La société que nous vous présentons dans ce « bas les masques » n’a, en réalité, pas été achetée pour notre portefeuille mais nous l’avions proposée à nos abonnés dans la lettre du mois de novembre à titre d’idée d’investissement.
Ceux d’entre eux qui sont passés à l’achat n’en ont d’ailleurs pas eu à se mordre les doigts (contrairement à nous qui, « après coup », ne pouvons que regretter notre passivité). En effet, il était possible de réaliser, au travers d’un investissement dans ce titre, une plus-value de plus de 65 % en 4 mois.
Vous trouverez ci-dessous l’analyse de cette société – il s’agit de HKScan – telle qu’elle avait été proposée à l’époque à nos abonnés ainsi que, les « news de suivi » qui avait émaillé les différentes lettres mensuelles.
Excellente lecture !
HKScan Corporation
(Nasdaq OMX Nordic, Ticker: HKSAV / ISIN : FI0009006308)
*** Eligible PEA ***
I. Introduction
HKScan Corporation est une société finlandaise qui emploie 7 700 personnes. La société localisée à Turku depuis 1975 est active dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire. Plus pré-cisément, elle produit et commercialise de la viande de porc, de boeuf, de volaille et des produits transformés à destination des particuliers (grande distribution), des restaurants et hôtels, ainsi que du secteur industriel et pour l’exportation. Elle a généré en 2013 un chiffre d’affaires supérieur à 2 milliards d’euros.
Le business est divisé en cinq secteurs (données en % au 30 juin 2014) :
– la Finlande (38%), qui exploite des marques HK et Karinen ;
– la Suède (44), qui exploite les marques Scan and Parsons ;
– le Danemark (10%), qui exploite la marque Rose ;
– les pays baltes (8%), qui exploitent les marques Rakvere et Tallegg ;
– la Pologne, qui exploite la marque Sokolow
Les activités de la société en Finlande, Suède, Danemark et aux pays baltes sont réalisées au travers de filiales en propriété exclusive, alors que le segment d’affaires de la Pologne se compose de 50% de détention indirecte de la Société dans Sokolow SA.
Ce qui nous a mis HKScan dans le viseur s’explique par la valorisation de la société au plus bas depuis plus de 10 ans, alors que les bénéfices sont toujours au rendez-vous. Également, hormis la Pologne qui connaît une forte croissance depuis de nombreuses années, le groupe est exposé au marché scandinave. Une zone géographique du monde qui « marche bien ». Le cours a récemment souffert de plusieurs éléments. D’abord une demande plutôt faible en volume dans la distribution qui a été accentuée par les restrictions à l’exportation vers la Russie. Avec pour conséquences des résultats dans le rouge, sauvés par la cession de la filiale Sokolow en juin.
La présente analyse a été effectuée avec les chiffres des comptes semestriels arrêtés au 30 juin 2014. Le cours de référence de la présente analyse est le cours de clôture du mercredi 31 octobre 2014, soit 3,39 EUR.
II. La Valeur d’Actif Net Net (VANN)
La société possède un actif courant d’une valeur de 5,38 EUR par action et l’ensemble des dettes représente 8,33 EUR. La valeur d’actif net-net est donc négative à -2,95 EUR par action.
III. La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)
La société détient des terrains, des biens immobiliers industriels et tertiaires acquis historiquement pour un coût de 493,0 M EUR. Ces actifs sont déjà amortis pour moitié, et sachant que les bâtiments sont amortis entre 25 et 50 ans et au vu de l’ancienneté de la société (1975), nous pensons que notre valorisation est conservatrice.
Ces sites, terrains et bâtiments, acquis pour un montant de 493,0 M EUR représentent 8,96 EUR par action. Nous prenons une marge de sécurité de 20% sur ce montant (soit 7,17 EUR), y ajoutons la VANN et obtenons une VANE de 4,22 EUR par action.
IV. La Valeur de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV)
Dans cette évaluation, nous essayons d’estimer la valeur de la société si elle était mise volontairement en liquidation. C’est-à-dire dans une position confortable de réalisation de l’ensemble de ses actifs.
Nous commençons par les actifs les plus liquides : les actifs courants.
