Archives de catégorie : Analyse Financière

Le tableau des flux de trésorerie et la valeur des immobilisations corporelles

La semaine dernière, nous vous avions expliqué, cher lecteur, toute l’utilité du tableau des flux de trésorerie pour tenter de mesurer la juste valeur des postes de l’actif courant.

Mais il y a mieux ! En effet, cet outil nous semble aussi tout aussi utile, si pas plus, pour déterminer si les immobilisations corporelles sont bien inscrites  à leur juste valeur. 

En effet, certaines immobilisations conservent de la valeur sur une assez longue période (comme un bâtiment ou un terrain).  D’autres en perdent assez vite (par exemple : du matériel informatique). 

Il se pose alors une question : comment savoir si la valeur reprise dans les comptes pour ces immobilisations correspond bien au prix que l’on en obtiendrait si on les réalisait immédiatement ? Continuer la lecture de Le tableau des flux de trésorerie et la valeur des immobilisations corporelles

Le tableau des flux de trésorerie : une autre protection contre la magouille

Il est un outil à la disposition d’un l’investisseur value dont nous n’avons pas traité jusqu’à présent : c’est le tableau des flux de trésorerie.

Comme vous le savez, cher lecteur, les flux de trésorerie ne nous intéressent pas outre mesure car notre approche est basée essentiellement sur les actifs des sociétés. Néanmoins, nous pensons que, grâce à ce tableau, il est possible de se faire une idée de la qualité de ces actifs et ce, au travers de deux approches. Dans cet article, nous aborderons l’approche qui permet de vérifier la qualité des postes de l’actif courant. Ultérieurement, nous vous proposerons une méthode qui pourrait nous aider à vérifier la valeur des immobilisations corporelles.

Dans un précédent article, nous vous avions expliqué les filtres que nous mettions en place pour nous protéger, autant que possible, d’une direction indélicate.

Ces filtres ne sont malheureusement pas suffisants pour nous protéger. Si une direction est effectivement malhonnête et retorse, il est possible que les boursicoteurs du dimanche que nous sommes se fassent purement et simplement « rouler dans la farine » malgré toutes les précautions que nous aurions prises.

Récemment, nous avons vendu les misérables ruines qui subsistaient de notre flamboyante ligne en T-Bay Holding.  Résultat des courses : une perte de presque 90 % de notre investissement initial et le sentiment de nous être pris les pieds dans le tapis et surtout, d’avoir été menés en bateau par la direction de cette société. Comme nous vous l’avions signalé, nous soupçonnons que les ventes annoncées par la direction étaient en réalité fictives et donc, que les créances commerciales qui résultaient de ces ventes et qui constituaient le principal actif de la société n’avaient aucune consistance.

 

Aurions-nous pu détecter ce problème ?

Certes, il y avait bien un allongement anormal du délai moyen de paiement des clients mais nous en tenions compte dans notre valorisation, exigeant par là même une marge de sécurité supplémentaire. Mais les stocks étaient inexistants, la solvabilité excellente et en augmentation, les charges financières quasiment absentes et le fonds de roulement positif.

Et pourtant, quelque chose aurait pu, si nous y avions accordé de l’attention, nous mettre, au moins partiellement, la puce à l’oreille : c’est le tableau des flux de trésorerie ou « cash flow statement ». Ce tableau permet de distinguer les origines des entrées et sorties de trésorerie d’une entreprise ainsi que de justifier les causes de sa position de trésorerie ou, le cas échéant, de sa position d’endettement.

Dans le cas de T-Bay, nous nous intéressons au haut de ce tableau, celui des flux des activités opérationnelles. Nous pouvons découper ce type de flux en trois parties :

  • le résultat opérationnel de la société
  • les charges non décaissées et les produits non encaissés
  • la variation du besoin en fond de roulement

Le résultat opérationnel n’appelle pas vraiment d’explication : c’est simplement le résultat obtenu par l’activité industrielle et commerciale de la société avant les charges financières et les impôts.

Les charges non décaissées sont des charges qui, comme leur nom l’indique, ne donnent pas lieu à des sorties de cash pour l’entreprise : par exemple les amortissements des actifs ou des provisions pour créances douteuses.

Nous revenons plus en détail sur le besoin en fond de roulement. Il correspond à l’argent « bloquée » par la société pour financer son cycle d’exploitation, autrement dit, l’argent qui est immobilisée entre le moment où la société paie son personnel et ses fournisseurs et le moment où elle encaisse effectivement les factures de ses clients. En gros, on calcule sur base de la formule suivante : stocks + créances – fournisseurs. La variation du besoin en fond de roulement calcule la différence entre le besoin en fond de roulement de l’exercice précédent et celui de l’exercice clôturé. Et si le besoin en fond de roulement augmente (autrement dit si les stocks et les créances augmentent plus vite que les dettes fournisseurs), la trésorerie disponible pour la société diminue à due concurrence puisqu’elle se retrouve immobilisée dans le cycle d’exploitation.

