Suite à l’article estival dans lequel nous vous présentions une étude des chercheurs Fama et French dans laquelle ils démontraient qu’une société qui réalise des rendements sur capitaux supérieurs à ceux de ses concurrents aura tendance, à terme, à voir sa rentabilité diminuer pour revenir à la moyenne, notre ami Serge postait le commentaire suivant :
« Je suis presque sûr que c’est aussi ce principe de « retour vers la moyenne en partant du bas » (ou à une situation moins catastrophique à défaut de moyenne) qui vous crée historiquement pas mal de baggers, n’est-ce pas ? »
Souvent, des lecteurs incrédules nous interpellent en expliquant qu’ils ne comprennent pas comment on peut gagner de l’argent en achetant des sociétés qui en perdent.
Et nous répondons qu’il existe bien des manière d’obtenir un bon prix de nos sociétés, que la plupart d’entre elles valent plus « mortes que vives » et que le catalyseur à une hausse peut tout aussi bien être une OPA lancée par un concurrent, une mise en liquidation volontaire ou une innovation technologique qui booste le cours.
Dans notre esprit d’ailleurs, les principaux catalyseurs à une hausse sont d’ailleurs à rechercher de ce côté plutôt que de celui d’un retour aux bénéfices.
Le commentaire de Serge nous a cependant interpelés et nous avons décidé de nous pencher sur les évènements qui, pour le portefeuille de notre club, ont permis la réalisation de « bagger ».
Rappelons tout d’abord ce qu’est un « bagger ». Il s’agit d’une expression empruntée à Peter Lynch qui parlait de 10-baggers à propos d’actions qui avaient vu leur prix d’achat multipliés par 10. Cette expression vient du base-ball pour lequel on utilise parfois l’expression « bags » lorsqu’un joueur remporte une « base ».
Depuis la création de notre club il y a maintenant presque 5 ans à ce jour, nous avons connu 34 baggers, c’est-à-dire 34 sociétés que nous avons pu revendre pour au moins le double de notre coût d’achat en tenant compte du change et des frais de courtage.
Dans le tableau ci-dessous, vous pourrez trouver le détail de ces baggers avec, en dernière colonne, le catalyseur ayant permis la remontée du cours (vous pouvez par ailleurs cliquer sur la société pour (re)lire son histoire).
Nous avons relevé 5 types de catalyseurs :
RM : pour Retour à la Moyenne. Il peut s’agir soit d’une amélioration du bénéfice, d’un simple retour à la rentabilité ou même, de pertes moins mauvaises que prévu.
IT : Pour Innovation Technologique. Il s’agit d’une découverte technologique ou médicale qui n’a pas nécessairement généré de la rentabilité au moment du « boost » du cours mais pour laquelle le marché envisageait un avenir prometteur.
OPA : Pour Offre Publique d’Achat. Mais il peut s’agit aussi d’une offre de retrait des actionnaires majoritaire ou d’une fusion avec une autre société.
MLV : Pour Mise en Liquidation Volontaire. L’exemple parfait d’une société qui vaut plus « morte que vive » et pour laquelle les actionnaires ont estimé qu’il valait mieux « arrêter les frais », vendre les actifs, rembourser les dettes et empocher le surplus.
RL : Pour Résolution d’un Litige. Le cours de la société était mis sous pression en raison d’un litige juridique ou fiscal et la résolution de celui-ci au profit de la société a permis au cours de s’envoler.
Netlist |
1394,17% |
IT |
Value Vision Media |
644,10% |
? |
Barrat Development PLC |
528,32% |
RM |
Westell Technolgies |
473,59% |
RM |
Axcelis Technologies |
439,46% |
IT |
Medialink Wolrdwide |
394,07% |
OPA |
RCM Technologies |
386,62% |
OPA |
Eon Communication |
346,65% |
RM |
Telestone Technologies |
338,54% |
RM |
Radient Pharma |
332,46% |
IT |
Nucryst Pharmaceutical |
331,67% |
OPA |
Nu Horizon Electronic |
301,28% |
OPA |
Zhone Technologies |
299,68% |
RM |
WPT Entreprise |
297,91% |
OPA |
Emerson Radio |
270,64% |
RM |
Vet’ Affaires |
269,80% |
RM |
Frequency Electronic |
247,73% |
RM |
Tuesday Morning |
234,31% |
RM |
Parlux Fragrance |
220,36% |
OPA |
Cofigeo |
194,48% |
OPA |
Key Tronic |
174,95% |
RM |
Neuro Metrix |
155,24% |
IT |
Adler Real Estate |
155,02% |
RM |
Retractable Technologies |
148,17% |
RM |
Entorian Technologies |
146,52% |
MLV |
Conn’s |
134,80% |
RM |
Ezenia |
133,19% |
RM |
DanElec Memory |
126,52% |
RM |
American Claims Evaluation |
123,37% |
RM |
Technest Holding |
117,66% |
RL |
A.H. Belo |
116,43% |
RM |
Performance Technologies |
166,80% |
RM |
Passat |
103,51% |
RM |
Amtech |
100,84% |
RM |
A notre grande surprise, le « Retour à la Moyenne » est clairement le catalyseur à la hausse le plus important : 20 de nos 34 baggers se sont appréciés suite à des résultats moins mauvais qu’anticipés par le marché et une tendance à revenir à une rentabilité « normative ».
