Ecomérage, la fin d’un culte : les actions ne rapporteront plus 7% à long terme

Vous savez tous, cher lecteur que nous ne sommes pas des « as » de la macroéconomie. Ce n’est pas vraiment que nous n’y comprenons rien de rien mais nous pensons seulement, qu’il y a tellement d’éléments qui entrent en ligne de compte et surtout qui changent en permanence et parfois très rapidement, que nous ne possédons pas les compétences nécessaires pour en extraire un avantage quelconque qui nous permettrait de devenir de meilleurs investisseurs dans la valeur et plus précisément de «Daubasses ».

Une fois n’est pas coutume, c’est une prévision « macro » qui a attiré notre attention cette semaine. En effet, en parcourant le blog de notre ami Lupus, nous avons lu que,  dans sa dernière lettre mensuelle, le gérant de fonds obligataires Bill Gross de chez Pimco nous explique qu’à l’avenir les actions ne rapporteront plus 7% à très long terme.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Bill Gross que certains n’hésitent pas à appeler le « Warren Buffet de l’obligataire », voici quelques informations biographiques.

William H. Gross est né en 1944 à Middletown dans l’Ohio. En 1966, il décroche un diplôme en psychologie de l’université de Duke, en Caroline du Nord.

Après avoir servi dans l’US Navy, il décroche un MBA à l’université de Californie à Los Angeles.

Pendant une courte période, il deviendra joueur professionnel de Black Jack à Las Vegas, ce qui selon Bill Gross, l’aidera ensuite dans les calculs de répartitions du risque de ces investissements.

En 1971, il devient le co-fondateur de Pimco, pour Pacific Investment Management et est surtout le gérant depuis 1988 du légendaire fond obligataire « Total Return », que l’on désigne souvent par Pimco et qui est le plus grand fond Obligataire du monde avec 262 milliard de $ sous gestion.

Bill Gross doit évidemment sa renommée au rendement qu’il a réalisé avec son fonds « Total Return » sur 24 ans de 1988 à 2012, une performance total de 650% ou un rendement annualisé de 8,72%. C’est évidemment une prouesse hors du commun qui force le respect puisque cette performance a été réalisée avec le seul obligataire et cette performance place ce cher Bill parmi les meilleurs investisseurs de tous les temps.

Vous aurez donc compris que Bill Gross n’est pas un guignol et, quand il explique que les actions ne rapporteront plus du 7% à long terme, cela interpelle. Alors nous essayons de comprendre son argument principal.

En fait Bill Gross compare le rendement des actions US sur 100 ans, de 1912 à 2012 net d’inflation de 6,6% à la croissance du PIB des USA qui est de 3,5%, sur la même période.

Il juge qu’il y a une anomalie de marché sur le fait qu’à très long terme, il y a un décalage de 3% entre la création de richesse du pays et le rendement des société cotées qui participent évidemment à la création de richesse du pays.

Pour Bill Gross, l’aberration ne peut pas se poursuivre indéfiniment et les actionnaires, selon ses propos, devront tôt ou tard être « écrémés » de 3% voire plus si la croissance du PIB venait à être inférieure à 3,5%.

Pour Bill Gross, ce qu’il appelle le culte des actions qui rapporte 7% l’an net d’inflation et qui est bien ancré dans l’esprit de tout investisseur de long terme, pourrait ne jamais se revoir dans les 100 prochaines années : selon lui, un autre culte commence. Un culte qui est la conséquence de ce qu’il n’hésite pas à nommer : chaîne de Ponzi due à l’endettement des états… Le culte de l’inflation.

N’ayons pas peur des mots : si c’était Jacques Durieux du fonds BGM pour Betigny Growth Management qui tiendrait ce type de propos, l’équipe des daubasses n’en aurait rien à cirer. Mais ici, il s’agit de Bill Gross, gérant US hors norme, avec 45 ans d’expérience des marchés.

N’allez pas imaginer, cher(e) lecteur(trice), que nous sommes naïfs au point de gober les propos de ce gourou (qu’il nous faut absolument éviter de gouroutiser) sans lui opposer modestement quelques interrogations. Et la première, c’est son objectivité : si vous étiez le plus important gérant obligataire du monde, vous essayeriez de défendre votre business. Et nous sommes quand même interloqués par son raisonnement : il prévoit de l’inflation et il déconseille les actions. Il nous semble peut-être bon de rappeler au gourou obligataire que les actions sont en réalité des droits de propriété sur des actifs qui génèrent à leur tour des revenus. Dans le cas de figure envisagé, les actions nous semblent un « moins mauvais » moyen de se protéger de l’inflation que les obligations par exemple.

