Free cash-flow, un indicateur phare ! 💵🚨

[Ă©dito proposĂ© aux abonnĂ©s dans la Lettre mensuelle d’octobre 2021]

Le Free Cash-Flow (FCF) ou « flux de trĂ©sorerie disponible » en français est un indicateur financier phare. Pourtant, on ne sait pas toujours prĂ©cisĂ©ment Ă  quoi il correspond, comment il est calculĂ© et comment l’utiliser de maniĂšre pertinente.

Il faut dire que les indicateurs de flux ne manquent pas : CapacitĂ© d’AutoFinancement (CAF), Marge Brute d’Autofinancement (MBA), ExcĂ©dent Brut d’Exploitation (EBE), Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization (EBITDA)
 Pas facile de s’y retrouver dans cette jungle d’acronymes.

Le free cash-flow n’est pas l’indicateur que nous utilisons le plus car lorsque nous analysons de pures daubasses (net-net et net-estate), nous nous focalisons essentiellement sur les actifs et non sur les flux. Nous l’utilisons en revanche pour l’analyse des sociĂ©tĂ©s RAPP (RentabilitĂ© Ă  Petit Prix) pour lesquelles nous calculons un free cash-flow par action et un ratio dette long terme / free cash-flow moyen. Nous l’utilisons Ă©galement pour les sociĂ©tĂ©s du portefeuille PĂ©pites PEA lorsque cela est pertinent.

Le FCF est par ailleurs un indicateur souvent scrutĂ© par les investisseurs car il Ă©chappe Ă  certains artifices comptables, comme les dĂ©prĂ©ciations et les amortissements qui peuvent parfois donner une image biaisĂ©e de la profitabilitĂ© rĂ©elle d’une entreprise (#Gaumont).

C’est aussi un Ă©lĂ©ment central pour valoriser une sociĂ©tĂ© lorsque l’on utilise la mĂ©thode de l’actualisation des flux de trĂ©sorerie futurs (Discounted Cash Flow ou DCF en anglais).

Pour autant, cet indicateur extra comptable ne rentre pas dans un cadre normĂ©. Il existe de nombreuses maniĂšres de le calculer et les screeners ou sites d’informations financiĂšres vous donneront rarement des rĂ©sultats identiques.

On vous propose donc un tour du sujet pour essayer d’y voir plus clair.

 

Etats financiers : quelques rappels

Dans les principaux référentiels comptables, les états financiers comportent au moins trois documents obligatoires : le compte de résultat, le bilan et le tableau des flux de trésorerie.

Le compte de rĂ©sultat est gĂ©nĂ©ralement le plus regardĂ© par les investisseurs. Il donne une vision de la performance de l’entreprise au cours de l’exercice Ă©coulĂ©. On y retrouve entre autres le chiffre d’affaires, le rĂ©sultat opĂ©rationnel et le rĂ©sultat net.

Le bilan a un objectif bien diffĂ©rent puisqu’il donne une image Ă  un instant T de la situation patrimoniale et financiĂšre de l’entreprise. C’est notre document de prĂ©dilection pour l’analyse des daubasses. Il nous permet de calculer nos indicateurs favoris que sont la VANN (Valeur d’Actif Net Net), la VANE (Valeur d’Actif Net Estate), la VANT (Valeur d’Actif Net Tangible) et notre ratio de solvabilitĂ© maison.

Enfin, le tableau des flux de trĂ©sorerie prĂ©sente une synthĂšse des mouvements de trĂ©sorerie de l’exercice. Il se divise en 3 parties : les flux opĂ©rationnels, les flux d’investissements et les flux de financements. Il prĂ©sente notamment les investissements de la pĂ©riode, le remboursement des emprunts ou encore les retours aux actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d’actions. Le total des diffĂ©rents flux permet d’expliquer la variation de la trĂ©sorerie au cours de l’exercice.

