L’investissement champion de 2022 🥇🥳

Nous écrivions début 2018 un édito sur l’engouement pour les crypto-monnaies et la blockchain avec un aveu : nous ne comprenions rien à cette technologie. Cinq ans plus tard, nous sommes toujours aussi ignares sur ce sujet. Les crypto « actifs » ont pourtant fait le buzz ces dernières années. Le cours du bitcoin a atteint des sommets à plus de 65 000 $ il y a tout juste un an.

Malheureusement pour les adeptes des cryptos, l’année 2022 a été celle du retour sur terre après une année 2021 « to the moon ». L’atterrissage ne s’est pas fait en douceur. Le bitcoin a perdu les trois quarts de sa valeur en l’espace de 12 mois et emporté dans sa chute tous ses petits cousins : ether, litecoin, dogecoin et cie…

Comme si cela ne suffisait pas, le clou du spectacle de cette année 2022 nous est offert par la chute de la société FTX, qui était encore début novembre l’une des plus grosses plateformes mondiales d’échange de crytpo. Avec cette faillite, plus d’un million d’investisseurs, particuliers et professionnels, ont vu leur placement disparaitre du jour au lendemain.

Autant nous ne comprenons rien aux cryptomonnaies, autant l’effondrement de FTX met au jour des pratiques à peine croyables dans un secteur dont nous sommes bien contents d’être restés à l’écart.

La société a été placée sous la protection du chapitre 11 (loi sur les faillites aux États-Unis), et sa gestion a été confiée à John Ray qui a révélé que le désordre qui y régnait était le pire qu’il ait vu dans sa carrière. Ce cher John est pourtant un vieux de la vieille. C’est lui qui a mené d’une main de fer la liquidation d’Enron, plus gros scandale financier des années 2000.

« Du jamais vu ». Tels sont Ă©galement les mots de l’un des avocats de FTX. « L’absence de contrĂ´les d’entreprise Ă©tait Ă  un niveau qu’aucun d’entre nous dans la profession… n’a jamais vu ».

Aussi impensable que cela puisse paraître pour une entreprise qui a été valorisée plus de 30 milliards de dollars, FTX n’avait ni directeur financier, ni livres de comptes.

C’est donc sans grandes difficultés que Sam Bankman-Fried (surnommé SBF), le fondateur et ex-PDG de FTX, a secrètement transféré 10 milliards de dollars issus des dépôts des clients de FTX vers Alameda Research, la filiale de trading du groupe. Cet argent a été utilisé pour spéculer sur le FTT, un « jeton » qu’il avait lui-même créé. Précisons que SBF détenait 90% du capital de la société Alameda Research et dont la présidente n’était autre que la compagne de notre escroc en herbe.

Les frasques du jeune trentenaire ne se sont pas arrêtées là. Les premières auditions ont révélé qu’il s’est servi dans les caisses de l’entreprise afin d’acheter plusieurs résidences de luxe aux Bahamas pour lui et ses proches (avis aux intéressés, la maison de l’ex-milliardaire a été mise en vente pour 39,5 millions de dollars).

SBF considĂ©rait l’entreprise comme son fief et dĂ©pensait l’argent dĂ©posĂ© par ses clients en toute impunitĂ©. Le personnel en poste aux Bahamas disposait de repas et massages gratuits, de livraisons d’Amazon par jet privĂ©, de voyages illimitĂ©s et tous frais payĂ©s vers n’importe quel bureau dans le monde, de voitures avec essence pour tous, … Tout ça au frais de la princesse. L’entreprise a Ă©galement arrosĂ© des Ă©lus avec 40 millions de dollars de donations en 2 ans.

Avec un auditeur qui se revendique comme le 1er cabinet à avoir ouvert un siège social dans le métavers (si, si), doit-on être surpris ? On attend en tout cas avec impatience l’adaptation cinématographique de cette histoire rocambolesque digne des meilleurs scénarios hollywoodiens.

La chute de FTX révèle les dérives d’un univers opaque, non régulé, et disons-le franchement, qui repose principalement sur du vent. Dans le sillage de FTX, la plateforme américaine de prêts en cryptomonnaies Blockfi a également fait faillite. Comme le dit Buffett, « c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». Et l’effondrement de ce château de carte n’en est peut-être qu’à son début.

La chute des cryptomonnaies n’a pas non plus épargné les actionnaires des sociétés liées à ce secteur. Comme en 2018, après une période euphorique, les acteurs de la blockchain cotés en bourse ont été massacrés.

Rappelez-vous de nos lauréats de l’époque et de la dégringolade de leur cours de bourse en l’espace de quelques mois :

1. Long Island Iced Tea, du thé glacé blockchainisé : -92,3%. Pour la petite histoire, la société qui s’est rebaptisée Long Blockchain Corp a été délistée par les régulateurs américains n’ayant pas été en mesure de publier ses comptes pendant plusieurs années.
2. Bitcoin Group SE : -50,5%
3. Riot Blockchain : -77,7%
4. Longfin Corp : -84,5%. La capitalisation de l’entreprise est passĂ©e de 708 M $ au 30 juin 2017 Ă … 19 M $ aujourd’hui pour un cours de bourse de 0,0001 $…

Parmi ces quatre sociĂ©tĂ©s, deux rescapĂ©es ont rĂ©ussi Ă  surfer brillement sur une deuxième vague. Le cours de Bitcoin Group SE s’est envolĂ© de 200% au 4ème trimestre 2020, avant de replonger de plus de 70%. Riot Blockchain – devenue mineur de bitcoins – a Ă©galement fait des Ă©tincelles. DĂ©but 2021, l’entreprise a vu son cours ĂŞtre multipliĂ© par 20x. Après l’euphorie, le retour sur terre a Ă©tĂ© brutal avec un cours qui s’est effondrĂ© de plus de 90% par rapport Ă  ses sommets.

