Les 16 commandements de l’investisseur "deep value" selon Walter Schloss 1/2

Tous nos lecteurs connaissent déjà notre admiration pour celui que nous considérons comme le plus grand chasseur de « Daubasses » de tout les temps : Walter Schloss.

Ce sacré « Big Walt » est un personnage hors du commun en raison de la première impression que ses 2 mètres dégagent, « avec son air hautin», comme dirait Buffett mais aussi en raison de l’endroit où il a passé sa vie d’investisseur, « un bureau se composant d’une pièce sous louée à Tweedy Brown» et également en raison de ses outils d’informations financières « un abonnement à Value Line » qui lui ont quand même permis en 45 ans de dégager 15.3% de rendement annualisé. Nous admirons également le respect hors du commun qu’il témoigne à ses clients, respect que nous aimerions voir plus souvent copié par les gestionnaires de fonds actuels : Walter Schloss ne percevait jamais de commission, il se rétribuait seulement sur les performances de son fond et retournait aussi chaque année, les gains à ses clients. En 45 ans, les performances de son fond ont été 7 fois négatives, contre 11 fois pour les S&P 500 !

Au-delà de notre admiration pour cet investisseur décalé, nous considérons aussi que c’est sans doute le seul élève de Ben Graham à avoir appliqué les principes du maître sans y déroger, ce qui nous fait penser que ces principes dans une vingtaine d’années seront âgés d’un siècle.

Connaissez-vous, en finance, beaucoup de théories qui ont tenu plus d’une, voir deux décennies, ou qui peuvent encore être appliquées telles quel pour aborder un problème 80 ans plus tard ? Et ce, après une guerre mondiale, des conflits innombrables, de multiples crises économiques et monétaires, des avancées fulgurantes transformant radicalement le monde d’hier ?

Nous pensons qu’il est intéressant de vous présenter les 16 principes d’investissement que Walter Schloss a appliqué durant sa vie d’investisseur. Et ce, même si nous sommes conscients qu’il n’y a rien de fondamentalement révolutionnaire puisque que nous venons de dire que « Big Walt » est l’élève le plus fidèle aux théories de Benjamin Graham. Cependant, quelques points nous semblent toutefois assez originaux pour nous laisser penser qu’ils ajoutent un petit plus et qu’ils peuvent aider un investisseur dans la valeur désireux de devenir meilleur.

Nous nous permettons enfin de faire, en toute modestie, un petit commentaire « en italique » sous chacun de ces principes pour vous en proposer notre lecture, en souligner l’importance et ses difficultés ou évidences. Ce qui finalement nous permet aussi de comprendre où nous nous situons, le chemin qu’il nous reste à parcourir, les points qu’il faut retravailler, et ceux qu’il ne faut pas perdre de vue quoi qu’il se passe sur les marchés !

Dans cet article, nous aborderons les 8 premiers principes de notre idole. Les voici :

 

1. Le cours de l’action est le facteur le plus important à utiliser en relation avec la valeur de cette action.

« Le premier principe peut paraître anodin, banal, sans la moindre utilité et pourtant en seulement 21 mots Walter Schloss, explique de manière lumineuse la seule utilité du cours de l’action d’une société cotée en bourse. »

 

2. Essayez d’établir la valeur de l’entreprise. Gardez à l’esprit qu’une action représente une part d’une entreprise et pas simplement un morceau de papier.

« Le deuxième principe commence par « Essayez ». Il y a pour nous, dans ce mot, un mélange conjugué de modestie et d’obligation de travail.

Essayer d’établir la valeur d’une entreprise, ce n’est pas forcément facile, ce n’est pas forcément un chiffre au centième, c’est forcément des erreurs car de quelques manières que vous retourniez le problème une entreprise est une entité complexe. Humaine, en premier lieu, créative, en second lieu et à différent niveaux et enfin qui doit affronter en permanence les nombreuses lois d’un marché en perpétuel mouvement.

