Bas les masques : Conn’s

Cela faisait longtemps, cher(e) lecteur(trice) que nous n’avions plus démasqué de lignes de notre portefeuille. Nous vous proposons donc de dévoiler une des sociétés de notre portefeuille, société dont le cours actuel représente environ le double (+100% !) de notre coût d’acquisition il y a moins d’un an.

Cet achat provient d’une démarche un peu particulière que nous vous avions exposée sur notre blog : l’émission d’option put.

Le 24 juin 2010, nous avions émis des options put sur l’action Conn’s à un prix d’exercice de 5 usd échéance janvier 2011. Pour ces options, nous avons encaissé, après déduction des frais, 0,60 usd par option. 

Notre raisonnement était le suivant : si, à l’échéance, le cours de l’action était supérieur à 5 usd, nous aurons généré pour nos liquidités un rendement brut de 12 % en 7 mois (0,60/5). Si le cours de l’action se situait sous les 5 usd, nous étions alors obligé d’acheter les actions au cours de 5 usd.  Ce qui amènerait notre prix de revient à 4,40 usd (5 usd – 0,60 usd de prime encaissée) … et c’est ce qui s’est passé : le 18 janvier 2011, le cours de la société se situait à 4,46 usd et nous avons donc été contraints de payer 5 usd pour acquérir nos actions. Il s’agit de la société n°17 dans la situation du portefeuille au 21 octobre.

Avons-nous sombré dans les affres et les angoisses ?

Absolument pas.  Tout simplement parce que nous avions la conviction que la société valait bien plus que ces fameux 4,40 usd décaissés. 

Nous vous expliquons pourquoi dans l’analyse ci-dessous qui est, en réalité, le simple « copié-collé » de l’analyse que nous avions mis à disposition de nos abonnés à l’époque.

Conn’s Inc

Conn’s a été fondée en 1890. Il s’agit d’une chaîne de magasins de détail spécialisés en « électronique grand public ». La société commercialise 3 000 références différentes essentiellement des téléviseurs, appareils photos, PC, blu- ray, DVD, GPS et home-cinema mais aussi électro ménager (réfrigérateurs, lave-vaisselle, cuisinière, …), du mobilier et du matériel de jardinage (comme des tondeuses à gazon). L’entreprise commercialise la plupart des grandes marques du domaine.

 

Fin 2009, son réseau se composait de 76 magasins, ce qui en fait un acteur relativement modeste dans son segment.

La société réalise une bonne partie de ses ventes à crédit et notamment au travers de deux programmes de crédit : un portefeuille de crédit principal reprenant les débiteurs ordinaires et un portefeuille de crédit secondaire reprenant les débiteurs « à risque » bénéficiant de conditions financières moins intéressantes. Cette activité de crédit semble importante pour Conn’s en terme de fidélisation de la clientèle.

La société commercialise aussi des « assurance solde restant dû » sur ces crédits.

En cas d’exercice, le prix de revient de nos actions Conn’s sera donc de 4,40 usd ( 5 usd – 0,60 usd). Nous travaillons avec les comptes arrêtés au 30/04/2010.

 

I.                   La Valeur d’Actif Net Net (VANN)

Un rappel technique sur cette notion ici

Nous avons acquis un actif courant de 35,67 usd essentiellement composé de créances (les en cours de financement aux clients) pour 29,16 usd. Nous avons déduit les dettes pour 24,61 euros ainsi que 0,105 usd en raison d’un ralentissement dans la rotation des stocks. La VANN s’établit donc à 10,96 usd par action et, à notre hypothétique coût d’achat de 4,40 usd, notre marge de sécurité s’établirait à 60 %.

 

II.                 La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)

Un rappel technique sur cette notion ici

Nous constatons que la société est propriétaire d’immeubles acquis pour un montant de 0,79 usd. Nous prenons notre traditionnelle marge de sécurité de 20 % sur cette valeur et l’ajoutons à la VANN : nous obtenons une VANE de 11,59 usd par action.

 

III.              La Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV)

Un rappel technique sur cette notion ici et ici

Nous revenons d’abord sur l’actif courant et tout d’abord sur le principal poste du bilan : les créances qui représentent 75 % de l’actif de la société.

Avec un tel poids dans la valeur de la société, il est important de se pencher sur son degré de recouvrabilité. D’abord, nous constatons que la direction a d’ores et déjà acté des réductions de valeur équivalentes à 5 % de leur montant brut.