Il y a longtemps que nous avions pris conscience de ce phénomène mais, avant d’établir cette statistique chiffrée objective, nous ne pensions pas qu’il représentait une telle ampleur.
En réalité, la plupart des investisseurs ont tendance à projeter les problèmes rencontrés par une entreprise de manière constante dans le futur. Alors que souvent, les problèmes sont ponctuels : problème de cycles économiques, de direction de mauvaise qualité, de perte d’un client important ou d’une licence de distribution ou, plus simplement, « d’accidents de parcours ». Notre avis est qu’un cycle économique, ça évolue, qu’un mauvais CEO ça se remplace tout comme, d’ailleurs, qu’un gros client et qu’un accident de parcours est … un accident de parcours.
Parmi les autres catalyseurs, les OPA restent quand même bien positionnées : 7 de nos sociétés ont fait l’objet d’une OPA. Ce n’est pas étonnant en soi : si des joyeux boursicoteurs « du dimanche » comme nous peuvent repérer des actifs sous-évalués, que dire alors d’une entreprise qui, outre les actifs bon marché, pourra tirer profit de synergies avec ses propres activités ou, pourquoi pas, verra simplement l’opportunité de se débarrasser d’un concurrent.
Les innovations technologiques sont des catalyseurs plus rares (à 4 reprises dans l’histoire de notre portefeuille) mais ce sont aussi parmi les plus beaux baggers (presque X 7 en moyenne). Ici aussi, l’importance des plus-values n’est pas pour nous étonner. Si nous parvenons à acheter une compagnie sous la valeur de ses actifs tangibles, il est normal que, lorsque le marché découvre qu’elle détient, en outre, d’importants intangibles sous forme de savoir-faire technologique, il porte la valeur boursière de l’action a des niveaux stratosphérique.
Par contre, les Mises en Liquidation Volontaires restent anecdotiques, phénomène qui, avec le recul, n’est peut-être pas si surprenant que cela : pourquoi une direction accepterait de scier la branche sur laquelle elle est assise en mettant fin à des activités qui, si elles ne rapportent rien aux actionnaires, lui permet d’encaisser des rémunérations plantureuses ?
Enfin, il reste un mystère : Value Vision Media, une société que nous avons revendue en multipliant notre capital de départ par 7 et pour laquelle nous n’avons aucune idée des raisons à cette hausse : elle perd toujours autant d’argent, nous n’avons pas connaissance d’une quelconque innovation technologique et aucun concurrent ne s’est penché sur son cas. Peut-être simplement que son cours était descendu trop bas … une simple distraction de Mr Market en quelque sorte …
C’est avec joie que nous avons appris que la génialissime équipe des daubasses voyait l’ensemble de son oeuvre couronnée par un prix nobel et notamment pour notre travail sur la valorisation des actifs « actions » basée sur l’analyse fondamentale …
Bon d’accord, c’est plutôt Eugene Fama pour ses travaux empiriques dont nous nous sommes quelques fois fait écho (et pas plus tard que dans l’article ci-dessus) qui est récompensé : http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/le-nobel-d-economie-a-trois-americains-fama-hansen-et-shiller-525beb08357090649b79283e
Même si un « prix nobel » n’est pas toujours une garantie absolue de crédibilité, cela donne tout de même un peu plus de valeur aux recherches sur lesquelles nous avons, très partiellement, construit notre approche.
Je ne vais jouer mon grammar nazi mais ce n’est pas un Prix Nobel… mais Prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel… et c’est comme quand même (bien) différent par conséquent au niveau du prestige et des modalités pratiques (notamment la composition du jury, le temps d’attente entre un Prix et la découverte/thèse qui est moindre dans le cas de cet ersatz de Prix Nobel, etc.)
Maintenant que j’ai joué sur les mots, je tenais à vous féliciter pour cet article passionnant. Reste que franchir le pas des daubasses et des entreprises non rentables est tjs aussi difficile pour moi même convaincu par des statistiques aussi fournies d’exemples de retour à la moyenne….
Bien sûr Political Animal, l’important pour chaque investisseur est de déterminer une approche qui correspond à ses objectifs et à son tempéramment. Adhérer aux daubasses ou à quelle qu’autre approche de l’investissement qui soit juste pour le rendement affiché par ses adeptes n’a guère d’utilité et sera même sans doute néfaste. Y adhérer parce que vous comprenez l’approche et surtout qu’elle vous passionne a beaucoup plus de sens.