On peut donc vraiment avoir la certitude qu’un billet de loto est un morceau de papier mais en aucun cas les certitudes ne peuvent apparaître quand on essaie de déterminer la valeur d’une société…. »

 

3. Utilisez la valeur comptable des fonds propres comme point de départ pour tenter d’établir la valeur de l’entreprise. Et assurez-vous que l’endettement est inférieur à 100% des fonds propres.

« Voilà le terrain de chasse délimité, en deux phrases et aussi d’une certaine manière la fin de tout rêve quand il s’agit d’investissement dans la valeur. Les fonds propres d’une entreprise c’est la seule richesse des actionnaires, à un moment précis, le plus proche du dernier rapport financier, « No futur »… ! Et ensuite moins il y a d’endettement, moins il y aura de futures surprises … mauvaises bien entendu….. !

Nous pensons aussi que ces deux principes de sélection fondent les exigences d’un investisseur dans la valeur…..C’est basique une nouvelle fois, mais s’y tenir demande à notre avis une discipline au-dessus de la moyenne. »

 

4. Soyez patients. Les actions ne grimpent pas immédiatement.

« Quand on achète une action massacrée par le marché, il y a toujours une bonne raison. Cela, aucun investisseur dans la valeur ne peut le nier. Ce que recherche l’investisseur « value », c’est finalement les exagérations du marché et c’est donc dans l’exagération d’un massacre que l’on peut se créer une marge de sécurité par rapport à la valeur de la société. Il est évident que les problèmes rencontrés par la société peuvent mettre un certain temps à se résoudre. L’appel à la patience de Walter Schloss est à notre avis un « outil » psychologique que tout investisseur doit acquérir. »

 

5. N’achetez pas sur la foi d’informations spéculatives. Laissez les professionnels jouer à court terme, s’ils le peuvent. Ne vendez pas sur de mauvaises nouvelles.

« Autre « outil » psychologique à acquérir par l’investisseur dans la valeur que ce point 5 : se concentrer sur l’information qui a un rapport direct avec la société.

À l’achat, les informations spéculatives, c’est un peu comme croire au père Noël, vous prenez la chance de recevoir quelques bonbons dans la botte que vous avez mis devant la cheminée mais aussi le risque de découvrir que le père Noël, c’est juste une belle histoire et qu’il n’existe pas réellement.

Il y a donc d’emblée un déséquilibre évident entre ce que vous risquez de gagner et ce que vous risquez de perdre.

Ne pas vendre sur des mauvaises nouvelles, dans l’idée de Walter Schloss, selon notre lecture, c’est que si vous vous basez sur les actifs d’une société pour en acheter quelques parts, que vous possédez une marge de sécurité suffisante sur ces actifs, une mauvaise nouvelle comme, par exemple, une baisse du chiffre d’affaires, la perte d’un contrat ou des profits qui ont chuté de 30% supplémentaires, n’impacte pas nécessairement les actifs sur lesquels vous vous êtes basés pour acheter cette société. A partir de là, il n’y a pas à proprement parler de mauvaises nouvelles concernant les éléments précis qui vous ont amené à acheter cette société, pourquoi vendre alors ? »

 

6. N’ayez pas peur d’avoir raison contre les autres mais assurez-vous que votre jugement est correct. Vous ne pourrez jamais en être certain à 100% mais tentez de trouver les faiblesses de votre raisonnement.

« Il y a deux idées dans ce point 6 qui sont complémentaires, mais qu’il nous semble utile de dissocier car elles nous paraissent complexes.

Tout d’abord, « avoir raison contre les autres » est une idée qui flatte toujours l’ego d’un être humain et plus encore dans l’investissement . C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on trouve finalement dans ce monde « étrange » autant de « gourous » qui ont l’une ou l’autre « grosse » fois raison contre tout le monde sur un incident macro économique par exemple. Nous pensons qu’avoir raison contre les autres a du sens à la seule condition d’avoir eu comme fondement un raisonnement correct sur la valeur d’une société.

