Finance comportementale : le biais d’ancrage ! Un méta biais (2e partie) ?

finance comportementaleCe texte fait partie de la série « finance comportementale » et constitue la suite de l’article que nous vous avions présenté la semaine dernière.

Voici donc les deux tests que nous avons retenus. Il y en a plein d’autres pour mieux vous faire comprendre les « ratés » de notre rationalité. Nous vous invitons, cher lecteur, chère lectrice, si vous le désirez, à répondre aux deux questions posées directement après avoir lu la question car ces questions sont tellement simples qu’elles ne demandent pas une longue réflexion. Vous pourriez même les noter rapidement sur un bout de papier. Et nous n’allons pas vous donner les réponses de suite mais vous relater ce qu’ont répondu les trois « membres-test » de l’équipe des daubasses.

psychologie de l'investisseur en bourseLes deux tests sont les suivant :

1° Une batte de baseball et une balle de baseball coûtent 1 dollar et 10 cents. Sachant qu’il y a une différence de 1 dollar entre le prix de la batte et la balle, que coûte la balle de baseball ?

2° Sur un lac il y a de belles feuilles rondes de nénuphar. Ces feuilles de nénuphar doublent chaque jour. Par rapport à la taille du lac, on sait que le lac sera entièrement recouvert par les feuilles de nénuphar dans 48 jours. Combien de jours faut-il pour que le lac soit recouvert à moitié ?

Voici comment le test a été présenté aux membres des daubasses :

Louis A, Louis P et Franck,

 

Dans le cadre de mon 10ième article de finance comportementale, je vous demande donc une nouvelle fois de jouer les cobayes. Merci mes chers cochons d’Inde !

 

Voici donc ce que je vous demande et le cadre de cette petite expérience.

 

Je vous demande donc de répondre à deux questions simples. Et de jouerle prix d'achat d'une action le jeu de répondre tout de suite après que vous avez lu la question, soit en gros après maximum 5 secondes du début de la lecture de la question. Je vous envoie une feuille Word en attache, où j’ai écrit les deux questions sur deux pages différentes, pour que vous ne soyez pas tenter de lire les deux questions à la suite. Et donc pour que vous lisiez la question, puis donniez une réponse rapide après l’avoir lu.

 

 

Voici ce qu’ont répondu les daubasses aux deux questions :

 

Franck :

Voici mes réponses grand méchant loup :

1) 10 cents. Mais je sais que je me suis gouré, c’est 5 cents.

2) 47 jours

la psychologie de l'investisseur en bourse1Louis P :

 

groin groin groin……!   Pour la 1ere question, je dirais que la balle coûte soit 1 dollars, soit 10 cents Pour la 2e question, c’est forcément 47 jours.   Par honnêteté, je dois reconnaître que j’ai réfléchi plus de 10 secondes pour la  1ere des deux questions en me demandant où était le piège (mon premier réflexe était de dire 1 dollar uniquement). Par contre, pour la 2e, la réponse m’a semblé évidente dès la première lecture.   groin groin groin  Satisfait Monsieur l’expérimentateur ? 

 

Louis A. :

Mes réponses en pièce-jointe.

1° Réponse instinctive = 10 cents

Réponse réfléchie ensuite :

Admettons que la batte soit plus chère que la balle.

X = prix de la batte

Y = prix de la balle

X+Y=1.10

X-Y=1

Donc 2X = 2.10

Par conséquent X = 1.05 et Y = 0.05 => prix de la balle = 5 cents

2°Réponse instinctive : 47 jours

Réponse réfléchie ensuite : 47 jours

Le grand méchant loup vous remercie tous les trois! Mais je dois vous dire que sur la première question vous avez tous été ancrés sur le 1$ comme ce cochon d’oncle Picsou ! Une différence de 1$ entre deux objets d’une valeur totale de 1.10$ c’est donc 1.05$ et 0.05$, soit 0.05$ pour la balle. Tout le monde est tombé… même si après plus de réflexions, vous avez trouvé la bonne réponse. Mais ce n’était pas le jeu !.Belle équation Louis A, j’ai aimé. Pour les 47 jours, vous avez bon tous les trois. La réponse du test « réel » était 24 jours ou l’on fait une division par 2 du nombre de jours sans prendre la peine de comprendre que les plantes se multiplient par deux chaque jour. Et que donc la veille du 48ième jour le lac est recouvert de moitié, puisque le lendemain la multiplication des nénuphars par deux fera que le lac sera entièrement recouvert.

