Bas les masques – Bonheur ASA

Nous revenons sur un des holdings décotés qui était exposé aux matières premières.

C’est une nouvelle fois un holding scandinave, norvégien pour être précis. Cela rappelle un peu ce que nous avions connu avec Investor AB (+153%), le holding suédois.

Retour sur cette opération.

Le 23 février 2017, nous avons vendu la société norvégienne Bonheur ASA, un holding assez bien diversifié énergie, de l’extraction pétrolière off-shore à l’éolien. L’histoire commence le 24 mai 2015 où nous achetons 440 actions de Bonheur pour la somme de 3 644.04€, net de frais. En mai, le baril est toujours à 60$ et on peut penser qu’il va enfin rebondir, après un saut rectiligne d’un niveau supérieur de 100$. Mais ce n’est qu’un espoir vite gommé par une chute du cours qui reprend de la vitesse et dont personne ne peut prédire où cela va s’arrêter. Nous avions acheté à 69.36 NOK et le plus bas du baril de pétrole a eu lieu le 11 février 2016 à 26.30$, pour ensuite rebondir. Et de belle manière.

Bonheur est quant à lui resté au tapis avec un cours fin juillet 2016 de 44.80 NOK, soit -38% depuis notre achat et sans comprendre pourquoi. Nous sommes seulement revenus à notre prix de revient début janvier 2017 et le cours n’a cessé de grimper ensuite. Nous avons placé un stop suiveur dès l’objectif de cours dépassé, soit 67,62 NOK. Le cours a enfin atteint 92 NOK avant de redescendre et de toucher notre stop à 79,86 NOK, ce qui nous a permis de gratter quelques euros supplémentaires. Nous avons donc une fois la vente réalisée, encaissé 4 056.54 euros nets de frais, dont 123€ de dividendes nets de double taxation. L’histoire se termine donc positivement, mais sans bonheur réel.

C’était à prévoir et relaté par Peter Lynch dans son bouquin « Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse », le nom de la société était trop beau et faisait rêver d’avance. La prochaine fois nous privilégierons des trucs plus foireux style : Sticky Oil corp – Ticker SO !

Voici l’analyse publiée dans la lettre mensuelle de juin 2015.

Bonheur ASA

(Oslo Stock Exchange : BON.OL / ISIN : NO0003110603)

I. Introduction

ASA est une société norvégienne, holding de tête de la puissante famille Olsen qui a bâti sa fortune dans le transport maritime et ce, dès la fin de la première moitié du 19e siècle.

Aujourd’hui, le groupe est plus diversifié. Ainsi, ses activités tournent autour de 4 grands axes : le forage en mer, les énergies éoliennes, les croisières et les médias.
Le 15 mai 2015, nous avons acheté 440 actions Bonheur ASA à un coût de revient, taxes de bourse et frais de courtage inclus, de 69,37 NOK.
Tout d’abord, notons la particularité de Bonheur, particularité que nous avons déjà constatée dans d’autres holdings familiaux comme le groupe Jardine par exemple. Il s’agit de la prise de participations croisées qui permettent à la fa-mille de « verrouiller » l’actionnariat du groupe.

Dans le cas présent, nous constatons qu’une des filiales de Bonheur, Ganger Rolf qui est détenue à 62 %…, détient elle-même 21 % de Bonheur. En réalité, Ganger Rolf est une « sous-holding » qui détient un portefeuille de participations qui est pratiquement un « copié-collé » de celui de Bonheur.

C’est pour cette raison que nous allons travailler sur la valorisation du groupe en consolidant les participations de Ganger dans l’entité Bonheur et en considérant que les actions Bonheur détenues par Ganger sont des actions propres.

Cette valorisation est d’ailleurs loin d’être simple : la présence des participations croisées et l’absence d’un tableau récapitulatif « NAV » (comme pour Luxempart) compliquent singulièrement le travail… et c’est tant mieux car c’est la difficulté de valoriser qui fait apparaître les opportunités.

