Archives de catégorie : Généralités sur les Marchés Actions

Nous, on utilise les stop-loss !

Nous nous référons à un article des Investigateurs Financiers plutôt critiques vis-à-vis de l’utilisation des stop-loss en matière d’investissement « value ».

En gros, nous partageons tout-à-fait les arguments avancés par nos confrères :

  • risque de perte supplémentaire tout aussi important sur le nouveau support d’investissement choisi pour replacer les liquidités issues du « cassage de stop »
  • si le produit de la vente n’est pas réinvesti, risque de ne pas choisir le bon moment pour « revenir » sur le titre en question

Et pourtant, nous utilisons régulièrement les stop-loss pour la gestion du portefeuille du club et même de nos portefeuilles personnels.

 

Utilisation du stop-loss : dans quel cas ?

En réalité, nous pensons que l’utilisation de ce mécanisme n’est utile que lorsque « l’investisseur » n’a pas été capable de déterminer la juste valeur d’une société. Par exemple, lorsqu’il a acheté uniquement parce que « l’analyse technique indiquait d’acheter ».

Par contre, si l’investisseur a établi la juste valeur d’une société à 20, qu’il achète à 10 et que le cours tombe à 8, doit-il vendre ? Nous ne le pensons pas : le potentiel d’appréciation est simplement passé de 100 % à 150 % et ce n’est donc certainement pas une raison pour vendre mais plutôt pour acheter.

Si nous avions appliqué cette technique, nous n’aurions pu réaliser la majorité de nos baggers. Par exemple Value Vision Media, achetée fin novembre 2008 au cours de 0,39 usd, touchant en février un creux de 0,18 usd et que nous avons vendu début août à 3,43 usd … ou encore Tuesday Morning achetée le 26 novembre 2008 à 1,03 usd et vendu six mois plus tard pour 3,86 usd après être passée par un plus bas de 0,53 usd. Et bien d’autres encore …

Et pourtant, disions-nous, nous utilisons bel et bien le stop loss pour la gestion de notre portefeuille.

En effet, le stop loss nous semble un excellent outil (ou plutôt un moins mauvais outil) pour limiter les pertes quand on ne sait pas ce qu’on fait. Et cela nous arrive figurez-vous ! Pas quand nous achetons, rassurez-vous ! Mais bien lorsque le cours d’une action a atteint le « juste prix » que nous avions établi et que, pourtant, il continue à monter sans que nous sachions exactement pourquoi.

Comme vous le savez, Mr Market peut passer en quelques semaines, d’un état de dépression totale à une euphorie tout aussi irrationnelle.

Nous souhaitons profiter éventuellement de cette euphorie et c’est la raison pour laquelle, nous utilisons ces fameux stop loss : une fois l’objectif de cours atteint, nous fixons un stop loss aux alentours de ce fameux objectif de cours et le remontons au fur et à mesure que le cours s’envole. Évidemment, il nous arrive qu’une baisse momentanée du cours nous oblige à vendre l’action avant que le mouvement ascendant ne reprenne mais nous n’en subissons aucun « traumatisme » : dans le pire des cas, nous avons vendu à ce que nous pensions être le juste prix. Et dans le meilleur des cas, nous profitons de la tendance à la hausse.

Utiliser des techniques de day-trader dans l’investissement « value » ?  Pourquoi pas … si on le fait de manière rationnelle et en gardant bien comme référence la VALEUR de l’entreprise.

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Valeur versus Croissance : un faux débat ?

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Un portrait assez caricatural du monde de la bourse divise le monde des investisseurs en deux catégories : les investisseurs « dans la valeur » et les investisseurs « dans la croissance ».

             Les « value» sont supposés investir dans des entreprises bon marché et les « growth » sont censés payer le prix fort pour des entreprises dans lesquelles ils perçoivent des possibilités de croissance futures.

