Analyse financière : ne confondons pas « fonds de roulement » et « besoin en fonds de roulement » …

analyste financierAu détour de certains forums boursiers mais aussi d’interpellations de lecteurs ou d’abonnés, nous constatons qu’un certain nombre d’intervenants tendent à confondre deux notions essentielles en analyse financière : le fonds de roulement et le besoin en fonds de roulement.

Il nous a semblé utile d’évoquer ici ces deux notions et de clarifier chacune d’elles ainsi que leur utilité pour l’analyste.

Tout d’abord le fonds de roulement.

Nous avions abordé dans cet article cet élément.

Pour les plus pressés parmi vous, rappelons que le fonds de roulement permet de vérifier que la société finance bien ses actifs à long terme au moyen de ressources à long terme. Autrement dit, que ce qu’on appelle les « capitaux permanents » sont bel et bien supérieurs aux « actifs fixes ».

Pour le calculer, nous prenons donc les capitaux permanents, c’est-à-dire les fonds propres et les passifs non courants et en déduisons l’ensemble de l’actif fixe.

En bonne doctrine comptable, le résultat doit toujours être supérieur à 0. Si ce dernier est négatif, cela signifie que la société finance une partie de ses actifs à long terme, c’est-à-dire non réalisables rapidement, avec des passifs à court terme, c’est-à-dire que les créanciers peuvent exiger rapidement. Vous comprenez donc rapidement les risques encourus par l’entreprise dans pareil cas de figure : si les créanciers court terme se font plus exigeants, la société aura toute les difficultés du monde à poursuivre le financement de ses outils de production (qui sont précisément les actifs fixes) : peut-être même, à défaut de trouver d’autres sources de financement sera-t-elle contrainte de se séparer d’une partie d’entre eux !

Le besoin en fonds de roulement permet, quant à lui, de calculer la part des actifs courants nécessaire à son exploitation que l’entreprise doit financer par elle-même. Ces actifs courants d’exploitation sont, essentiellement, les stocks et les créances sur les clients. Ces deux postes sont absolument essentiels au fonctionnement d’une entreprise. Pour les financer, la société peut utiliser les délais de paiement que lui octroi les fournisseurs. Et si ce n’est pas suffisant, il lui faut trouver « autre chose ».

On calcule donc le besoin en fonds de roulement en additionnant tous les actifs courants à l’exception de la trésorerie et des placements de trésorerie et en soustrayant tous les passifs courants à l’exception des passifs financiers. Le montant obtenu représente donc le solde à financer par l’entreprise. Pour le financer, elle peut recourir à son fonds de roulement (c’est la solution la plus saine), c’est-à-dire l’excédent de capitaux permanents après financement des actifs fixes (cfr l’explication ci-dessus), soit à de l’endettement financier à court terme (avance à terme fixe ou crédit de caisse). Cette deuxième solution est évidemment moins favorable puisque l’entreprise est alors à la merci de son banquier pour assurer la pérennité de son cycle d’exploitation.

Le niveau du BFR est le témoin des relations de force que l’entreprise entretient avec ses clients et ses fournisseurs : un besoin en fonds de roulement faible démontre que l’entreprise peut imposer à la fois des délais de paiement court à ses clients et des délais de paiement long à ses fournisseurs.

Il arrive parfois que le besoin en fonds de roulement soit négatif. C’est la position idéale : le cycle de production de l’entreprise est entièrement financé par les tiers et il lui reste, en sus, un surcroît de trésorerie. C’est le genre de phénomène que l’on rencontre, notamment, dans la grande distribution : les stocks sont faibles car composés de denrées périssables, les clients paient comptant et donc le montant des créances clients est nul mais les fournisseurs sont généralement payés sur des délais assez long, délais tellement long que le montant de ce poste est souvent supérieur au montant des stocks et des créances … permettant ainsi à la société de dégager un excédent de trésorerie uniquement sur le compte de ses fournisseurs. Une situation particulièrement intéressante.

Un autre exemple de BFR négatif qui s’est développé dans un secteur particulier ces dernières années et qui est vraiment un business exceptionnel selon moi : les cartes cadeau prépayées.

Avec la mode des Wonder Box, Smart Box et compagnie, les clients paient en avance une somme dans le but de la dépenser plus tard. Le service est donc largement payé en avance par le client. Mieux, le prestataire qui vend la carte cadeau paiera le fournisseur du cadeau (bien ou service) à la demande de ce dernier. Donc, bien après l’achat de la carte. Il peut exister des décalages de plusieurs mois. Et tout cela, c’est de la trésorerie « gratuite ».

Et encore mieux, 2 énormes cerises sur le gâteau :

1) les cartes que nous offrons à nos amis doivent dans la plupart des cas être utilisées dans l’année en cours. Ou sinon… elles deviennent sans valeur. Ce qui signifie… que l’argent a été prêté indéfiniment, sans coût ! Et que le prêteur ne redemandera jamais son argent. De surcroît, la société génère avec cette carte non utilisée une marge incroyable.

