Les chroniques de l’investisseur chronique : comment j’ai été éduqué financièrement …

chronique investisseurCe texte fait partie de la série proposée par notre ami-chroniqueur Laurent Muller.

Même si nous ne partageons pas tout-à-fait les mêmes principes d’investissement, nous nous sommes trouvés énormément de points communs et les raisonnements développés par Laurent nous ont paru marqués par le sceau du bon sens.

Il nous a semblé intéressant de vous faire profiter de ces raisonnements et c’est la raison pour laquelle Laurent tiendra, sur ce blog et à intervalles réguliers, une chronique présentant ses principes d’investissement.

Ce sera l’occasion de débattre avec l’équipe des daubasses mais aussi avec vous, ami( e) lecteur(trice) des sujets qui seront développés par notre ami.

En lisant une file de discussion sur un forum qui soulevait la question de la transmission à ses enfants, j’ai été frappé du nombre de messages focalisés sur le don d’argent ou de biens à ses enfants. De mon point de vue, avant de vouloir transmettre un patrimoine, déjà faut-il apprendre à ses enfants à le gérer de manière globalement rationnelle. Pour moi, la transmission de valeurs me semble plus importante que la transmission de biens : apprendre à pêcher plutôt que de donner du poisson, comme le dit le dicton populaire. Cette question de l’éducation financière m’intéresse particulièrement pour mes enfants : comment les éduquer financièrement afin qu’ils deviennent autonomes et sachent gérer leurs actifs ?

N’ayant pas de recul sur cette question (mes enfants étant en bas âge), je me suis intéressé à la manière dont j’ai acquis dans mon enfance les fondations sur lesquelles je bâtis aujourd’hui.

Les LEGO ou la (re)création de la monnaie

Enfant, mon frère et moi jouions aux LEGO, ce qui est assez banal. Chacun avait ses boîtes et ses pièces, que nous gardions précieusement, chacun de son côté.

Pour échanger nos pièces, nous utilisions dans un premier temps le troc, c’est-à-dire l’échange de pièces ou de groupes de pièces.

Dans un deuxième temps, nous avons (re)découvert le principe de la monnaie : les pièces translucides, plus rares que les autres, constituaient la monnaie dont la forme et la couleur déterminaient le prix. Plus une pièce de « monnaie » était rare (nouvelle couleur ou forme, au gré de la sortie des séries de boîtes), plus son prix était élevé. Au bas de l’échelle : le carré rouge. En-haut, les disques de couleur, à leur sortie !

Jouir dans l’attente

Mon père m’a suffisamment souvent répété le principe de la jouissance dans l’attente, qu’il s’appliquait à lui-même, pour que je vous en parle aujourd’hui.

Si je voulais dessiner la courbe de plaisir de la possession d’un objet par rapport au temps, à partir de l’idée d’achat, elle serait globalement croissante avec une accélération forte suivie d’un maximum au moment de l’achat ou dans les quelques semaines / mois suivants, pour ensuite décroître fortement jusqu’à tomber à 0 quelques mois ou quelques années plus tard. Pour un même objet, plus la période d’attente avant l’achat est longue et plus le plaisir au moment de l’achat est grand.

En conclusion, mieux vaut retarder la date de ses achats et rêver dans l’attente pour augmenter le plaisir !

 

Vivre en-dessous de ses moyens

Un principe de base dont j’ai fait l’expérience est de vivre en-dessous de ses moyens, sans se priver, mais en se maîtrisant, contre les sirènes de la société de consommation. Mes parents m’ont donné l’exemple, en dépensant moins que ce qu’ils gagnaient et en investissant le différentiel.

Jeux de société

Une tradition familiale était de jouer chaque dimanche à des jeux de société (de réflexion). Je pense que ces séances ludiques ont été bénéfiques, notamment pour l’apprentissage du calcul, du raisonnement, de la gestion, de la compétition et de l’optimisation, le tout dans un climat mêlant le plaisir à la convivialité.

J’ai décrit dans cet article la proximité qui existe à mon sens entre le jeu de société d’une part et l’investissement d’autre part.

