Le biais du shopping compulsif

Si l’intitulé vous fait imaginer que « l’équipe des Daubasses » va donner libre cours à ses penchants « machistes », en visant la gente féminine qui chaque week-end part à la chasse d’un nouveau rouge à lèvre, d’un 150èm chemisier, d’une 80ème paire d’escarpin ou d’autres bonnes affaires de ce type, vous êtes plutôt dans le cliché car nous allons vous parler cette semaine du besoin de shopping compulsif de l’investisseur qui est ,selon les statistiques, le plus souvent… un homme.

 
Bien entendu, du point de vue des hommes, le shopping des femmes n’est jamais  justifié car jugé inutile, tandis que le shopping des hommes, sous couvert d’investissement donc avec l’idée sous-jacente d’utilité, l’est toujours.

Et bien non, votre équipe des Daubasses pense que le shopping compulsif des investisseurs est en tout point semblable à celui des consommateurs car le mécanisme psychologique est identique : ne pas être en mesure de maîtriser un besoin irrépressible de dépenser.
Nous allons essayer dans ce petit texte de vous parler de nos propres expériences de shopping compulsif et de vous proposer quelques petites réflexions sur l’importance des liquidités dans la gestion d’un portefeuille.

Savoir garder des liquidités n’est pas une chose facile car comme nous avons tenté de l’expliquer dans l’introduction avec un brin d’humour, il y a toujours une bonne occasion et si elle n’est pas vraiment bonne, nous aurons tendance à dire que c’est quand même  une occasion et, si le marché semble repartir à la hausse, nous pourrons même dire que, même si c’est une occasion « limite », il est bien possible que par après, il n’y en ait plus… Et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on soit très loin des prix d’une bonne occasion…

C’est un peu ce qui nous est arrivé, début 2011, après une augmentation de capital, nous disposions de pas mal de liquidités et nous partions du principe qu’un investisseur « value » se devait d’être « full invest » : la hausse des marchés ne risquait-elle pas se poursuivre, nous laissant sur le carreau et surtout sans opportunité ?

Bien entendu, nous avons acheté en suivant à la lettre nos critères de décote et de solvabilité. Mais, avec le recul, nous estimons que nous l’avons fait dans la précipitation et avec insuffisamment de réflexion. En effet, c’est à cette période que nous avons acheté d’obscures sociétés chinoises, renforcé d’autres chinoises déjà en portefeuille et acheté deux ou trois « Pink-Sheet » qui offraient une information financière très légère.

En gros au moment où les réelles bonnes occasions étaient devenues plus rares, nous nous sommes contentés de ce qui restait, succombant, selon notre analyse rétrospective, au « biais du shopping compulsif ». En gros, nous avons claqué toutes nos liquidités dans des achats qui se sont révélés peu judicieux !

Bien entendu, on ne peut pas faire à tous les coups des achats judicieux se transformant miraculeusement en « baggers », nous direz-vous ? C’est vrai mais c’est la manière dont nous nous sommes « plantés »  qui nous a le plus dérangé.

Depuis le début de l’aventure Daubasse, nous essayons toujours de d’abord reconnaître nos erreurs, ensuite de les comprendre et enfin d’y remédier en ajoutant des règles supplémentaires, voire plus de contraintes.

Voici donc les quelques règles supplémentaires que nous sous sommes fixées, en intégrant l’idée que des liquidités étaient nécessaires en quasi permanence dans le portefeuille. Car de vraies occasions peuvent surgir à tout moment assez brusquement et il est impératif de savoir en profiter.

En effet, ce que l’on peut penser avoir « perdu » en étant pas investi et donc en gardant des liquidités peu rémunérées peut être d’emblée « récupéré » avec ces bonnes occasions apparaissant brutalement.

Le premier point que nous nous sommes fixés, c’est que plus les liquidités décroissent, plus nos exigences vont croissantes. Lorsque le seuil de 10% de liquidités est atteint, nous n’achetons plus que des évidences : décote importante, solvabilité forte, activité tangible, …

Nous nous sommes également fixés comme objectif de ne jamais passer sous le seuil de 5% sauf si nous avons ce que nous avons appelé « des liquidités hors portefeuille ».  En d’autres mots, nous demandons à l’avance ce que chaque membre du club prévoit d’investir au minimum, lors de la prochaine augmentation de capital.

