Ecomérage : les bouffons du roi

Aujourd’hui, ami(e) lecteur(trice), nous hésitons entre l’irrésistible envie de pousser un coup de gueule… ou celle de partir dans un immense éclat de rire.

En réalité, c’est ce petit article  qui nous fait réagir.

Ainsi Standard and Poors… and Fitch ont decidé de rétrograder le rating de la dette souveraine de la Nouvelle-Zélande. Celle-ci perd son AAA pour un « bête » AA+.

Nous ne sommes pas, comme ces messieurs de ces agences de rating, des spécialistes de finances publiques.  Néanmoins, cet article nous a offert une bonne tranche de rire qui nous  a mis en joie pour le reste de la journée. Merci Standard, Poors, Fitch et tous les autres bouffons du « roi dollar » pour ce moment inoubliable.

« Hé les gars des daubasses ! Vous avez perdu la raison ?  Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de marrant dans cette décision ».

Ce n’est pas la décision qui nous fait rire, cher( e) lecteur(trice),  mais les arguments avancés doctement par ces superstars de l’analyse financière.  Reprenons les si vous le voulez bien et comparons avec deux pays pour lesquels S&P a confirmé récemment que le triple A n’était  pas remis en cause comme, à tout hasard,  l’Allemagne et la France

« Les deux agences ont justifié cette baisse de leur note par la hausse du niveau de la dette extérieure »  ah bon ?  Selon  l’OCDE, la dette publique de la Nouvelle-Zélande est de 45,81 %. L’article en question parle de  70 % .  Admettons … mais l’Allemagne et la France, ces parangons de vertus budgétaires présentent une dette publique de plus de 80 %.

« La situation financière de la Nouvelle-Zélande est aussi aggravée par le niveau élevé d’endettement des ménages qui atteint 150% du revenu disponible » Bon d’accord  mais le taux d’épargne brut en Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire la part des revenus qui n’est pas affectée à des dépenses de consommation courante (et donc qui montre le degré d’indépendance d’un pays par rapport aux capitaux extérieurs pour se financer) est plus ou moins équivalent à celui de l’Allemagne et de la France : Nouvelle-Zélande (19 %), France (17 %) et Allemagne (21 %)

« la dépendance du pays envers les recettes tirées des matières premières »  Tient, c’est plus grave que la dépendance d’un pays envers les coûts issus des matières premières  ? 

« sans oublier le vieillissement de la population »  Ca, c’est vraiment le meilleur des arguments : le taux des + de 65 ans est de 13,1 % en Nouvelle-Zélande contre 16,9 % en France et 20,8 % en Allemagne. A contrario, les – de 15 ans représentent 19,9 % de la population néo-zélandaise pour 18,4 % de la population française et 13,2 % de la population allemande.

 

Aux arguments des deux gourous de la notation, nous aurions pu ajouter que le pays des All-Blacks et du kiwi présente un taux de chômage très faible (6,5 % vs 9,5 % en France et 7,1 % en Allemagne) et une balance commerciale largement excédentaire (3,7 % vs 2,9 % pour l’Allemagne et un DEFICIT de 2,1 % en France). 

Un autre indicateur nous semble important : c’est le poids des dépenses courantes des administrations publiques rapportées au PIB.  En effet, plus ces dépenses sont élevées, plus la réduction du déficit sans affectation de l’économie réelle sera difficile.  Nous n’avons trouvé que les chiffres de 2009 mais ils sont assez parlants : les dépenses courantes des administrations publiques néo-zélandaises représentent 20,4 % du PIB, soit à peine au dessus de celles de l’Allemagne (19,7 %) mais bien en dessous de celles de la France (24,7 %).

Nous ne préjugerons pas ici du niveau de risque que présente un investissement en dettes souveraine de Nouvelle-Zélande mais reconnaissons que les arguments avancés par les clowns de chez Standard and Poors sont du plus haut comique.

En début d’articles, nous vous disions que nous hésitions entre le coup de gueule et le grand éclat de rire.  Bon, le rire … c’est fait. Reste donc le coup de gueule.

En fait, ce qui nous agace au plus haut point, c’est l’influence de ces agences de notations qui ont pourtant démontré, au fil des années leur inutilité totale.

Un rapide rappel d’un palmares que vous connaissez aussi bien que nous comme l’incapacité de ces agences à prévoir la crise financière de 2008 ou, à contrario, la dégradation du rating de la dette de General Electric… juste avant que le cours de l’action ne reparte à la hausse. Il y a aussi cette manie aussi de frapper un « homme à terre » comme elles l’ont fait avec la Grèce ou leur habitude de constater plutôt que d’anticiper dégradant les dettes souveraines européennes au fur et à mesure de la hausse des CDS destinés à les couvrir et non AVANT la hausse des CDS comme c’est sensé être leur mission . 

