi propriétaires de la société de gestion. Si la société est gérée par les équipes de vente et marketing du fond, leur intérêt pour la bonne gestion risque de seconder leurs objectifs de collecte d’actifs. Les commerciaux tendent par ailleurs à  se concentrer sur un proche horizon incitant le gestionnaire à prendre des décisions d’investissement court terme risquant de ne pas aller dans votre intérêt. En outre les gestionnaires de fonds également propriétaire de leur société sont plus libre de prendre des décisions d’investissements de long terme.  Il suffit à ces gestionnaires de convaincre leurs clients de rester investis en période de déterrioration de la performance relative.

 Le secret de la réussite dans le monde de l’investissement réside dans le choix d’un bon gestionnaire qu’il faut alors garder. »

 

Commentaires : si nous devions retenir un point sur les quatre points exposés par Chris Browne, ce serait le quatrième. Exiger que le gérant partage les risque avec ces clients en étant lui aussi investi dans son fond est un filtre extrêmement simple à mettre en place et ne commencer à vérifier les autres point que si ce critère est rempli devrait à notre avis vous permettre de dresser une liste de fond très sérieuses.

 

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>> Warren Buffet : L’effet boule de neige (1ère partie : les blue chips)

Chris Browne (3) : Quand une affaire n’est pas une affaire

Cher lecteur, voici le 3e épisode de notre lecture du livre  de  Christopher Browne : Investir à bon prix.

 

 

 

Page 129 – le niveau d’endettement, un critère majeur

« Une fois que nous avons dressé une liste des candidats éligibles, il nous faut choisir ceux qui rejoindront la sélection de sociétés achetées à bas prix et ceux que nous refuserons poliment. De nombreuses entreprises figurant sur notre liste sont bon marché pour une raison : elles connaissent des problèmes fondamentaux qui les rendent inintéressantes. A plusieurs occasions au cours des dernières années, des noms tels que Enron, Worldcom, US Airlines……, dont les cours des actions s’étaient effondrés, sont apparus sur une liste de candidats à la valeur. Cependant ces sociétés ont fini par déclarer faillite et les actionnaires perdirent une part significative de leur investissement quand ce n’était pas tout leur argent. Pour atteindre les objectifs de création de valeur, il nous faut déterminer les raisons pour lesquelles les parts de la société sont si bon marché et identifier les entreprises les plus susceptibles de se redresser.

La première raison et la plus défavorable, justifiant le bas prix d’une action, tient au niveau excessif d’endettement. En période faste, des entreprises disposant d’un cash-flow décent empruntent d’importants montants en présumant que si leur croissance se poursuit, elles seront capables d’honorer leurs engagements sur les intérêts et le principal. Malheureusement l’avenir est imprévisible et les entreprises  excessivement endettées présentent une probabilité beaucoup plus faible de surmonter un retournement économique. »

Commentaire : Nous pensons également que l’endettement est non seulement le premier critère, mais aussi le critère le plus important pour tout investisseur dans la valeur : nous ne pensons pas que coter à 70% de sa valeur d’actif net-net, soit suffisant, si la société est endettée.  C’est d’ailleurs pour cela que nous avons pensé ajouter un critère de solvabilité éliminatoire qui devrait d’ailleurs aussi servir à toute autre méthode d’investissement.

Si vous réfléchissez une seconde, une société peut encaisser des pertes, être dirigée par une direction en-dessous de la moyenne, être très fragile au cycle économique, voir un de ces produits phares lentement se démoder.  En fait tout problème rencontré à un certain moment par toute société sera démultiplié par un endettement excessif.  Il se met en place un cercle vicieux à spirale infernale contre lequel il est presque impossible de lutter.

 

Page 130 – chute d’une action, se poser les bonnes questions…

« Au cours de ses dernières interviews, Ben Graham expliquait qu’il utilisait un critère assez simple pour mesurer la santé des entreprises. Une société doit posséder deux fois plus qu’elle ne doit. Cette approche m’a permis d’éviter des sociétés trop endettées que pour survivre.