Nous nous demandons également, si, dans son équation, Bill Gross a tenu compte du fait que pas mal de sociétés ont diversifié géographiquement leur clientèle et qu’une partie de leur chiffre d’affaires se réalise dans des pays émergents, là où la croissance est parfois le double de celle des pays développés, voire même à deux chiffres.

Enfin nous nous posons cette question existentielle angoissante : qui donc peut projeter une idée macro 100 ans dans le futur, à moins d’être en filiation directe avec la Pythie de Delphe ?

Mais bon comme c’est Bill Gross et que ses propos nous ont interpelés, nous avons décidé de prendre son scénario au comptant en tentant de comprendre quelles implications pourraient avoir ce scénario sur notre terrain d’investissement : les Daubasses.

1° Quand Bill Gross parle d’une rendement de 7% l’an à long terme, nous supposons qu’il fait référence aux Big Caps, à toutes ces sociétés qui composent les indices et pour lesquelles un investisseurs à long terme peut penser qu’historiquement, un rendement de 7% minimum est de mise en gardant pour toujours. C’est à notre avis ce type de société qui crée la principale richesse d’un pays et fait croître le PIB.

Les Daubasses ne nous semblent pas concernées par la création de valeur car elles sont plutôt spécialisées … dans la destruction de valeur à court ou moyen terme. Il ne nous semble pas qu’elles appartiennent à la catégorie dont parle Bill Gross.

2° Il est vrai qu’inflation élevée signifie taux d’intérêts plus élevés. Et dans ce cas, effectivement, on pourrait assister à une baisse de la valeur des actions pour les méthodes de valorisation basées sur l’actualisation des cash-flow futurs (puisque, mécaniquement, les taux d’actualisation augmenteraient). Mais l’avantage de nos daubasses, c’est qu’elles ne génèrent presque pas de cash-flow et donc un changement du taux d »actualisation n’aura que peu d’impact. Par contre, comme elles détiennent des actifs, la valeur de ces actifs va flotter sur l’inflation leur permettant de maintenir leur juste valeur avec le temps (à condition évidemment que toute chose reste égale par ailleurs). Nous ne disions d’ailleurs pas autre chose il y a deux ans.

3° N’oublions pas que toutes les Daubasses sont achetées sur exagération des marchés, soit à des prix défiant toute concurrence. Avec des décotes de minimum 30% sur leur Valeur d’Actif Net-Tangible (VANT), mais c’est souvent bien plus : 40%-50% parfois 60%… La surprise inflationniste ne serait qu’une petite surprise en plus par rapport à la protection de la décote.

4° Le facteur temps. Une Daubasse peut très vite atteindre son objectif de vente, soit sa VANT. Cela peut prendre six mois, voire 2-3 ans… Mais dans tous les cas de figure, il n’est pas question de long terme et encore moins de très long terme. Le petit exemple qui nous revient en mémoire est cette fameuse société œuvrant dans l’industrie textile, la Berkshire Hattaway qui n’a pas cessé d’engouffrer du capital… Et pourtant, une année fut bonne, grâce à une belle commande et Warren put même payer un dividende. C’est ce qui est le plus intéressant avec une Daubasse : il faut juste à un moment X une belle commande ou un nouveau contrat, ou un nouveau dirlo, ou … pour qu’elle atteigne nos objectifs. Une Daubasse n’a pas à lutter à tout moment avec la concurrence, à creuser le fossé, à pondre de nouveaux produits, à s’implanter dans de nouveaux marchés, à engager des dirigeants brillants… A créer de la valeur pour la société ! Elle doit juste sortir le bout de son nez de l’eau à un certain moment pour notre bonheur d’investisseur.

L’équipe des « Daubasses » est vraiment désolée, Bill… Mais nous ne nous sentons pas du tout dans la même catégorie qui pourrait voire la fin d’un culte selon votre analyse que nous respectons malgré tout.

Aux contraires, notre objectif, en toute modestie, est de générer des rendements supérieurs à 15% et plus si possible, dans les 100 prochaines années. Même s’il y a de très fortes chances que nous soyons tous morts avant 2112… Mais nous comptons sur nos abonnés, les plus jeunes, pour vous le prouver, bien après notre mort.

