Donald Smith fut lui aussi, comme tant d’autres, élève de Benjamin Graham. Et c’est en faisant un travail bénévole pour le maître qu’il eut une révélation : à une époque où les bases de données informatisées n’existaient pas, Ben Graham souhaitait faire une étude sur le rendement obtenus par un portefeuille d’actions à bas PER.
Afin de calculer la rétro performance d’un tel portefeuille, il fit appel à des volontaires qui durent effectuer tous les calculs « à la main ». Don Smith était un de ceux-là. En effectuant ces calculs, il se rendit compte de la faiblesse de cette approche : des sociétés cycliques par exemple cotent à un per bas … lorsqu’elles sont en haut de cycles puisque c’est le moment où leurs bénéfices sont les plus importants. Et cette approche pouvait amener les investisseurs à acheter à contre courant.
Lors de son premier emploi, il eut la possibilité d’utiliser enfin l’outil informatique pour réaliser quelques back test portant sur différentes approches et il lui apparut que l’achat en fonction de la valeur comptable était la meilleure ou, à tout le moins, celle qui alliait à la fois simplicité d’application et haut rendement. C’est ainsi qu’il arrêta le grand principe de sa philosophie d’investissement, celui qui veut que
« toutes les actions devraient se valoriser à un prix en fonction de leur valeur comptable ».
Avec les screeners, le travail de pré sélection est aujourd’hui plus facile mais il effectue, tout comme nous, ses modestes clones, divers redressements comme de tenir compte des dilutions potentielles ou, au contraire, de ne pas tenir compte des goodwill.
Ce genre de travail est plus fastidieux et la majorité des investisseurs ne le font pas. Il privilégie aussi les sociétés qui ont une valeur de mise en liquidation supérieure à la valeur comptable, celle qui présente « une cerise sur le gâteau » en quelque sorte.
Il évite les sociétés à franchise évidente parce qu’il pense qu’une franchise évidente se paie cher et peut tout de même disparaître avec le temps. Il ne voit d’ailleurs que Coca Cola qui ait réussi à maintenir sa franchise sur une très longue période. D’ailleurs, une bonne part des sociétés qu’il acquiert disposent effectivement de franchise comme leur fichier de clients ou leur savoir faire mais celle-ci est moins évidente et, dans le cadre de son approche, gratuite.
Donald Smith apprécie aussi l’avantage concurrentiel que son approche lui procure : peu de gestionnaires de portefeuille la pratiquent et cela lui permet de détecter les plus belles inefficiences du marché.
Son équipe de gestion est composée d’analystes spécialisés par secteur. L’analyste de chaque secteur propose ses meilleures opportunités à Smith et, s’il les trouve intéressantes, elles sont discutées collégialement en réunion de direction.
La qualité de la direction de ses cibles n’est pas un critère important pour lui et la volatilité ne l’inquiète guère : ce qui compte, ce sont les perspectives à long terme et le fait de disposer d’un actif qui protège l’investissement en cas de « coup dur ».
C’est la raison pour laquelle il a très bien vécu les années 98 et 99 au cours desquelles il a sous-performé le marché.
En réalité, il estime que son approche lui permet réellement d’acheter des secteurs entiers quand ils sont bons marchés comme par exemple les big caps au début des années 80, l’industrie métallurgique fin des années 90 ou les producteurs d’énergie (pétrole, charbon ou gaz) il y a six ou sept ans.
Il estime aussi que son approche bottom up lui permet aussi de prévoir certains accidents macro économiques comme il y a trois ans quand il a constaté les valorisations excessives des entreprises de construction ainsi que leur endettement de plus en plus important.
Ne voyez-vous pas, cher lecteur, beaucoup de similitudes avec vos serviteurs des daubasses ?
Quelques différences tout de même :
En général, Smith vend ses sociétés à un prix équivalent à deux fois son actif tangible (là où nous nous contentons d’une seule fois), il travaille sans stop loss et accorde une certaine importance à la capacité bénéficiaire de la société : contrairement à nous, il préfère, si possible, que la valeur de l’entreprise augmente par ses propres profits plutôt que par le fait qu’un concurrent la rachète.
Ceci dit, bien que notre approche soit similaire à celle de « Donald Daubasse », nous n’avons, en examinant son portefeuille, découvert qu’une seule société que nous détenons également : il s’agit, pour nos abonnés, de la daubasse masquées n°12.
Comme quoi, des méthodes d’investissement très proches peuvent très bien aboutir à des portefeuilles très différents.
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