Le livret A et les taux d’intérêt

Dès mon plus jeune âge, mes parents m’ont ouvert un compte courant et un livret A, sur lequel je déposais l’argent que je recevais ou en retirais pour pouvoir effectuer des achats. Les guichetières du village devaient être bien amusées de voir un jeune garçon haut comme trois pommes déposer ou retirer de l’argent !

J’ai donc pu observer très tôt le bénéfice de l’épargne via les taux d’intérêts. Sans effort, l’investisseur reçoit chaque année une somme d’argent supplémentaire venant s’ajouter à son compte, s’il ne dépense pas son argent en cours d’année. Il me restait encore à assimiler le principe de l’inflation venant inexorablement ronger les liquidités épargnées…

Je dessinais également à cette époque des courbes de progression de mon modeste patrimoine et faisais des projections anticipatives qui me motivaient à épargner.

Emprunt

Pour acheter un instrument de musique coûtant plusieurs milliers d’euros, j’ai dû contracter un emprunt auprès de mon père (sans intérêts) qui absorbait cependant mes revenus ultérieurs, c’est-à-dire l’argent que je recevais à mon anniversaire ou à Noël, pendant deux ou trois ans. Je pense que cette expérience m’a amené à la conclusion un peu extrême qu’il ne faut rien acheter à crédit, y compris sa résidence principale. Je suis revenu (un peu tardivement je vous l’accorde) sur l’idée que l’endettement est le mal absolu, comme je l’ai expliqué dans cet article.

Console Nintendo

Lorsque mon père raconte comment il m’a éduqué financièrement, une étape décisive de son point de vue concerne l’achat d’une console Nintendo NES. Comme je gérais moi-même mon argent de poche et devais acheter l’objet convoité avec cet argent, mon père m’a soufflé une idée, qui m’a immédiatement séduite : acheter une console d’occasion, significativement moins chère qu’une console neuve (d’autant que plusieurs jeux étaient habituellement fournis avec l’appareil vendu d’occasion).

Mon père s’est prêté au jeu. Pour avoir un avantage concurrentiel, il allait chercher le journal des petites annonces à l’imprimerie, à l’aube, avant qu’il ne soit distribué. Nous décortiquions alors le journal à son retour, à la recherche de bonnes affaires.

De cette manière, nous avons réussi à acheter une console et une dizaine de jeux à un prix raisonnable, profitant du prix de gros.

Deux ans plus tard, lorsque j’ai voulu revendre cette console et les jeux pour acquérir un ordinateur, j’ai eu l’idée de revendre les jeux à l’unité et la console séparément, ce qui m’a permis de vendre l’ensemble à un prix supérieur à mon prix d’achat.

Toute ressemblance avec un investissement immobilier est purement fortuite.

Pas de limites pour toutes les dépenses éducatives

Mes parents n’ont jamais fixé de limites aux dépenses éducatives pour leurs enfants.

Les livres étaient gratuits (dans la mesure où nous en finissions la lecture), les affaires scolaires étaient payées (dans la mesure du raisonnable), point besoin de nous soucier de payer un logement ou de nous nourrir durant nos études supérieures, etc…

Mes parents nous ont également payé des séjours linguistiques à l’étranger et étaient prêts à payer le coût des formations que nous suivions sans réserves.

Ce climat était propice à l’apprentissage et ne fixait pas de limites à nos capacités.

Enfin, l’éducation était un sujet sérieux : examen du bulletin commenté par les parents, choix d’orientation rationnel et concerté, etc… Nous avions un pacte tacite : la liberté… si les résultats scolaires suivaient.

La bourse

Si j’ai commencé à investir dans les marchés actions, ce n’est pas tout à fait par hasard et je le dois là encore à mon père, qui investissait lui-même son épargne en actions. Ce domaine ne m’était donc pas tout à fait étranger quand j’ai commencé à placer mes économies : je connaissais l’existence de supports d’investissements plus performants (et plus volatils) que les livrets.