Nous pensons que l’utilité de notre blog réside autant dans le fait qu’elle peut démontrer pour tel ou tel investisseur tout l’intérêt d’un investissement basé essentiellement sur les actifs tangibles d’une entreprise … mais l’utilité peut tout aussi bien se trouver dans le fait de faire comprendre à tel autre investisseur que cette approche n’est pas pour lui.
Il existe bien des approches de l’investissement « qui marche ». Nous sommes convaincus que la nôtre nous permettra encore, dans le futur, de générer des rentabilités supérieures … à condition que nous continuions à y adhérer.
Oui enfin Fama est aussi le père de l' »efficient market hypothesis » qui est contraire à l’approche daubasse recherchant des sociétés sous-évalué par le marché
Bien sûr Walhalla, nous l’avions d’ailleurs signalé dans cet article
La preuve que deux personnes différentes peuvent utiliser des données communes pour arriver à des conclusions différentes 🙂
Bonjour,
Très intéressant d’avoir fait la synthèse du poids relatifs des catalyseurs.
Peut être qu’il y a peu de bagger dans la catégorie MLV, car ils n’arrivent pas systématiquement a bien vendre et qu’on arrive pas aux 100% de plus-value.
Savez vous combien il y a eu de MLV dans le portefeuille depuis sa création?
Michael
Bonjour Michael,
Nous n’avons pas le nombre exact sous la main mais au total, il y en a eu très peu deux ou trois tout au plus. Pour notre part, on n’est pas certain que ce soit parce que les directions n’arrivent pas à réaliser les actifs au mieux : n’oublions pas que la plupart des sociétés que nous achetons sont peu endettées et ont donc le temps de négocier la liquation au mieux.
Bonjour à tous,
Merci pour avoir réalisé cette étude que je viens de lire : elle est instructive pour moi également !
Bonjour,
Avez-vous essayé de lier le tableau de cet article à l’étude des courbes des cours ? Ceci afin de voir si ce tableau ne pourrait pas servir de décideur pour une vente plutôt que le stop loss…
Exemple : peut-être que lorsqu’il y a IT alors le cours s’envole systématiquement bien plus haut que votre seuil VANT…
Je suppose alors qu’on ne garderait le critère de VANT que lorsque la raison est RM.
Je ne sais pas si vous avez assez de données pour faire ce genre d’étude statistiques… Ceci dit vous allez peut-être me répondre que vous n’y voyez aucun intérêt.
Bonjour Yannick,
Désolé mais nous ne comprenons pas très bien votre question. De quelle courbe de cours parlez-vous ?
Bonsoir,
Le cours de n’importe quelle société que vous suivez…
Si le cours d’une société s’envole et que les news associées parlent d’une des catégories du tableau de votre article alors il y a peut-être moyen d’adapter le seuil de vente à un niveau plus haut que la VANT.
Donc je parle d’une étude statistiques sur des anciens cours de sociétés que vous avez détenu en portefeuille et pour lesquelles vous pourriez regarder quel fût le pic de cours atteint et le comparer à votre cours de vente.
Dans les cas où le cours est monté plus haut que votre prix de vente, dans quel cas du tableau était-ce ?
J’en doute mais peut-être qu’une tendance ressortirait même si ca parait saugrenu car dépendant de trop de paramètres autres…
Pour nous, vendre au delà de la VANT, c’est vendre au delà de la juste valeur de la société ou, à tout le moins, au delà de la valeur que nous sommes capables d’attribuer à la société. Ca s’apparente donc à de la spéculation, ce qui n’est pas « mal » en soi mais ça se situe en dehors de notre cercle de compétence. Ceci dit, nous tentons quand même « le coup » en accompagnant la hausse avec un « stop suiveur », ce qui nous permet, de temps à autres, de vendre au delà de la VANT (Netlist ou Barratt par exemple).
Tout ceci pour dire qu’une telle étude n’aurait aucun utilité pour nous puisqu’elle nous emmènerait, peut-être dans des territoires inconnus.
Acheter trop tôt, vendre trop tôt, c’est souvent le lot des investisseurs « value » et ça réside précisément dans leur technique d’investissement.
Pour ma part, je ne souhaite pas faire de la spéculation non plus car ça va à l’encontre de la méthode « daubasses ». Là dessus on est d’accord.
Par contre la nuance se situe sur « accompagner la hausse » : Tout comme le choix de l’utilisation du stop loss, il peut y avoir d’autres techniques pour suivre le cours… C’est là mon interrogation.
D’ailleurs je pense bien toujours garder le stop loss en garde fou mais combiner ça avec une autre méthode… à trouver.
Je comprends que vous restiez fidèles à ces principes et que le risque de tomber dans des mauvais travers puisse inquiéter. Qui plus est, il y a peu de chance de trouver… mais ca ne doit pas freiner.
Je garde tout ça en tête pour dans quelques mois voire années… si je suis encore là.
Bon week-end !