 .

9 réflexions au sujet de « Ecomérage, la fin d’un culte : les actions ne rapporteront plus 7% à long terme »

  1. Bonjour les Daubasses,

    Comment un gérant aussi renommé peut il sortir une telle annerie ?!?!?
    Imaginez quel serait le prix des actions aujourd’hui après une surperformance annuelle de 3% par rapport aux fondamentaux !
    Bill « oubie » un peu vite que la croissance du PIB n’a pas grand chose avoir avec la croissance des valeurs cotées…

    Thierry.

    1. Oui Thierry, nous avons l’impression que quelques paramètres ont échappé à notre ami Bill (notamment le fait que le dividende, s’il participe bien au rendement offert à l’investisseur, « sort » de la valorisation de la société et donc de sa capitalisation boursière une fois celui-ci payé). Ceci dit, Buffett himself utilise (ou plutôt dit utiliser) une comparaison entre la capitalisation boursière et le PIB pour évaluer le niveau de chereté du marché. Et pour le moment, sur base des chiffres des 40 dernières années, le marché américain serait légèrement surévalué et le modèle anticiperait un rendement des actions américaines, dividendes inclus de +/- 4 % : http://www.gurufocus.com/stock-market-valuations.php

      Ceci dit, ce modèle fonctionne peut-être pour ceux qui achètent le marché mais certainement pas pour ceux qui achètent des entreprises soigneusement sélectionnées ou des actifs décotés.

      1. Je ne nie bien sur pas le lien entre croissance du PIB et croissance des société, mais ce n’est pas une équivalence comme Bill Gross le sous-entend. Il y a de nombreuses sociétés qui participent au PIB et qui sont aux antipodes des marchés.
        Bref, je pense que nous sommes sur la même longueur d’onde.

        Le dividende est oublié, tout comme les sociétés qui rachètent leur propres titres et qui peuvent croître sans croissance !

  2. Bonjour à tous,

    Comme disait si bien Warren Buffett :
    « Les prédictions en disent long sur ceux qui les font, elles ne disent rien sur l’avenir ».

    Dommage qu’un gérant comme Bill Gross se livre à un exercice aussi futile.
    Je peux comprendre qu’il ait envie de vendre ses fonds obligataire au public, mais je ne cautionne pas les moyens utilisés ici : déblatérer des propos dénués de sens que personne n’ira de toute façon vérifier dans 100 ans. Qu’est-ce qui empêche les entreprises du DJIA de faire mieux ou moins bien que le PIB US sur 100 ans en termes de bénéfices ?! C’est complètement absurde, d’autant qu’on peut changer la composition de l’indice assez régulièrement…

    1. Salut Serge,

      Désolé pour la publication tardive de ton post : il semblerait que wordpress fasse vraiment des siennes en considérant comme spam des commentaires tout-à-fait valables de nos aimables lecteurs. Nous sommes évidemment en phase avec ton analyse et ton désaccord avec Bill Gross comme nous l’expliquons dans le texte ci-dessus. Mais un deuxième article est en préparation dans lequel nous expliquerons entre autres que … nous sommmes quand même un peu d’accord avec Bill Gross 🙂 Juste de quoi casser quelques certitudes dans un sens comme dans l’autre et permettre à nos lecteurs de se forger une opinion avec des commentaires qui sortent du consensus comme nous l’avions fait avec notre lecture du snowball.

  3. Il me semble que Bill Gross oublie la croissance de la productivité (du travail et du capital ) soit une moyenne d’environ 3 à 3,5 %/an :donc nous aurions 3,5 + 3,5 = 7%..CQFD ? hmm .Ce sont
    évidemment des moyennes et des chiffres très arrondis…D’autre part on pourrait rétorquer que
    la hausse de la productivité est facilitée par la croissance…et que c’est,en partie, un raisonnement tautologique (ça se mord la queue! disait mon prof d’éco…)Néanmoins ,en cas de croissance 0 voir négative nous pourrions avoir des problèmes sérieux pour le maintien des 7 %.
    Je pense par contre que les dividendes et les rachats d’actions sont intégrés…
    Tout cela pour admettre que la macro. est compliquée et imprévisible (comme la plupart des choses..)
    Je crois aussi qu’une stratégie de niche comme celle des daubasses peut ,par définition , se décoreller des moyennes en bien ou en mal…

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