2) au-delà de la date de péremption, il se peut que celui qui reçoit la carte, l’oublie ou ne l’utilise pas car les produits ou services offerts de ne l’intéressent pas. Là aussi, c’est une excellente nouvelle pour l’émetteur de la carte. Il ne devra jamais remboursé le « prêteur ».

Ces activités avec cartes prépayées qui potentiellement ne seront pas dépensées représentent le meilleur exemple de business qui n’ont aucun problème de trésorerie avec un solde bancaire toujours positif, sans dette financière, mais une dette fournisseur importante… mais des dettes fournisseurs qui peuvent se résorber d’elles-mêmes sans les payer… au bout d’un an ! Incroyable mais vrai.

 

3 réflexions au sujet de « Analyse financière : ne confondons pas « fonds de roulement » et « besoin en fonds de roulement » … »

  1. Article très clair. Merci les Daubasses. Je suis fier d’être abonné à cette communauté. Merci aussi de l’avoir agrémenté d’un exemple pertinent.
    Pour être certain que j’ai bien compris : j’en déduis qu’avec le passage en mode SaaS les sociétés de logiciels sont passées d’une situation avec un BFR largement favorable, lorsque les clients payaient à signature du contrat la totalité du coût de licence et une partie faible en récurrent (la maintenance), à une situation beaucoup moins favorable. En effet, dorénavant les clients payent à l’abonnement (souscription SaaS) et au fil de l’eau, ce qui augmente le BFR. La contrepartie est une plus forte prédictibilité des revenus car les contrats sont pluriannuels (chiffre d’affaire embarqué et revenus récurrents importants) ce qui d’ailleurs, d’après ma lecture, aurait permis à de nombreux éditeurs de financer leur croissance par de la dette (private equity, etc). Ma lecture a-t-elle du sens ?

  2. Bonjour CyprienC,

    Merci puor vos bons mots.

    Nous ne sommes pas des spécialistes du Saas. Difficile de vous dire si les impacts sur le BFR sont importants…

    Par contre ce qui est clair pour nous, ce sont ces impacts :

    1/ Ce ne sont plus des investissements d’achats + mise çà niveau des logiciels : tout passe en dépenses récurrentes dorénavant. Ce qui est un avantage pour l’entreprise qui utilise le service / logiciel car elle n’a plus une gosse somme (CAPEX) à payer désormais initialement. Le second avantage avec l’utilisation du logiciel en Saas est de toujours avoir la version la plus récente et qui évolue régulièrement grâce aux retours des clients selon les besoins rencontrés.

    2/ L’éditeur du logiciel en Saas récupère beaucoup de données sur comment et quelles fonctionnalités utilisent leurs clients. C’est parfait pour adapter au mieux l’outil aux besoins des clients pour les versions en préparation. On capte ainsi des clients qui sont de plus en plus satisfaits du logiciels.

    3/ Récurrence : l’entreprise est désormais abonnée au service. Le vendeur du logiciel en mode Saas perçoit régulièrement des flux de trésorerie. C’est financièrement très appréciable.

    4/ Déploiement : une fois la structure en place, vous pouvez déployer votre logiciel en Saas à un nombre presque « illimité » (il faut avoir les serveurs et les capacités en face) d’utilisateurs / entreprises clientes.

  3. Bonsoir Les Daubasses,

    Merci pour votre réponse. Je suis d’accord avec vous sur les 4 points.

    Je suis tombé sur un article d’Eurocloud intitulé « POURQUOI LES EXPERTS FINANCIERS PEINENT À COMPRENDRE LE BUSINESS SAAS ? » dont voici un extrait « Une entreprise (éditeur SaaS ou autre) ne peut reconnaître le revenu que lorsque le service est fourni. Alors, où sont enregistrées ces commandes dans le bilan de l’entreprise ? Dans la majorité des situations, elles sont enregistrées au passif dans un compte « revenus différés » et à l’actif dans un « compte d’effets à recevoir ». Dans le cas d’un abonnement SaaS de 24 mois, chaque mois, 1/24ème de l’abonnement est déduit du compte « revenus différés » pour être transféré du côté des ventes.
    Une bonne mesure de la croissance et finalement de la santé d’un éditeur SaaS est de s’intéresser à la facturation, qui est la somme du CA du trimestre N augmenté des revenus différés du trimestre N-1 et reconnus au trimestre N. Si la prise de commandes augmente, que ce soit grâce à des nouveaux clients, suite à la commercialisation de services complémentaires sur la base installée ou enfin par le renouvellement d’abonnements, les facturations progresseront. »

    Dans ce cas là, je comprends que le modèle SaaS a bien un effet négatif sur le fonds de roulement (les actifs courants diminuent car les revenus sont reconnus à mesure de la livraison des services et les passifs courants augmentent car les commandes sont enregistrées en revenus différés jusqu’à être reconnues). La vente de licenses ressemblait plus à l’exemple de la carte cadeau prépayée que le modèle SaaS. Qu’en pensez-vous ?

    Source : https://www.eurocloud.fr/les-experts-financiers-peinent-comprendre-business-saas/

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