En réalité, nous pensons que cette subdivision n’a pas lieu d’être. Quel investisseur accepte de « payer trop cher » ? Nous pensons que la différenciation provient plutôt des données conduisant à la décision d’achat : nous intégrons ainsi dans la catégorie « investisseurs dans la valeur » tous les tenants de l’analyse fondamentale ou plutôt de l’approche « bottom up« .

Ces « fondamentalistes » se concentrent sur l’entreprise elle-même. Ils tiennent certes compte de l’environnement macro économique dans laquelle elle évolue mais c’est la société avec ses perspectives et le prix à payer qui l’intéresse au premier chef. Si le prix est intéressant par rapport à la valeur de la société telle qu’il l’a calculée (qu’il s’agisse de la valeur présente ou future), il achète.

Parmi ces investisseurs « dans la valeur », nous pensons que l’on peut différencier plusieurs catégories d’investisseurs. Voici selon nous ces catégories classées en fonction de l’approche la plus « tangible » vers la moins « tangible ».

– l’investissement sur base de l’approche patrimoniale, c’est-à-dire les actifs de l’entreprise. Véritables « intégristes de la valeur », vous aurez compris que c’est cette approche que nous apprécions et pratiquons sur ce blog.
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– l’investissement sur base de la capacité bénéficiaire passée : les tenants de cette approche tendent à penser qu’une société tendra à reproduire, sous certaines conditions, dans le futur et à long terme, les profits qu’elle a réalisés dans le passé. La méthode des « dogs of the dow » nous semble en être un bon exemple.

– l’investissement sur base de la capacité bénéficiaire : les tenants de cette approche estiment que la société qu’ils cherchent à acheter dispose de barrières contre la concurrence tellement fortes que ses profits futurs à long terme devraient être en augmentation relativement constantes et stables. Un très bonne exemple de ce type d’approche est présenté par notre ami Thierry (site Cervinvest désormais fermé) qui s’est forgé une très bonne discipline et dispose, selon nous, d’une bonne capacité à détecter ce genre de barrière.

– l’investissement dans une capacité bénéficiaire future et hypothétique : les tenants de cette approche s’intéressent à des sociétés souvent jeunes et innovantes qui, souvent, ne génèrent pas encore de profits ou très peu mais qui disposent d’un know how, réel ou supposé tellement puissant qu’ils projettent des profits futurs de très haut niveau. Cette approche nécessite, selon nous, des connaissances techniques ou scientifiques relativement pointues pour pouvoir déterminer le niveau statistique de réalisation de ces profits.

Selon nous, pour autant que l’étude de la société ait été réalisée avec sérieux et rationalité, toutes ces philosophies d’investissement peuvent être qualifiées de « value » car aucun de ces investisseurs ne sera disposé à payer trop cher en fonction de la valeur à laquelle il aura estimé sa cible.

Et nous, pourquoi privilégions nous l’approche patrimoniale ?

Pour deux raisons :

– la première, nous l’avons déjà abordé, parce que nous disposons en garantie de notre investissement d’actifs bien tangibles qui peuvent servir de « plan B » si les choses « tournent mal ».

– la deuxième, nous allons la démontrer par un exemple concret.

Prenons une société qui, de l’avis unanime (et du nôtre aussi) est une société très bien gérée, performante et présentant un potentiel de croissance certain : Google. Au cours du 3e trimestre 2008, elle a généré une très belle marge d’exploitation de 29,7 %. Un an plus tard, pour le 3e trimestre 2009, la société a réussi l’exploit d’encore remonter la barre en présentant une marge d’exploitation fantastique de 34,9 %. Et le cours de l’action de suivre évidemment cette performance en s’appréciant de 77 % entre le 31/10/2008 et le 31/12/2009.

Prenons maintenant une daubasse au hasard, par exemple Emerson que nous venons de vendre. Le 30 septembre 2008, sa marge d’exploitation était de 0,4 %. Minable n’est-ce pas ? C’est aussi ce que nous pensons. Un an et une bonne restructuration plus tard, la marge d’exploitation est passée à 6,5 %. Une très belle progression de 6 % mais à peine supérieure à celle de Google (qui avait augmenté sa marge de 5,2 %). Mais cette fois, l’appréciation du cours a été de 266 % !