 

Mise en pratique avec T-Bay Holding

Après ce petit préambule technique, nous vous proposons d’analyser le flux des activités opérationnelles de  ce gros « foirage » que fut T-Bay Holding.

Nous nous basons sur les comptes arrêtés en mars 2009 : ce sont eux qui ont servi de base à notre décision d’investir.

Première ligne de nos flux d’exploitation : le résultat. Ici, pas de surprise : T-Bay présentent une perte de 8 713.  Normal : c’est une daubasse après tout.

Nous ajoutons ensuite les charges non décaissées pour obtenir l’excédent brut d’exploitation (ou EBITDA) : très joli de la part de  T-Bay holding qui, après ces redressements, présente un « déficit brut d’exploitation » de seulement 1 584. En effet, la majeure partie des pertes étaient due à des provisions pour créances douteuses qui constituent bel et bien des charges comptables mais pas des charges décaissées, du moins tant que la perte n’est pas confirmée et définitive. Nous avions remarqué cela lorsque nous avions décidé d’acheter la société et avions mis cela sur le compte de la grande prudence de la direction quant à ses règles d’évaluation. Hélas, si nous avions pris la peine de passer à la troisième étape, nous aurions compris qu’il ne s’agissait pas de prudence mais, au mieux, de réalisme.

3e étape : nous ajoutons la variation du besoin en fond de roulement si ce besoin a diminué (puisque la société a, dans ce cas, libéré de la trésorerie de son cycle d’exploitation) ou la soustrayons si le besoin a augmenté.

Chez T-Bay, alors que les ventes se « krachaient » de 24 % d’une année à l’autre, le besoin en fond de roulement explosait à la hausse. Bizarre tout de même : une société qui vend moins et voit ses en-cours clients augmenter ! Ainsi, en raison de cet augmentation, le flux de trésorerie de T-Bay Holding s’établissait finalement à  un montant négatif de 6 764.

Cette démonstration, si elle ne nous aurait probablement pas empêché d’investir dans la société, nous aurait cependant mis « la puce à l’oreille » et peut-être nous serions nous dégagés plus tôt ou, à tout le moins, aurions nous  évité de nous renforcer sur cette position.

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>> De la pertinence de respecter les règles comptables généralement admises

Les VANTRe, comment ça marche ?

Comme vous l’avez certainement remarqué, cher lecteur, nous avons acheté récemment deux valeurs canadiennes labellisées Daubasses VANTRe. Ce sont les Daubasses cachées numéro 19 et numéro 20 du portefeuille. Dans un précédent article, nous vous expliquions ce qu’une VANTRe a dans le ventre, aujourd’hui nous allons estimer leurs rendements potentiels.

L’intérêt d’une VANTre ou Valeur d’Actif Net Tangible rentable réside dans le fait d’être un mix entre une approche basée sur la valeur patrimoniale des actifs et une approche de croissance basée sur le potentiel de développement de l’entreprise. Essayons quelques calculs avec les titres détenus en portefeuille…

Le potentiel lié à la valeur d’actif

Les sociétés 19 et 20 ont respectivement un ratio VANTRe de 0,7785 et 0,4207. Ce qui signifie que ces entreprises sont valorisées par Mr le Marché bien en dessous de la valeur de leurs actifs tangibles (tous les actifs hors les incorporels auxquels nous avons retranchés tout le passif). Nous sommes des investisseurs patients et prudents. Nous considérerons donc dans nos calculs que Mr le Marché mettra 10 ans pour valoriser « correctement » ces sociétés. Continuer la lecture de Les VANTRe, comment ça marche ?

De la pertinence de respecter les règles comptables généralement admises …

« Lorsque vous recrutez quelqu’un cherchez trois qualités : l’honnêteté, l’intelligence et l’énergie. Si la première manque, les deux autres vous détruiront » W. Buffett

Au cours d’une chasse à la daubasse, nous sommes tombés, fins pisteurs que nous sommes, sur ce qui nous semblait être une superbe prise, certes un peu chère mais qui aurait pu entrer en watching list.

L’historique de rentabilité de l’entreprise est impeccable, ses activités sont assez diversifiées et sa direction jouit d’une excellente réputation.

Forts de cet a priori favorable, nous surveillons le cours de cette société, prêts à bondir pour garnir notre gibecière à la moindre faiblesse du cours.

Il y a quelques jours, nous avons constaté  que les actifs de cette entreprise sont valorisés dans les comptes selon des méthodes très folkloriques.  Voici quelques exemples de ce que nous avons découvert :

–       La société n’amortit pas ses immeubles parce qu’elle estime que ceux-ci prennent de la valeur dans le temps au lieu d’en perdre ;

–       une créance tirée sur un client en faillite n’a pas été provisionnée en créance douteuse parce que la direction estime qu’avec les procédures judiciaires en cours, elle a de bonne chance de finalement encaisser l’entièreté de celle-ci ;

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–       les matières premières en stocks sont évaluées à leur coût d’achat alors que leur prix s’est effondré mais la direction maintient la valorisation au coût d’achat parce qu’elle pense qu’avec la reprise économique, leur prix va augmenter dans les mois qui viennent.