Or, nous constatons qu’au cours des trois derniers exercices comptables, Conn’s a supporté des pertes réelles sur créances de respectivement 2,9 %, 3,2 %, et 3,9 % soit largement sous les 5 % actuellement provisionnés.  La valeur de l’encours tel que présentée dans les comptes nous semble donc refléter la réalité et ce, de manière prudente. 

Néanmoins, comme nous aimons les bonnes surprises, nous allons considérer que la perte potentielle sur l’en cours actuel représente le double de ce qu’elle a été au cours de l’année 2009 soit 7,8 %.  Nous allons donc, sur le total des créances inscrites au bilan, acter une marge de sécurité supplémentaire de 2,8 % (7,8 – 5).  Cette marge de sécurité sera donc de 0,82 usd par action.

Parmi les autres postes de l’actif courant,  nous relevons le stock qui représente 71 jours de vente.  Si nous pouvons comprendre la nécessité de présenter une large gamme de produits pour satisfaire au mieux la clientèle, l’importance de ce montant, son évolution à la hausse et le fait que certains de ces articles pourraient être soumis à une vétusté rapide nous incite à prendre une marge complémentaire de 20 % par rapport à sa valeur aux livres, soit 0,79 usd.

Nous ne tenons pas compte non plus, dans une optique de mise en liquidation, des impôts différés et amputons donc la VANE de 0,68 usd supplémentaire. 

Mis à part les immeubles, nous décidons de ne pas tenir compte des autres actifs fixes : l’essentiel consiste en aménagements des locaux loués, aménagement qui ne « vaudraient plus tripette » en cas de liquidation.

Malgré son activité de financement complexe, la société n’a que très peu d’engagement hors bilan : la société indique bien une estimation du coût futur des garanties octroyées sur les produits vendus et, depuis le 30/04, les dettes portant sur les  créances qui ont été titrisées apparaissent bien au passif.  On a donc une bonne idée de l’importance du risque sur l’ensemble des créances et des engagements de la société sur les créances qui ont été cédées.  Nous notons tout de même les loyers à payer sur les baux restant à courir qui représentent tout de même 6,82 euros.  Nous décidons de considérer qu’en cas de mise en liquidation, Conn’s devrait s’acquitter de 75 % de ce montant soit 5,12 usd.

Compte tenu de ce qui précède, nous établissons donc la VMLV de Conn’s à 4,18 usd, soit un peu en dessous de notre coût éventuel d’achat.

 

IV.             La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)

Un rappel technique de cette notion ici et ici

Conn’s est active dans un secteur très concurrentiel et ne semble pas présenter une taille suffisante pour se construire un solide avantage compétitif.

Son point fort nous semble être le fait qu’elle soit capable de proposer du crédit à ses clients et notamment aux moins solvables tout en présentant un historique de recouvrement très honorable malgré les risques apparents qui ont été pris. L’avantage est mince, nous en convenons, mais il témoigne néanmoins d’un certain savoir-faire.

Contrairement aux autres sociétés que nous évaluons, nous décidons de déterminer la VCB de Conn’s non pas en fonction de son résultat d’exploitation mais bien de son résultat net : en effet, une bonne partie de ses recettes proviennent des intérêts encaissés sur les financements octroyés, financements qui ont pu être réalisé au prix d’un endettement financier certain. Il  nous semble donc important de tenir compte des charges de dettes dans notre évaluation.

Au cours des 5 derniers exercices, la société a réalisé un résultat net moyen de 1,38 usd par action. Nous pensons qu’il sera difficile de réitérer dans le futur une telle rentabilité notamment en raison du resserrement du crédit aux US et probablement aussi d’un moins grand appétit à consommer des ménages. Nous tablons donc sur un résultat moyen amputé de 25 % pour les années à venir, soit 1,04 usd. Nous actualisons ce montant à 12 % et obtenons une VCB de 8,67 usd.

 

 

V.               Conclusions

A notre coût hypothétique d’achat de 4,4 usd, nous obtiendrions une marge de sécurité de :

         60 % sur la VANN

         62 % sur la VANE

         49 % sur la VCB

Comme quelques autres sociétés tirant une partie de leurs revenus d’activités de financement (par exemple Blue Green que nous détenons en portefeuille), la société nous semble fortement sous-évaluée comme si le marché anticipait des pertes pour 10 ou 20 % des prêts octroyés. Pour notre part, ces perspectives nous semblent particulièrement pessimistes et nous avons le sentiment qu’en achetant  Conn’s, nous disposons justement d’un important collatéral sous forme de créances diverses et variées en garantie de notre investissement.

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