Pourquoi ? Tout simplement et premièrement parce que personne n’a raison contre les autres au départ d’un investissement : le point de départ étant un raisonnement correcte que ne pose pas nécessairement les autres investisseurs comme vous le posez.

Deuxièmement, il est possible, si vous partez d’un raisonnement correct basé sur des éléments tangibles de répéter ce raisonnement dans des cas de figures différents. Et c’est évidemment la chose la plus importante, le « pouvoir répéter » car il est impératif de parvenir à poser un raisonnement correct qui vous permet d’avoir raison contre les autres au moins 6 fois sur 10 pour espérer vous en sortir. On comprend alors aisément qu’avoir raison une ou deux fois sur une décennie est largement insuffisant.

La deuxième proposition de Walter Schloss est centrée sur le raisonnement et comme nous vous le disions un peu plus haut, au départ d’un investissement, il est impossible d’avoir raison contre les autres, impossible d’avoir des certitudes, du 100% certain.

Pourquoi ? Parce que dans toute analyse, il y a un cheminement qui repose sur des faits et ensuite il y a des hypothèses basées sur ces faits qui se réaliseront ou pas dans le futur. Il est donc important de classer les hypothèses en catégories. La catégorie avec de très grandes probabilités de réalisation et la catégorie avec des probabilités moyennes de réalisation.

C’est évidemment dans cette deuxième catégorie que se trouve la faiblesse possible de votre raisonnement. Avoir une idée claire des faiblesses de votre raisonnement vous permet très rapidement, lors d’une information sur la société voire lors d’une publication de résultat, de faire un diagnostic précis et de prendre les décisions qui s’imposent. Sans avoir repéré les faiblesses de votre raisonnement, vous ne pouvez même pas à notre avis, juger que votre raisonnement est correct. »

 

7. Ayez le courage de vos convictions une fois votre décision prise.

« Nous ne pensons pas que Walter Schloss parle ici de convictions basées sur l’intuition, les ragots financiers ou autres convictions qui n’auraient pas de rapport avec un raisonnement correct que nous venons de voir dans le point précédent.

Il évoque, à notre avis, la conviction d’avoir posé un jugement correct et d’avoir le courage de présenter éventuellement ce raisonnement point par point. Il parle en fait de l’impératif d’acquérir un niveau suffisant de confiance en soi.

Sans un degré suffisant de confiance en soi, ce sera monsieur le marché qui vous dictera votre manière d’investir, en tout temps, soit acheter au plus haut en pensant que cela ira encore plus haut et vendre au plus bas toujours en pensant que cela ira encore plus bas, ce qui est,évidemment, l’inverse de se qu’il faut faire. »

 

8. Ayez une philosophie d’investissement et tâchez de ne pas y déroger.

« Tout comme vous, sans doute, nous jugeons ce point évident, mais également d’une extrême difficulté à mettre en pratique.

Nous pensons qu’une philosophie ou une stratégie d’investissement cela s’écrit d’abord sur un bout de papier ou une feuille « Word ».

Il est d’abord nécessaire de définir les limites à partir desquelles une société mérite d’être analysée. Nous parlons ici de limites chiffrées, précises, permettant de faire un premier tri.
Il s’agit ensuite de fixer tous les paramètres financiers que vous jugez incontournables pour qu’une société vous semble digne d’achat. De nouveau, il nous semble obligatoire que cela soit chiffré et donc précis.

Il nous semble également important d’écrire noir sur blanc les différents pièges dans lesquels il ne faut pas tomber et qui seront à chaque fois vérifiés. Cette liste est bien évidemment non exhaustive et peut aussi être appelée « liste de stupidités » chère à Charlie Munger. A partir de cette base écrite, solide car chiffrée, peuvent commencer d’autres investigations moins quantifiables.

Ce qui nous semble le plus difficile, c’est qu’il faut savoir attendre que les sociétés et leurs paramètres économiques entrent dans votre grille puis, ensuite, que le prix proposé par Mr Market vous convienne.