Apprendre à pêcher plutôt que donner du poisson

Mes parents n’ont commencé à transmettre à leurs enfants une partie de leur patrimoine qu’à partir du moment où nous étions tous à la fois financièrement autonomes et avions montré que nous étions capables de gérer notre argent sans le dilapider.

Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment qu’ils m’ont indiqué la valeur de leur patrimoine global.

Conclusion

En conclusion, mes bases financières semblent avoir été acquises à la fois par l’exemple de mes parents et leurs efforts, un certain goût pour les chiffres et un intérêt personnel pour ces questions.

N’hésitez pas à poster en commentaires les moyens que vous avez utilisés pour ouvrir vos enfants aux problématiques de l’épargne, de l’autonomie financière et de l’investissement. Vos contributions pourraient me donner des idées pour l’éducation financière de mes enfants.

6 réflexions au sujet de « Les chroniques de l’investisseur chronique : comment j’ai été éduqué financièrement … »

  1. Bonjour,

    Mes parents aussi ont toujours mis un point d’honneur à nous acheter des livres de qualité pour notre éducation. Lire des livres intéressants a développé ma curiosité. Au final, je pense que c’est le but de l’éducation : Développer la curiosité car l’on ne peut pas « tout » transmettre.

    Cordialement,

  2. Bonjour Pour ma part, J’ai un fils de 18 ans, nous sommes canadiens et je lui ai ouvert un compte d’épargne libre d’impôt cet année, pour qu’Il puisse commencer tranquillement à investir en Bourse.

    Bine sûr, je le supervise et j’essai de lui inculquer les bases de l’investissement en bourse payant et intelligents.

    Depuis quelques mois, il a un travail à mi-temps et il se fait un point d’honneur d’épargner 10% de son salaire à chaque semaine et de le virer sur son compte CELI.

    j’ai même commencer doucement à lui faire décortiquer des états financiers d’entreprises, rien de compliquer, les ratios de base.

    Martin

  3. Bonjour

    J’utilise volontairement le pseudonyme utilisé sur le forum, où je suppute que vous avez trouvé l’inspiration de votre sujet.

    Sur le plan éducationnel, épargne livret crédit bourse, il semble que nos parents ont eu EXACTEMENT les mêmes initiatives.

    Je leur en suis extrêmement reconnaissant, et je garde la conviction d’avoir reçu un cadeau que peu de mes amis ont reçu.

  4. Bonjour,

    Une petite note humoristique que m’inspire votre message: j’en déduis que nous avons les mêmes parents et que vous êtes donc mon frère !

    Cordialement,

    Laurent Muller

  5. Bonjour,
    Bel article,

    Je me reconnais aussi dans certains des points mentionnés et j’estime aussi être chanceux d’en avoir bénéficié.

    – LEGO : Il est curieux de voir que ceux qui ont eu des playmobiles à la place sont moins logiques et un peu plus littéraires.
    – JOUIR DANS L’ATTENTE : J’ai fait très peu d’achats compulsifs regrettés. C’est aussi une satisfaction en soi.
    – VIVRE EN DESSOUS DE SES MOYENS : Je vis avec 50% de mes revenus, cela me suffit et j’aurai une retraite. Par contre on me dit que j’abuse avec mes T-shirts et chaussettes troués.
    – JEUX DE SOCIÉTÉ : J’avais du mal à convaincre les gens de jouer avec moi, c’est sûr que c’est énervant de toujours perdre.
    – EMPRUNTS : On me dit que c’est vieux jeu de penser ça.

    Bonne soirée,

  6. Étant donné que l’éducation financière n’est même pas abordée un minimum à l’école, il est certain que c’est donc aux parents de s’en occuper.

    Vos parents s’y sont apparemment pris à merveille. Les miens ont toujours été très dépensiers et j’ai dû forger mon éducation financière bien plus tard, tout seul.

    J’essais aujourd’hui de la transmettre à mes enfants et je dois dire qu’ils me surprennent très souvent : ils ont toujours une idée nouvelle pour faire fructifier leur petit pécul.

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