CDI Corp est l’exemple typique d’action malaimée pour cause de faiblesse passagère de la rentabilité dont le cours dévisse trop vite, trop fortement avec des actifs en collatéraux et qu’il faut savoir saisir au vol : quand la balle est en train de chuter, et qu’elle va bientôt toucher le sol avant son rebond. Balle que nous avons saisie à pleines mains le 20 janvier 2016.
Une aventure daubassienne classique avec une décote
substantielle sur les actifs tangibles qui nous a permis de dormir sur nos deux oreilles et de réaliser en moins de 11 mois une performance de +60,01% net de frais et net de toutes taxes.
Comme d’habitude, pour chaque opération, les relevés bancaires sont disponibles dans la partie Premium du site : intégralité de nos extraits de comptes bancaires depuis 2008 (extraits de 2012 à aujourd’hui réservés aux abonné(e)s).
Cette opération a eu lieu au cours du mois de janvier 2016 par gros temps. Les marchés s’agitaient de plus en plus. CDI Corp, une société d’intérim spécialisée – dénomination incongrue pour les francophones, puisque « CDI » signifie en France à un Contrat à Durée Indéterminé ! – dans plusieurs secteurs pointus comme les technologies, la chimie, l’aérospatial et le secteur pétrolier et gazier. Ces deux derniers secteurs, représentant 29% du chiffre d’affaires, offrent une partie de l’explication sur la décote alors que le cours du pétrole dévissait. Ajoutons aussi que le secteur de l’intérim est d’une extrême sensibilité aux cycles économiques et enfin des problèmes internes à la société détaillés dans notre analyse (cf. ci-dessous) pour que l’esquisse soit complète. Un excellente solvabilité et un potentiel attractif de plus de +150% nous faisaient alors penser que l’action de cette société était digne d’intérêt de figurer dans notre portefeuille daubasses diversifié.
Nous avons vendu nos titres CDI Corp le 2 décembre 2016. Les 776 actions achetées le 20 janvier 2016 pour la somme de 3 349.93€ frais inclus ont été cédées le 2 décembre 2016 et nous avons donc encaissé 5 339.30€ nets de frais, soit +60.01% en 327 jours.
C’est le type même de société qui n’intéresse pas 95% des investisseurs dès la lecture des premières lignes de leur activité : agence de placement de consultants. Et dès le compte de résultats survolé, ils décideront rapidement de passer à autre chose. Et on ne peut franchement que les encourager à poursuivre dans cette voie en laissant aux chasseurs de daubasses la possibilité de se servir en premier et comme ils l’entendent.
Vous retrouvez ci-dessous l’analyse de cette société publiée dans la Lettre Mensuelle de Février 2016
CDI Corp.
(NYSE, Ticker: CDI / ISIN : US1250711009)
I. Introduction
CDI Corp a été créée en 1950. Son siège social est à Philadelphie (Etats-Unis). La société emploie environ 800 personnes. Ses activités sont le placement d’e-ployés à travers ses filiales spécialisées dans les secteurs pétroliers, chimiques, aérospatiales, l’industrie manufacturière et les hautes technologies. Ce sont ainsi près de 8 600 consultants qui sont refacturés aux sociétés clientes.
En 2014, le plus gros client de la société était International Business Machines Corporation (IBM) qui représentait 19% de son poste clients.
La faible rentabilité historique, et les dépréciations d’actifs à répétition ont amené les résultats dans le rouge. Le marché a fini par sanctionner le titre et nous l’a amené sur nos radars.
La présente analyse a été effectuée avec les chiffres des comptes trimestriels arrêtés au 30 septembre 2015 et tient compte du dernier cours coté du mardi 19 janvier 2016, soit 4,81 USD l’action.
Les calculs ont été établis sur la base de 19,965 M actions potentielles diluées.
II. La Valeur d’Actif Net Net (VANN)
La société possède un actif courant d’une valeur de 13,76 USD par action et l’ensemble des dettes représente 5,47 USD par action. La valeur d’actif net-net est donc égale à 8,21 USD par action.
III. La Valeur d’Actif Net Estate (VANE)
CDI Corp n’est ni propriétaire de ses murs, ni de ses terrains, nous ne pouvons donc pas calculer de VANE.