 

DĂ©finition du free cash-flow

La définition du free cash-flow du Vernimmen (une référence dans le domaine de la finance) est la suivante :

Le free cash flow correspond au cash (un flux de liquiditĂ©s) gĂ©nĂ©rĂ© par l’exploitation aprĂšs que les investissements nĂ©cessaires pour que l’entreprise maintienne ou dĂ©veloppe son outil de production ont Ă©tĂ© payĂ©s. C’est donc le flux de cash que l’entreprise a Ă  sa disposition une fois que les investissements nĂ©cessaires ont Ă©tĂ© payĂ©s pour en faire ce qu’elle en veut : rembourser des dettes, verser un dividende, racheter ses propres actions, faire un investissement de diversification, accroĂźtre sa cagnotte, …

Il se calcule ainsi :

ExcĂ©dent brut d’exploitation

– variation du besoin en fonds de roulement

– impĂŽts sur les sociĂ©tĂ©s

– investissements nets des dĂ©sinvestissements

Pour calculer le free cash-flow Ă  partir de cette formule, il faut donc connaĂźtre l’ExcĂ©dent Brut d’Exploitation (EBE). L’EBE est un solde intermĂ©diaire de gestion que l’on retrouve parfois dans les comptes des sociĂ©tĂ©s françaises.

Il exprime la capacitĂ© d’une entreprise Ă  gĂ©nĂ©rer des ressources de trĂ©sorerie du seul fait de son exploitation, sans tenir compte des politiques de financement, d’amortissement, ni des Ă©lĂ©ments exceptionnels.

Il est trĂšs proche de l’EBITDA, son Ă©quivalent anglo-saxon, Ă  quelques petites diffĂ©rences prĂšs. L’EBITDA exclut notamment les impĂŽts et taxes alors que l’EBE les inclut.

Si vous disposez de l’EBE ou de l’EBITDA, vous avez dans les mains une bonne base pour calculer le free cash-flow.

À dĂ©faut, vous pouvez vous rabattre sur le flux de trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rĂ© par l’activitĂ©. Vous le trouverez en lecture directe dans la 1Ăšre partie du tableau des flux de trĂ©sorerie :

Commentaire : la capacitĂ© d’autofinancement avant produits financiers nets et impĂŽt correspondra peu ou prou Ă  l’EBE / EBITDA.

Comme le flux de trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rĂ© par l’activitĂ© tient dĂ©jĂ  compte de l’impĂŽt versĂ© et de la variation du besoin en fonds de roulement (BFR), il reste uniquement dans ce cas Ă  dĂ©duire le montant des investissements pour calculer le free cash-flow.

Pour connaßtre le montant des investissements, il faut se tourner vers la 2Úme partie du tableau des flux de trésorerie :

On y retrouve les dĂ©caissements (et encaissements) liĂ©s aux acquisitions/(cessions) d’immobilisations, Ă©galement appelĂ©s CAPEX pour Capital Expenditure en anglais.

On distingue en gĂ©nĂ©ral deux groupes de CAPEX : (i) les CAPEX de croissance (ex : l’argent dĂ©pensĂ© pour la construction d’une nouvelle chaĂźne de production) et (ii) les CAPEX de maintenance (ex : l’argent dĂ©pensĂ© pour maintenir une machine existante en bon Ă©tat ou renouveler du matĂ©riel devenant obsolescent).

On retrouve Ă©galement dans cette partie du tableau les flux liĂ©s aux opĂ©rations d’investissements, comme par exemple l’acquisition d’une nouvelle filiale.

Pour en revenir Ă  la dĂ©finition du Vernimmen, « le free cash-flow est le flux de cash que l’entreprise a Ă  sa disposition une fois que les investissements nĂ©cessaires ont Ă©tĂ© payĂ©s pour en faire ce qu’elle en veut. »

Si l’on s’en tient Ă  cette dĂ©finition il faudrait donc dĂ©duire uniquement les CAPEX de maintenance pour calculer notre free cash-flow. Dans la pratique, il est nĂ©anmoins bien difficile de distinguer les CAPEX de maintenance de ceux de croissance et la seule lecture du tableau des flux de trĂ©sorerie ne le permet pas (l’ensemble des CAPEX sont regroupĂ©s sur la mĂȘme ligne du tableau).

Dans notre exemple, les investissements nets des dĂ©sinvestissements pour l’exercice 2019 sont de :

-2 151 + 29 = – 2 122 k EUR

En prenant un raccourci, on peut donc calculer un free cash-flow de la maniĂšre suivante :

(Flux de trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rĂ© par l’activitĂ© – CAPEX), soit :

FCF 1 = 5 149 – 2 122 = 3 027 k EUR

Ce montant correspond Ă  l’excĂ©dent de trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rĂ© par la sociĂ©tĂ© une fois que ses dĂ©penses nĂ©cessaires (et Ă©ventuellement des investissements de croissance) ont Ă©tĂ© payĂ©es. Il peut ĂȘtre allouĂ© Ă  des opĂ©rations de croissance externe, au remboursement de la dette (le cas Ă©chĂ©ant), au paiement de dividendes
 ou simplement ĂȘtre mis en rĂ©serve.