Le second point, c’est l’option d’acheter en plusieurs fois selon la limite maximum d’une position de 3.33% du total du portefeuille. Ce n’est pas une option systématique mais nous la pratiquons de plus en plus. Nous devons évidemment cette idée à notre maître « Walter Schloss » : cette stratégie d’achats étalés faisait partie intégrante de sa méthode d’investissement. En fait, cette idée d’achats en plusieurs tranches n’était pas applicable à nos débuts lorsque les 3.33 % équivalaient à 500 euros car les frais auraient été trop importants. Par contre, aujourd’hui, grâce à notre performance et aux différentes augmentations de capital, c’est possible.

Le troisième et dernier point, c’est ce que nous avons appelé le « Radin Target price », avec prononciation à l’anglaise obligatoire… !!!! Car beaucoup plus branché « financial » que la « cible de prix radin ».

Plus sérieusement, il s’agit de passer un ordre d’achat sur une société que l’on veut renforcer ou acquérir à une limite nettement plus basse que le cours en vigueur. Quand il s’agit de renforcer une société déjà en portefeuille et donc achetée en plusieurs fois, le « Radin Target Price » est obligatoirement sous le prix d’achat du premier lot.

Bien entendu, si cette troisième décision a été prise à l’unanimité, nous étions tous curieux de voir comment elle fonctionnerait : passer un ordre d’achat 20% sous le cours actuel peut vous faire croire que cela ne passera jamais. Et pourtant, plusieurs de nos derniers renforcements et achats sont passés à notre « Radin Target Price ». Evidemment, nous avons encore, pour l’heure, des ordres d’achats qui ne sont pas encore exécutés et ne le seront probablement pas.

Ce qui est motivant avec cette approche, c’est qu’elle nous donne le sentiment que c’est bien Mr Market qui se plie à nos exigences et pas lui qui nous fait plier.

Avec la mise en place de cette discipline pour ranger définitivement au placard notre « biais de shopping compulsif », le gros avantage que nous retirons, c’est que moins nous aurons de liquidités disponibles, moins nous dépenserons car nous deviendrons de plus en plus exigeants sur les qualités de l’occasion

Même quand nous aurons pas mal de « tunes » nous n’hésiterons pas à « saucissonner », à acheter par petits lots : un petit lot payé un peu trop cher peut être équilibré par un second lot payé beaucoup moins cher pour en faire une position au prix très attractif. Et si le marché n’est pas en solde ou si nous hésitons sur le fait qu’il le soit ou non, c’est nous qui imposons les soldes car nous jouons les « gros » radins en fixant nos prix !

Si vous expérimentez cette approche sur votre portefeuille et que vous constatez vous être débarrassé de votre biais de shopping compulsif, filez le tuyau à votre épouse, si vous la jugez compulsive dans son shopping

16 réflexions au sujet de « Le biais du shopping compulsif »

  1. Intéressant cette article, c’est vrai que lorsqu’on a des liquidités , ça nous brûle les mains de les dépenser…

    En ce qui me concerne je me suis fixer 2 règles:
    1)je moyenne à la baisse quand il y a une chute de 25% par rapport à mon PRU et si les fondamentaux ne changent pas (moyenner à la baisse)
    2)Pour rentrer en portefeuille une société doit avoir une marge de sécurité supérieure ou égale à la moyenne du portefeuille.

    J’hésite actuellement sur une troisième règle qui consisterait à alléger une société dont le cours progresse bien. Ce qui m’embête c’est d’alléger lorsque la valeur intrinsèque n’est pas atteinte, on entends souvent qu’il faut être patient et ne pas vendre trop vite « les gagnants ».
    Seth Klarman dans « Margin of Safety » explique que le portefeuille doit toujours avoir la marge de sécurité la plus importante possible.J’en conclu qu’il ne faut pas hésiter à alléger et renforcer en fonction des évolutions de cours pour augmenter la marge de sécurité

    Exemple : ce que j’ai fais avec Avalon Holdings Corp
    Achat 27-janv.-2012 2,817
    Alléger 03-avr.-2012 3,758
    Je m’apprête à renforcer si le cours passe sous les 3 dollar , ce qui a des chances d’arriver si le résultat du prochain semestriel est négatif.

    je suis donc partagé entre 2 approches:
    Acheter et attendre
    Utiliser la volatilité marché comme des points d’entrés et de sortie autour de la marge de sécurité

    Qu’en pensez vous ?