Nous commençons par le segment « forage » qui est représenté par la participation dans la société cotée Fred Olsen Energy.
Bonheur et Ganger détiennent chacune 25,95 % du capital de la société. Fred Olsen Energy fournit des services d’exploration et de production à l’industrie pétrolière et gazière.

Au cours actuel de 71 NOK, cette participation représente 56,43 NOK par action Bonheur.

La division « énergies éoliennes » est représentée par une participation de 50 % dans Fred Olsen Renawable (les autres 50 % étant détenus par… Ganger Rolf).

Cette entreprise détient et exploite une vingtaine de parcs éoliens terrestres en Suède, en Norvège et en Écosse, et possède aussi une participation de 50 % dans un parc éolien off-shore en Irlande.
Cette participation est non cotée.

Comme pour les autres participations non cotées que nous allons détailler ci-après, nous la comptabilisons pour le montant repris aux livres amputé d’une marge de sécurité de 20 %, soit 25,26 NOK.

Mais ce n’est pas tout, à côté de l’exploitation de parcs éoliens proprement dite, nous trouvons aussi une participation de 50 % dans Fred Olsen Ocean (et vous vous doutez bien de qui détient les 50 autres pourcents…).

Cette société est active dans les services et la maintenance pour l’éolien off-shore.

Également non cotée, nous la reprenons pour un montant de 21,30 NOK par action. Au travers de ses filiale Fred Olsen Cruise Land et First Olsen Holding, la holding est présente dans le secteur des croisières.

Ces sociétés sont non cotées et, évidemment, détenues paritairement avec Ganger Rolf. Après application de la marge de sécurité de 20 %, nous les reprenons pour 8,54 NOK par action.

Le pôle « média » est représenté par une participation dans NHST Group, un éditeur de revues professionnelles actif dans le secteur du transport, des fruits de mer et des énergies. Non cotée, elle est valorisée à l’équivalent de 4,38 NOK par action Bonheur, après prise en compte de la marge de sécurité de 20 %.

Et puis il y a tout le reste…

Des participations cotées tout d’abord :

Opera Software, le développeur de navigateurs pour le web qui, au cours actuel de 74,6 NOK représente 2,08 NOK par action
– La pétrolière texane, Callon Petroleum représente, au cours actuel de 8,46 USD, une valeur de 2,11 NOK par action

Mais aussi du non coté à propos duquel nous n’avons guère d’informations mise à part la valeur reprise dans les comptes, valeur que nous reprenons amputée d’une marge de sécurité de 20 % :
Fred Olsen Travel, organisateur d’évènements axés « nature » qui représente 0,21 NOK
Fred Olsen Insurance Services pour 0,04 NOK par action
Fred Olsen Fly-og Luftmateriell AS pour 0,04 NOK
Stavnes Byggeselskap pour 0,75 NOK
Laksa : 0,15 NOK
Bonheur og Ganger Rolf ANS : 1,30 NOK
Koksa Eiendom, un promoteur immobilier : 2,24 NOK
Scotsrenawable Tidal Power : 1,06 NOK

Dans le détail des participations, il y a aussi une énigmatique FO Capital dont le siège est à Malte et qui représente la coquette somme de 47,75 NOK par action.
Nous n’avons absolument aucune indication sur les activités de cette mystérieuse société (outil d’optimisation fiscale et juridique pour les activités maritimes ?).

Mais chez Bonheur, c’est… que du bonheur parce que, outre ces participations, le conglomérat détient encore d’autres actifs.
A commencer par de l’immobilier que nous allons valoriser suivant notre approche habituelle, c’est-à-dire le coût d’acquisition non amorti amputé d’une marge de sécurité de 20 %, ce qui représente 1,69 NOK par action.

Nous trouvons aussi un portefeuille d’obligations corporate en NOK que nous reprenons à sa valeur aux comptes amputée d’une marge de sécurité de 10 %, soit 7,18 NOK.
Les créances sont composées pour l’essentiel d’avances octroyées aux filiales. Nous les reprenons pour 90 % de leur valeur aux livres, soit 30,82 NOK.

Le cash disponible représente quant à lui 49,77 NOK par action.

Nous déduisons évidemment l’ensemble du passif qui est relativement conséquent avec 142,77 NOK.