 

Interprétation du free cash-flow

Calculer un free cash-flow Ă  partir du tableau des flux de trĂ©sorerie peut donc ĂȘtre relativement simple. Il y a nĂ©anmoins quelques piĂšges Ă  Ă©viter afin de l’interprĂ©ter correctement.

Bien comprendre les investissements

La premiĂšre chose, nous l’avons vu, est d’avoir en tĂȘte que les dĂ©penses d’investissements peuvent inclure des dĂ©penses de croissance qui vont rĂ©duire le free cash-flow. Celui-ci ne donnera donc pas une image fidĂšle de la capacitĂ© de l’entreprise Ă  gĂ©nĂ©rer du cash Ă  pĂ©rimĂštre constant.

Il faut aussi avoir Ă  l’esprit que les investissements de maintenance ne seront pas rĂ©guliers d’une annĂ©e Ă  l’autre. Si une sociĂ©tĂ© rĂ©alise un gros investissement au cours d’un exercice (par exemple pour moderniser son outil de production), son free cash-flow sera fortement impactĂ© sur l’exercice en question. Pour autant, ici aussi, il ne sera pas rĂ©vĂ©lateur de la capacitĂ© de la sociĂ©tĂ© Ă  dĂ©gager de la trĂ©sorerie dans la durĂ©e.

Il ne faut donc pas tirer de conclusion hĂątive si le free cash-flow bascule dans le rouge au cours d’un exercice (d’autant plus si le rĂ©sultat opĂ©rationnel courant se maintient par ailleurs).

À dĂ©faut (i) de pouvoir isoler les investissements de croissance et (ii) de pouvoir faire la part entre les investissements de maintenance rĂ©currents et ceux qui prĂ©sentent un caractĂšre exceptionnel, il sera plus pertinent d’analyser l’évolution des free cash-flow sur plusieurs exercices (dans l’idĂ©al et dans la mesure du possible, il sera bien sĂ»r prĂ©fĂ©rable d’exclure les investissements de croissance).

On pourra ainsi calculer une moyenne annuelle ou un free cash-flow cumulĂ© sur une pĂ©riode de plusieurs annĂ©es. Il conviendra par ailleurs de mettre les chiffres obtenus en perspective avec l’évolution de l’activitĂ©. On pourra en effet plus facilement justifier un free cash-flow « faiblard » sur quelques annĂ©es si l’activitĂ© est en forte croissance et nĂ©cessite des investissements importants (ex : [rĂ©servĂ© aux abonnĂ©s]).

À l’inverse, si l’activitĂ© est stable ou en recul et que les free cash-flow ne dĂ©collent pas sur une pĂ©riode de plusieurs annĂ©es, c’est que l’on a vraisemblablement affaire Ă  une sociĂ©tĂ© trĂšs gourmande en CAPEX. Elle n’aura souvent d’autre choix que de rĂ©investir une partie consĂ©quente du cash gĂ©nĂ©rĂ© par l’exploitation pour rester dans la course. Du point de vue de l’investisseur, cette situation n’est pas souhaitable car elle sous-entend gĂ©nĂ©ralement peu (ou pas) d’investissements de croissance, ni de retour vers les actionnaires (dividendes ou rachats d’actions).

 

Que faire du BFR ?

Le BFR (besoin en fonds de roulement) d’exploitation reprĂ©sente le montant qu’une entreprise doit financer pour couvrir le besoin rĂ©sultant des dĂ©calages de flux de trĂ©sorerie entre les dĂ©caissements et les encaissements liĂ©s Ă  l’activitĂ©.

Il se calcule de la maniĂšre suivante : BFR d’exploitation = crĂ©ances clients + stocks – dettes fournisseurs

Lorsque le BFR est positif (la valeur de l’encours client et des stocks est supĂ©rieure Ă  la valeur de l’encours fournisseur), la sociĂ©tĂ© va devoir le financer par sa trĂ©sorerie.

L’évolution du BFR dans le temps va donc impacter directement les flux de trĂ©sorerie et parfois de maniĂšre significative.

Si l’on reprend notre exemple prĂ©cĂ©dent, on voit que la variation du BFR conduit Ă  une baisse du flux de trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rĂ© par l’activitĂ© de 4 531 k EUR.