Le cours d’une action peut également chuter, amenant le titre à rejoindre notre liste, en réponse à des résultats inférieurs aux anticipations des analystes de Wall Street. Les analystes semblent plus intéressés par les résultats de court terme que de long terme. Il  existe littéralement des milliers d’analystes qui suivent les entreprises à travers le monde, puis communiquent leurs rapports aux gros investisseurs institutionnels et aux particuliers. D’innombrables modèles d’investissements reposent sur le concept d’achat d’actions lorsque la société excède les estimations des analystes et de vente dans le cas contraire. Cette approche prévaut alors même que les estimations de résultats trimestriels ou annuels ont notoirement démontré leur manque de fiabilité. Fréquemment, les cours des sociétés tombent sur de nouveaux plus bas après avoir déçu les anticipations du troupeau tonitruant de Wall Street. Manquer les attentes de résultats n’est pas fatal et tend à créer des opportunités pour les investisseurs dans la valeur. »

Commentaire : Tout comme Walter Schloss, Chris Browne, nous parle ici des cours des sociétés en chute libre. C’est devenu comme vous le savez déjà cher lecteur, un de nos premiers filtre ou, si vous préférez, notre première zone de recrutement.

Comme nous l’écrivions dans l’épisode précédent, nous ne pensons pas que beaucoup de Small cap du Pink Sheet sont suivies par les analystes car elles n’intéressent pas la majorité de leurs clients pour cause de volume réduit. Il n’empêche que ces sociétés recherchées par les spéculateurs réagissent aussi aux bonnes comme aux mauvaises nouvelles variées, liées à leur activité voir à d’autre facteurs bien en dehors de leur activité.

Dans cette dernière catégorie, nous avons pu par exemple observer qu’une action délistée du Nasdaq pour le Pink Sheet voit son cours fortement reculer dès l’annonce.  Nous n’affirmons pas que c’est forcément un bon investissement mais très souvent les raisons de ce délisting ne sont pas liées a l’activité de la société ou à un événement ayant un rapport direct avec la société.  En d’autre mot, le délisting d’une société peut avoir comme raison un cours qui s’est maintenu trop longtemps sous 1$, trop peu d’actionnaires, voir même une demande de la direction pour réduire les frais de cotation.  Ces trois exemples pour vous faire comprendre que le délisting n’est pas produit par une modification du bilan de la société mais par un biais de perception négative de certains investisseurs. Les fonds se débarassent de ce type d’actions car elles deviennent souvent moins liquides qu’auparavant, mais la raison principale peut parfois être que le statut du fond ne lui permet pas la détention d’actions cotées sur des marchés non règlementés comme le Pink Sheet. Nous affirmons donc sans retenue qu’une action délistée, sur un marché de seconde zone, voir perçu comme tel, mais également éjectée d’un indice, devrait attirer l’attention de tout investisseur dans la valeur.

 

Page 131 – Les valeurs cycliques, de bonnes affaires potentielles ?

« Certaines valeurs cycliques peuvent également figurer sur notre liste de bonnes affaires potentielles. J’entends par cyclique qu’elle dépende fortement de l’état de l’économie. Tandis que certains achats courants tes que la nourriture, le savon, les couches-culottes et d’autres articles de ce type sont peu susceptibles d’être reportés en raison d’un ralentissement de l’activité, ce dernier entraînera très probablement le report de l’achat d’une voiture, d’une nouvelle machine à laver ou même d’une maison.  Il est important de souligner qu’en période de faiblesse de l’activité, les sociétés cycliques fortement endettées pourraient faire face à des problèmse insurmontables. »

Commentaire : Nous pensons aujourd’hui que les sociétés cycliques sont les investissements dans la valeur les moins risqués, à condition comme le dit Chris Browne, que l’endettement soit limité et s’encadre dans des critères de solvabilité bien précis.