IV. La Valeur en cas de Mise en Liquidation Volontaire (VLMV)
Dans cette évaluation, nous essayons d’estimer la valeur de la société si elle était mise volontairement en liquidation. C’est-à-dire dans une position confortable de réalisation de l’ensemble de ses actifs.
Nous commençons par l’actif courant, composés des actifs les plus liquides. Et le plus important actif au sein des actifs qui seront réalisés à moins d’un an est le poste client. Il est composé des créances des clients chez qui les consultants sont placés. C’est un poste à analyser avec précaution, puisqu’il représente 76% des actifs tangibles de la société. Le management a déjà acté pour 2,0 M USD de dépréciations, soit moins de 1% du poste. Les clients ont payé ces 3 dernières années en moyenne à 74 jours. Le délai de paiement s’est quelque peu raccourci à 71 jours pour l’exercice 2014. CDI Corp effectue ses propres analyses crédits pour chacun de ses clients, qui sont principalement des moyennes et grosses organisations. Et le premier client est IBM, pour 19% de son poste clients au 31 décembre 2014. Nous ne trouvons pas plus d’éléments que cela dans les rapports financiers. Aussi, alors que nous appliquons d’habitude une marge de 20% sur le poste clients dans nos analyses, vu l’importance des créances et pour se prémunir d’une mauvaise surprise, ou certains diront par conservatisme, nous préférons prendre une marge de sécurité de 25% et retenons ainsi 8,63 USD par action.
Le second poste de l’actif courant est composé de la trésorerie et placements à court terme pour 1,34 USD, que nous reprenons comme tels.
Passons aux impôts payés en avance, que nous allons reprendre pour 100% de leur valeur nominale. Ils représentent 0,15 USD par action.
Nous terminons par les actifs courants avec les crédits d’impôt différés. Par prudence, nous considérons ces actifs comme sans valeur.
Nous passons aux actifs non courants. Le principal actif de long terme de CDI Corp est composé d’actifs incorporels comme des crédits d’impôts différés, le Goodwill et des bien-nommés actifs intangibles. Ces actifs représentent au bilan l’équivalent de 3,04 USD par action que nous allons reprendre pour 0 dans notre calcul.
Nous arrivons ensuite aux équipements de production qui sont principalement composés de matériels informatiques, de fournitures de bureau, de logiciels et d’aménagements des locaux. Ces actifs sont déjà amortis à plus de 80% dans les comptes. Nous décidons d’appliquer une marge de sécurité de 80% sur la va-leur nette amortie, et valorisons ainsi ces actifs à 0,19 USD par action.
Enfin, nous notons des « autres actifs » au bilan sans de détails précis. Aussi, nous coupons la valeur de cet actif à la serpe et reprenons que 50% de cette valeur, soit 0,22 USD par action.
Le total du passif (le total de ce que doit la société) représente 5,47 USD par action.
En hors bilan, nous remarquons sur le rapport annuel clôturé au 31 décembre 2014 des operating leases liés à la location des bureaux. Même s’ils sont précisés comme étant « non annulables », nous allons considérer que les baux pour-raient par exemple être renégociés. C’est pourquoi, nous allons les reprendre à 50% de leurs valeurs faciales dans notre calcul pour en quote-part de la période 30 septembre 2015 jusqu’en 2019, soit la moitié de 27,9 M USD, qui équivaut de 0,71 USD par action.
Pour résumer, en cas de mise en liquidation volontaire de la société, nous obtenons la valeur suivante (en USD par action) :
Actif courant
+ Poste clients : 8,63
+ Trésorerie et équivalents : 1,34
+ Paiements en avance : 0,33
+ Impôts payés en avance : 0,15
+ Crédits d’impôt différés : 0
Actif immobilisé
+ Actifs incorporels : 0
+ Équipements de production : 0,19
+ Autres actifs : 0,22
Passif
– Total passif : 5,47
– Operating leases en hors-bilan : 0,71
Ce qui nous donne donc une VMLV de 4,65 USD par action.
V. La Valeur de la Capacité Bénéficiaire (VCB)
La société a réalisé en moyenne un bénéfice opérationnel de 15,6 M USD sur les cinq derniers exercices. Si nous actualisons ce montant à 12% et que nous ajoutons la trésorerie nette, nous obtenons une VCB de 7,80 USD par action.
