Quelques errements, voire quelques écarts sur nos règles non encore écrites ont pu nous coûter cher depuis le début de notre aventure à cause du non respect de notre process. C’est le prix que nous avons payé pour affiner notre process et le rendre le plus efficace possible, dans sa définition, comme dans son application.
Egalement, le respect du process en lui-même, notre garde-fou émotionnel, nous a parfois joué ce qui semble a posteriori de bien mauvais tours. Souvenez-vous, quand par exemple il nous a fait vendre une valeur qui nous a généré un piètre rendement et qui a par la suite explosé à la hausse.
Vous aurez reconnu par-là le titre Plastivaloire, qui cote aujourd’hui 38,45 EUR alors que nous l’avons vendu à 22,27 EUR le 5 juin 2014, réalisant au passage un modeste gain de +14,08%. Les titres avaient été achetés en une seule transaction le 27 février 2012 à un cours de 19,39 EUR, tout frais inclus.
La bourse est le temple des regrets
Il est aisé, voire trop facile, de juger d’une apparente mauvaise décision. Il convient dès lors de se poser une question légitime. Est-ce réellement une erreur de notre part ?
Nous pensons et nous en sommes persuadés : cette vente est évidente pour nous et nous dormons bien avec ce coût d’opportunité. Le titre cote en effet aujourd’hui à un niveau 73 % supérieur à notre niveau de vente.
Contrairement à de nombreux acteurs de marché qui privilégient uniquement leurs performances, nous préférons éviter les pertes que de chercher les gains absolus. La prudence prévaut sur la performance. C’est cette raison qui nous a poussée à vendre notre position car la solvabilité était passé sous les 40% que nous exigeons pour acheter des titres comme pour les garder en portefeuille. Le titre était sous ce seuil de 40% depuis une période suffisamment longue (1 an, comme l’exige notre process) pour passer à la trappe. Alors, oui, il y a eu manque à gagner sur cette position, mais avec quel niveau de risque (assumé ? connu ?) pour ceux qui ont gardé le titre ?
Le même ratio, la même réaction, mais… une autre conclusion
C’est le même process sur le ratio de solvabilité qui nous a indiqué que la société Alco Stores avait un bilan déséquilibré. Aussi, après une OPA initiée par les managers de la société et qui a été avorté en novembre 2013 et un titre qui flirtait alors les 14 USD, cette position de notre portefeuille a été larguée le 25 juin 2014 car son ratio de solvabilité était passé sous la barre des 40% consécutivement depuis plus d’1 an. Sans états d’âme, alors même que plusieurs d’entre nous avaient des avis positifs sur la valeur, nous avons vendu nos titres réalisant ainsi une perte de -15,94%. La décision a été d’autant plus douloureuse à acter que le potentiel d’Alco Stores était à 3 chiffres. Nous avions même renforcé notre position initiée le 28 juillet 2011, en doublant la mise le 4 mai 2012.
Dans une telle situation, l’investisseur doit alors faire face à un des phénomènes psychologiques le plus complexe : admettre qu’il s’est trompé. Et ceci même deux fois. En fait, c’est notre process qui nous a indiqué qu’avec les nouvelles données financières issues du bilan de l’entreprise, il n’était désormais plus prudent de détenir ce titre. Le même process qui nous avait fait acheter ce titre quelques années auparavant. Dès lors, aucun problème pour nous de cliquer sur le bouton « vente » : le process a toujours raison.
Nous ne remettions nullement en cause notre décision d’achat, la vie d’une entreprise évolue évidement au fil des trimestres. Et pour une Daubasse, pas toujours dans le bon sens. Mais ça, vous le savez, et c’est une autre problématique qui justifie notamment le fait que nous achetons un panier de Daubasses et que nous limitons la position d’un titre à une pondération maximale de 3,33% de notre portefeuille pour jouer des avantages statistiques.
Le rétroviseur n’est pas le meilleur outil adapté à l’investisseur en bourse. Néanmoins, nous n’avons été que faiblement étonné quand la société s’est déclarée par la suite en faillite, durant l’été 2014.
De cet exemple concret issu de notre portefeuille, nous en tirons un enseignement que nous revendiquons haut et fort : « oui, nous avons manqué des plus-values et, oui, nous continuerons à passer à côté de gains importants », mais cela, c’est parce que nous appliquons notre process, qui a fait ses preuves et nous protège de la plupart des plus grands risques.
Conclusion :
Nous nous donnons un objectif de moyens, et non de résultats, tout en restant convaincus que notre approche continuera de générer sur le long terme une performance supérieure au marché.