Nous pensons que pour comprendre la cyclicité d’une société, il est important de se pencher sur son activité car très souvent, un cycle économique difficile est la justification avancée par  95% des managers. Vous devez donc impérativement vérifier si les produits commercialisés par la société sont réellement impactés par une crise , une récession ou un ralentissement de la croissance. Les secteurs cités par Chris Browne le sont à l évidence. Mais vous trouverez par exemple dans le secteur de la technologie des sociétés cycliques et d’autres qui ne le sont pas : un grossiste de composants électroniques pourra sans problème entrer dans la catégorie cyclique alors que ce n’est pas forcément le cas d’un producteur de composants électroniques car le produit peut-être dépassé …ce qui n’a rien de cyclique.

 

 Page 133 – Concurrence et compétitivité

« L’intensification de la concurrence peut également entraîner la chute des cours des actions. Les industries très rentables attirent la concurrence, particulièrement dans les pays ou les secteurs où la main d’œuvre est chère et la réglementation contraignante. D’autres pays exempts de tels coûts peuvent souvent produire ou exporter les mêmes biens à des prix plus compétitifs. Il est alors préférable de dire « non merci » et de passer au prochain candidat. »

Commentaire : nous voudrions nuancer ce point pour la simple raison que de plus en plus de sociétés des pays industrialisés possèdent des unités de production dans les pays émergent. Il nous semble donc important d’inviter tous les investisseurs à vérifier ce point avant de tirer des conclusions définitives sur la concurrence.

 

Page 134 – L’obsolescence

« L’obsolescence est une autre cause potentiellement fatale pour le cours des actions. Je suis convaincu que le premier fabriquant de fouets d’attelage ou de manivelles de démarrage à crochet fabriquait un bon produit. Cependant le besoin pour un tel produit à tout simplement disparu.  Quand avez-vous acheté pour la dernière fois une antenne pour votre téléviseur ? Il subsiste souvent une demande résiduelle pour certains de ces produits mais une société dont les ventes en dépendraient fortement serait proche de la faillite. En technologie, par exemple, le rythme des « destructions créatrices » n’a jamais été aussi rapide. Les nouveaux produits constituent un grand avantage pour les consommateurs mais un fléau pour les sociétés. »

Commentaire : il est intéressant de noter que Chris Browne pointe si l’on peu dire deux types d’obsolescence. Nous qualifierons la première de lente et la seconde de rapide voir de très rapide.  Nous pensons effectivement que l’obsolescence rapide d’un produit est sans le moindre appel possible et effectivement c’est dans le secteur de la technologie que l’on en trouve le plus : du jour au lendemain peut apparaître une technologie disruptive qui rend caduque votre produit.

Dans l’obsolescence lente, nous pensons que parfois tout n’est pas perdu car la société peut avoir la capacité ou de s’adapter ou de se diversifier dans un autre secteur d’activité.  De nombreuses sociétés sont passées par cette phase d’adaptation avec succès. Nous pensons par exemple à la société Dupont de Nemours qui fabriquait à l’origine de la poudre à canon… et devenant ensuite le géant de la chimie que nous connaissons.  Le groupe verrier BSN dirigé par Antoine Riboud dont l’OPA sur Saint-Gobain tourna à l’échec et qui recentra les activités dans l’agroalimentaire, devint le groupe Danone !

Nous pensons par exemple aujourd’hui que le secteur de la presse papier subit une obsolescence lente mais devrait être capable de faire preuve d’adaptation avec Internet. C’est dans cette phase d’incertitude que peut se présenter de très belles occasions avec d’importantes marges de sécurité réduisant le risque. AH Bello, que nous détenons aujourd’hui en portefeuille et dont nous vous avions parlé lors de notre achat en est l’exemple même.

En conclusion, nous pensons  que dans ce troisième épisode, Chris Browne, nous invite, après les filtres, les listes, et un classement éventuel selon certains critères, à encore aller plus loin.

Si nous partons du point central qu’il n’est pas possible d’acheter des sociétés à prix bradé sans réel problème, il est très important d’essayer de comprendre ce problème pour pouvoir juger de son importance et donc de la justesse ou pas du prix offert par le marché.

Plus vous possédez une marge de sécurité importante plus vous avez droit à l’erreur sur cette analyse du problème, voire des problèmes rencontrés par la société.