VI. Conclusions
A notre cours actuel de 4,81 USD, nous pouvons obtenir les marges de sécurité suivantes sur le titre CDI Corp :
38% sur la VCB de 7,80 USD
Le potentiel sur la Valeur d’Actif Net Tangible (VANT = 12,29 USD) est de : +155%.
Notre calcul de solvabilité maison ressort à : 75%.
Ratio technologique = 0%
La société ne réalise aucune dépense de R&D.
Désormais, pour chaque analyse, nous concluons sur trois questions, qui nous permettent de mettre en perspective le prix radin actuel offert par le marché pour chaque Daubasse et ses perspectives d’évolution.
1° Quelles sont les raisons qui ont amené cette société dans la zone Daubasse ?
A tort ou à raison, le marché a peut être assimilé la société comme étant dépendante au secteur énergétique, puisque sur le troisième trimestre 2015 arrêté au 30 septembre 2015, 29% de l’activité de la société est lié au « oil, gas and chemical ». En ajoutant à cela une dépréciation d’actif de 21,5 M USD et des frais de restructuration de 0,6 M USD, le trimestre a été fortement déficitaire. Si nous retraitons ces 2 éléments non récurrents, la société aurait été proche de l’équilibre opérationnel. A noter que la dépréciation du Goodwill est une écriture comptable qui n’a aucun effet « cash ».
2° Quels sont les éléments qui pourraient faire empirer la situation et faire disparaître la marge de sécurité dans le futur ?
Le dividende trimestriel de 0,13 USD par action pourrait être coupé si la rentabilité se retournait durablement dans le rouge.
Également, il est possible que l’exposition de la société au secteur du pétrole, du gaz et de la chimie, qui correspond à 29% de l’activité de la société, puisse impacter soit la perception des investisseurs sur le risque du niveau d’activité futur de la société, soit réellement opérationnellement tirer vers le bas CDI Corp si des difficultés majeures dans le secteur se confirmaient (même si nous ne connaissons pas réellement la répartition avec la chimie, qui est un secteur qui profite plutôt des cours bas du pétrole).
3° Quel pourrait-être le ou les catalyseurs, pour faire sortir cette société de l’ornière ?
Vu la déprime actuelle du cours (la société présente une décote de plus de 30% sur sa trésorerie et ses créances clients nets de tout le passif !), la moindre bonne nouvelle opérationnelle, comme un trimestre largement bénéficiaire, ramènerait le titre sur le devant de la scène boursière. Il est par ailleurs bon de rappeler que CDI Corp n’a aucune dette financière, puisque sa trésorerie nette est positive et représente 23,4 M USD.
Enfin, face à une rentabilité faiblarde depuis des années (une marge opérationnelle qui ne décroche pas les 2% en moyenne : 20 M USD sur plus de 1 Md USD de CA), le CEO a été débarqué et remplacé en septembre 2014 par Scott J. Freidheim avec une mission claire : créer de la valeur pour l’actionnaire. Ainsi, à côté de son salaire fixe de 600 000 USD par an, le board a mis en place un plan de motivation valable jusqu’au 15 septembre 2019. Le dirigeant pourra perce-voir de 7,5 M USD si le cours de l’action atteint au moins 27,76 USD et jusqu’à 20 M USD si l’action touche les 41,64 USD. A un cours actuel sous les 5 USD, c’est un objectif minimum de x5, soit une capitalisation qui augmenterait de plus de 400 M USD. Si les montants des bonus paraissent élevés, ils permettent néanmoins d’aligner l’intérêt de l’exécutif avec les actionnaires propriétaires.
Aussi, à titre informatif, de nombreuses options ont été distribuées et commencent à être exerçables à partir de 15 USD l’action. Des options que les actionnaires actuels ne seraient pas fâchés de voir exécutées, puisque cela signifierait un triplement du cours du titre.
Nous terminerons en précisant que l’un des anciens dirigeants de la société, Walter Garrison, et qui préside le conseil d’administration, détient plus de 17% de la société. Il veille donc au grain pour les actionnaires.