Deux éléments difficiles à trouver dans des cycles économiques ascendants ou dans des cas d’euphorie boursière. Vos critères vous paraîtront inévitablement trop exigeants et c’est à ce moment là, que vous aurez le plus grand désir de participer à la fête en assouplissant vos critères de sélection alors, qu’en réalité, vous ne devriez strictement rien faire d’autre qu’attendre que se présente à nouveau des occasions !

C’est humain, très humain même, mais pour l’investisseur dans la valeur dont nous parlons ici, c’est une erreur ! Nous en discutons souvent dans l ‘équipe des « Daubasses selon Benjamin Graham » pour nous préparer mentalement le mieux possible à rester spectateurs des marchés pendant un certain temps si les occasions venaient à manquer. Nous avançons parfois les possibilités à venir de n’être investis que sur quelques occasions et d’avoir 80% de liquidité voir plus placées sur un compte à terme.

D’ici quelques jours, nous vous proposerons, cher lecteur, les 8 autres principes d’investissement de Walter Schloss qui forment, avec ceux que nous venons d’exposer, les 16 commandements de l’investisseur « deep value ».

 

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Portefeuille au 23 Octobre 2009 : 333 jours






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– Portefeuille : 42 566,15 €—(Frais de courtage et de change inclus)
Rendement Total : 163,32%
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Rendement Annualisé : 188,99%
Rendement 2009 : 173,41%
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Taux de Rotation Annualisé :
% Frais Annualisé :
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– Tracker ETF Lyxor MSCI World : 19 287,78 €—(Frais de courtage inclus et dividende réinvesti)
Rendement Total : 17,91%
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Rendement Annualisé : 19,79%
Rendement 2009 : 21,62%
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* Nous rappelons que ce portefeuille est un investissement réel
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Performance Mensuel du Portefeuille depuis sa Création

Les potes de la « Buffett Inc »

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Nous vous proposons, cher lecteur, la traduction libre d’un extrait de l’excellent livre de Janet LOWE qui retrace la vie de notre maître à penser : Benjamin Graham on Value Investing: Lessons from the Dean of Wall Street.

Ce passage nous a semblé intéressant parce qu’il démontre la formidable influence que les enseignements de Benjamin Graham ont eu sur les plus grands investisseurs « dans la valeur » du XXe siècle.

Au début de 1968, la bourse américaine déclinait et l’investisseur d’Omaha Warren Buffett, qui gérait près de 105 millions de dollars dans son partnership était déconcerté et inquiet car il ne parvenait pas à trouver de titres dignes d’achat. Pendant ses douze années d’existence, le partnership de Buffett avait réussi à générer un rendement annuel moyen de 29,5% et il souhaitait maintenir le rendement auquel s’attendaient ses partenaires.

 
« Le marché n’était pas très bon, » dit Walter Schloss, un gestionnaire de fonds à New York et ami de longue date de Buffett, et Warren décida qu’il fallait aller voir « Ben » et lui demander ce qu’il faut faire.

Le « Ben » était Benjamin Graham, qui pendant des décennies avait géré le fameux fonds d’investissement Graham-Newman, donné des cours de finance à Columbia et écrit les livres traitant de l’investissement parmi ceux qui ont connu le plus grand succès. Graham était le penseur et le philosophe le plus influent du XXe siècle en matière d’investissement. Il fut le mentor de Buffett et de dizaines d’autres maîtres américains de la finance. Graham s’était retiré et partageait son temps entre ses résidences en France et en Californie.

« J’ai appris que Ben était de retour au pays » explique Buffett. « Je l’ai appelé et lui ai dit : « Si je viens avec quelques étudiants, accepteriez-vous de nous rencontrer ? » Il répondit,  » Bien sûr. » J’ai appelé dix ou onze personnes et chacune d’elles a dit « oui ». » La date de la rencontre fut fixée au 26 janvier 1968.