    1. Bonjour JF,

      Pour notre part, jusqu’à présent, nous avons toujours vendu « d’un seul coup » et, jusqu’à ce jour, n’avons jamais racheté une société que nous avions vendue. Mais ce n’est pas par principe, juste parce qu’aucune des sociétés que nous avons vendues ne nous a été, à nouveau, offerte à un prix attrayant.

  2. J’avoue que je ne comprend plus trés bien la démarche: votre systeme marchait bien : quand le marché était depressif vous achetiez, quand il était euphorique vous n’achetiez plus et vendiez. Maintenant c’est pareil sauf que vous acheter moins lorsque vous en avez l’occasion ce qui va faire diminuer votre rendement sous prétexte que une meilleurs occasion pourra se présenté. Dans ce cas je ne voit pas ce qu’il y a de honteux a alléger ou vendre une ligne avec moins de potentielle ( choisir de préférence une ligne bénéficiaire pour rester « gagnant ») pour financer une ligne avec plus de potentielle.

    Je pense que quand on peut, il ne faut pas hesiter a investir, a la limite pour ne pas faire des achats compulsif sans réfléchir assez on peut s’obliger a acheter avec un délai plus grand proportionnel au % de liquidité.

  3. Bonjour,
    Je trouve votre article intéressant et voudrais vous faire partager mon expérience personnelle, au sujet de ce que vous appelez le « radin price target », que j’ai éradiqué de ma pjilosophie d’investissement à la suite d’une expérience « extrêmement malheureuse » avec Apple.

    En effet, je n’ai pas racheté d’actions Apple entre le moment où c’était un net-net en 2003 et 2008, et ai cherché des solutions alternatives sous prétexte que le prix était plus haut que celui auquel j’ai acheté.
    Je pense que c’était ma pire erreur d’investissement à ce jour : ayant trouvé une société de qualité exceptionnelle, je me suis interdit d’en racheter pendant de longues années, sous pretexte que c’était plus cher. Le problème, c’est que ce n’était objectivement pas cher dans les faits : mes émotions radinesques m’ont trahi et ma performance a été très négativement impactée par cette mauvaise décision.

    En fait, si je ne m’était concentré que sur cette action et aucune autre, mes performances seraient nettement meilleures aujourd’hui : et je n’avais dans les faits aucun élément rationnel pour ne pas le faire par rapport à mon raisonnement sur cette société (qui s’est avéré trop pessimiste à chaque fois par rapport aux faits). Dans la même idée, je continue aujourd’hui à accumuler AIG en dépit d’une performance de près de +50% sur l’action et de près de +100% sur le warrant par rapport au prix d’achat initial. Je ne le ferais pas avec n’importe quel société bien sûr ! Et vous avez bien sûr le droit de ne pas être d’accord avec moi !

    1. Bonjour Serge et Nicolas,

      Il y a quand même une différence fondamentale entre l’achat d’une société comme Apple qui, en principe, augmente sa valeur dans le temps (jusqu’au jour où elle ne l’augmente plus) et les sociétés que nous achetons qui, pour la plupart, sont très bon marché mais dont la valeur n’augmente quasiment pas sur une longue période (une bonne part sont même en décroissance). Acheter Apple plus cher parce que sa valeur a augmenté a du sens. Renforcer une daubasse plus cher quand sa valeur est restée stable en a nettement moins.

      Ajoutons aussi que nous ne conservons pas des liquidités d’un niveau exceptionnellement élevé pour l’instant : 9 % seulement si on tient compte de celles qui sont bloquées en vue de l’exercice éventuel d’options. Même si les marchés s’envolaient, cela ne nous empêcherait pas d’en profiter … mais si une très grosse opportunité apparaissait, nous pourrions la saisir également.

      Le but est de n’avoir que la crème des daubasses en portefeuille et comme le prix est l’élément déterminant de notre approche, il nous semble normal d’y accorder une attention toute particulière.