En réalité, nous pensons que la plupart des investisseurs ont tendance à projeter les problèmes rencontrés par une entreprise de manière constante dans le futur. Alors que souvent, les problèmes sont ponctuels : problème de cycles économiques, de direction de mauvaise qualité ou « d’accidents de parcours ». Notre avis est qu’un cycle économique, ça évolue, qu’un mauvais CEO ça se remplace et qu’un accident de parcours … et bien c’est un accident de parcours.

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Pour conclure, nous cédons la parole au grand Martin Whitman : « Les sociétés sûres et bon marché ont souvent des problèmes de rendements des capitaux propres trop faibles à cause d’une concentration d’actifs sous-utilisés et positionnés de façon trop conventionnelle … Quand des bilans ultra conservateurs rencontrent des dirigeants capables et opportunistes, bien des sociétés affichant de faibles rendements des capitaux propres sont devenues des placements sur lesquels j’ai multiplié mon argent par 10 ou 20. »
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Martin Whitman et Ian Lapey : Vive les « net-estate »

Lors d’une ballade sur le net, nous sommes tombés sur le compte rendu d’une interview de Martin Whitman et de Ian Lapey (son successeur désigné) par le Financial Post datée du 31 mars 2009.

Martin Whithman
Martin Whithman

Nous apprécions particulièrement Martin Whitman : fondateur du légendaire Third Avenue Management, c’est un des gestionnaires de fonds parmi ceux encore en activité qui pratique le mieux les enseignements de Maître Benjamin (mais bien sûr après « Big Walt », notre idole). Le fond qu’il gère, le « Third Avenue Value Fund », a surperformé le S&P 500 de 4% par an depuis sa création en novembre 1990.

Deux points nous ont marqué dans cette interview.

Tout d’abord la vision claire et limpide de ce renard de Marthy qui indique qu’il trouve sur les marchés, les rabais les plus importants qu’il ait jamais connus en 50 ans de carrière (nous vous rappelons que l’interview date de fin mars 2009).

Ensuite, Martin Whitman propose des aménagements à la méthode « net net » de Benjamin Graham … et ces aménagements s’approchent assez fort de ceux que nous pratiquons avec notre méthode « net estate » :

Les entreprises doivent être solvables suivant un principe « sûre et bon marché ».

Nous exigeons nous aussi une solvabilité minimum de la part des entreprises dans lesquelles nous investissons.

Graham and Dodd ne prenaient en compte que les actifs circulants pour calculer la valeur de liquidation alors que Marthy prend en compte certains actifs fixes qui peuvent être réalisés facilement. Et l’article de citer des immobilisations financières (comme des participations dans des sociétés cotées) ou des réserves prouvées de gaz ou de pétrole.

Si l’approche « net net » met bien l’actif courant au cœur de notre décision d’investissement, nous tenons également compte des actifs fixes pour établir la valeur de mise en liquidation.

Whitman tient compte dans ses calculs des engagements hors bilan.

Nous aussi !

Il tient compte également de l’immobilier et du matériel ainsi que de certains aménagements pour leur valeur de liquidation. Il souligne ainsi que certains immeubles de bureau entièrement loués sont très facilement négociables et réalisables.

Notre approche « net-estate » complémentaire à l’investissement « net net » accorde également une part très importante à l’immobilier de la société. Et nous tenons compte, certes souvent pour des valeurs symboliques, des autres installations de l’entreprise.

Certes, nous n’avions pas établi notre stratégie d’investissement en fonction de cette interview : nous ne voulons pas « faire du Whitman » (ni du Schloss ou même du Graham d’ailleurs, juste de la « daubasse »). Mais de constater autant de similitude entre notre approche et la philosophie d’un investisseur que nous respectons représente malgré tout un bel encouragement à « garder le cap ».

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