Forbes Medi Tech : une liquidation qui « ne tourne pas » à l’avantage des actionnaires …

 

Comme vous le savez, cher lecteur, la valeur de mise en liquidation volontaire constitue, pour nous, la valeur que, dans notre esprit, nous sommes certains d’encaisser lorsque nous achetons une action.

A tel point qu’il nous arrive de souhaiter que la direction mette en liquidation  certaines des sociétés que nous détenons.

C’est d’ailleurs dans cet optique que nous avions acheté, le 17 novembre 2009, Forbes Medi Tech (daubasse masquée n° 4 dans la situation du portefeuille du 16 juillet)   au prix de revient, frais de courtage inclus, de 0,386 usd.

Il s’agit d’une société canadienne, créée en 1985.   A l’origine une compagnie de prospection minière, elle a changé d’orientation en 1992 et s’est lancée dans la recherche pharmaceutique.  En 2008, la société a décidé d’arrêter de développer ses propres médicaments et de se concentrer sur la nutraceutique.

Son produit-phare, le Reducol, qui permet de réduire le cholestérol de façon naturelle.  Il peut servir d’ingrédient dans divers produits alimentaires comme les yaourts, les fromages, le lait ou la margarine.

Forbes Medi Tech est un « gouffre à fric » : elle n’a jamais fait que générer des pertes, en tout cas au cours de ces 10 dernières années et rien n’indique qu’elle parviendra à générer des profits un jour.

Pourquoi avions-nous donc effectué cet investissement ?  Et bien justement parce que nous espérions sa mise en liquidation.  En effet,  dans les rapports financiers de la société, nous apprenions que la direction envisageait, ni plus ni moins que la mise en liquidation de la société si elle ne parvenait pas à nouer un partenariat stratégique. 

A l’époque, sur base du rapport trimestriel arrêté au 30/09, nous avions calculé la Valeur de Mise en Liquidation Volontaire à 0,52 usd.  Cependant, nous avions aussi relevé deux points, selon nous, essentiels :

–          parmi les clients de Forbes, on trouve Albert Heijne, Auchan, Tesco ou le principal producteur laitier d’Uruguay

–          au cours des 5 derniers exercices, la société a dépensé pour 4,3 usd par action en frais de recherche et développement

Nous n’avions évidement aucune certitude mais nous pensions tout de même que ces actifs intangibles, c’est-à-dire le réseau de clients et le savoir faire induit par ces frais de R&D ”valaient quelque chose”.

Lors des comptes arrêtés au 31/03/2010, les pertes de la société ont entraîné une fonte de la VMLV à un montant de 0,15 usd … et nous avons pourtant décidé de conserver l’action parce que nous avions toujours une conviction raisonnable que les « intangibles » de la société avaient une « valeur ».

Hélas, inconscients et vaniteux que nous avons été sur ce coup-là.

Le 13 juillet, nous apprenions que la direction mettait la société en liquidation. YOUPIE ! … mais que le produit de cette liquidation tournerait entre 0,08 et 0,13 cad 🙁

A cette annonce, le cours de l’action, qui avait logiquement connu une lente érosion depuis notre achat, s’est effondré à 0,08 usd.  Ce cours se situant dans le bas de la fourchette annoncée par la direction, nous avons décidé de « laisser traîner » un ordre de vente à 0,10 usd.

Le 20 juillet, le cours de l’action atteignait miraculeusement ces 0,10 usd et notre vente était exécutée … à contre temps ici aussi car le lendemain, nous apprenions que « les loups sortaient du bois » et qu’un concurrent se montrait intéressé par cette foutue daubasse et qu’il était susceptible de payer sensiblement plus que le prix annoncé par la direction.

Enfin, ce 29 juillet, la direction annonce que la société Pharmachem est intéressée par les actifs de Forbes et que suite à cela, il devrait revenir aux actionnaires entre 0,14 et 0,19 cad par action, soit aux alentours de notre dernière VLMV !

Sur cette opération, nous avons perdu plus de 70 % de notre investissement initial … mais nous nous sentons malgré tout plus riches en expérience.  Ce que nous en retenons :

1. Il faut se méfier des sociétés qui n’ont jamais été capables, sur les 10 années, de présenter ne fut-ce qu’une seule année bénéficiaire.  Parce que, dans ce cas, des actifs n’ayant jamais été rentables … ont peu de chance d’intéresser réellement un repreneur.  Notons cependant que certains de nos multiples baggers ne présentaient pas nécessairement beaucoup de profits même sur une longue période écoulée.  Nous pensons donc qu’il faut se méfier, prendre des marges de sécurité supérieures mais pas nécessairement écarter ce genre de sociétés de manière systématique.

2. L’investisseur « deep value » doit toujours disposer d’un collatéral tangible en garantie de son investissement.  Nous avons fait une entorse à cette règle en imaginant des « intangibles » conséquents.  Pourtant, si nous l’avions appliquée, nous aurions vendu plus tôt et réduit nos pertes.  Peut-être avons-nous commis là un petit péché de vanité … ou, à tout le moins, nous sommes-nous égarés dans le monde merveilleux des rêves au lieu de rester dans le monde réel comme nous le préconisons pourtant à longueur de blog.

3. L’investisseur « deep value » ne vend pas si le collatéral tangible est significativement plus élevé que le cours de bourse : nous avions évalué, assez justement, la VMLV après le 1er trimestre 2010 à 0,15 usd … et nous vendons 30 % plus bas à 0,10 usd.  A noter que l’offre de Pharmachem se situe justement aux alentours de cette valeur à casser ainsi d’ailleurs que le cours actuel.

En résumé, si nous pensons que notre achat dans cette société se justifiait bien, nous ne pouvons que constater que, par la suite, nous n’avons pas appliqué strictement nos propres principes : nous avons conservé l’action au dessus de la valeur de ses actifs tangibles et ensuite, l’avons vendue sous cette valeur.  Une magnifique double entorse à nos principes !

Nous avons malgré tout également  une confirmation : la diversification reste une vertu mais nous reviendrons sur ce point dans un prochain article.

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