NEWS DE SUIVI
— synthèse de toutes les nouvelles intégrées au sein de la Lettre Mensuelle —
2016 Mars
Quelques jours après notre achat, la société ne nous a pas déçu puisqu’elle a annoncé l’arrêt du dividende au profit d’un rachat d’actions pour un montant total maximal de 20 M USD. Au vu de la décote actuelle du titre, nous estimons qu’un rachat de titres dans le but de les annuler est l’un des meilleurs moyens de créer de la valeur pour l’actionnaire. Et ceci avec une efficience fiscale bien meilleure que par le dividende.
Un plan de restructuration en cours a coûté 3,6 M USD sur le T4. Il en résultera encore environ 0,6 M USD de charges sur l’exercice 2016. Ces dépenses sont relatives à des départs du personnel, des ruptures de contrat et des paiements de leasing. Avec en plus une activité au T4 qui est en baisse de 11,3% comparativement à 2014 à 236,6 M USD, les résultats accusent le coup. Ils sont en perte de 17,1 M USD, notamment du fait du ralentissement de l’activité et du plan de restructuration. L’EBITDA reste tout juste positif à 0,4 M USD.
Au niveau opérationnel, l’entreprise a acquis la société EdgeRock Technlology spécialisée dans le personnel hautement qualifiée IT.
Tout cela pèse bien entendu sur le bilan. Au niveau de la valeur patrimoniale, la VANT est en forte baisse à 7,70 USD par action. La solvabilité reste bonne avec notre ratio de solvabilité maison qui ressort à 69%.
2016 Mai
A la publication des résultats du T1 2016, la déception l’emporte. Si la baisse de l’activité de -9,3% vs. T1 2015 ne nous surprend pas plus que cela, c’est surtout qu’avec son activité dégradée, les charges opérationnelles et administratives ont augmenté sur la période, passant de 45,3 M USD à 47,0 M USD. Difficilement compréhensible… Le management nous explique que cette hausse s’explique par l’acquisition de la société EdgeRock (société acquise le 6 octobre 2015 pour 33,4 M USD).
Ainsi, le résultat opérationnel ressort en perte à -3,8 M USD ! Espérons que ce soit un « one-shot » et que le meilleur est à venir.
Au niveau de la VANT, elle baisse de -1,4% sur le trimestre et atteint 7,60 USD. Notre ratio de solvabilité maison reste à un bon niveau à 66%.
2016 Juillet
La filiale spécialisée dans l’aéronautique de CDI – Aerospace & Industrial Equipment (AIE) – a signé un accord de long terme avec le laboratoire californien Lawrence Livermore National Laboratory National Ignition Facility pour fournir des compétences humaines bien spécifiques.
2016 Août
Malgré quelques bonnes nouvelles, comme le rachat et l’annulation de 930 000 actions (il reste 14,4 M USD dans le programme au 30 juin 2016) et le discours positif du management sur « la transformation en cours », on ne peut pas dire que le premier semestre se clôture positivement.
L’activité sur le deuxième trimestre est en baisse de -8,2% vs. T2 2015. L’EBITDA retraité ressort tout de même positif à 2,7 M USD mais il est en baisse de -43% par rapport à la même période de 2015. Le résultat net est largement négatif à -7,5 M USD.
Sans miracle, cela se traduit dans le bilan. Ainsi, la VANT (qui est aussi notre cours cible de vente) baisse de -4,0% à 7,29 USD. Et le ratio de solvabilité se dégrade de 4 points mais reste à un niveau très correct de 61,7%.
2016 Octobre
La société a vendu une de ses filiales anglaises (Anders Elite Ltd) à la direction et à ses employés. Ce qu’elle a reçu réellement de cette vente n’est pas encore très clair et il nous est donc impossible de le chiffrer exactement. Mais on peut déjà dire que CDI Corp n’est pas perdante dans cette transaction.
2016 Novembre
Le troisième trimestre de la société n’est pas de très bonne facture. Le chiffre d’affaires est en recul de 10%, aussi bien sur le seul troisième trimestre que sur 9 mois. Sur le seul trimestre, la perte est en diminution à -0.96$ alors qu’un an plus tôt elle était de -1.03$ par action. Sur les 9 premiers mois, la perte s’aggrave à -1.57$, au lieu de -1.01$ sur les même neuf mois en 2015.
La valeur d’actif net tangible de la société est en recul de 16% à 6.45 USD.