La quête

 

Ceux qui firent le pèlerinage sur la côte ouest avaient déjà gagné la réputation d’investisseurs superstars. Il y avait là Walter Schloss, fondateur de Walter and Edwin Schloss Associates, Tom Knapp et Ed Anderson de Tweedy-Browne, Bill Ruane, patron de Ruane, Cunniff & Company et plus tard fondateur de Sequoia Fund, David « Sandy » Gottesman, patron de la firme d’investissement First Manhattan, Marshall Weinberg, courtier pour la firme new-yorkaise Gruntal & Company, Charles T. Munger, un avocat de Los Angeles et à l’époque partenaire informel de Buffett, Roy Tolles, un associé de Munger à Los Angeles, Henry Brandt, senior vice président de Shearson Lehman Hutton, les investisseurs new-yorkais Jack Alexander et Buddy Fox ainsi que l’un des associés de Buffett, William Scott.

Buffett explique que les membres du groupe étaient « modérément aisés ». « La plupart ont dépassé les 60 ans à présent et sont tous riches. Ils n’ont pas créé Federal Express ou ce genre de chose. Ils ont juste avancé en mettant un pied devant l’autre. Ben avait tracé la voie. C’était aussi simple que cela. »

A l’écoute du maître

Buffett écrivit un avertissement pour ceux qui participeraient. «… nous nous engageons dans une sorte de fertilisation croisée. Connaissant la propension de certains d’entre vous à faire de longs discours (et je sens que quelques doigts qui se pointent vers moi), je m’empresse de préciser que c’est lui l’abeille et que nous sommes les fleurs ! Quand je regarde la liste des destinataires de ce mémo, je sens qu’il y a un danger que ça dégénère en une vente aux enchères de marchands de tapis si nous ne nous imposons pas la discipline d’écouter ce que nous pouvons apprendre de Ben plutôt que d’en profiter pour l’informer de toutes les idées géniales que vous avez eu et dont il n’est pas au courant.»

Les pèlerins vinrent de différentes villes, certains se retrouvant d’abord à Las Vegas pour passer quelques jours au nouvel hôtel casino du Caesar’s Palace. Ils se rendirent ensuite à l’hôtel Del Corona de l’autre côté de la baie de San Diego, un élégant hôtel victorien qui avait servi de cadre au film « Certains l’aiment chaud » avec Tony Curtis, Jack Lemmon et Marilyn Monroe.

Ben avait réservé une chambre d’invité pour lui-même et une salle de réunion pour le groupe. Chaque matin, tout le monde se réunissait pour discuter des actions et des marchés financiers ; l’après-midi, on se relaxait à la plage.

Un investisseur parie sur le jeu de quelqu’un d’autre

« Il nous a donné un quiz, dit Buffett, un « quiz vrai ou faux ». Il y avait là tout des gars très intelligents. Il (Ben) nous avait prévenus que la moitié des bonnes réponses étaient « vraie » et l’autre moitié était « faux ». Il y avait 20 questions. La plupart d’entre nous avons obtenu moins de 10. Si nous les avions marquées toutes « vraies » ou toutes « fausses », nous aurions obtenu 10 ! »

Graham avait établi lui-même ce petit examen historique qui nous apparu trompeusement simple, explique Buffett. « C’était pour illustrer un point, que le gars intelligent truquait le jeu. On était en 1968 à l’époque où toutes ces fantaisies comptables étaient employées. Vous pensiez pouvoir en profiter mais le questionnaire avait justement démontré que si vous essayez de jouer à la place de votre adversaire, ce n’est pas si facile. »

« Je me souviens que Roy Tolles obtint le meilleur score » dit Buffett en ricanant. « On avait passé du bon temps. Alors on décida d’en faire une tradition.»

Une tradition est née

C’était la première d’une célèbre série de réunions, entre des vieux copains de Wall Street.