 

<< Chris Browne (2/4) : Un calcul relativement simple mais qui exigeait un travail laborieux

>> Chris Browne (4/4) : Comment choisir un gestionnaire de fond ?

Chris Browne (2) : Un calcul relativement simple mais qui exigeait un travail laborieux

Nous poursuivons ici, après un petit portrait de famille attachant, notre « exploration » du livre de Chris Browne.

Page 120 :

« A mes débuts dans le monde de l’investissement…….Je devais étudier  le répertoire des entreprises de « Standard & Poor’s » (Standard & Poor’s  directory of Corporation) page par page et analyser leur actif net courant par action, l’une des mesures dans la valeur que privilégiait Ben Graham. Il commençait par s’intéresser aux actifs courants dans le bilan de la société : toutes les liquidités, les stocks et les créances recouvrables des clients, soit les actifs dont il estimait qu’ils pouvaient être vendus relativement rapidement. Puis il déduisait de ces actifs courants tout ce que devait la société. Il divisait le solde restant par le nombre d’actions en circulation pour déterminer l’actif net courant par action. Si le titre s’échangeait à deux tiers ou moins de l’actif net courant, il l’achetait. »

Commentaire : Nous vous avons déjà expliqué à maintes reprises, le travail de recherche lié aux daubasses, mais le voir écrit noir sur blanc, une nouvelle fois  de la plume de Chris Brown, nous amène à formuler quelques réflexions supplémentaires.

 

Investir en daubasses : un avantage concurrentiel certain

Il semblerait que depuis plus de 60 ans, les investisseurs dans la valeur, non seulement appliquent toujours le même calcul mais doivent toujours et encore affronter une somme de travail assez laborieux … et nous nous en réjouissons car, finalement, ce dur labeur constitue un peu notre « barrière contre la concurrence » à nous, les « value investors ».

C’est vrai que les bases de données avec l’avènement d’internet, ont remplacé avantageusement le support papier car il vous propose une sélection de sociétés selon des critères et ratios choisis par l’investisseur.  C’est un pas énorme en avant et qui diminue en partie la somme de travail à fournir. Chris Brown l’évoque également quelques pages plus loin.

Par contre aucune base de données n’est encore capable aujourd’hui de vous proposer quelques calculs plus précis avec un haut degré de fiabilité.  Ce qui vous oblige finalement à ouvrir les rapports annuels pour dresser une liste correcte.

A ce jour et avec toute nos expériences et discussions réunies, nous n’avons jamais entendu dire que les maisons réputées pour leurs analyses employant des équipes à la fois diplômées et  chevronnées et fournissant la majorité des Zinzins ( pour les Z’ investisseurs Z’institutionels ) comme Meryl Lynch ou Bloomberg, proposaient des rapport détaillés sur des sociétés que nous cataloguerions « daubasses ».

Et de notre point de vue, ce n’est pas qu’ils n’en seraient pas capables mais plutôt parce que cela ne correspond pas à la demande de leurs clients. En d’autres mots, la grande majorité des investisseurs professionnels ne sont pas intéressés par des sociétés très bons marchés qui ont des problèmes d’avenir. C’est simple la « daubasse » n’intéresse pas beaucoup de monde quand elle est proposée par Mister Market à un prix de daubasse …

Nous pouvons par contre vous certifier, en tant que témoins directs, que tous les analystes et les investisseurs sont extrêmement nombreux à reconsidérer leur jugement dès qu’une « daubasse » voit son court multiplier par 4 ou 5…

En moins de quelques mois le statut d’une telle société peut passer de « daubasse-infâme-à-ignorer-pendant-au-moins-la-prochaine-décennie » au statut de small cap de l’année + 600% avec un avenir radieux et un vent puissant dans le dos.

Ce qui est le plus étonnant, c’est qu’à ce stade d’avenir radieux jugé à l’unanimité de l’unanimité par monsieur Marché, il n’y a parfois pas le moindre profit comme les années précédentes, il y a parfois juste des pertes trimestrielles moins importantes ou un événement qui fait penser au marché que cette fois ça y est : c’est la timbale. Et que le raté de 600% au départ, ne sera que pacotille en rapport au futur radieux.