En jetant un Ɠil au bilan de la sociĂ©tĂ©, on constate que cette variation du BFR s’explique notamment par la hausse du poste client (+7 763 k EUR). Cette avance supplĂ©mentaire faite par la sociĂ©tĂ© Ă  ses clients va peser sur sa trĂ©sorerie (toute chose Ă©gale par ailleurs) puisqu’elle va devoir financer sur ses propres deniers des produits ou services qui ont Ă©tĂ© livrĂ©s/rendus mais pas encore payĂ©s.

Cette situation arrive frĂ©quemment lorsqu’une entreprise connait une croissance importante de son activitĂ© (dans notre exemple, le chiffre d’affaires a augmentĂ© de 11% sur la pĂ©riode).

La variation du BFR prĂ©sente donc en gĂ©nĂ©ral un caractĂšre temporaire, corrĂ©lĂ© Ă  la croissance de l’activitĂ©. Le plus souvent son impact sur la trĂ©sorerie n’est pas rĂ©vĂ©lateur de la capacitĂ© de l’entreprise Ă  dĂ©gager du cash dans la durĂ©e.

Pour en tenir compte, il est souvent utile de calculer une autre version du free cash-flow, hors variation du BFR. Dans notre exemple, il serait de :

FCF 2 = FCF 1 (3 027) + variation du BFR (4 531) = 7 558 k EUR

Comme on le voit, l’impact est loin d’ĂȘtre neutre puisque notre free cash-flow se retrouve multipliĂ© par 2,5x.

Il est important de s’assurer que la hausse du BFR conserve un caractĂšre temporaire et qu’elle s’accompagne bien d’une hausse de l’activitĂ© car elle peut aussi traduire un problĂšme au niveau de l’entreprise.

Une hausse du niveau de stock peut par exemple ĂȘtre le signe que certains produits deviennent obsolĂštes (pĂ©remption, effet de mode
) ce qui pourra conduire Ă  des dĂ©prĂ©ciations (=perte de valeur) dans le futur. Un poste client qui augmente plus vite que l’activitĂ© devra Ă©galement attirer l’attention car cela peut signifier que l’entreprise fait face Ă  des impayĂ©s ou Ă  des conditions de rĂšglement qui se dĂ©gradent. Enfin, un encours fournisseur qui diminue peut rĂ©sulter d’une pression accrue des fournisseurs pour se faire payer ce qui peut ĂȘtre un signe que la situation financiĂšre de l’entreprise est prĂ©occupante.

Cela dit, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, cette deuxiĂšme version du free cash-flow (avant variation du BFR) nous semble plus rĂ©vĂ©latrice du cash dont l’entreprise peut disposer sans nuire Ă  son activitĂ©.

Comme pour les investissements, il faut dans tous les cas suivre la variation du BFR sur une période de plusieurs années et bien comprendre les raisons de son évolution.

 

Conclusion

Il n’existe pas de définition universelle, ni de manière unique de calculer le free cash-flow et nous avons vu que la prise en compte ou non de la variation du BFR peut conduire à des résultats complétement différents.

Il est par ailleurs difficile de faire la part entre les investissements de croissance, les investissements de maintenance récurrents et les investissements de maintenance non récurrents. Suivant l’approche retenu, les résultats pourront ici aussi être très différents.

Autant dire qu’un free cash-flow sorti d’un screener ou d’un site d’information financiĂšre n’aura guĂšre d’utilitĂ© si vous ne savez pas prĂ©cisĂ©ment comment celui-ci a Ă©tĂ© calculĂ©.

Le free cash-flow n’en reste pas moins un indicateur de 1er choix puisqu’il permet d’apprĂ©cier la capacitĂ© d’une sociĂ©tĂ© Ă  gĂ©nĂ©rer du cash. C’est le nerf de la guerre ! Et contrairement au rĂ©sultat comptable, le cash ne « ment » pas et peut difficilement ĂȘtre pilotĂ© (sauf fraude comptable bien Ă©videmment
 #Wirecard).

Comme pour beaucoup d’autres indicateurs financiers, il sera essentiel de l’analyser sur des durĂ©es relativement longues. Il faudra Ă©galement s’assurer de la permanence de la mĂ©thode dans le temps et de sa cohĂ©rence lorsque l’on compare plusieurs entreprises entre elles.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *