La valeur intrinsèque : la clé de l’inefficience des marchés

En faisant quelques petites recherches sur une définition comptable de la « valeur intrinsèque » d’une société, nous nous apercevons, contrairement à ce que nous imaginions, que c’est moins simple que prévu. Et nous pourrions même dire, certes en nous forçant un peu, que cela n’existe pas. Dans le sens où il n’existe pas une formule consacrée et donc précise qui vous permette de la calculer et qui serait la même pour tous à un moment T.

Cette « valeur intrinsèque » est donc la clé de l’inefficience des marchés parce qu’elle est à géométrie variable et qu’elle appelle à une évaluation, des retraitements, des projections générées par un jugement personnel, celui de l’investisseur.

Si nous essayons de disséquer un peu les causes de l’inefficience des marchés à travers le prisme de la valeur Intrinsèque, nous pourrions dire que premièrement, la majorité des investisseurs se concentrent sur les profits ou les pertes et que deuxièmement, ils effectuent des projections dans le futur. Et l’on pourrait ajouter, dans la majorité des cas, à court terme.

Ce qui donne un avantage à tous les investisseurs dans la valeur, c’est finalement la manière dont ils traitent ou calculent la valeur intrinsèque d’une société ce qui leur permet de profiter pleinement de l’inefficience des marchés.

Bien évidemment, on retrouve à l’intérieur de cette « école » de la valeur deux courants principaux. Il y a la « vieille école », avec, comme père fondateur, Ben Graham, dont vos serviteurs des « Daubasses » en sont un des exemples les moins illustres.  Elle détermine la valeur intrinsèque à partir du patrimoine de la société.  Quant à la « nouvelle école » dont les figures emblématiques sont Philip Fisher et Warren Buffett, ses afficionados  ajoutent à la valeur patrimoniale une évaluation des intangibles comme la marque ainsi qu’une projection prudente à long terme des Free Cash-flow de la société.

Le but de cette petite réflexion n’est pas de dire que l’une des deux écoles dans la valeur est meilleure que l’autre puisque c’est finalement un choix personnel basé sur les compétences de chaque investisseur et aussi sur la psychologie de l’investisseur qui doit se sentir en phase ou à l’aise avec son choix. Nous allons plutôt tenter d’énumérer les difficultés que doivent surmonter les deux approches et enfin vous expliquer pourquoi nous sommes, chez les « Daubasses », plus à l’aise avec l’approche patrimoniale.

 

Les difficulté de la vieille « école »

La valeur intrinsèque a été rebaptisée la Valeur d’Actif Tangible Net (VANT).

La difficulté la plus importante à surmonter est à notre avis d’ordre psychologique : dans 99.9% des cas, une décote sur la valeur intrinsèque est liée à une difficulté de la société … en d’autres termes et majoritairement, à des pertes. Pertes générées par des produits peu compétitifs ou une mauvaise gestion de la société, voire même souvent les deux.

La seconde difficulté, c’est qu’il faut absolument inclure dans le principe d’investissement la faillite possible de la société, en d’autres mots, un investissement qui pourrait finir par valoir « zéro ».

La troisième difficulté, c’est le travail de recherche, car aucune de ces sociétés ne vous sont présentées par les  « experts » de la presse financière sur un plateau d’argent.

 

Les difficultés de la jeune « école »

La valeur intrinsèque est basée sur les flux de trésorerie nets que va être capable de générer  la société a long terme.

La première difficulté est d’évaluer l’avantage concurrentiel de la société qui va assurer ce flux de trésorerie.

La seconde difficulté est de comprendre et de s’assurer que la direction est exceptionnelle et va prendre les décisions qui vont permettre à la société de sauvegarder, voire d’accroître son avantage concurrentiel.

La troisième difficulté est d’actualiser ce flux de trésorerie, de manière suffisamment conservatrice pour éviter au maximum les mauvaises surprises.

 

Voyons maintenant pourquoi les « Daubasses » ont choisi la vieille école.

Dans nos recherches sur la définition de la valeur intrinsèque, ce qui se rapproche le plus de la Valeur d’Actif Net-Tangible, c’est la « Valeur Mathématique Intrinsèque ». Bien entendu, nous n’avons nullement l’outrecuidance de penser que l’investissement peut être pensé avec des formules du type A+B=C. Mais le fait que « mathématique » soit introduit dans une définition proche de l’Actif Net Tangible évoque immanquablement de manière implicite des bornes chiffrées. Même si ces bornes chiffrées sont obtenues après retraitements, que ce soit des stocks, des créances, des actifs immobiliers, avec un certain nombre de choix qui mélangent subjectivité et bons sens, ils correspondent finalement à notre tempérament, à notre besoin de concret.

En fait, nous n’avons pas la moindre compétence, ni pour juger la qualité d’une direction, ni pour valoriser des intangibles, ni pour projeter les flux de trésorerie générés par une société dans le futur. Il ne s’agit pas de fausse modestie ou de faire semblant, il s’agit simplement d’une expérience de lucidité. D’un regard translucide sur soi-même. Ce n’est pas évident à reconnaître, pour la simple raison que tout investisseur désir disposer de qualités exceptionnelles, hors du commun, se rêve en pilote de formule 1, alors qu’il est peut-être un conducteur talentueux, mais en aucun cas un champion de formule 1.