Bonjour les Daubasses,
je suis toujours aussi admiratif devant la rigueur que vous mettez à appliquer votre process.
Néanmoins, je me pose une question (en fait, je me la suis posée déjà il y a bien longtemps, et j’ai trouvé ma propre réponse). N’y voyez pas une critique, mais juste un moyen de réfléchir ensemble. « Obéir aveuglément » à un process est un tour de force en bourse, et c’est ce qui fait votre réputation, mais comment être certain que ce process est optimisé ?
Ce que je veux dire par là, c’est qu’il y a peut-être un autre critère, assez proche de la solvabilité, qui vous aurait fait vendre Alco Stores, mais conserver Plastivaloire. Ou peut-être qu’un critère supplémentaire comme le montant de la prochaine échéance obligataire (je donne ça un peu au hasard) aurait permis de faire la distinction. Mais je suppose que vous avez déjà pensé à cela…
Amicalement,
Boris
« Mais je suppose que vous avez déjà pensé à cela… »
Oui Boris, nous essayons de déterminer « la technique parfaite » mais celle qui fait gagner « à tous les coups » n’existe malheureusement pas encore (ou, nous ne l’avons pas trouvée). Tout au plus, chaque investisseur peut déterminer une technique qui lui convienne et qui lui procurera un avantage statistique par rapport au marché. Et rien que ça, c’est déjà beaucoup.
Bonjour à toute l’équipe.
J’aurais une petite question par rapport à votre process de vente.
Je comprends que vous vendez:
– lorsque le cours dépasse la VANT
– lorsque le ratio de solvabilité passe sous la barre des 40%.
Que faites-vous lorsque la valeur des actifs diminue? A partir de quel moment décidez-vous de vendre le cas échéant.
Cordialement.
Bonjour Julien,
Nous vendons lorsque le cours dépasse la VANT que ce soit parce que le cours s’est apprécié ou parce que la VANT s’est dépréciée. Mais, si la sous évaluation ne se résorbait jamais dans la durée, nous avions opté pour une approche telle que nous l’avions, avec l’aide de nos lecteurs, déteminé ici.
Votre process est limpide (comme le rétro-viseur en bourse) et vous le respectez à la lettre. C’est suffisamment rare pour être souligné et nous ne pouvons que vous féliciter pour cela.
La ratio de solvabilité que vous avez mis en place, tout comme la stratégie net-net remise au goût du jour que vous pratiquez, sont basées sur une analyse du bilan.
Tout ce que vous décrivez dans cet article est donc on ne peut plus logique et normal.
En envisageant l’analyse différemment, sous l’angle de la capacité bénéficiaire, il s’avérait en fait que PVL générait suffisamment de cash-flows pré-taxes, pré-intérêts pour que sa vie ne soit pas mise en danger à court terme.
Mais la rigueur du process doit s’imposer avant tout.
En bref, ne changez rien !
Bien à vous.
Bonjour Etienne,
Nous ne sommes pas certains du tout qu’une analyse approfondie sur base de la capacité bénéficiaire nous aurait conduits à prendre des décisions fondamentalement différentes.
Au cours des 4 exercices comptables clôturés précédant notre décision de vendre, Alco a généré un free cash flow postif représentant 10,9 fois sa dette long terme moyenne là où Plastivaloire a généré un free cash flow qui représentait 20,9 fois sa dette moyenne à long terme. Cette analyse nous donne donc un Alco plus apte à rembourser ses dettes sur base de sa capacité bénéficiaire qu’un Plastivaloire (donc le contraire de ce que tu estimes).
On peut certes considèrer que Plastivaloire était une société de croissance alors que Alco était une société en déclin et que, pour cette raison, on considère que les investissements de Plastivaloire doivent essentiellement soutenir la croissance, considérons même qu’il n’y a aucun investissement de maintien parmi les investissements de Plastivaloire (ce qui, tu en conviens, est particulièrement « gonflé » pour une entreprise industrielle qui n’a rien de « capex light »).
Dans ce cas, nous trouvons un Ebitda moyen représentant 6,4 fois la dette à long terme d’Alco pour un Ebitda moyen représentant 5 fois la dette à long terme pour Plastivaloire. Il y aurait alors, dans ce cas de figure partant d’hypothèses avantageant manifestement Plastivaloire, un léger avantage pour cette dernière … mais, à notre avis, pas suffisant pour justifier, sur cette seule base, de conserver l’un et de vendre l’autre (et encore, en conservant « la bonne société »). Donc, sur ce coup-là, nous ne pouvons pas être en phase avec ton affirmation « il s’avérait en fait que PVL générait suffisamment de cash-flows pré-taxes, pré-intérêts pour que sa vie ne soit pas mise en danger à court terme. » puisque les deux sociétés étaient sensiblement sur un pied d’égalité sur ce plan-là.