L’avantage de l’investisseur intéressé par la « daubasse » cher lecteur, à ce stade de la réflexion, ne vous échappe certainement plus.  C’est bien évidemment que la grande majorité des investisseurs, tant professionnels qu’amateurs, n’ont pas le moindre intérêt pour une société sans avenir, même à très bon prix.  L’industrie de l’investissement a avant tout besoin de belles histoires et de grands fantasmes et aucun cas de sociétés ayant rejoint la zone crépusculaire des problèmes en tout genres.

En plus et pour terminer, nous ne pensons pas que cela fait très sérieux dans le monde de l’investissement qui reste quand même d’une rare superficialité, d’expliquer que 85% de son portefeuille est constitué de sociétés qui n’ont pas affiché le moindre profit depuis deux ou trois ans et qui fabriquent des produits qui ne se vendent presque plus, que la direction a été remplacée récemment ou a englouti les liquidités de la société accumulées depuis 3 ans dans des produits structurés dont la valeur reste approximative !

Même à notre niveau « goutte d’eau », nous avons déjà surpris, au détour d’un forum, quelques échanges  sur le sérieux de notre démarche.

 

Conclusion

Nous pensons en conclusion que ce crash que nous avons tous vécu en 2008, restera, dans notre vie d’investisseur la leçon exemplaire. Car sans ce crash, nous n’aurions jamais pris conscience de manière aussi aigue, car douloureuse que le prix payé, pour une affaire est d’une importance capitale, que l’avenir radieux d’une société peut s’avérer catastrophique, si cet avenir n’est pas construit sur une base solide et que les sociétés même entrées dans des zones crépusculaires, peuvent garder une valeur sous certaines conditions. Car le lire est une chose, le vivre en est une autre.

Nous verrons dans un prochain épisode quels sont les critères qu’exige Chris Browne d’une société pour qu’elle devienne une cible d’investissement potentielle.

 

<< Chris Browne (1/4) : dites moi qui vous fréquentez, je vous dirai qui vous êtes

>> Chris Browne (3/4) : quand une affaire n’est pas une affaire

Chris Browne (1) « Dites moi qui vous fréquentez, je vous dirai qui vous êtes »

Chris Browne est bien plus que le responsable de gestion des fond communs de placement de la société américaine Tweedy Browne, c’est d’après Martin Withman, l’un des rare gérant dans le monde de l’investissement dans la valeur. Rien de moins !

Si nous nous sommes intéressés à lui, c’est surtout par son côté « chasseur impénitent de bonnes affaires » sur les rayons des épiceries, ou encore grands amateur de soldes dans les petites boutiques.

Ayant lu récemment son « petit livre », « Le petit livre pour investir à bon prix : Une formule éprouvée pour battre le marché en investissant dans la valeur » et ayant trouvé assez savoureux plusieurs passages concernant sa vie et sa manière d’investir, nous avons décidé de vous les faire partager ici sur notre blog, agrémentés de quelques commentaires.

 

Première épisode : « Dites moi qui vous fréquentez, je vous dirai qui vous êtes »

Page 28 : « La société pour laquelle je travaille depuis 1969 fut créée en 1920 par Forest Berwind Tweedy (également connu sous le nom de Bill Tweedy). Bill Tweedy était un personnage excentrique qui ressemblait davantage à l’acteur Wilfred Brimley qu’au courtier fringant des années 1920. Lorsqu’il démarra son activité, il cherchait une niche avec peu de concurrence. Les actions peu traitées la lui fournirent. Généralement un seul actionnaire ou un petit groupe d’actionnaire détenait la majorité des parts de l’entreprise. Cependant, dans de nombreux cas, il existait des actionnaires minoritaires qui n’avaient pas d’autre alternative que de revendre leur part à la société. Bill Tweedy y vit une opportunité. Il essaya de mettre en relation les acheteurs et les vendeurs minoritaires. Pour ce faire il chercha des actionnaires à l’occasion des assemblées annuelles. Il envoya des cartes postales leur demandant s’ils souhaitaient acheter ou vendre certaines de leur parts, et ainsi devint spécialiste des sociétés au nombre limité d’actionnaires et dont les titres ne bénéficiaient pas d’un marché actif.

