L’élève de l’élève devenu maître

Nous aimons vous présenter les grands investisseurs « value » que nous respectons … nous devrions dire les grands investisseurs « deep value », ceux qui, comme nous, traquent la daubasse.

Ces investisseurs sont intéressants pour nous à deux titres :

– Tout d’abord, ils nous offrent des enseignements intéressants pour nos propres politiques d’investissement

– Ensuite, par leur réussite, ils nous permettent d’avoir la confirmation concrète et tangible (vous savez que nous adorons le tangible) que l’achat de mégots de cigare, de rebus de poubelle, de ferrailles, de vieux débris, … bref de daubasses, ça peut rapporter.

Ainsi, sur notre blog, nous vous avons proposé des articles portant sur :

– Le plus grand parmi les grands, immense parmi les géants, notre modèle à tous : Walter Schloss

– Celui qui aurait pu prétendre à ce titre s’il n’avait pas « mal tourné » à un moment de sa carrière mais qui reste malgré tout un exemple pour sa période Partnership, Warren Buffett

– Celui qui a longtemps hébergé Big Walt dans ses bureaux et qui fut le courtier de l’Oracle d’Omaha, Christopher Brown

– Un élève modèle de Benjamin Graham, Donald Smith

– Le gestionnaire du Third Avenue Value Fund, le légendaire Martin Whitman

– Le liquidateur et requin des « opérations spéciales », Seth Klarmann

Nous vous présentons aujourd’hui un autre membre de cette espèce rare que constitue le chasseur de daubasse. Son nom : Scott Barbee.

Scott Barbee
Scott Barbee

Notre ami Scott présente déjà une caractéristique intéressante : il fut un des collaborateurs de Donald Smith … mais vous pensez bien, ami( e) lecteur(trice) que ce n’est pas pour cette simple et unique raison que nous vous le présentons : nous n’avons absolument pas l’intention de vous parler de tous les employés qui se sont succédés auprès des différents maîtres mentionnés ci-dessus.

Scott Barbee, quand il ne fut plus (Barbee) bleu (hum … l’auteur de ces lignes n’est pas particulièrement fier de ce jeu de mot mais il faut lui pardonner : il les a rédigées tard le soir après une dure journée de labeur), … après avoir travaillé pour Donald Smith & Co disions-nous, il fonda le « Aegis Value Fund », un fonds de placement qui a généré depuis sa création en 1998, un rendement de 10,5 % par an quand, dans le même temps, le S&P 500, dividendes inclus, ne s’accroissait annuellement que de 3,7 %.

La différence est de taille : grâce au miracle des intérêts composés, 100 dollars investis sur Aegis sont devenus 404 dollars alors que la même somme investie sur les sociétés du S&P ne devenait que 162 dollars.

Mais vous comprendrez pourquoi ce gérant de talent a attiré notre attention lorsque nous vous aurons dit que depuis sa création, les actions composant le Aegis Value Fund ont constamment été valorisées à un ratio cours/valeur comptable largement inférieur à 1 (même aux moments d’euphorie béate de la bulle internet). Fin septembre 2012, ce ratio est de 0,74 alors que le S&P 500 se traite à 2,2 fois cette même valeur.

De son propre aveu, Scott Barbee se définit comme un investisseur « deep value » de la « veille école », par opposition à la nouvelle école des investisseurs dans la valeur dont il cite Bill Miller comme étant un des plus illustres représentants.

Parmi ses modèles et professeurs, il cite, entre autres, Benjamin Graham (évidemment), Seth Klarman, Joël Greenblatt (que certains d’entre vous connaissent sans doute via sa formule magique) et John Neff auprès duquel il suivit quelques cours. Il échangea avec Walter Schloss et, forcément, Donald Smith. Bref, probablement parmi les plus belles références possibles pour un investisseur de la génération actuelle.