D’ailleurs il y a eu effectivement des candidats pour lancer une OPA sur Alco à un prix bien supérieur à notre cours d’achat, preuve que d’autres que nous y avaient décelé des possibilités intéressantes.
Notre avis, dans le cas présent, c’est qu’il était impossible à un investisseur rationnel et extérieur aux sociétés concernées de déterminer à coup sûr laquelle des deux ferait faillite et laquelle des deux procurerait une plus-value. Et devant une telle incertitude, l’investisseur particulier n’a d’autres solutions que de travailler son « avantage statistique ».
Vouloir gagner « à tous les coups » nous semble tenir du fantasme. Par contre, il nous semble possible moyennant un process rigoureux de limiter ses pertes et de maximiser ses profits.
Chers amis,
Entendons-nous bien. Je parle uniquement de PVL et ne compare pas avec Alco que je ne connais pas suffisamment.
Je ne discute pas du tout le fond de l’article sur le choix de garder ou de vendre l’un ou l’autre.
En restant focalisé sur PVL, je pense que nous sommes d’accord sur le fond mais que nos chiffres divergent.
Mon calcul est basé sur Ebitda-Capex (en considérant bien entendu que la totalité du capex est du capex de maintenance, of course).
Sur la période 2010-2013, je trouve que :
– L’EBITDA-Capex moyen ressort à 10M€
– La dette financière nette ressort à 42M€
PVL ne peut pas prétendre au qualificatif de cash-cow et il faut bien entendu rester prudent mais ces résultats m’engagent à penser que la capacité bénéficiaire étant suffisante au regard de l’endettement.
Bien à vous.
Bien sûr Etienne et ce qui compte, c’est que chacun utilise une approche de l’investissement qui soit rationnelle et en phase avec son tempérament.
Ce que nous voulons souligner, c’est que si on pense que Plastivaloire génère une capacité bénéficiaire suffisante pour faire face à ses engagements, c’était encore plus le cas d’Alco jusqu’au moment de la publication du rapport financier qui nous a poussé à vendre.
Apparemment, nos chiffres divergent parce que les calculs utilisés sont différents mais cela n’a pas tellement d’importance (par exemple, nous avons déjà débattu sur Be Rich de l’opportunité de prendre en compte la variation du besoin en fonds de roulement dans le calcul des free cash flow) parce que, si on applique strictement la même méthode de calcul à chacune des deux sociétés, on arrive invariablement à la même conclusion : jusqu’au dernier exercice comptable qui a entrainé la vente d’Alco, celle-ci générait plus de cash que Plastivaloire comparativement à ses engagements à long terme. Et donc, même si on constate que l’un a fait faillite et que l’autre ne se porte pas trop mal à postériori, l’importance de la capacité bénéficiaire à elle seule ne permettait pas, à priori, de déterminer des issues différentes pour chacune des deux sociétés.
Bravo l’équipe, je trouve l’article de cette semaine formidable!
Vous nous expliquez deux investissements foireux dans le cadre de votre méthode. Et j’ai beau cherché partout sur le net (anglophone ou francophone), des sites financiers qui nous expliquent leurs investissements foireux dans le cadre d’une méthode compréhensible, je n’en trouve aucun.
Comme je ne trouve pas non plus des commentaires de votre part, sur le fait que vous soyez les meilleurs, les plus ceci ou les plus cela. En fait, je vous écris aujourd’hui pour simplement vous dire que si vous n’êtes pas les meilleurs, les plus grands et les plus forts, vous restez pour moi inégalés et sans doute inégalables. Et j’oublie volontairement votre performance hors norme, pour seulement souligner votre transparence, votre honnêteté et votre soucis d’expliquer encore et encore votre process, qui est capable de générer des pertes, mais aussi des gains impressionnants et tout ceci avec une simplicité rare.
Seul bémol. Je dois quand-même vous avouer qu’au niveau marketing, vous êtes assez nuls et je pèse mes mots. Et comme cela ne date pas d’hier (je vous lis depuis mars 2009!), le seul conseil que je puisse finalement vous donner c’est : ne changez rien, ça n’en vaut plus la peine!