 

Tweedy avait un simple bureau à cylindre dans un espace exigu sur Wall Street. Il n’avait ni assistant, ni secrétaire. Et il travailla ainsi pendant 25 ans. En 1945 mon père Howard Browne et l’un de ces amis, Joe Reilly, démissionnèrent de leurs emplois respectifs et s’engagèrent en partenariat avec Tweedy. Tweedy, Browne and Reilly était né. Les trois voulaient continuer à créer des marchés pour les titres non cotés en bourse, détenus par un nombre limité d’actionnaires et qui s’échangeaient sous leur prix de marché.

 

Les activités de Tweedy attirèrent l’attention de Benjamin Graham au début des années 1930 qui le fit travailler dans des activités de courtage pour  lui. A la création de Tweedy Browne and Reilly en 1945, les partenaires ouvrirent un bureau au 52 Wall Street. Ils pensaient que la proximité leur apporterait une plus grande part de l’activité de Graham.

 

La société peina des années 1940 aux années 1950, mais elle survécu. Il y avait suffisamment d’investisseurs hors norme qui préféraient les actions bon marché non cotées en bourse pour permettre à la firme de survivre. En 1955, Walter Schloss, qui avait travaillé pour Graham avant de le quitter en 1954 pour lancer son propre fond d’investissement s’installa dans les locaux de Tweedy Browne and Reilly, en fait dans un couloir aménagé en bureau, près du distributeur d’eau réfrigérée et du porte manteau … Schloss pratiquait l’approche pure de l’investissement dans la valeur de Graham et établit un record de 49 années consécutives de performance et un taux de rendement annualisé de 20%. Il conserve à ce jour un bureau dans ma société, bien qu’il soit partit à la retraite il y a quelques années, lorsque veuf , il se remaria à l’âge de 87 ans (Ne vous inquiétez pas pour l’avenir de Walter. Ses deux parents ont vécu au-delà de 100 ans).

 

Walter présenta deux personnes essentielles à la société. En 1957, Bill Tweedy partit à la retraite tout comme Ben Graham. Mon père et Joe Reilly préféraient être trois partenaires. Walter les présenta à Tom Knapp qui avait étudié à la Columbia Business School lorsque Graham, pour qui il travaillait y enseignait. Il s’empressa de devenir le troisième partenaire de la firme dès qu’il réalisa que de nombreux naïfs offraient leurs actions à Tweedy Brown à de faibles niveaux de valorisation. Son idée était de transformer la société en une entreprise de gestion de fonds.

 

Walter présenta ensuite un autre associé de la société de Graham : Warren Buffett. La tradition financière aurait voulu que Graham offre à Buffett de reprendre son fond, mais la femme de Buffett souhaitait retourner à Omaha dans le Nebraska. Alors le pauvre Buffett avait tout à refaire. En 1959, Walter Schloss présenta Buffett à mon père. Naquit alors une relation basée sur la confiance et qui dura 10 ans, jusqu’à ce que Buffett mette un terme à son fond en 1969. Mon père acheta la majorité des parts de Berkshire Hathaway que Buffett possède aujourd’hui.

Tweedy Brown avait l’avantage d’être le courtier  de trois des plus grands investisseurs de l’histoire : Benjamin Graham, Walter Schloss, Warren Buffett. Il n’est pas surprenant que nous soyons adeptes de l’investissement dans la valeur … »

 

Commentaire : Nous avons vraiment trouvé  savoureux le portrait de famille esquissé dans cette introduction  par Chris Brown,  pour nous expliquer d’où il vient et finalement quel investisseur il est.