En premier lieu, les créances clients. Elles sont inscrites au bilan pour une valeur de 2,59 EUR par action. La société a été payée en moyenne à 30 jours sur les 3 dernières années et à 27 jours sur le dernier exercice. Ce sont des paiements relativement rapides. Nous décidons donc de prendre une marge limitée de 10% sur ce montant et nous obtenons une valeur pour ces créances de 2,33 EUR.
Passons aux stocks. Ils sont comptabilisés pour une valeur de 2,56 EUR par action dans les comptes. La rotation moyenne des stocks sur les 3 dernières années a été de 36 jours et de 30 jours pour le dernier exercice. Autant dire : très court. Ce qui est plutôt bon signe pour des produits périssables comme la viande et les produits agroalimentaires en général. Au 30 juin 2014, la moitié des stocks est constituée de matières premières brute, et l’autre moitié de pro-duits finis ou semi-finis. Les stocks sont la plupart du temps conservés congelés. Nous pensons que le risque sur ce stock est relativement faible, la filière étant courte, et prenons une marge de sécurité de 20%. Ainsi, la valeur définitive retenue pour ces stocks est de 2,05 EUR par action.
Enfin, le dernier élément de l’actif courant, la trésorerie et les équivalents de trésorerie, correspondant à un montant par action de 0,24 EUR. Nous reprenons ce montant tel quel.
Nous pouvons passer aux actifs non courants. Comme nous l’avons vu plus haut dans le calcul de la VANE, la société possède de l’immobilier et du foncier. En prenant une marge de sécurité de 20% sur les valeurs historiques d’acquisition, nous obtenions un montant de 7,17 EUR par action.
En ce qui concerne les machines, équipements et le mobilier acquis pour une valeur de 13,06 EUR par action, ils sont amortis à plus de 70%. Le Groupe semble être opérationnel avec ses outils actuels de production, mais il nous est impossible d’en estimer une valeur certaine. Aussi, arbitrairement, nous prenons la décision de reprendre 10% de la valeur amortie de ces immobilisations (ce qui correspond à une marge de sécurité de 90%), soit 0,42 EUR par action.
Nous constatons la présence de nombreux intangibles dans les comptes, qui s’explique par l’histoire d’acquisition de la société. Nous retrouvons donc des Goodwill – ou encore « Survaleurs » dans la littérature francophone – mais aussi des droits de propriété intellectuelle et des dépenses de R&D qui sont immobilisées au bilan. Ces actifs intangibles représentent 2,68 EUR par action. Comme à notre habitude, dans notre approche patrimoniale basée sur la matérialité des actifs, nous allons considérer que ces intangibles ont une valeur nulle.
Le Groupe HKScan détient également des participations dans de nombreuses sociétés sur tous les territoires où il est actif : Finlande, Suède, Danemark et Allemagne. Ces participations sont comptabilisées dans les comptes à la valeur d’acquisition historique déduite des dividendes reçus, augmentées des bénéfices cumulés. Ces participations représentent 0,74 EUR par action et il est difficile pour nous de dire si cette valeur est prudente. Par conservatisme, nous coupons la poire en deux, et prenons une marge de sécurité de 50% en retenant 0,37 EUR par action.
Enfin, nous terminons sur les actifs de long terme avec « les autres actifs non courants ». Nous n’avons aucun détail sur cet élément du bilan dans le rapport semestriel. Par prudence, nous décidons de ne prendre que 30% de ce montant (ou encore une marge de sécurité de 70%) et considérons donc un montant de 0,19 EUR par action.
Le total du passif (le total de ce que doit la société) représente 8,33 EUR par action.
En hors bilan, nous prenons note d’un potentiel risque judiciaire lié à la faillite de la société Oy Primula Ab. La plainte porte sur un montant maximal de 16,3 M EUR. HKScan n’a provisionné aucun montant, car elle estime l’action en justice sans fondements. Par prudence, nous allons retrancher l’entièreté de ce montant dans notre calcul, soit -0,33 EUR par action.
Nous constatons également l’existence de leases pour les bâtiments que HKScan utilise pour un montant résiduel de 43 M EUR. Nous reprenons ses engagements pour un montant réduit de moitié, du fait de leur potentielle négociabilité dans le cadre d’une mise en liquidation volontaire de l’entreprise, soit -0,39 EUR par action
Nous n’avons pas trouvé d’autres éléments d’engagements hors-bilan, tels que des plans d’attributions d’actions ou d’option.
