Au cours de ces mois de juillet et août, il n’y a pas vraiment eu de trêve estivale pour notre portefeuille. Les opérations d’achat et de vente se sont succédé à un rythme soutenu.
Dans les semaines qui viennent, nous vous proposerons de dévoiler une par une chacune des opérations que nous avons débouclée.
Cette semaine, nous « démasquons » Renewable Energy Corporation Group, une des 3 sociétés que nous avions acquises lors de la déprime solaire. Acquise en novembre 2011, nous avons liquidé notre position au cours de ce mois de juillet avec une moins-value d’une quinzaine de pourcents. Une opération solaire qui a donc nettement moins bien « tourné » que la précédente que nous vous avions présentée avec Amtech.
Eh oui, on est comme ça chez les daubasses : non seulement nous parlons de ce qui a marché … mais nous n’évitons pas d’aborder les opérations « qui font mal ».
En réalité, la société a détruit sa Valeur d’Actif Net Tangible par action (qui est ce que nous estimons être la juste valeur de la société). Cette destruction s’est opérée à un rythme bien plus soutenu que celui que nous envisagions au départ en raison de pertes récurrentes mais aussi d’une augmentation de capital qui a opéré une telle dilution que cette « juste valeur » est tombée sous le cours auquel nous pouvions vendre notre ligne.
Suivant en cela notre process, nous avons vendu nos actions sans aucun état d’âme.
Vous allez pouvoir découvrir ci-dessous les arguments que nous avions présentés à nos abonnés dans notre lettre du début décembre 2011. Bien évidemment, ceux-ci avaient été tenu au courant en temps quasi réel de nos opérations tant d’achat que de vente.
Esprit viking – Renewable Energy Corporation Group
Dans un environnement anxiogène sur fond de crise des dettes gouvernementales, l’équipe des Daubasses vous propose une série en trois épisodes intitulé « Esprit Viking ». Nous vous présentons dans cette rubrique une société dont le siège social se situe en pays scandinave, que nous avons soit achetées pour le portefeuille du club ou alors pour nos portefeuilles personnels car ne répondant pas à nos critères stricts de Daubasses. Vous aurez compris, ce sont des entreprises norvégiennes et suédoises. Leurs pays d’origine présentent l’intérêt d’avoir une gestion gouvernementale saine et donc une notation AAA pérenne. Ce qui est un gage de stabilité et de bonne traitance de l’actionnaire à moyen terme. Mais ce n’est pas tout, ces sociétés ont également suscité notre intérêt car elles permettent d’investir dans la valeur au pays du Père Noël.
Pour notre premier volet (qui en comprendra trois), nous vous proposons une société norvégienne.
REC Group
(Oslo Stock Exchange, Ticker: REC.OL / ISIN : NO0010112675)
I. Introduction
Renewable Energy Corporation (REC) Group est une société norvégienne fondée en 1996 spécialisée dans le photovoltaïque. C’est une entreprise totalement intégrée qui a réalisé près de 14 Mds NOK en 2010. Voici ses différentes activités :
– l’activité Silicium = production de poly-silicium avec 2 sites de production aux USA
– l’activité Wafer = production de galettes de silicium, 1 usine en Norvège et 1 usine à Singapour
– l’activité Solar = production de cellules et de modules solaires, en Norvège et à Singapour
Dans chacune de ces activités, l’entreprise utilise les produits en interne mais vend également à des tiers.
L’entreprise emploie 3 900 salariés à travers le monde.
Pourquoi analyser cette entreprise ?
1° Le cours du titre a reculé de 75% (divisé par 3) en 1 an et de 90% (divisé par 10) en 3 ans
2° Des mauvaises nouvelles surestimées, nous allons vous expliquer pourquoi
3° Le secteur du photovoltaïque est massacré. Nous n’achetons pas des secteurs, mais des actifs
4° Le siège social étant située en Norvège, c’est donc la loi norvégienne qui régit le droit des affaires. Une bien bonne nouvelle, car c’est l’un des rares pays vertueux du vieux continent. Nous sommes rassurés quant à la bientraitance des actionnaires dans ce pays.
Comme nous vous l’avions informé en direct par email, nous avons acquis des titres de REC Group le 30 novembre 2011 à un prix de revient net de frais de 3,69 NOK l’action.
Nous ne tenons pas compte dans notre analyse du plan d’option de 8 600 083 options, car leur prix d’exercice est de 13,57 NOK, un cours plus de 3x supérieur au cours actuel.
II. La Valeur d’Actif Net Net (VANN)
Sur base des comptes arrêté au 30 septembre 2011, la valeur d’actif net-net s’élève à -14,82 NOK par action. Nous n’avons donc aucune marge de sécurité sur la VANN.
III. La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)
La VANE ressort à -7,21 NOK par action. Nous n’avons donc aucune marge de sécurité sur la VANE.
IV. La Valeur de Mise en Liquidation Volontaire (VMLV)
Commençons par les actifs les plus liquides : l’actif circulant. Tout d’abord, son plus gros poste : les stocks. Ils représentent une valeur de 3,33 NOK par action. Etant donné la surproduction actuelle et l’importance des stocks au niveau mondial, nous prenons une marge de 50% et retenons donc 1,66 NOK par action.
Ensuite les créances clients. Elles représentent au bilan 2,23 NOK par action. La rotation des stocks s’est améliorée ces trois dernières années, passant d’une rotation moyenne de 92 jours à 78 jours sur l’exercice 2010. Par prudence, nous allons reprendre 80% de ces créances, car il n’est pas assuré que la majeure partie des clients du secteur pourront honorer leurs obligations. Nous reprenons donc ces créances pour 1,78 NOK par action.