Ce qui nous semble également intéressant dans cette approche de la « veille école », c’est que si nous considérons que les sociétés de série B, ne valent pas plus que leur Valeur d’Actif Net Tangible, il est possible à chaque instant de voir le potentiel estimé de nos investissements. En d’autre mot la valeur des actifs détenus par rapport au prix payé.

Cela peut évidemment paraître incroyable et cela nous a d’ailleurs paru tout bonnement incroyable lorsque nous avons démarré le portefeuille de notre club d’investissement puisque le 24 novembre 2008 rapporté à une part, nous avons payé 1 euro pour une Valeur d’Actif Net Tangible de 4,9759 euros.

Si vous observez le graphique que nous vous présentons en fin d’article qui relate la valeur de la part de notre portefeuille et la valeur estimée des actifs que nous possédons, vous pouvez voir qu’au cours du mois d’avril 2010, la valeur de la part du portefeuille a atteint la valeur estimée des actifs que nous avions achetés les 24 novembre 2008. Puisque la valeur de la part  valait 5.6718 fin avril 2010.

Ensuite nous pouvons observer que la valeur « de marché » de la part a plutôt stagné, en d’autres mots, la performance du portefeuille a plutôt stagné  mais nous avons tout fait pour augmenter la valeur des actifs que nous possédons et par rapport à avril 2010 jusqu’au 16 mars de cette année, la valeur des actifs que nous possédons a augmenté de 25%. Cette valeur estimée des actifs est en effet passée de 13.1473 euros  à 16.2439 euros. C’est donc de notre point de vue la « valeur intrinsèque » estimée d’une part de notre portefeuille.

L’avantage de cette estimation plutôt « carrée » c’est que l’on voit clairement ses erreurs : notamment lorsque la valeur d’actif net tangible d’une part diminue et que la valeur d’une part diminue alors qu’elle devrait mécaniquement augmenter comme vous pouvez clairement l’observer sur les 6 premier mois de l’année 2010.

Nous vous convions tous, chers investisseurs de la « vieille école » à cet exercice qui consiste à comparer le prix que vous avez payé et la valeur intrinsèque estimée de ces actifs. Cela vous permettra aussi d’accroître vos exigences à chaque nouvel achat, en essayant d’augmenter la valeur estimée des actifs que vous achetez et donc le potentiel de votre portefeuille. D’un autre côté, si vous faites un petit graphique pour visualiser cela, vous aurez également un instantané de vos erreurs que vous ne pourrez pas balayer rapidement sous le tapis, ce qui vous permettra de devenir un investisseur d’une lucidité supérieure à la moyenne, capable de générer des rendements supérieurs à la moyenne.

C’est dans cette optique que nous vous présentons le graphique ci-dessous (cliquez dessus pour l’agrandir). C’est un document unique qui retrace toute l’histoire du portefeuille des daubasses depuis sa création en novembre 2008.

 

Le graph en points bleus représente la valeur d’une part. Le graphique en triangles verts, c’est la VANT pour une part. Par exemple, en mars 2012, la valeur d’une part est d’environ 5,5 EUR pour une Valeur d’Actif Net Tangible (VANT) de plus de 16 EUR. Nous estimons donc le potentiel de chaque part proche de +200% (= 16 / 5,5). C’est cette information que nous diffusons tous les mois depuis la création de notre portefeuille expérimental.

Enfin, en rouge, sont matérialisées les dates auxquelles nous avons augmenté le capital de notre club.

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<< Pourquoi notre approche est beaucoup moins risquée qu’il n’y paraît au premier abord

>> Ce n’est pas nécessairement la création de valeur pour les actionnaires qui enrichit les actionnaires …

4 réflexions au sujet de « La valeur intrinsèque : la clé de l’inefficience des marchés »

  1. Bonsoir l’équipe !
    encore une fois excellent article

    « On estime que l’immatériel représente environ 60 à 70 % de la valeur des entreprises. Par conséquent il est impératif de pouvoir l’évaluer afin de le comptabiliser. »

    J’ai trouver sa sur le net vous en pensez quoi ?

  2. Bonjour,

    Sur votre ANT,est-ce que les chiffres sont au 31/12/2011 vu que certaines sociétés n’ont pas encore leurs comptes annuels?
    Aussi, quel est le pourcentage de vos sociétés faisant des pertes? Est ce que cela ne risque pas de baisser l’ANT?

    merci

    1. Bonjour Bill,

      Nous mettons à jour systématiquement la VANT à chaque publication de la société, qu’elle soit semestrielle (pour la plupart des sociétés européennes) ou trimestrielle (pour les américaines).

      Nous n’avons pas sous la main une stat reprenant le pourcentage de sociétés en perte mais, »à la grosse louche », on peut estimer qu’environ moitié d’entre elles génèrent des pertes à l’heure actuelle, ce qui est mieux qu’au lancement du portefeuille. Nous avions présenté l’EBITDA global du portefeuille à cette époque ici : https://blog.daubasses.com/2009/02/20/analyse-financiere-adaptee-aux-daubasses-6bis/

      Ceci dit, vous connaissez sans doute notre avis sur le sujet et notre philosophie quant à la manière de faire croître la VANT globale du portefeuille, non en raison de la croissance des sociétés détenues mais par des retour successifs des cours à leur juste valeur comme nous l’expliquions ici : https://blog.daubasses.com/2009/10/04/faire-de-la-croissance-de-valeur-%e2%80%a6-avec-des-societes-en-decroissance/

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