Un peu d’analyse de bilan pour commencer l’année en beauté !
Vous êtes (certainement !) un investisseur passionné. Et dès que vous avez 5 minutes devant vous, vous vous plongez immédiatement dans la lecture de rapports annuels de sociétés cotées à la recherche de décote, de marché irrationnel. Comme nous en fait.
Et il y a une question qui vous chagrine depuis des mois : « mais qu’est-ce que je fais avec ces intérêts minoritaires négatifs ?? »
A travers un article intitulé Intérêts des minoritaires : un enjeu pas si mineur publié sur le blog, nous avions mis en avant cette ligne des bilans qu’il ne faut pas ignorer !
Mais nous n’avions pas évoqué la situation où vous vous retrouvez avec des intérêts minoritaires fortement négatifs dans le bilan. Et c’est lors des échanges avec des abonnés – Florent et Etienne – que nous remettons le couvert. La situation s’est présentée lors de l’analyse de l’une daubasse (analysée dans la lettre de décembre 2018) : (… réservé aux abonnés), dont voici une photo des fonds propres au 31/08/2018 :
Les « non-controlling interest » représentent la part des capitaux propres qui ne sont pas détenues par les actionnaires de l’entité analysée.
Ici, ils sont négatifs. Qui dit des parts de minoritaires négatifs, dit qu’une société (ou plusieurs) non détenue à 100% et non comptablement intégrée par équivalence par l’entité analysée a accumulé des pertes qui ont finis par rendre les fonds propres négatifs. Dit autrement, la (ou les) société sur laquelle la société analysée n’a pas le contrôle (de droit ou de fait) a accumulé des pertes. Ces intérêts minoritaires ne représentent rien pour les actionnaires « part du groupe » sauf cas exceptionnels.
Quels impacts dans une analyse et quelles conclusions tirer ?
1- Sur la solvabilité
Lorsque nous calculons notre ratio de solvabilité maison (pour rappel : ratio de solvabilité = capitaux propres / [total bilan – cash]), nous prenons systématiquement le total des fonds propres en intégrant la part des minoritaires quand ils ne sont pas significatifs, ces derniers pouvant apporter un soutien financier en cas de coups durs. Ils sont donc des atouts pour la solvabilité globale de l’entreprise.
Par contre, lorsqu’ils sont négatifs, nous considérons qu’ils ne viennent pas détériorer la solvabilité de l’entreprise, car on ne fera tout simplement pas appel à eux en cas de mauvaise passe. Nous prenons donc alors uniquement en compte les « capitaux propres par du groupe » pour calculer le ratio. En intégrant les intérêts négatifs, nous pourrions artificiellement réduire la solvabilité réelle de l’entité en cours d’analyse.
2- Sur la rentabilité
Si comme nous l’avons vu, les intérêts des sociétés non contrôlées ressortent dans le rouge dans le bilan d’une société, cela signifie que ces sociétés hors de contrôles accumulent des pertes. Et dans le cas de notre analyse, nous constatons que ces pertes sont croissantes puisque ces intérêts minoritaires sont croissants, passant de -5,8 M USD au 28/02/2018 à -9,1 M USD au 31/08/2018. Comme l’indique le bilan :
Une dégradation de 3,3 M USD en 6 mois. Dès lors, on peut constater une chose : cette (ou ces) société non contrôlée est un foyer de pertes. Et il faut plutôt, dans ce cas, être heureux de ne pas être impacté à 100% en tant qu’investisseur potentiel dans l’entité analysée. Et c’est à peu près tout ce que nous pouvons en déduire, car il faut ensuite fouiller au cas par cas, voir si des conditions spécifiques rendent la société analysée responsable de pertes de la société non contrôlée, pour être sûr que les impacts sont insignifiants. Ce que confirme le compte de résultats :
L’investisseur optimiste peut se dire que ce foyer de pertes partiellement partagé pourrait être cédé à terme. C’est donc une potentielle source d’amélioration des résultats futurs. Surtout, contrairement aux nombreux cas trop souvent vus au sein des sociétés cotées, cette fois il n’y a pas eu manifestement une volonté de sortir du contrôle de l’entité cotée une « pépite » ultra rentable dont les actionnaires ne peuvent toucher les fruits.
Si l’investisseur veut voir le verre à moitié vide, il se dira qu’il est juste en partie associé à une (ou des) entreprise qui n’est pas le Apple au niveau rentabilité. Point. Il n’en déduira rien de positif, ni de négatif.
3- Sur la fiscalité
Dernière cerise sur le gâteau : qui dit pertes cumulées, dit pertes fiscales reportables. Si l’entité non contrôlé était par la suite intégrée fiscalement ou redevenait par elle-même rentable, elle aurait sans doute des pertes fiscales qu’elle pourrait réduire de ses bénéfices imposables pendant certainement quelques exercices.