 

Sa philosophie d’investissement est simple :

– Il ne gère pas la volatilité

– Il tente de minimiser le risque de perte permanente de capital

– Il tente de gérer ses liquidités en désinvestissant en période d’euphorie et en investissant en période de déprime

Aegis Value Fund détient environ 80 lignes mais s’il était libre de construire le portefeuille idéal sans contrainte, celui-ci serait constitué de 20 lignes équipondérées

– Il privilégie l’approche « bottom up » : il estime qu’il est plus facile de déterminer les fondamentaux d’une entreprise que de prévoir les grands cycles macro-économiques

 

Son processus de sélection de titre l’est encore plus :

– Il présélectionne les sociétés qui se traitent sous leur Valeur d’Actif Net Tangible

– Il élimine les sociétés trop endettées car, en raison du levier de l’endettement, une légère érosion de l’actif peut réduire fortement la Valeur d’Actif Net Tangible comme nous l’expliquions ici

– Il privilégie les sociétés qui présentent des cash flows constants ou, éventuellement, qui donnent des signes d’amélioration possible de leur cash flows

– Il porte une attention particulière aux sociétés qui rachètent leurs propres actions, aux achats d’insiders ou qui procèdent à des restructurations

– Il retraite l’actif net en tenant compte à la fois d’éventuelles dettes cachées ainsi que de possibles surévaluations ou sous-évaluations d’actifs

– Les dividendes ne l’intéressent pas beaucoup sauf quand la suppression de celui-ci met les cours sous pression, créant ainsi des opportunités d’achat

– Il met plutôt l’accent sur les flux de trésorerie plutôt que sur les bénéfices

– L’absence temporaire de flux de trésorerie ne le dérange pas outre mesure dans le cas d’une entreprise cyclique ou en restructuration

– Il confirme son travail d’analyse par un entretien avec la direction de la société

L’essentiel de sa journée de travail est constitué par du travail de recherche : surtout la lecture des rapports financiers mais aussi des rapports d’analystes ou divers articles. Il échange aussi par téléphone avec d’autres investisseurs et en réunion avec son équipe d’analystes.

Voici donc comment l’élève de Donald Smith, lui-même élève de Benjamin Graham est devenu un maître.

Scott Barbee publie sur son site des « manager letters » mensuelles qui sont un véritable régal pour les investisseurs « dans la valeur ».

Comme vous pouvez le constater, nous retrouvons pas mal de points communs entre les différents investisseurs « deep value », les moindre n’étant pas le souci du collatéral tangible et d’un faible endettement. Et vous savez déjà, cher(e) lecteur(trice) que nous partageons entièrement ce point de vue.

Si vous aussi, ami(e) lecteur(trice), vous souhaitez nous présenter des investisseurs de qualité connus ou moins connus, n’hésitez pas même si ces investisseurs n’entrent pas dans la catégorie des chasseurs de daubasses : comme vous le savez, nous ne sommes pas sectaires : nous avons déjà publié ici-même des articles traitant de François Badelon, Peter Lynch par l’intermédiaire de notre ami Ben et même des traders de la trempe de Richard Dennis et Bill Eckhard.

 

<< Seth Klarman et la valeur de liquidation

6 réflexions au sujet de « L’élève de l’élève devenu maître »

    1. Bonjour Mullez,

      nous ne l’avons pas relevé mais, comme vous le savez sans doute, ce point n’est pas très important pour nous puisque nous ne gérons pas la volatilité. Ce qui nous intéresse, c’est d’obtenir le plus haut rendement possible sur une longue période. Que pour obtenir ce rendement, il faille passer par la case – 30 % ou – 40 % nous importe peu … comme nous l’expliquions par exemple ici ou ici

  1. Très bon article me permettant de découvrir de nouveaux noms derrières des investisseurs célèbres! Je vais mentionner cet article dans mon « Ca vaut l’détour » pour la semaine dernière.

    Et merci au passage pour le petit clin d’oeil à mon résumé de « Beating the street » de Peter Lynch à la fin de l’article 😉

    Ben

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