psychologie de l'investisseur financier

Comme vous avez pu le constater cher lecteur, chère lectrice, les 3 petits cochons de l’équipe des daubasses se sont donc plantés sur la première question et ont répondu correctement à la seconde question. Nous pourrions donc dire qu’ils obtiennent une note de 5/10, qui ne les placent pas forcément parmi les gens « intelligents », désolé mes cochons, mais juste dans la moyenne que vous allez découvrir par la suite.

finance comportementaleNous notons toutefois deux points. Louis P., malgré ces 5 secondes supplémentaires de réflexions – qu’il avoue très honnêtement au grand méchant loup ayant sans doute peur que ce dernier ne souffle trop fort sur sa maison – est doublement ancré. Il est ancré comme les deux autres cochons sur le 1$, mais également par le fait qu’il cherche à déjouer le piège du test, puisqu’il sait que ce test va remettre en question sa faculté de réflexion et tente donc de déjouer un certain conditionnement. Mais son biais d’ancrage sur le dollar, reste le plus fort. Et deuxièmement, après plus de réflexion, hors jeu, Louis A, nous propose une équation, qui met bien sur en évidence sa rationalité d’ingénieur. Mais on peut se poser deux questions, la première : est-ce que ce petit problème devait obligatoirement être mis en équation pour être résolu ? La seconde, pourquoi Louis A, n’a-t-il pas fait l’effort de dérouler mentalement son équation, dès la lecture de la question ? Nous pensons donc que Louis A. Illustre parfaitement ce que les psychologues de Princeton nous expliquaient plus haut : Ces raccourcis ne sont pas un moyen plus rapide de faire le calcul, mais sont un moyen de sauter le calcul purement et simplement !

Merci Louis, la transition est parfaite.

Car poussant plus loin les premières recherches sur le biais la psychologie de l'investisseur en boursed’ancrage les professeurs Richard West à l’Université James Madison en Virginie et Keith Stanovich de l’Université de Toronto au Canada ont démontré avec d’autres tests que dans de nombreux cas, les gens intelligents sont plus vulnérables à ces erreurs de jugement. Même si nous supposons que l’intelligence est un tampon contre les préjugés et les raccourcis de tout acabit.

3° « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? », ou le meta-biais d’ancrage !

En fait les professeurs West et Stanovitch n’étaient pas intéressés de confirmer les biais d’ancrage déjà mis en évidence par leurs prédécesseurs mais voulaient essayer de comprendre comment ces biais étaient corrélés à l’intelligence humaine. Ils prendront donc des « cobayes » dans les prestigieuses universités de Stanford, Princeton et au MIT (Massachusetts Institute of Technology) et autres, et alterneront leurs tests avec diverses mesures cognitives.

Les résultats sont assez troublants. Tout d’abord, la conscience de soi n’était pas particulièrement utile pour éviter les biais comme le pensent souvent de nombreux scientifique. Pis encore, les gens qui étaient au courant de leurs propres préjugés n’étaient pas en mesure de mieux les surmonter. Ces résultats n’ont pas surpris Daniel Kahneman qui, déjà dans son bestseller « Thinking, Fast and Slow », écrit que « des décennies de recherches révolutionnaires n’ont pas réussi à améliorer de manière significative nos propres performances mentales. La pensée intuitive est tout aussi sujette à l’excès de confiance, aux prédictions extrêmes et aux erreurs stratégiques qu’avant ces découvertes. »