Le troisième poste de l’actif circulant le plus important est le cash. Il représente 0,50 NOK par action et n’appelle aucun commentaire.
Le dernier poste de l’actif circulant est composé de couvertures sur devises pour 0,37 NOK par action. Par conservatisme et au regard de la volatilité des marchés actuels sur le marché des devises, nous allons reprendre ces données pour 0.
Passons à présent à l’actif immobilisé. Et commençons par le poste le plus importante, les équipements et outils sont amortis à hauteur de 32% dans le bilan après annulation des dépréciations pour fermetures. Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer ce poste du bilan d’un point de vue économique, surtout dans le contexte actuel. Néanmoins, les activités silicium et d’assemblage solaire sont encore rentables et en reprenant 30% de la valeur nette inscrite au bilan, la valorisation nous semble prudente. Ce sera donc 3,78 NOK par action que nous retenons.
Le second poste significatif est composé des terrains et immeubles. Une fois retraitée la valeur d’acquisition d’une marge de 20%, nous obtenons un montant de 7,61 NOK par action.
Le solde du bilan est composé de crédits d’impôt différés, d’avances de paiement, d’actifs en construction et de participations financières pour un total de 2,22 NOK par action. Pour accroître notre marge de sécurité, nous ne reprenons aucun de ces actifs.
A tout cela, nous retranchons tout le passif du bilan, soit -21,30 NOK par action.
En hors-bilan, nous avons trouvé des leases futurs à payer pour un montant minimum de 511 M NOK, soit -0,51 NOK par titre.
Pour résumer :
+ stocks = 1,66
+ créances clients = 1,78
+ cash = 0,50
+ équipements = 3,78
+ terrains et bâtiments = 7,61
– passif = -21,30
– leases = -0,51
= -6,48 NOK par action
Il n’y a donc aucune marge de sécurité sur la VMLV.
V. La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)
L’EBITDA du groupe au T3 2011 ressort à 370 M NOK. L’historique de rentabilité de REC est impressionnant. Sur les 5 derniers exercices, l’entreprise a généré en moyenne 1,94 NOK de bénéfice par action. A un taux d’actualisation de 12% et avec une trésorerie nette de -5,33 NOK par action, la VCB de REC ressort à 16,14 NOK.
A notre cours d’achat, la marge de sécurité sur la VCB est donc de 77%.
VI. La Valeur d’Actif Net Tangible (VANTRe)
Il est possible de calculer la VANTRe pour REC, car son retour sur investissement moyen sur les 5 dernières années est supérieur à nos 7% exigés. Il ressort sur les 5 derniers exercices à 10,30% (ROCI = 10,30%) et ceci malgré un exercice 2009 déficitaire.
Nous tenons à préciser que l’entreprise a acté de fortes dépréciations dans son bilan pour tenir compte de la fermeture de son site de production de wafers norvégien et de perspectives économiques moins favorables. Ainsi, par rapport au 31/12/2010, les fonds propres ont fondu de pas moins de 7,6 Md de NOK. Malgré le ralentissement du secteur et une rentabilité attendue en déclin pour 2011, et sans doute également 2012, la VANTRe reste selon nous un ratio pertinent dans le contexte actuel.
La VANTRe de REC est de 13,85 NOK, ce qui procure une marge de 73% par rapport à notre coût d’achat.
VII. Conclusions
Le titre REC Group présente actuellement une marge de sécurité de :
77% sur la VCB
73% sur sa VANTre
Clairement, le marché actuel du photovoltaïque ne fait pas rêver : l’offre excède largement la demande. Au-delà d’une baisse de la demande, c’est surtout la faute aux entreprises chinoises qui inondent le marché du fait de subventions et de prêts du gouvernement qui atteignent des niveaux extraordinaires. Ce qui tire évidement les prix vers le bas et casse le marché. C’est surtout vrai sur les galettes de silicium (l’activité wafer).
Nous estimons néanmoins que le management a bien réagi en fermant définitivement la plus grosse de ses deux usines norvégiennes de wafer à Herøya qui était destinée au marché européen. REC va pouvoir se recentrer sur ses métiers les plus rentables : le silicium où la marge d’EBITDA est supérieure à 50%, le wafer et le solaire (panneaux complets) avec son usine à Singapour pour le marché asiatique. La marge sur le solaire est inférieure au silicium mais toujours positive, de l’ordre de 10% attendu en 2011.
Le marché semble ne pas prendre en compte les efforts de restructuration que l’entreprise a rapidement mis en place et ne prend selon nous nullement pas en considération les capacités bénéficiaires de l’activité silicium qui est la pépite du groupe, avec des marges d’EBITDA de plus de 50% et des débouchés plus larges que le solaire : du gaz silane, du polysilicon SIEMENS et FBR pour l’industrie des semi-conducteurs.
Et comme le montre les marges de sécurité sur la VANTRe et la VCB, il n’est pas assuré que le meilleur était hier. Nul ne peut prédire de l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que REC a un historique de création de valeur époustouflant et qu’en cas de reprise du secteur avec la disparition des concurrents les plus faibles, REC sera une des entreprises qui pourra sortir largement gagnante de la crise actuelle. REC présente un ratio de solvabilité de 56%, ce qui permet d’espérer que l’entreprise a les reins assez solides pour traverser la tempête actuelle. Enfin, sur le long terme, le marché du photovoltaïque est porteur car il bénéfice d’un effet ciseau positif : la baisse des coûts de production des galettes et donc du prix des installations solaires, et l’augmentation permanente de l’efficacité énergétique des panneaux. L’énergie solaire devient donc de plus en plus compétitive et se présentera de plus en plus comme une alternative évidente aux énergies fossiles.