En fonction de ce qui précède, nous obtenons une valeur prudente de holding pour Bonheur de (en NOK par action) :

Forage (coté) : 56,43
Éolien : 46,56
Croisières : 8,54
Médias : 4,38
FO Capital : 47,75
Diverses participations : 9,97
Obligations corporate : 7,18
Immobilier : 1,69
Créances et cash : 80,59
Passif : -142,77

Soit une valorisation de 120,33 NOK, à comparer à notre coût d’achat de 69,37 NOK, soit une décote de 42,4 % … Pas mal du tout direz-vous…

C’est vrai, ami(e) lec-teur(trice), une telle décote, par les temps qui courent, c’est très appréciable… mais peut-être (un peu) trop beau pour être vrai.

En effet, nous constatons que Bonheur mais surtout Ganger Rolf garantissent des prêts bancaires au profit de leur branche « éolienne ».

Et ces garanties ne sont pas minces : elles représentent 104,30 NOK par action en consolidé.

Ce qui signifie que si les sociétés de la branche éolienne du groupe ne peuvent honorer leurs dettes vis-à-vis de leurs créanciers, ce sont Bonheur et Ganger Rolf qui s’y collent…
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu considérer aussi le scénario « catastrophe », celui dans le cadre duquel les créanciers « garantis » exercent l’entièreté de leurs droits.
Dans ce cas, il est probable que, vu l’ampleur des garanties qu’elle a octroyées, Ganger Rolf fasse faillite.

Par contre, nous avons considéré que Bonheur paierait l’entièreté des garanties et que, dans ce cas de figure, toutes les participations détenues par l’intermédiaire de Ganger Rolf ne vaudraient plus rien chez Bonheur.

Dans un tel scénario, nous obtenons ce que nous pourrions appeler une Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VLMV) de 42 NOK. Inférieure au cours auquel nous pouvons acquérir des actions sur le marché, c’est vrai, mais qui démontre aussi que la perte totale serait peu probable.

Ajoutons que tant Ganger Rolf que Bonheur constituent une bonne partie de l’empire Olsen et que la famille ne prendrait probablement pas le risque de perdre un gros morceau de son patrimoine pour sauver une branche d’activité. On peut donc supposer que si les Olsen ont accepté de se porter indirectement caution pour le secteur éolien, c’est qu’ils considèrent que le risque n’est pas démesuré… et, à contrario, si les banquiers ont estimé devoir faire appel à ces garanties, c’est que le risque n’est pas nul.

Enfin, si on valorise Bonheur « bêtement » comme une société opérationnelle, nous constatons qu’elle cote actuellement à un PER (multiple de bénéfices) de 9,6 (si on prend comme bénéfice de référence le bénéfice moyen des 3 der-nières années) et que le potentiel cours/VANT serait de 207 %.
Même si l’essentiel de cette VANT est constitué de bateaux et d’installations techniques, cela nous semble quand-même appréciable pour une société qui génère toujours des profits (le 1er trimestre 2015 étant d’ailleurs, sur ce plan, nettement meilleur que le 1er trimestre 2014).
Compte tenu de tout cela, nous avons l’impression que nous disposons avec Bonheur d’une diversification « value » intéressante, axée sur les énergies (qu’elles soient fossiles ou renouvelables), en investissant dans un empire familial séculaire avec un aspect « pile je gagne beaucoup, face je perds peu »… autrement dit, un potentiel d’appréciation de +75% et de perte de -39%.

NEWS DE SUIVI
— synthèse de toutes les nouvelles intégrées au sein des Lettres Mensuelles —

2015 Juillet

La holding a annoncé que sa filiale « énergies renouvelables » avait trouvé un partenaire pour investir dans les projets éoliens aux Royaume-Uni à raison de 49 %.

2015 Août

La faiblesse de la couronne norvégienne face aux autres grandes devises a permis au groupe de « booster » ses résultats, malgré un contexte morose pour le secteur énergétique. Le rapport financier du premier semestre laisse apparaître un chiffre d’affaires consolidés en hausse de 39 % par rapport à l’année précédente. L’Ebitda, quant à lui, a plus que doublé. Malheureusement, des grosses réductions de valeur sur des installations de forage ont transformé le bénéfice d’exploitation en perte.