psychologie de l'investisseur en bourseOu encore ceci :  notre biais le plus dangereux mis en exergue par West et Stanovitch est que nous supposons naturellement que les autres sont plus sensibles aux erreurs de raisonnement que nous-même. Ce phénomène psychologique est connu sous le non de « tache aveugle de polarisation. » Ce méta-biais est enraciné dans notre capacité à repérer systématiquement les erreurs de décisions des autres ou les défauts de nos amis et notre incapacité à repérer ces même erreurs ou ces même défauts en nous-même. Bien que la « tache aveugle de polarisation » ne soit pas un nouveau concept, les dernières études de West et Stanovitch démontrent qu’elle s’applique à tous les biais d’ancrage étudiés et dans tous les tests simples. Dans chaque cas, nous pardonnons facilement nos propres erreurs mais nous jugeons durement les erreurs des autres.

Et le bouquet final de cette étude ressemble à un uppercut : investir en actions avec un club d'investissement belgel’intelligence semble aggraver les choses. West et Stanovitch ont d’abord établit quatre groupes de personnes en les classant selon leurs « sophistications cognitives », en gros leur capacité à penser et leur rationalité. Il ressort de l’étude que plus l’individu a une « sophistication cognitive élevée, plus grandes sont ses taches aveugles de polarisation ». En d’autre mots, plus l’individu est intelligent et capable d’introspection et de questionnement intérieur, plus il est vulnérable aux erreurs mentales communes. Daniel Kahneman et Frederick Shane avaient déjà noté voici plusieurs années que le niveau d’étude de l’individu ne changeait pas grand chose à ce problème du biais d’ancrage puisque plus de 50% des étudiants de Harvard, Princeton et du MIT ayant participé au test de la batte et de la balle de baseball avait donné une réponse fausse (Coucou, mes trois petits cochons ! Pas de quoi vous empêcher de dormir. Hein ?).

finance comportementale1Comment expliquer ce résultat ?

L’hypothèse de Richard West et Keith Stanovitch serait que « la tâche aveugle de polarisation » génère de la partialité en raison d’un décalage entre la manière dont nous évaluons les autres et la manière dont nous nous évaluons. Lorsque l’on considère que les choix d’un autre individu sont irrationnels, nous sommes forcés de nous appuyer sur des informations comportementales, nous voyons donc tous ce qui « cloche » chez l’autre d’un œil extérieur, que ce soient ses préjugés, ses arguments ou encore ses biais. Par contre, lorsque nous essayons de comprendre nos propres erreurs, nous avons plutôt tendance à nous engager dans l’introspection. Nous examinons donc de l’intérieur nos motivations et cherchons les raisons qui nous ont amenées à faire des choix irrationnels. Souvent, nous ne sommes capables que de déplorer nos erreurs et de les « ruminer » avec regret sans être en mesure de pouvoir faire un constat et d’en nommer les causes.

Le problème avec cette approche introspective, c’est que finalementle prix d'achat d'une action les forces motrices de nos préjugés, qui sont les causes profondes de notre irrationalité, sont largement inconscientes. Ce qui signifie finalement qu’elles restent invisibles à notre analyse et imperméable à notre intelligence. C’est même pour cette raison que l’introspection peut même aggraver nos erreurs et nous aveugler plus encore sur le processus primaire de nos défaillances quotidiennes.

Finalement, et ce sera la conclusion, ces études nous montrent clairement que plus nous essayons de nous connaître, moins nous nous comprenons.

 

La dernière phase comme toujours, est évidement de savoir ce que nous pouvons faire avec ces éléments pour éviter au maximum nos biais d’ancrage et renforcer notre rationalité d’investisseur.

Nous pensons donc que nous avons deux atouts clairs pour éviter ce piège de l’ancrage en fonction de ce que nous venons de relater : l’équipe des daubasse et nos process chiffrés.