  4. bonjour à toutes et à tous, sauf erreur je crois ( pour revenir à votre point 2 ) que le père spirituel de l’achat par étapes est Jesse Livermore , qui préconisait de faire 30%, 30%,ensuite 40%,il lançait donc des sondes et si le marché lui donnait raison il passait à la suivante en adaptant son loss limit , amicalement et bonne journée:-)

  5. bonjour, le problème avec les « Radin target price » est que les ordres risquent d ‘être partiellement exécutés – à la vente comme à l ‘achat avec les sociétés peu liquides et que cela augmente les frais de transaction – mon expérience personnelle avec cycle country et winland….mais je suis d’accord sur les principes généraux

    1. Bien sûr Chris, c’est aussi le cas pour nous : nos derniers renforcements n’ont été exécutés que partiellement mais le prix auquel nous avons renforcé compense plus que largement les frais de courtage supplémentaires (d’autant qu’en ce qui nous concerne, nous payons les frais de courtage par ordre, c’est-à-dire une seule fois même si cet ordre est exécuté en plusieurs jours).

      Et, comme nous l’expliquons dans l’article, nous n’aurions pas pu pratiquer cette technique lorsque nous avons débuté avec un portefeuille de 15 000 euros et des lignes de 500 euros. Aujourd’hui, une ligne complète, c’est plus de 6 500 euros.

  6. Cet article me rappelle un précédent : https://blog.daubasses.com/2011/09/11/chassez-le-mouton-il-revient-sans-cesse-au-galop-nos-lecteurs-sur-la-sellette/ et votre commentaire :
    « « Introduire du timing » n’augmente pas nécessairement le risque mais il s’écarte de notre approche : nous investissons ou désinvestissons sans nous soucier du marché en nous concentrant exclusivement sur la valeur des entreprises que nous achetons. Introduire du timing, c’est non seulement se soucier du marché mais aussi se montrer plus intelligent que lui … ambition que, pour l’heure, nous n’avons pas … du moins dans le cadre de la gestion du portefeuille du club ainsi que dans la rédaction de nos lettres aux abonnés. »
    A mon sens, l’idéal serait toujours d’introduire du timing mais c’est effectivement très difficile et les ordres fractionnés sont une très bonne parade. A défaut de timing, lors de la prochaine augmentation de capital vous pouvez vous « interdire » plus de x achats par mois.
    Pour mes minières, je combat ma fièvre acheteuse en n’alimentant en liquidités mon compte titres que par petites doses. Je fais un peu de timing en n’achetant que dans les séances de baisse importante et j’augmente les achats au fur et à mesure que le HUI/Gold descend. Comme je suis incapable de calculer la valeur d’une entreprise, je double la ligne à -50% et je vends la moitié à +100% (je vais peut-être adapter cette règle dans le futur). Cette « méthode » a beaucoup d’inconvénients mais elle me correspond bien. C’est important pour bien vivre psychologiquement les soubresauts des marchés. Si j’arrive à éviter à peu près le shopping compulsif, je suis tombé dans la « collectionnite aiguë » avec trop de lignes… Chacun ses biais 😉

      1. C’est ce que j’essaye de faire. Mais je fractionne malgré tout car à force de rattraper des couteaux au vol je me suis déjà pas mal coupé…

        1. Pour notre part, nous pensons qu’il y a autant de chance de se couper en tentant d’attraper un couteau qui tombe que d’exploser en plein vol en ayant pris place à bord d’une navette spatial. Mais si on achete avec suffisament de marge de sécurité, que ce soit dans la phase descendante ou la phase ascendante, on minimise malgré tout les risques. De toute manière, si tout le monde (nous compris) rêve d’acheter au plus bas et de vendre au plus haut, bien peu y parviennent, même parmi les plus grande stars de l’investissement.

  7. Bonjour,

    Je rebondi sur un ancien « post ».

    Concernant l’achat par étape, vous dites que vous ne le faisiez pas au début car vos lignes représentaient 500 euros et que les frais auraient été trop importants.

    Si les frais de courtages auraient été entre 1 et 5 € l’ordre l’auriez vous fait ?

    Merci

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