Pour résumer, en cas de mise en liquidation volontaire de la société, nous obtenons la valeur suivante (en EUR par action) :
Actif courant:
+ Créances clients : 2,33
+ Stock : 2,05
+ Trésorerie et équivalents : 0,24
Actif immobilisé:
+ Immeubles et terrains : 7,17
+ Equipements et matériels : 0,42
+ Intangibles : 0
+ Participations : 0,37
+ Autres actifs non courants : 0,19
Passif:
– Total passif : -8,33
Hors-bilan:
– Risque judiciaire : -0,33
– Leases : -0,39
Ce qui nous donne donc une VMLV de 3,72 EUR par action.
V. La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)
Sur les 5 derniers exercices, la société a généré des résultats opérationnels positifs sur chaque exercice, d’un niveau annuel moyen de 43,3 M EUR annuel. Ainsi, après prise en compte d’une imposition forfaitaire de 35%, d’un taux d’actualisation de 12%, nous obtenons une valeur de 4,26 EUR par action à laquelle nous ajoutons la trésorerie nette (qui est en fait une dette nette, car la dette bancaire dépasse largement la trésorerie de l’entreprise) pour -3,39 EUR et nous obtenons une VCB de 0,87 EUR.
VI. Conclusions
Au cours actuel de 3,39 EUR, il est possible d’obtenir une décote de :
– 20% sur la VANE
– 9% sur la VMLV
Le potentiel sur la Valeur d’Actif Net Tangible (VANT = 5,37 EUR) est de : +58%
Notre calcul de solvabilité maison ressort à : 50%.
Ratio technologique = 28%, ce qui signifie que les dépenses en recherche et développement des cinq dernières années représentent 28% de la valeur boursière actuelle de la société.
Aujourd’hui, les décotes ne sont pas assez importantes pour que passions à l’achat sur le titre. Nous le gardons néanmoins dans le viseur, car nous estimons que le business est pérenne tout en étant rentable et qu’il serait peut être possible dans un marché plus volatil de pouvoir garnir notre panier. Surtout que la société est encore en pleine expansion sur son coeur de métier et dans ses zones géographiques de prédilection.
La société croit énormément dans la filière volaille qui est un secteur en forte croissance en Finlande (20 kg consommés par habitant en 2013). Elle envisage un gros investissement dans le pays, entre 35 et 65 M EUR, pour augmenter sa production, rationaliser, et développer de nouveaux produits. La croissance passera également par le marché baltique, avec un agrandissement du site estonien de Rakvere pour un investissement d’environ 20 M EUR concernant l’abattage et le découpe de boeuf et de porc, une usine de transformation de la viande et un centre logistique pour toutes les opérations estoniennes du Groupe.
Si nous pouvions obtenir un rabais suffisamment important, au moins 30% de marge de sécurité sur la VANE, nous réfléchirions fortement à l’opportunité de saisir une société nordique d’une qualité vraisemblablement élevée.
Mais après tout, si c’est à un prix Daubasse, nous nous moquons bien de savoir si qualité il y a, la marge de sécurité nous apportant une protection confortable contre tout mauvais jugement positif subjectif. C’est la force de l’approche Daubasse.
Enfin, pour les intéressés, à noter que la société étant finlandaise, le titre est éligible au PEA et distribue par ailleurs un dividende depuis plus de 10 ans. Le précèdent dividende (distribué en 2014 au titre des résultats de 2013) de 0,10 EUR procure un rendement brut de 2,95%.
NEWS DE SUIVI
2014 Décembre
Si, sur le 3ème trimestre, l’activité accuse une baisse de -5,5%, la marge opérationnelle progresse quelque peu à 1,5% et permet de dégager un EBIT de 7,3 M EUR, comparé à 7,0 M EUR sur la même période de l’exercice précédent.
Au niveau de la structure patrimoniale, la VANT ressort à 5,47 EUR par action, la solvabilité reste de bonne facture à 51% et le ratio VANE est de 0,82. Encore trop élevé pour répondre à notre critère de marge de sécurité au minimum de 30% et envisager un achat.
Les deux principaux investissements dont nous vous parlions dans l’analyse (cfr lettre d’octobre) suivent leurs cours (Finlande et Estonie). C’est pour cette raison que la société a procédé en début de mois à une émission obligataire de 100 M EUR à un taux annuel fixe de 3,625%.