2015 Novembre

Les résultats consolidés du 3e trimestres sont +/- stables par rapport à l’année dernière : un chiffre d’affaires et un EBITDA stables, un EBIT en léger tassement et un résultat net qui redevient positif. Logiquement, sur l’ensemble de l’année, en raison des réductions de valeur actées lors du 1er semestre, le résultat reste déficitaire.
Nous apprenons aussi qu’un fournisseur de Bonheur qui a vu son contrat de construction d’une plate-forme de forage résilié parce qu’il n’avait pas respecté les délais de livraison attaque à présent Bonheur en justice afin d’obtenir une partie des paiements. La direction pense que ce litige n’est pas fondé.

2016 Mars

La société souffre de la crise pétrolière mais aussi de la hausse de l’USD comme en atteste le rapport financier 2015 avec une perte consolidée par action de 16,5 NOK, malgré des ventes et un Ebitda assez stable.
Mais LA nouvelle du moment réside dans l’intention de fusionner Bonheur avec sa filiale Ganger Rolf. Cette fusion est issue du bon sens même : les sociétés détiennent une participation croisée l’une dans l’autre mais aussi… sont actionnaires dans pratiquement exactement les mêmes entreprises.
Les actionnaires de Ganger Rolf recevront 0,8174 actions Bonheur par action Ganger Rolf qu’ils détiennent, ce qui correspond +/- à la parité des capitalisations boursières des deux sociétés. Vu que Bonheur était légèrement plus décotée que Ganger Rolf, nous risquons donc de perdre un peu de valeur au passage mais l’augmentation de la liquidité du titre et surtout la simplification de la structure devrait permettre à la “vraie valeur” de mieux apparaître et constituer peut-être un bon catalyseur pour une réduction générale de cette fameuse décote.

2016 Avril

Le projet de fusion avec Ganger Rolf a été approuvé par l’Assemblée Générale.

2016 Mai

Nous apprenons que la fusion avec sa « soeur » Ganger Rolf sera effective le 6 mai.
En attendant, le rapport financier annuel laisse apparaître, fort logiquement compte tenu de la faiblesse des prix des énergies fossiles, une perte de 39 NOK par action. Néanmoins, cette perte est à relativiser puisqu’elle est essentiellement due à des réductions de valeur exceptionnelles sur les installations de forage en mer. En dehors de ce phénomène, le résultat aurait été positif.

2016 Juin

Le résultat par action s’est légèrement déprécié au cours du 1er trimestre, à 2,4 NOK. Il s’agit d’un bénéfice pro forma qui tient compte de la fusion avec Ganger Rolf qui est devenue effective début mai. Nous attendons un rapport financier complet pour actualiser la structure du holding et notre modèle de valorisation.

2016 Août

Le conglomérat norvégien a annoncé un premier semestre consolidé en perte à 11,8 NOK par action. Cette perte est due exclusivement à des réductions de valeur sur l’éolien off-shore.
En dehors de ces écritures comptables, en principe ponctuelles et ne donnant pas lieu à sortie de cash, le résultat aurait été légèrement bénéficiaire.

2016 Novembre

Le groupe a publié sur son 3ème trimestre un résultat opérationnel positif à 38 M NOK pour un chiffre d’affaires quasiment stable par rapport au T3 2015. La perte atteint tout de même -251 M NOK du fait d’une accélération de dépréciations d’actifs (-503 M NOK vs -257 M NOK). Ce sont donc non seulement des éléments non récurrents mais qui n’ont également aucun impact « cash ». Cette dépréciation accélérée concerne principalement les unités de forage offshore (en mer) dont les prévisions de taux d’utilisation, de contrats futurs et de taux journaliers de locations sont revues à la baisse.

2017 Janvier

Avec la hausse du pétrole, nous avons réévalué la valeur par action. Notre objectif de cours a été revu à la hausse à 67,62 NOK.

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