La parcours boursier a également été chaotique pour Marathon Digital Holdings (-80% YTD) et Coinbase Global (-85% YTD), deux autres sociétés qui gravitent dans cet univers nébuleux.

Vous connaissez notre position sur les crytpos et l’occasion était trop belle pour ne pas enfoncer le clou. Mais ces exemples nous semblent aussi intéressants car ils illustrent à merveille ce que Howard Marks appelle le pendule de la psychologie de l’investisseur.

Pour Marks, la plupart des excès à la hausse, et les inévitables baisses qui s’ensuivent, sont le résultat d’oscillations exagérées du pendule de la psychologie. D’après lui, les variations d’humeur des marchés boursiers ressemblent aux mouvements d’un pendule qui oscille presque constamment d’un extrême de son arc vers l’autre extrême. C’est le mouvement vers un extrême qui fournit l’énergie pour l’oscillation retour.

Dans l’univers des cryptos, l’amplitude et la vitesse du mouvement sont exacerbées par le côté branché-geek et la curiosité suscitée auprès d’une jeune génération sans doute un peu crédule et abreuvée de promesses d’argent facile sur les réseaux sociaux.

Il faut dire aussi que les acteurs du secteur ne lésinent pas sur les moyens pour attirer de nouveaux clients. FTX a convaincu deux des plus grandes figures du sport aux États-Unis, Tom Brady, une star du football américain, et Stephen Curry, l’un des meilleurs joueurs du championnat de NBA, de vanter ses services à des millions de gens. La firme a également dépensé plus de 300 millions de dollars pour apposer son nom à des stades et sponsoriser des équipes de basket-ball, baseball et hockey, gagnant ainsi en visibilité et en crédibilité.

De telles campagnes de relations publiques font naître une certaine euphorie et un optimisme béat chez des investisseurs généralement peu avertis qui finissent par perdre de vue toute notion de risque.

Ces méthodes marketing ne sont pas sans rappeler celles de certains vendeurs de rêves qui se mettent en scène dans des vidéos YouTube [nous en avons vu une récemment sur le forum], dans lesquelles ils recourent à un jargon abscons (web3, fintech, metavers, ICO, token, smart contrat, DeFi, …) pour faire miroiter des rendements à 4 chiffres.

Dans un cas comme dans l’autre, tout ce folklore ne dissimule ni plus ni moins qu’un vulgaire système de Ponzi où les derniers entrants se font littéralement plumer.

Les escrocs en col blanc utilisent des techniques de manipulation ancestrales, comme l’argument d’autorité. On vous dit que tel expert mondialement reconnu est impliqué dans le projet, ou comme l’a fait FTX, on fait directement appel à des stars pour vanter les mérites du produit.

Si même Cathie Wood nous dit que le cours du bitcoin va atteindre 1 million de dollars d’ici 2030, comment ne pas la croire sur parole ? Cathie a fait preuve de tant de clairvoyance lorsqu’elle nous prédisait en 2020 le cours du baril de pétrole à 12$. Au passage, quelques nouvelles de son fonds Ark Innovation qui creuse ses pertes avec une performance de -60% depuis le 1er janvier. Fin de la blague.

Souvent aussi, l’argument de rareté est mis en avant : « le nombre de token est limité ». Et bien entendu il faut faire vite, car il y en aura pas pour tout le monde. C’est le syndrome FOMO (= Fear Of Missing Out) ou la peur de rater le train.

Il ne faut pas se faire d’illusions, les investissements « miracles » n’existent pas. En revanche, la psychologie humaine est ainsi faite qu’il y aura toujours des charlatans pour vous vendre des projets révolutionnaires avec des espoirs de gains mirobolants.

Il n’aura pas fallu longtemps pour que le secteur des cryptomonnaies connaissent un scandale que l’on compare déjà à celui de Lehman Brothers, cette banque américaine qui a fait faille lors de la crise financière de 2008. Vous l’avez compris, cher(e)s abonné(e)s, le scandale FTX ne va donc pas redorer l’image que nous avions de l’univers des crypto. Quitte à passer pour des investisseurs has been, nous allons continuer de nous dévouer à nos daubasses et à leurs actifs tangibles bien réels, plutôt qu’à la monnaie de singe qui se cache derrière la façade clinquante des crypto « actifs ».

Après une année 2021 de tous les excès et la formation de bulles sur de nombreuses classes d’actifs, l’année 2022 aura été celle d’un certain retour à la normal et un rappel que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. On a hâte de voir ce que l’année 2023 nous réserve…

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