 

Quelle conclusion tirez-vous cher lecteur de ces constatations ?

……………..

Probablement que la direction de cette société manque de la plus élémentaire honnêteté et qu’une telle société ne mérite pas d’entrer dans un portefeuille d’actions fut-il un portefeuille de daubasses (à moins, évidemment, de présenter un prix qui nous procure d’énormes marges de sécurité tenant compte de ce phénomène).

En effet, les comptes d’une entreprise se doivent d’être le reflet, entre autre, de la valeur de ses actifs au moment de la clôture des comptes et non pas de la valeur espérée dans le futur par sa direction, fut-elle compétente et objective.

Nous devons à présent vous avouer quelque chose, cher lecteur : cette société est tout droit sortie de notre imagination.  Par contre, nous avons effectivement pu lire cet article la semaine dernière.

Commençons par le commencement et donc la théorie.

 

Comment comptabilise-t-on une participation dans les comptes d’une entreprise ?

Il existe 3 méthodes admises pour comptabiliser une participation dans les comptes d’une entreprise :

1. Soit une entreprise est contrôlée par sa maison-mère (qui détient + de 50 % des droits de vote à l’AG) : on intègre alors chaque poste du bilan de la filiale entièrement dans les comptes de la maison mère. Si la filiale a été acquise au dessus de la valeur de ses fonds propres, la différence est inscrite en goodwill et la valeur de la participation des actionnaires minoritaires, s’il y en a, est reprise au passif au poste  « intérêts des minoritaires »).

2. Soit la maison mère exerce une influence sur la gestion de la filiale mais sans en avoir le contrôle (par exemple, elle détient 20 % des droits de vote d’une entreprise cotée et est le plus gros actionnaire) : dans ce cas, on « met la participation en équivalence » c’est à dire qu’on la reprend à l’actif pour la valeur des fonds propres de la filiale et, si elle a été payée plus cher, la différence est inscrite au goodwill.

3. Soit il s’agit de participation détenue sans aucun contrôle ou influence et dans ce cas, les actions sont inscrites à leur valeur d’acquisition … ou à leur fair value (ou « juste valeur ») si celle-ci est inférieure à la valeur d’acquisition.  La « juste valeur » est définie comme « le montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, constantes et agissant dans des conditions de concurrence normale ».  Il est communément admis que la fair value d’entreprises cotées correspond à leur valeur de marché au moment de la clôture des comptes.  Et la valeur de marché d’actions cotées, n’est-ce pas le cours de bourse ?

 

La méthode Berkshire Hataway

Et qu’apprend-t-on ici ?  Que la direction de Berkshire Hataway n’acte pas de réduction de valeur sur ses participations minoritaires cotées sous prétexte qu’elle pense que leur cours de bourse pourrait bien se redresser dans les années à venir …

Que Warren se moque du court terme en matière d’investissement, nous sommes d’accord et partageons cette vision mais nous estimons aussi que ce n’est pas une raison pour que la comptabilité de Berkshire Hataway, qui constitue une photographie de l’entreprise à un moment « M », soit folklorique.

Pour que cette photographie soit fiable, c’est la valeur de réalisation de chacun des composants du bilan au moment de cette photo qui doit être pris en compte en fonction des règles comptables admises universellement et pas la valeur « rêvée » par un des dirigeants de la société.

Si chaque dirigeant de société adapte les règles d’évaluation en fonction de sa propre perception, fût-elle objective et honnête, quel est l’intérêt qu’une compagnie publie encore des comptes ?

 

Quelles conclusions tirons-nous de ceci ?

D’une part que Warren Buffett incarnait pour nous non seulement un investisseur de légende mais aussi une autorité morale.  Avec ce « tripatouillage » comptable, l’investisseur de légende n’est pas remis en cause mais « l’autorité morale » en a pris un sacré coup.

Ensuite, nous avons l’impression qu’on admet de Monsieur Buffett beaucoup d’incartades qu’on ne tolérerait pas d’un autre dirigeant. Si ce problème avait été soulevé pour le patron d’une société « daubasse », il aurait été  mis au ban, critiqué sans concession pour son manque d’honnêteté comptable et, par contagion, aurait probablement  été accusé de peu de sérieux général : une direction à éviter, une société à traiter avec des critères de sécurité « Daubasses », pour ne pas avoir de surprises. Mais, apparemment,  quand c’est Buffett, on raisonne tout autrement …

Nous nous posons également une question : Warren Buffett accepterait- il que le dirigeant d’une de ses filiales fasse de tels écarts, lui qui exige une honnêteté sans condition ?

Enfin, cet évènement nous permet de nous ranger définitivement dans le camp des Graham et autre  Schloss : la qualité d’une direction nous semble de plus en plus un argument d’investissement léger  face à la force d’un actif tangible et d’une grosse marge de sécurité…

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>>Des ratios financiers utiles pour évaluer une direction