2015 Janvier
Dans un souci de « rationaliser les opérations, se concentrer sur le coeur de métier, d’améliorer la productivité et de simplifier et clarifier la structure du Groupe », le PDG Hannu Kottonen a annoncé la vente de l’activité « oeuf » en Estonie (6,7 M EUR de CA) via son entreprise Oü Koks Munatootmine, en la cédant au danois Danish Dava Foods Holding A/S.
La société indique, par la même occasion, avoir réalisé une opération pour devenir un actionnaire minoritaire auprès d’une écloserie finlandaise. Par ailleurs, elle prévoit de nouveaux investissements dans une nouvelle unité de production en Finlande pour se développer dans le secteur de la volaille, l’une des priorités du Groupe afin de renforcer son leadership dans la protéine animale en Scandinavie.
2015 Février
Comme annoncé le mois dernier, le Groupe a restructuré son activité au Danemark. Résultat des courses, les effectifs sont réduits de 88 salariés. L’ensemble des coûts de rationalisation et de modernisation de l’outil industriel s’élèvent à 1,6 M EUR, et sont déjà comptabilisés sur le quatrième trimestre 2014, pour un gain estimé en année pleine de 5 M EUR. Les effets positifs devraient commencer à porter leurs fruits dès le second trimestre 2015.
2015 Mars
Le groupe agro-alimentaire finlandais délivre de bons résultats 2014. Malgré une activité en baisse de 6% par rapport à 2013, les restructurations opérationnelles coûteuses ont fini par payer. L’EBIT est multiplié par près de 5 à 55,5 M EUR. Et, double cerise sur le gâteau : 1) le management propose un dividende de 0,10 EUR par action, identique à l’exercice 2013, auquel il ajoute un dividende exceptionnel de 0,39 EUR. Et 2) pour 2015, l’équipe de direction prévoit encore une amélioration des bénéfices.
Pas de surprises, le titre a profité de ces bonnes nouvelles pour progresser de plus de +40% sur le mois de février.
La VANT au 31 décembre 2014 ressort à 5,47 EUR, au-delà du cours actuel de 5,65 EUR. Soit un gain de +67% en 4 mois depuis la publication de notre analyse dans la lettre de novembre 2014, qui prenait comme cours de référence le cours de clôture du 31 octobre, soit 3,39 EUR.
Le titre ayant dépassé sa VANT et donc l’objectif de vente théorique, nous décidons de ne plus suivre la valeur.
Bonjour à toute l’équipe,
Dans votre analyse, vous ne faites pas référence au critère de capitalisation qui est l’un de vos critères de sélection (Cap. boursière > 5M€). Utilisez-vous toujours ce critère de sélection ?
Merci par avance pour votre réponse
Bonjour Boss,
Contrairement à la marge de sécurité ou la solvabilité qui sont des éléments « non négociables » de notre démarche, la capitalisation boursière n’est pas un élément d’exclusion en tant que telle. Nous supposons que vous faites référence à cet article .
Nous y avons écrit : « Seul bémol par rapport à la limite posée par notre abonné : ce n’est pas à partir de 10 millions de CB que nous nous méfierions mais plutôt à partir de 5 millions. »
Ce qui signifie qu’une société dont la capitalisation boursière est inférieure à ces fameux 5 mio se verra soumise à un examen particulier en terme de gouvernance, de qualité de l’information financière et de respect des actionnaires minoritaire et pourrait, moyennant consensus au sein de l’équipe, être achetée si nous pensons que « le jeu en vaut la chandelle ».
Merci pour cette réponse très complète.
bien l’bonjour,
dites moi : quelle aurait été votre position sous l’angle d’une analyse « RAPP » de cette société rentable et pas trop chère à l’époque?
(et… pas de regret : il vaut mieux rater une bonne affaire que d’en faire une mauvaise!)
merci!
Voilà une bonne réflexion … qui ne nous laisse réellement aucun regret : même si nous avions « découvert » les RAPP à l’époque, nous n’aurions pas pu acquérir HKScan dans ce cadre car la société ne présentait pas une rentabilité suffisamment élevée, du moins sur base de notre propre modèle de calcul.
voilà la réponse que j’attendais! ^^
au moins (même si un cas isolé n’est pas suffisant pour tirer des conclusions), on peut imaginer que c’est une bonne mise à l’épreuve de votre process RAPP!
(et du respect, encore une fois, de votre process…)