Mais en réalité, notre coup de gueule ne porte pas sur les agences de notations à proprement parler : elles font leur boulot, mal c’est vrai, mais elles le font.  Non, ce qui nous exaspère, c’est « l’attitude du  mouton » adoptée par le marché qui suit, en « bêlant bêtement » les sentences de ces gourous alors qu’il ne devrait pas leur accorder plus que l’importance qu’elles méritent, c’est-à-dire celle de bouffons du roi.

Cela nous ramène à l’investissement tel que nous le concevons et l’avions abordé dans notre article précédent : nous tentons de nous faire notre propre opinion en restant sourds tant aux  bourdonnements de Mr Market qu’aux agitations des gourous de tout poil. Et si, par hasard, nous nous trouvons dans un secteur pour lequel nous n’avons pas suffisamment de compétences pour le faire, et bien… nous restons à l’écart.

 

8 réflexions au sujet de « Ecomérage : les bouffons du roi »

  1. Bien d’accord avec vous chers amis.

    Si on peut, autant donc acheter des obligations du pays de Black…avec la baisse de leur rating les taux vont augmenter, ce sera une bonne affaire.
    Je préférerais acheté un AA+ NZ qu’un AAA français à titre personnel.

    On peut aussi mettre en avant tous les triple A décernés à des produits dérivés quelconque et notamment au tristement célèbre fonds Abbacus de chez Goldamn (mis sur pied par un français d’ailleurs (Fabrice Tourre pour la petite histoire)) truffé de subprimes et autres actifs pourris. On connaît la suite…

    1. Salut Etienne,

      Perso, j’ai jeté un coup d’oeil sur les obligations souveraines néo zélandaises mais elles n’ont pas bougé beaucoup suite à la nouvelle (apparemment, comme souvent, les agences de notations ont modifié leur note … après coup). Ceci dit, d’un point de vue strictement personnel, si je devais acheter des obligations souveraines, je préférerais investir dans des néo zélandaises à 5 ans qui générent plus de 4 % par an que dans des AOT françaises qui procurent, sur la même période des rendements inférieurs à 2 % !

      Louis

        1. Bonjour Jeannot,

          Nous avions posté un petit article sur le sujet ici : https://blog.daubasses.com/2009/08/06/questions-des-lecteurs-4-comment-apprehender-les-eventuels-pertes-d%e2%80%99un-portefeuille-investi-en-devises-etrangeres/

          Nous pourrions compléter en disant que « oui, une érosion à long terme d’une devise dans laquelle nous serions investi par rapport à notre devise de référence est possible » mais que d’une part, le potentiel de ces sociétés « non euro » est tel que, nonobstant le risque de change, il serait dommage de s’en priver et, d’autre part, le coût d’une couverture de change sur le long terme serait tel que l’érosion de la monnaie « étrangère » devrait être particulièrement forte pour compenser ces coûts de couverture.

          Rappelons que c’est notre philosophie telle que nous l’appliquons pour notre portefeuille « modèle » et que d’autres approches en cette matière sont tout-à-fait respectables.

  2. C’est tristement vrai il faudrait selon moi déjà instaurer en ce qui concerne les notes des dettes publiques une période minimum de 6 mois où ces mêmes notes seraient figées, cela empêcherait des degradations continuelles semaine après semaine qui sème le chaos et renforce l instabilité des marchés fi…

  3. Les agences de notation sont comme les conseils boursier.
    Ceux qui sont gratuit et que tout le monde lit, ne valent rien.

    Toutes les institutions financières ont leur propre agence de notation interne.
    L’information est une donnée hyper méga cher.
    L’information gratuite n’est que l’information payante avec x mois de retard.

    1. En même temps c’est juste un conseil, rien n’oblige personne de suivre leurs avis (conseillers financiers/agence de notation – et même auditeurs).

      Ils ont simplement l’importance qu’on leur donne. Vous savez que le chine a son agence de notation? Elle n’a aucune influence par ce que personne ne lui fait confiance. Je vous laisse faire le raisonnement pour les autres agences de notations…

      Mais je reconnais que c’est facile de toujours rejeter la faute sur autrui et de ne pas prendre ses responsabilités. (Ouin j’ai perdu beaucoup d’argent sur la dette grec, pourtant ON m’avait dit qu’elle était bien en 2005)

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