Même s’il s’agit plus d’anecdotes que d’investissement à proprement parler. Nous n’oublierons toutefois pas dans le pur anecdotique l’information sur la vigueur des investisseurs dans la valeur jusqu’à un âge avancé : Big Walt se mariant à 87 ans, qui dit mieux !

Dans l’information ayant rapport à l’investissement, nous apprenons que Ben Graham, s’intéressait au non coté, voir aux sociétés cotées faisant l’objet de peu d’échanges.  Cela sent évidemment le Pink Sheet, OTC et autre compartiment B voir C d’aujourd’hui …

Ce n’est pas la première fois que nous entendons ce discours : notre ami Philip « l’  Entrepreneur boursier » l’avait déjà évoqué dans un article sur son blog, au sujet de Buffett.  Chris Browne nous le confirme pour Graham et, par extension, nous ne pensons pas faire une erreur en pensant que Big Walt a certainement dû en profiter puisqu’il « zieutait » les clients de Tweedy Browne de son bureau du fond du couloir.

Ces « Pink Sheet », voir ces actions peu échangées qui ne plaisent pas à bon nombre d’investisseurs d’aujourd’hui, nous semblent de plus en plus un terrain de chasse obligé pour faire la différence. Cela remet même, de notre point de vue, légèrement en cause le fait pour un investisseur particulier, de devoir absolument investir sur des Big Cap. A moins d’avoir un patrimoine excédent plusieurs dizaine de millions d’Euro.

Et nous pensons aussi que la chasse obligée sur de petites sociétés en termes de capitalisation sur des marchés « obscurs » où les échanges sont plus rares est presque une chasse gardée, car la majorité des fonds de placement collectifs en sont exclus.

C’est une phrase de la fin de cette introduction qui nous a le plus interpellé, quand Chris Browne explique que Tom Knapp, engagé et élève de Graham à Columbia, « s’empressa de devenir le troisième partenaire de la firme dès qu’il réalisa que de nombreux naïfs offraient leurs actions à Tweedy Brown à de faibles niveaux de valorisation. »

Nous nous demandons aujourd’hui, presque 70 ans plus tard, quel type d’investisseur ont bien pu nous vendre une quantité aussi impressionnante de sociétés qui dans les 12 mois ont été multipliées par 3 – 4 – 12 et même 25 ( comme nous en informait dernièrement un de nos abonnés au sujet de Telestone que nous avons revendu, quant à nous,  après un malheureux et modeste quadruplement du cours)

Nous pensons 70 ans plus tard, malgré l’avènement de la communication et des échanges via Internet, que certains investisseurs appartiennent à la même école que celle décrite par Chris Browne à savoir l’école des « naïfs ».  Par contre nous pensons qu’ aujourd’hui, ces « naïfs » ne constituent qu’ une minorité d’investisseurs car il nous est difficile d’imaginer un  investisseur qui n’aurait pas lu le moindre journal financier, le moindre bouquin sur l’investissement, ou n’aurait pas participé à un forum de discussion financier voir lu quelques échanges comme cela à  du être le cas 50-60 ans en arrière.

De notre point de vue, c’est aux spéculateurs que nous devons le fait d’avoir pu acheter autant d’aubaines, d’avoir pu constituer une liste de 200 sociétés cotées sous leur valeur d’actif net-net. Bien entendu aidés par Mr Market.

 

En conclusion a cette question, nous pensons que le meilleur ami des investisseurs dans la valeur et des chasseurs de « Daubasses » en particulier  reste le spéculateur, cher lecteur. Car finalement peut-on imaginer un spéculateur sans un fond de naïveté plus ou moins important ?

Pour clôturer cette épisode, nous remarquons enfin que l’excentricité revient souvent comme un file conducteur dans ces histoires d’investisseurs dans la valeur, de Marty Withman se baladant en chaussettes trouées avec une mallette en plastique sur la 42 ième avenue, en passant pas Walter Schloss, Bill Tweedy ou Warren Buffett .  Ceci nous amène à formuler une dernière question. Peut-on être un investisseur dans la valeur sans une dose d ‘excentricité, qui peut-être bien entendu une manière différente de voir les choses ?

 

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