L’équipe des daubasses

Cela peut vous sembler surprenant puisque la majorité des investisseurs sont généralement amenés à prendre des décisions personnelles  et sont donc seuls. Mais si vous revenez au concept de la « tache aveugle de polarisation » qui nous permet facilement de juger les autres, alors que nous avons des difficultés à nous juger, vous comprenez rapidement les avantages d’une équipe de 4 investisseurs qui n’ont pas peur de se juger mutuellement, en toute amitié, dans le seul but d’arriver à prendre les décisions d’investissement les plus rationnelles possible.

la psychologie de l'investisseur en bourseBien entendu, une équipe n’est pas forcément un gage de rationalité, si certaines règles ne sont pas respectées. Chez les Daubasses, il n’y a pas de « chef » qui fixe la ligne de conduite. Toutes les décisions sont prises par adhésion des quatre membres par rapport à la pertinence des arguments développés par chaque personnalité. Quand par exemple l’équipe est divisée, ce qui arrive parfois, nous votons. Si le sujet n’arrive pas à rallier 3 voix sur 4, nous l’abandonnons purement et simplement car notre règle numéro un est que chaque personnalité doit se sentir à l’aise avec les décisions du groupe pour pouvoir les assumer personnellement. Nous parlons de tout ce que nous faisons :  de la décision d’analyser une société  jusqu’à celle d’y investir, voire de la rédaction d’un article pour notre blog.

Notre dernier atout d’équipe, c’est le temps. Nous n’allons pas dire que nous prenons le temps pour toute décision  car ce sont les débats qui imposent leur temps. Cela peut-être rapide car un, voire des arguments s’imposent comme des évidences … comme cela peut-être long, car les points à débattre sont nombreux et demandent du temps pour être débattus comme ce fut le cas avec notre nouvelle catégorie les RAPP.

Enfin, ce que nous offrons à nos abonnés, que nous considérons ancre bourse actions1comme notre famille élargie, est toujours le fruit d’un énorme travail d’arrière-boutique qui n’apparaît pas bien entendu dans une analyse ou une décision d’investir… et qui bénéficie aussi directement de notre souci permanent de nous améliorer en tant qu’investisseur et bien plus largement qu’il n’y paraît.

Notre process chiffré

C’est notre second atout contre le biais d’ancrage et nous n’allons pas revenir sur l’ensemble de nos process que vous connaissez.

En fait, nos process et ratios-clefs chiffrés permettent de suivre la société de bilan en bilan par le chiffre. Ce process chiffré est donc semblable à un constat impersonnel qui relate donc froidement l’évolution de la santé financière de la société. Ce process ne demande pas comme l’explique Tversky et Kahneman d’ajustements supplémentaires et encore moins d’évaluations par rapport à des évènements conjonctifs ou disjonctifs que rencontrent la société. Puisque nous nous contentons de regarder si ces chiffres au fur et à mesure qu’ils évoluent s’encadrent toujours dans les règles du process. Et c’est la même démarche à l’achat comme à la vente.

psychologie de l'investisseur en bourseNous ne pourrions par exemple pas rester ancrés sur les qualités supposées, parce que reconnues de tous, d’un manager si les chiffres du bilan sont mauvais et que la situation patrimoniale de la société se détériore clairement au fil des trimestres et depuis plusieurs années. Ce serait de notre point de vue grotesque car contredit par les chiffres et trahirait manifestement un biais d’ancrage certain et un manque de rationalité. Quand nous parlons par exemple dans nos « news », de la qualité d’un manager d’une société estampillée daubasse, cela signifie que les chiffres du bilan le permettent. Nous sommes inféodés aux chiffres qui représentent la réalité et nous ne nous accordons pas d’autres libertés que chiffrées car comme nous l’avons souvent répété dans ces articles sur la finance comportementale, les 4 membres des daubasses n’ont pas la prétention d’être au-dessus des masses d’investisseurs. Nous ne sommes ni plus ni moins intelligents que d’autres investisseurs, nous sommes enclins aux même biais que vous  cher(e) lecteur(trice). La seule chose que nous essayons de faire c’est d’explorer toutes les pistes, nous permettant de devenir de meilleurs investisseurs.

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