Le groupe qui rencontra Ben Graham – connu aujourd’hui sous le nom informel de Buffett Inc. – se rencontra d’abord une fois par an. Ensuite, le cercle de Buffett décida de se rencontrer tous les deux ans dans des endroits luxueux comme Laurel Point Inn à Victoria en Colombie Britannique, Bishop’s Lodge à Santa Fe au Nouveau-Mexique ou Williamsburg Inn en Virginie. Le club a grandi en incorporant une soixantaine d’autres amis proches Buffett avec, entre autres, la directrice du Washington Post, Katharine Graham, l’ancien président de Coca-Cola, Donald R. Keough, le patron de CBS, Laurence Tisch, et le fondateur de Microsoft et deuxième homme le plus riche des États-Unis, Bill Gates.

« En 1983, nous avions réservé les deux ponts supérieurs du Queen Elizabeth II, » se rappelle Schloss. « Il a plu tout le temps et nous n’avons pas été sur les ponts.»

L’année qui suivit le voyage pour aller entendre Ben, Buffett liquida le Buffett Partnership, dans l’attente du déclin du marché et pouvoir acquérir à bon prix un nouveau portefeuille. Trois ans plus tard, Wall Street subissait l’effondrement de 1973-1974.

Buffett et ses amis étaient allés demander conseil à Ben Graham en Californie pour deux raisons simples : Graham en savait plus sur les actions et les obligations que quiconque et ils avaient confiance en lui.

La sagesse de l’investissement « value »

Sous la tutelle de Graham, ce remarquable groupe de gestionnaires de fonds est parvenu à comprendre les fondamentaux de l’investisseme
nt « value ». … Les investisseurs « dans la valeur » ignorent les fluctuations des cours des actions individuelles ainsi que du marché dans son ensemble. Les cycles du marché sont pour eux de petites conséquences sauf que les marchés haussiers rendent les bonnes affaires plus difficiles à trouver et les marchés baissiers les rendent très nombreuses. Graham a été un pionnier dans le développement des techniques de hedging et dans la découverte des possibilités d’arbitrage mais ces activités sophistiquées étaient aussi fondées sur la connaissance des prix auxquels une action peut être vendue ou achetée.

Question (ou plutôt réflexion) de lecteurs

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De temps à autre, certains lecteurs nous font la réflexion suivante : « Vous avez certes un rendement époustoufflant mais vous avez eu la « chance » de commencer votre portefeuille dans un « creux du marché ».

Bien évidemment nos lecteurs assidus savent déjà ce que nous pensons du « timing de marché ».

Nous allons cependant illuster cette théorie au moyen d’un exemple simple : celui de notre portefeuille.

Tout d’abord nous n’avons pas choisi le moment où nous allions investir. Nous avons choisi d’investir dans des sociétés sous évaluées et il se fait que le marché fourmillait d’occasions au moment où nous avons démarré. C’est d’ailleurs le raisonnement que nous tenions à l’époque : nous n’avons pas écrit  » la bourse est au plus bas : c’est le moment d’investir » mais bien « Aujourd’hui, il semble que ces opportunités disparues fassent leur réapparition. C’est sur base de ce constat que notre club a été fondé« .

Ensuite, nous n’avons pas investi « au plus bas du marché » à proprement parler : le portefeuille a démarré le 24 Novembre 2008. A ce moment, le marché représenté par le S&P 500 est à 851.81 points. Le fort de cette crise (en terme boursier) se situera en fait le 9 mars 2009 à 676 points. Soit 21% plus bas que le 24 novembre 2008 … et à ce moment-là le portefeuille affichait déjà +17.71%.

Cet exemple exprime de manière lumineuse l’absurdité de toujours attendre le creux, le plus bas des marchés quand on investit dans des sociétés car si nous avions attendu le creux et que nous avions eu la science infuse de savoir que ce creux aurait pour date le 9 mars 2009 : nous aurions donc pu, avec fierté et en bombant la poitrine, vous annoncer que c’est au plus bas des marchés que nous avons investi … mais nous aurions payé le même portefeuille « Daubasses » 17% plus cher !
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